Meliandulys
A peine son nom prononcé, et les chiens de garde avaient été brutalement tiré de leur torpeur, l'encerclant, montrant les crocs. Sans doute même si l'attente s'était éternisée, Mélian aurait-il pu voir des filets de bave poindre à la commissure de leurs lèvres. Pourtant, le genevois ne broncha pas, il n'était pas venu icelieu chercher querelles à des sous fifres. Et si jamais l'un d'eux venait à se laisser submerger par la rage au point de vouloir de sa lame avide lui ôter la vie, la situation que tous ,genevois comme béarnais, vivaient ces dernières heures n'en serait que plus sombre. Déos le savait. Mélian le savait aussi, ce qui le rendait serein.
L'un des gardes s'était finalement approché sans crainte du Reitre. Le regard ovin, le visage rougeaud dégoulinant de haine, il avait commencé à le palper. Fouille de circonstance. Mélian ne bronchait toujours pas, affichant son habituel visage sombre et en prime, pour l'occasion une lividité et une absence d'émotions visibles. Il gardait les bras ballant le long du corps, ne cherchant ni a faciliter, ni a rendre plus ardue la tache du béarnais téméraire. Se faisant, une pensée éphémère lui traversa l'esprit, manquant de lui arracher un sourire... « Eh bien mon cochon, les donzelles d'Aragon ont bien plus de doigté que toi »
Les doigts curieux du béarnais finirent par effleurer le vélin d'une lettre glissée sous la chemise de Mélian. Lentement le genevois posa sa main sur l'avant bras du béarnais consciencieux.
Allons le brave. Je doute qu'une simple lettre de marque puisse être d'une quelconque menace. Tout au moins pas en tant que tel
Les minutes s'égrainèrent ensuite, silencieuses en compagnie de ses nouveaux amis béarnais. Lorsqu'il prit finalement congé, un léger sourire se dessina sur son visage à l'attention des gardes. La prochaine fois qu'ils se croiseraient, il était certain que leurs regards ne seraient pas la seule chose à s'affronter.
On l'avait alors mené dans un petite pièce, un genre de petit salon où il fut bien vite rejoint par la comtesse, seule. A son entrée, une simple inclination de la tête en guise de salut
Salvé Comtessa.
Ne tournons pas autour de pot, la situation actuelle ne nous le permettant pas. Je ne me présente donc pas avec les formes, gageant que votre dévoué chargé de l'accueil aura palié par avance à ce manquement de ma part.
Les dernières heures ont été bien sombres Comtessa. Le sang a coulé plus qu'il ne le devrait. L'affaire aurait pu se résoudre avec simplicité et sérénité. Mais les choix, les gestes et les mots peu réfléchis en ont décidé autrement et nous ont placé dans une situation des plus inconfortable, chacun d'un coté d'un champ de bataille jonché de corps pourtant tous enfant du très Haut.
Ne nous voilons pas la face Comtessa la situation n'est pas sur le point de s'arranger si nous n'y mettons pas chacun de la bonne volonté. Car là où j'entends, de la bouche des béarnais, parler de brigands, d'enfants du sans nom, de viles crapules, je ne vois moi qu'un peuple genevois porté par sa fierté qui avec les seuls moyens qui lui restent, cherche à laver son honneur et à faire entendre sa voix.
Comme pour illustrer ses dires, Mélian posa sur le guéridon le séparant de la comtesse, un pli scellé du sceau de la République. Cette lettre de marque, illustrant ce dernier recourt funeste auquel les bourgeois de Genève avait été contraint.
Citation:
Lettre de marque concédé aux compagnons reitres suisses, par la république de Genève
Nicbur, avoyer et capitaine des armées de la république de Genève, sise en confédération helvétique, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut.
Ayant guerre déclarée avec les béarnais fauteurs, pour les raisons contenues dans les déclarations que l'avoyer de la république de Genève a fait publier dans toute l'étendue de son autorité, païs, montagnes et vallées de son obéissance,
notre gouvernement accorde pouvoir et permission au Sieur Melian Du Lys, demeurant à Genève, de faire armer et équiper en guerre sa compagnie nommée "des reitres suisses", avec tel nombre d'hommes, hallebardes, piques, couleuvrines et coutelas de guerre et vivres qui y sont nécessaire pour le mettre en état de courir sus aux méchants et gens sans aveu, en quelques lieux qu'il pourra les rencontrer, soit sur les chemins de leurs païs, dans leurs bourgs ou sur leurs rivières, dans tous les endroits du Béarn où ledit capitaine jugera à propos de faire des descentes pour nuire auxdits ennemis, et y exercer toutes les voyes et actes : les prendre et amener prisonniers avec leurs armes et autres choses dont ils seront saisis, à la charge dudit Melian Du Lys de les garder.
Le conseil accorde pouvoir et permission au Sieur Melian Du Lys de porter pendant son voyage l'oriflamme et enseigne des armes de la compagnie des reitres suisses et les siennes, Le Sieur Melian du Lys devra faire enregistrer les prises au greffe de Genève, y mettre un rolle signé et certifié de luy, contenant les noms et surnoms, la naissance et demeure des hommes pris par sa forte compagnie, faire son retour audit lieu ou autre lieu dépendant de notre juridiction, y faire son rapport, par-devant les officiers de notre gouvernement et non d'autres, de ce qui se sera passé durant son voyage, nous en donner avis et envoyer au secrétaire général Izaac de Genève sondit rapport avec les pièces justificatives d'iceluy.
Prions et requérons tous potentats, seigneuries, Estats, Républiques, amis et alliez de nous et tous autres qu'il appartiendra, de donner audit Melian Du Lys toute faveur, aide, assistance et retraite en leurs cités avec sadite compagnie et tout ce qu'il aura pu conquérir pendant son voyage, sans qu'il luy soit fait ou donné aucun trouble ny empêchement, offrant de faire le semblable lorsque nous en serons par eux requis.
Mandons et ordonnons à tous officiers des armées genevoises et autres sur lesquels notre pouvoir s'étend, de le laisser seurement et librement passer avec sadite compagnie, armes et prises qu'il aura pu faire, sans luy donner ny souffrir qu'il luy soit fait ou donné aucun trouble ny empêchement, mais au contraire luy donner tout le secours et assistance dont il aura besoin, ces présentes non valables après le jour de la fin de notre guerre, en témoins de quoy nous les avons signées et icelles fait contresigner et sceller du sceau de nos armes par le capitaine de Genève, le seizième jour du mois de septembre 1457. Signé par Nicbur pour l'avoyer et le conseil et scellé.
J'ose imaginer que vous saurez faire ce qui est le mieux pour votre peuple Comtessa. Voilà pourquoi je me présente aujourd'hui devant vous Comtessa, aussi humble et inoffensif qu'un nouveau né. Car je suis conscient de la situation, imaginant que vous l'êtes aussi. Car j'espère, car je crois...
Là où l'absence de dialogue et de choix judicieux de certains aura été préjudiciable pour votre peuple, j'espère que les mots que nous échangeront à présent permettront aux chocs des lames et aux cris des bougres agonisant sur vos terres de n'être plus qu'un vestige du passé béarnais._________________
« Florebo quocumque ferar » Genevois, Républicain, Réformé