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[RP] à la recherche de la rivière perdue

zephirin
Sortant de la cambuse après y avoir griffonné comme à ses habitudes quelques croquis, il traversa le pont sans prendre le temps de s’assurer que la barreuse de Dampierre était encore là. Levant à peine le nez à la proue, elle gardait dans l’axe presqu’au centre. A quoi bon s’inquiéter. Il connaissait la guigne fiable et prompte à réagir. Elle saurait bien faire si jamais. Sinon…elle serait tout aussi capable d’une raison valable excusant un acte...injustifiable. Bah…le ciel sans confession aux blondes, un court purgatoire aux rousses qu’elles sortent un peu les ongles et une question réponse aux brunes ; Étiez-vous aussi jolie sur terre ? Oui ? Passez…

Sortant une tige de fer au bout effilée, il posa le genou au sol. La pièce ferait office d’épissoir de fortune pour compléter quelques cordages nécessaires aux manœuvres d’accostage. S’affairant à croiser les torons d’une ligne d’amarrage. Le soleil de fin de journée donnait une lumière intéressante aux formes du navire l’ombre longue que projetait le mât à tribord donnait l’impression d’une ligne de fantassins s’engouffrant aux arbres. Complétant ses devoirs de bosco en tirant par coups sec sur son épissure, il déposa le bout au sol et se relevant, glissa sa tige de fer à ceinture en revenant lentement vers la dunette. Levant les yeux à ses paroles, il esquissa un sourire à l’allure. Lothilde la tueuse, le nez au vent et le dos droit et...qui était celui qui allait refuser relève à la barre à celle qui vous propose la soupe ? Pas lui…

Déposant sa courte tige à la cambuse en baissant la tête au portique, il referma la porte et s’étira en vitesse. Belle fin de journée. Posant le pied à la caisse reposant au pont et appuyé à la cambuse, il se hissa à la dunette en se relevant lentement, frottant ses mains, hochant la tête pour signifier à la blonde qu’elle pouvait désormais lâcher la barre scrutant à son tour la berge à la recherche du haleur à la mule. Rien.

Ouvrant la main pour se saisir de la barre, il y glissa les doigts avant d’y refermer les doigts. Saprisiti…cette sensation de sentir l’eau frapper au gouvernail. De la puissance de l’eau, même par faible courant. Certes, la prise à l’eau n’avait rien des gouvernails équipant les caraques, mais il s’était toujours su sensuel, et ce mouvement lent appelait à un certain bien-être. Se frottant le nez à l’épaule en détachant le lien à ses cheveux, il secoua la tête avant de se gratter les tempes.

Rhaa…par chance, ce n’est pas l’air salin car vous auriez aussi drôle de tête !!

Lui jetant un regard, il glissa les yeux de ses pieds à sa taille, de sa taille à ses épaules avant de froncer le nez à sa chevelure. Un mousse de St-Malo avec les braies pendante, les pans de chemise aux vents et euh…les cheveux en bataille semblant s’être entremêlés aux cordes d’un luth.

…euh…enfin..je..oui.bon..non…je voulais dire…enfin..que ce serait bien pire si…arff..

Tournant vite la tête en plissant les yeux, il scruta au devant en tirant un peu à la barre.

Oui…je..je vais nous trouver une anse à l’abri des courants, question de jeter l’ancre pour la nuit. De fait, le père Adso aura le temps de nous rejoindre…ou de nous distancer encore un peu plus.

Observant le rivage en se passant la main sous le nez, il la posa ensuite à sa droite au manche de son poignard, en parlant à voix plus basse pendant que Lothilde amorçait sa descente au pont.

Dites gouverneure, les Germains, ils vont nous laisser dormir tranquille vous croyez ? Vous avez...des amis ici ou bien...que des ennemis ?
lothilde
Coulissant un oeil à l'escalade de l'artilleur sur la dunette, Lothilde garda prudemment la main gauche sur la barre jusqu'à ce que la relève soit assurée, et s'écarta pour céder sa place au nouveau barreur. Pas vraiment surprise de le voir livrer sa tignasse au vent en détachant le lien qui la retenait prisonnière, elle sourit du plaisir qu'il semblait prendre à guider ce petit rafiot et libérée, s'étira de toutes ses forces en baillant sans retenue, les deux mains croisées derrière la nuque. Pivotant d'un quart de tour à droite en lui tournant le dos sans quitter le perchoir, elle longea la berge du regard, les sourcils froncés, en ramassant ses cheveux en friches sur son front entre ses doigts pour les rejeter en arrière et sursauta imperceptiblement en laissant échapper un petit rire pointu aux remarques du capitaine.
Glissant un oeil par-dessus son épaule, elle surprit son regard rapide qui la détaillait à toute vitesse de la tête aux pieds et rit à nouveau à ses balbutiements...le salopard...


ce serait bien pire...qu'en temps normal, c'est ça que vous vouliez dire ?..hum hum ! Il n'y a pas à dire, capitaine, vous avez l'art du compliment ! vous savez parler aux femmes, vous !


Se taisant le temps de dérouler les manches de sa chemise sur ses poignets, elle baissa les yeux sur ses pieds nus, et les détourna, rieurs, sur le profil de l'artilleur


Au moins, vous avez le mérite d'être franc...Notez qu'avec vos chaussettes rouges et jaunes à petit pois que vous avez bêtement données aux moinillons de Luxeuil, j'aurais pu être encore pire que pire sans avoir froid aux pieds !..et puis il n'y a pas d'homme à séduire, hein ! trouvez-nous une anse désertique, capitaine, j'aurai moins de regret...

Sans cesser de sourire, elle s'accroupit et s'assit au bord de la dunette, les jambes dans le vide et le cou tendu en avant pour repérer la caisse servant d'escalier...manquerait plus qu'elle s'étale. Cramponnée des deux mains au rebord, elle tâtonna pour poser les pieds au bon endroit et se retourna d'un bloc à la question du capitaine...Alors là, il exagérait...Dressée sur la pointe des pieds, elle le regarda par en dessous en haussant les épaules, l'oeil mauvais

Que des ennemis ?? Ni ami, ni ennemi germain ! c'est la première fois de ma vie que je m'aventure jusqu'ici...pas eu l'occasion d'en tuer, encore... Et tant que vous ne leur aurez pas piqué leurs femmes, il n'ont aucune raison de nous empêcher de dormir tranquille...à bon entendeur...Appelez-moi si je dois vous aider pour l'accostage, capitaine...je vais fouiller dans les paniers, là-dessous..


Ponctuant ses derniers mots d'un sourire en coin, elle sauta du coffre sur le pont et s'engouffra dans la cambuse en frissonnant. Éparpillant le contenu de ses fontes sur le plancher, elle piocha dans le tas une affreuse veste de laine bleue trop grande qu'elle enfila sur sa chemise après l'avoir remise dans ses braies et roula le bout des manches à ses poignets. Et se résigna à enfiler ses bottes en soupirant avant de s'attaquer au contenu des paniers, la mine gourmande. Elle était peut être pire que pire, mais pas du tout décidée à se laisser dépérir pour autant..Il n'avait pas tout embarqué en douce, l'égoïste petit monseigneur...Restait du lard, des ognons, de l'épeautre, des épices..des racines, des légumes..et restait à accoster pour faire un feu. Ramassant au sol la petite tige de fer que l'artilleur y avait déposée, elle la fit tourner dans sa main d'un air dubitatif avant de sourire lentement et de récupérer ses cheveux dans son dos pour essayer de reproduire ce qu'elle avait observé depuis son pigeonnier et satisfaite, tira sur la boucle de cheveux formée en souriant. Elle réfléchirait plus tard à la façon dont elle allait pouvoir la défaire sans être obligée d'utiliser les grands moyens, son scramasaxe et enfourna la natte sous sa veste.
Reposant l'outil à emmêler les cheveux au sol en sentant sous ses pieds le changement de direction de l'embarcation, elle quitta la cambuse et les poings dans les poches, s'avança jusqu'à la proue pour regarder avant de se retourner en mettant ses mains en porte-voix devant sa bouche


Anse à bâb... à trib....Anse en face, capitaine !!

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zephirin
Souriant à peine, le barreur leva la tête à la cime du mât. Le vent était complètement tombé. Il prit plaisir à la regarder s’étirer découpé des derniers rayons du jour. Pas d’homme à séduire…psfff…comme si l’art de la séduction passait par les vêtements ! Du temps où il faisait de ports en ports allez croire que les femmes avaient à faire à s’encombrer de vêtements…et puis qu’il lui plaise de croire qu’il aurait juste pu passer le dessus du pied à ces chaussettes jaune et rouge à petits pois la guigne. Pensif, il se remémora les visages de ces robes de bure alignées au comptoir en fronçant le nez. Lequel devait se mordre les lèvres d’avoir laissé traîner ça en haut d’un escalier ? Bah…

Secouant la tête, l’artilleur baissa les yeux à sa remarque en lui voyant à peine le bout de la tête.

Piquez leurs femmes ? Allons…je ne vole jamais Lothilde. Je ne prends que ce qui est oublié.
Mais oui..faites…j’ai bonne voix pour demander de l’aide. Et…euh..pas de vieil amant fortuné de ce coté ? Rien du tout ?

Relevant la tête en jetant un œil au devant, il ramena les yeux sur elle en laissant entrevoir un large sourire.

Quoi ?? C'était juste..une question...

Se relevant les cheveux du revers de la main pour masser lentement sa nuque, il saliva déjà d’un repas chaud. Pivotant la tête à l’arrière, il plissa les yeux à des silhouettes de chevaux. La pénombre n’aidant en rien et à cette distance, il pouvait s’agir du père Adso, de sa mule et des chevaux, mais rien n’était sur. Déjà le décor plat faisait place à des reliefs beaucoup plus montagneux, pas de doute, ils avançaient chez les Germains. Ramenant la tête vers l’avant, l’artilleur regarda la silhouette de la guigne se rendre au devant et l’informer d’une anse.
Il leva simplement le bras et poussa la barre bâbord en collant les doigts de sa main à sa joue.

C’est bon devant Lothilde ?? Y’a suffisamment d’eau ? Vous arrivez à voir ?
La gaffe à tribord…si…jaugez le fond ! Prenez garde de vous foutre à l’eau !


Se laissant guider par les indications fortes...mais...peu précise, l’artilleur fit au mieux en rigolant seul à sa dunette et remercia de la main sa vigie de fortune en lançant des cordages sur la rive. Descendant de son perchoir en sautant à la caisse de bois, il attrapa sa veste au temps plus frais et se dirigea à la proue pour descendre l’ancre par le petit cabestan à bâbord avant.

Voyant les bottes de Lothilde en bordure de la rambarde à la hauteur du mât, il fronça les sourcils avant de rouler les yeux. Elle était déjà à marcher dans l’eau jusqu’à la taille avec un baluchon sur la tête cherchant à gagner la berge. Arggg…il faudrait bien se mouiller. Mais.. si elle…euh…bon..qui ne demande rien n’a rien.

Euh…vous…vous allez faire à la rive et revenir manger sur...sur le pont hein ??

Se passant la main au bas du dos en espérant une réponse positive, il dissimula au mieux son agacement.

Hein ? Je…je prépare la table…ici ?
Adso
Pendant ce temps...

Adso continuait nonchalamment sa balade à dos de mule, tout en descendant la rivière. Son estomac finit par faire entendre des gargouillis, et il se trouva bien satisfait d'avoir pensé à renouveler ses provisions de bouche. Heureusement, n'est-ce-pas ? Avec ces imbéciles qui ne trouvaient pas mieux que de galoper sur leur engin de mort... Adso partait toujours du principe qu'il fallait toujours prendre en compte le fait que tout le monde n'était pas aussi consciencieux que vous, et que donc il faudrait gérer une situation dans laquelle un esprit raisonnable ne se serait pas laissé empêtrer.

Plutôt que de toucher aux provisions de secours qui se trouvaient dans les poches de sa bure, il se décida à faire stopper le petit convoi dont sa mule tenait la tête. D'ailleurs, il nota que la plupart des montures semblaient donner des signes de faiblesses, et elles ne manquèrent pas de se précipiter pour aller brouter l'herbe fraîche des bords de la rivière. Décidément, ces chevaux, çà ne tenait pas la distance... Rien ne valait les bonnes vieilles mules... Il sortit donc des poches qui pendaient de sa mule un gros pain, un jambon, et un couteau. Il se coupa une bonne tranche de jambon, et rompit un bon morceau de la miche de pain.

Tandis qu'il mâchait consciencieusement son casse-croûte, il se rendit compte que la nuit tombait... Que devait-il faire ? continuer malgré l'obscurité, ou faire halte ici en attendant que les autres se décident à réparer leur bévue ? L'ennui, c'est qu'Adso n'était pas un expert dans l'art d'allumer un feu. Jusqu'à présent, il s'était toujours trouvé quelqu'un pour s'en occuper pour lui... Et puis, çà ne le rassurait pas trop, de passer la nuit tout seul... la dernière fois, çà ne s'était pas super bien passé... D'un autre côté, avancer dans la nuit, c'était la meilleure façon de finir par tomber dans un fossé, ou pire, la rivière ! En fait non, c'est vrai, la mule ne serait pas assez bête pour tomber dans un fossé. Mais bon, c'était quand même une bonne façon de se perdre...

Bref, Adso en était là de ses réflexions, quand tout à coup un bruit se fit entendre dans les fourrés.


Qui est là ? dit-il d'un air qui se voulait assuré.

Pas de réponse.

Exactement ce à quoi on s'attendrait de la part de quelqu'un, ou quelque chose, dont les intentions ne sont pas très aristotéliciennes...
Par "pure précaution", il tendit la main vers son "bâton de pèlerin".


Lothilde ? c'est toi ? Ce n'est pas drôle, hein ! Si c'est toi, montre-toi !

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lothilde
Sapristi de sapristi…ça glisse, par là…mais qu’est ce qu’il lui parlait de mettre la table alors qu’elle luttait contre les éléments déchaînés pour défendre bravement la pitance…mais oui, bien sûr, qu’elle allait s’empresser de s’ébouillanter après s’être enlisée dans ce marigot, voyons, quelle question ! Evitant de se retourner mais encore hilare de son arrivée en catastrophe en bas de la passerelle, Lothilde lâcha prudemment une des anses de la grosse marmite de cuivre perchée en équilibre instable sur sa tête et le bras levé haut, l’index pointé vers le ciel, fit un grand mouvement de négation de la main accompagné d’un mouvement de la tête

Des clous !...

Ramenant à toute vitesse la main devant pour agripper une poignée d’ajoncs, elle hésita un instant sur la trajectoire la moins scabreuse. Autant sauver la gamelle à défaut de sa dignité. Flairant le piège, elle contourna une belle pierre plate qui lui garantirait à tous les coups un dérapage incontrôlable et enfonça en grimaçant les pieds dans la vase, ignorant courageusement les trucs gluants qui se faufilaient entre ses orteils. Posant enfin un pied sur la terre ferme, elle récupéra précautionneusement la marmite sur sa tête et la posa devant elle, avant de se retourner, sourire triomphant sur les lèvres


La table, hein ! Dites-donc… des habitude de vieil amant fortuné, ça !!!

Réfléchissant un instant en se frottant le lobe de l’oreille, elle releva le nez sur le bateau


Quelque part dans la cambuse il y a la couverture que j’y ai balancé…Ah ! Et une gourde d’hypocras, aussi …Ah ! Et des écuelles en buis ! Faites juste attention, prenez à gauche en bas de la passerelle, pas en face…sauf si vous insistez pour vous flanquer absolument à la flotte, mais je ne vous le conseille pas, elle est froide


Ponctuant ses ordres d’un sourire sans appel, elle tourna les talons et inspecta la petite crique de fortune avec satisfaction. Les crues y avaient charrié des arbres morts vers lesquels elle se dirigea immédiatement en tirant à deux mains sur l’étoffe de ses braies détrempées qui collaient désagréablement à la peau. Elle en rapporta une brassée de branches qu’elle cassa sur ses genoux avant de les disposer entre deux pierres plates et s’empressa d’y tendre l’amadou incandescent…Nom d’Aristote…et dire qu’elle avait abandonné la vie militaire pour se retrouver à quatre pattes à jouer les vestales soufflant sur deux brindilles… Bah après tout, la petite mort lente des sentiments avec un vieux barbon aristocratique à tête de navet…c’est ce qu’elle avait passé son temps à fuir…
Vidant le contenu de la marmite pour la remplir d’eau de rivière, elle s’assura qu’aucun têtard n’y gigote avant d’y plonger le morceau de lard, l’épeautre et les épices, et assise en tailleur devant le foyer, perdue dans ses vieux souvenirs d’enfance, découpa les légumes, minutieusement, en passant régulièrement sa manche sur ses yeux que la fumée faisait larmoyer…Inconsciemment, elle reproduisait les geste ancestraux de la vieille cuisinière de Dampierre qui avait livré sans le vouloir ses petits secrets à la gourmande qu’elle était, perchée sur un tabouret et le doigt toujours prêt à lécher le fond des grandes jattes…

Elle releva le nez au cri d’un engoulevent, surprise de ne pas avoir vu la nuit tomber et tournant la tête vers le bateau où un petit lumignon éclairait faiblement le ventail de la cambuse sous la dunette, sourit, prise soudain d’un élan d’affection pour ce grand diable qui savait si bien la faire rire de ses bêtises. Mais oui, bien sûr, qu’elle allait remonter la marmite. Et affronter ses sarcasmes, aussi, avec cette espèce de petit plaisir qu’elle éprouvait quand elle trouvait la répartie. Rarement, elle devait bien l’avouer…mais afficher la plus parfaite mauvaise foi en le regardant droit dans les yeux faisait partie de ses délices. Elle aimait cette connivence là, surtout quand des spectateurs non avertis de leur petit jeu plongeaient des regards gênés sur le bout de leurs chausses sans oser intervenir

Un juron pas aristotélicien du tout précéda de très peu le plouf caractéristique de celui qui n’avait pas sauté de la passerelle à bâbord en dépit de ses chaudes recommandations et lâchant dans son sursaut la tige en bois avec laquelle elle remuait la soupe dans la marmite, elle se redressa, pleurant de rire, pour regarder l’artilleur barboter à son tour dans la vase en grommelant et remit une grosse bûche sous la marmite


J’espère au moins que vous avez sauvé la gourde de la noyade !! Si son altesse veut bien prendre place sur cette souche d’un inconfort absolu…le brouet de son altesse est servi !

Riant ouvertement en plongeant l’écuelle dans la marmite, elle attendit que l’artilleur plie sa grande carcasse avant de lui tendre, et reprit sa place. Silencieuse un long moment, elle releva les yeux des flammes


Pourquoi êtes-vous venu vivre aussi loin de la mer, sénéchal…Je veux dire…il s’est…passé quoi, pour que vous l'abandonniez ? Ne répondez pas si je suis indiscrète…Oh !! Vous...vous avez entendu ? Chuuut ! écoutez...vous...vous n'avez pas entendu ?

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Adso
Devant le silence inquiétant qui faisait suite à son "Qui va là ?", Adso se décida à prendre son courage à deux mains, et son bâton de même... Il s'approcha sans bruit des fourrés d'où étaient venus les bruits un peu auparavant, et donna de violents coups de bâton en couvrant toute la zone.

Gna ! Gna ! Gnaaaaa ! Et Gnaa !

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zephirin
Des clous qu’elle avait criée la nattée.

Grommelant à l’idée de devoir s’y mouiller à cette eau froide, il attrapa un cordage qu’il balança vers la rive. Revenant vers la cambuse, il baissa la tête et y alluma une petite chandelle de suif qui laissa échappée une fumée noir. Une gourde d’hypocras, et des écuelles en buis. Plissant les yeux, il marmonnait pour lui-même poussant de la main les articles suspendus qui lui tapaient à la tête dans un doux vacarme rappelant celui du passage des caravanes gitanes.

Une gourde d’hypocras, et des écuelles en buis. Ah ! Voilà…

Affamé, le lourd marin pivota rapidement et heurta le haut du cadre de porte. Grommelant en se passant la main au front, il revint à demi penché pour souffler la bougie et s’extirpa de l’endroit en maugréant cette fois, pris au filet qui le retenait accroché par son ceinturon alors qu’il venait d’y prendre la couverture.

Arggg…saloperie… J’ARRIVE DAMOISELLE !!! J’ai…j’ai ce qu’il vous… grrr….

Une fois dehors, il agrippa une gaffe d’une toise et se passa le matériel sous le bras en cherchant à voir un peu en bout de pass….

Aaaaaaaaaaaaaaaaa……sapriiiiiiisssssssiittt….maiiiissss….aaaaaaaahhh….

Se relevant en vitesse après s’être vu plonger à l’eau jusqu’au nombril, il crispa la main au bâton et chercha à sortir au plus vite et par grandes enjambées de cette eau glacée qui venait de lui pendre le souffle. Zéphirin la regarda se tordre de rire en cherchant un peu à reprendre son air, qu’il semblait avoir perdu d’un coup. Appuyé sur sa gaffe il tituba des derniers pas et lui remettant les marchandises réclamés s’approchant immédiatement du feu en frissonnant, secouant du bout des doigts ses brais et les pans de sa veste. Au diable la souche, il fallait un peu plus de chaleur. Jetant la couverture en bordure du feu, il s’y laissa choir en tendant la main avec son plat pour recevoir sa ration et croisa un peu les bras pour se réchauffer avant de se mettre à manger sans parler. Après un moment, la nattée fit entendre sa voix de fin de jour. Une voix calme, sans pointe, qui n’avait rien de celle de jour. L’artilleur l’avait entendu cette voix à quelques rares occasions et comme à chaque fois, elle lui faisait tourner la tête. Comme pour être certain que cette voix, venait bien de cette femme. Certes, elle savait toujours répondre, à n’importe quoi, mais...quand elle posait des questions, c’était souvent sur un ton plus sincère, plus ouvert, si bien qu’il se surprenait toujours de la voir s’excuser au sortir. Souriant en coin en ramenant les yeux au feu, il se passa la main à la nuque en un long soupir et attrapa un bout de bois pour faire des cercles au sable tout en lui racontant.

Bah…vous en faite. Vous n’êtes pas indiscrète gouverneure, aussi bien poser directement les questions que d’obtenir des réponses douteuses en provenance de je ne sais où. Et euh..c'était bon...vôtre.. merci.

Ouvrant le corps en étirant les jambes à la couverture pour permettre aux flammes de le sécher un peu plus, il tourna un peu la joue à la lumière laissant la chaleur lui chauffer le visage.

Un soir, sur une mer agitée, j’étais de quart avec un gabier, McBean qu’il s’appelait. Un gallois des terres hautes. Le type était d'un village du nom de Nairn. Un compagnon avec qui j'avais fais mes classes. Trapu, 5 pieds au plus, avec des mains larges comme des gouvernails. Il était toujours heureux le bougre et il chantait des chansons en gallois…

ouais…

S’arrêtant un moment en se passant la main sous le nez, il se laissant tomber un peu sur le coté prenant appuie sur son coude avant de tirer sur le lien à ses cheveux en y agitant un peu l’autre main.

M’enfin… le capitaine décide de mettre les voiles disant que dès que le jour sera levé, ben, nous serons au large, car selon lui, le vent du jour sera pas pour permettre de sortir du port. Alors, je sonne et voilà que les gars s’activent à descendre une partie de la toile.

À trois quart de lieues du port de Cadix chez les Castilles, Pan ! La bougresse s’éventre sur un haut fond, et la voilà qui tourne. Elle se déchire. Le roulis balance et secoue la mâture, les compagnons tombent, certains s’y tuent au pont, d’autre à l’eau. McBean prend l’eau alors que moi je reste prisonnier des cordages. Les cales sont pleines, le bateau gîte au rocher à peine visible, les vagues le pousse à chaque attaque. Les hommes sautent. La plupart s’y noient. Une fois le mât penché à 9 ou 10 pieds de l’eau, je coupe les cordages dans lesquels je suis empêtré et je grimpe jusqu’en bout de mât pour sauter au-delà des voiles et éviter d’y crever ensaché. Dans la noirceur, je retrouve certains, dont Mcbean et voilà que nous pataugeons vers Cadix dont nous voyons les lueurs. À mi-chemin, McBean, il coule et remonte. Tha mi bochd, tha mi sgìth qu'il dit. Je vais pas bien, je suis fatigué…qu’il me dit. Encore, il coule, je l’attrape par la chemise, le tire un peu, mais…mais j’ai plus la force, je le tiens au mieux, mais je coule à mon tour. J’lui dis de bouger les bras. Encore un peu allez !!!

Je lui cri aux oreilles et le tire encore. Soudain, il attrape mon poignet et le serre.
Il m’a regardé et il a lâché. Je ne l’ai pas revu.

Nous étions 65 au livre du bateau, nous sommes 5 à voir touché terre si je crois ce que j’en ai entendu d’un gars qui était avec nous et que j’ai revu il y a 2 ans. De Mayenne qu’il s’appelait. Il serait tombé en mer du Nord, l’automne dernier, car lui était encore sur les…ponts…des…

Remontant un mèche à son oreille en lançant son bout de bois au feu, il pivota un peu la tête en direction de la blonde avant de reprendre.

Mais bon..après..j’ai..j’ai ..j’ai plus…et…j’ai échoué dans les écuries de Ferdinand de Castille qui avait entendu et bla bla bla et .. puis à Vesoul…et j’ai..

La voyant tournée l’oreille en direction des bois et lui demander s’il avait entendu, Zéphirin se redressa à la couverture et posa la main à son poignard en se roulant en vitesse pour prendre place sur ses genoux observant les alentours, scrutant en vitesse la passerelle et le bateau. Devenu silencieux, le charpentier marin plissa les yeux et tendit à son tour l’oreille.
Adso
Satisfait de sa manoeuvre, qui laissait peu de chance à toute terrible bête sauvage hôte de ces bois d'y avoir survécu, Adso se retourna vers les montures. Bon. La meilleure solution semblait être de rester ici pour la nuit.

Il fallait donc faire du feu.

Adso se souvint que, parmi tous les ouvrages qu'il avait emmené en expédition, il y en avait un intitulé "Ars Ignis". Justement ce qu'il lui fallait. Est-ce que par hasard il faisait partie de ceux qu'il avait pu glisser ce matin dans les bagages portés par les bêtes, à l'insu de Lothilde ? Il alla vérifier.

Oui !

Fort heureusement, un clair de lune lui permit de déchiffrer tant bien que mal l'écriture minuscule du parchemin qui tenait en un seul feuillet. Adso se trouva bien aise d'avoir pensé à l'emmener : il tenait peu de place, et se révélait précieux en ces circonstances... Voyons voir...

Citation:
Cel qui voudroit fare una buon flambey, il useroi de choy de la mirare i del sol.
Oui...
Forcément, il s'était laissé induire en erreur par le titre. Encore un analphabète qui avait réussi à aligner deux mots de latin pour faire croire qu'il avait produit un ouvrage de qualité. Et forcément, Adso n'avait pas vérifié le corps du texte : il ne pensait pas réellement avoir besoin de ces conseils, c'était uniquement par pure précaution qu'il avait ajouté ce parchemin dans la pile à emporter. Tant pis, il arriverait bien à déchiffrer le sabir qu'il avait sous les yeux.

Toujours est-il que le coup du miroir et du soleil, çà n'était pas très pratique passé une certaine heure. Du genre, après le coucher du soleil... Soit, voyons voir ce qui était proposé d'autre :
Citation:
Expertus silex cum mepris le tendroit.
De toute façon, il n'en avait pas... Il se promis d'y penser la prochaine fois, quoi qu'en dise l'autre imbécile...
Citation:
Per frictio delle bastos se usar preferabile.
Ah ! voyons voir.
Citation:
Primo, nel hedera, laurus, tilia out corylus se mas efficiens.
Adso commençait à éprouver de l'estime pour ceux qui allumaient des feux. Il avait toujours considéré que c'était à la portée du premier imbécile venu, et il était bien aise de leur laisser cette corvée, mais il s'avérait qu'il fallait être un expert botaniste, en définitive... Il se gratta la tête : voyons, à quoi pouvait bien ressembler le lierre, le laurier, le tilleul ou le noisetier... ? Adso passa plusieurs minutes à étudier les arbres et arbrisseaux qui se trouvaient près des berges, tout en se gardant bien de s'aventurer dans la forêt profonde... Oh, et puis zut ! il ferait avec ce qu'il avait sous la main. Il ramassa un morceau de bois, et s'en retourna près de son parchemin.
Citation:
Secundo, un bastum frotar contra l'alter, usque brasa se apparesse.
Adso leva les yeux au ciel : où est-ce que l'auteur avait dit qu'il fallait deux bâtons ? Non, mais vraiment, le monde était rempli d'incapables ! Une chose était certaine : si c'était lui qui avait écrit ce traité, il s'y serait un peu mieux pris ! Il retourna vers les sous-bois pour trouver un deuxième bâton. Il les frotta ensuite l'un contre l'autre, encore et encore, pendant un temps qui lui parut interminable... En tout cas, une chose était certaine, c'est qu'il eut tôt fait d'avoir bien chaud, à force de s'escrimer sur ses bouts de bois...

Enfin, miracle ! il lui sembla que de la braise se formait avec la sciure de bois qui s'était formée ! Qu'est-ce que l'autre disait de faire, maintenant ?


Citation:
Tercio, quando tene la brasa, additar la palea. Attentio que la brasa non se extingue.
Rhaaaaaaa ! il pouvait pas le dire plus tôt, non ! la paille, elle était avec les chevaux ! la braise s'était déjà éteinte rien que le temps de lire ce dernier passage ! Ah mais on n'était vraiment pas aidé, je vous jure !

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lothilde
Les bras serrés autour de ses jambes repliées sous la veste de laine tirée jusqu’à ses chevilles, le menton posé sur ses genoux, Lothilde écoutait en évitant soigneusement de croiser le regard du sénéchal et sans oser bouger un orteil. Elle s’en voulait d’avoir arraché des confessions, comme ça. Mal à l'aise, même si sa réponse l’avait rassurée, elle se mordillait les lèvres sans quitter le feu des yeux. Elle aurait tellement détesté qu’on lui fasse ce coup là… faire remonter ses démons…avec le mal qu’on se donne à les faire taire quand ils se mettent à hurler…elle n’avait pas voulu..

Mais elle n’avait pas pu s’en empêcher. Elle voulait entendre l’autre Zephirin, le sensible, l’émouvant, l’attachant qui se planquait sous la carcasse d’un lourd paysan bien trop subtil pour qu’elle tombe dans le panneau...
Elle écoutait, captivée, le souffle un peu court et un soupçon d’angoisse au creux de l’estomac. Elle le voyait ce naufrage, il ressemblait à d’autres…elle entendait la terreur dans les cris de ceux qui allaient mourir, l’acharnement pour survivre quand même… et l’horrible silence de la solitude, après. Serrant les dents, elle avait instinctivement remonté ses coudes sur ses genoux pour se boucher les oreilles de ses deux mains et entortillait nerveusement une mèche autour de son index…. Il avait sauvé sa peau, pas celle de son ami. Elle était là, sa faille à lui…toujours des histoires d’abandon, finalement…
A la fêlure dans sa voix elle avait tressailli en soulevant furtivement les paupières sur le profil du sénéchal, et les avait vite baissées, pour ne pas revoir l’image de ce colosse tellement vulnérable, à genoux à côté de son cheval à l’agonie qu’elle s’était détournée, complètement chavirée…elle savait trop ce que c'était qu'être éduqué à n'avoir jamais le droit de montrer ses plaies pour pouvoir en connaître le prix.

Le nœud dans sa gorge l’empêcha de répondre. Pour dire quoi d’inutile de toutes façons…qu’il avait fait quelque chose de pas trop mal de sa culpabilité et qu’après tout, le résultat était plutôt…attirant ? Au nom de quelle pudeur imbécile …Elle aurait surtout voulu être capable de le serrer dans ses bras…Le geste de tendresse d’une éclopée pour la blessure qu’elle avait inutilement rouverte. Soupirant profondément, elle regarda le bout de ses pieds nus et sourit timidement en avalant péniblement sa salive, haussant les épaules d’un geste de regret.. Et elle n’avait même pas une chausse à lui balancer à la figure…


Redressant le dos subitement en fronçant les sourcils, elle fixa un trou dans la haie de broussailles en bordure de forêt en pointant le bras dans cette direction et chuchota, profondément soulagée de cette imprévisible diversion

Monseigneur à la houppette va faire son entrée par là, sénéchal…ma main à couper que c’est lui, pour être aussi discret…non, la sienne, plutôt ! le voilà…nos chevaux n’ont même pas réussi à le semer…On ne peut décidément faire confiance à personne…j’y vais…

Elle partit lentement à la rencontre du prélat, le nez au sol pour éviter les chardons en bordure de la grève et s’esclaffa ...Elle était pourtant persuadée de lui avoir confisqué tous ses manuscrits. Lui prenant des mains celui qu’il essayait de cacher derrière sa soutane, elle remarqua au passage et à l’odeur que ladite soutane avait du connaître des jours meilleurs…Monseigneur était crapoteux. Et plissant les yeux pour tenter de déchiffrer le titre en le poussant vers le foyer, elle les écarquilla aussitôt de stupéfaction

Monseigneur…est ce qu’il vous arrive parfois d’utiliser votre jugeote, pour les choses courantes de la vie ? Il y a de la soupe encore chaude et pas empoisonnée…Tenez ! . Toutefois, je n’ai pas les 10 volumes illustrés sur la façon de la manger sans cuillère…Alors débrouillez-vous avec ça…

Elle laissa le méfiant représentant d’Aristote tenter seul l’expérience de l’écuelle, retira la marmite pour remettre la dernière brassée de bois sur les braises et contourna le feu pour venir s’asseoir à côté de l’artilleur. Jouant un instant à dessiner des arabesques avec le bout incandescent d’une brindille, elle tourna à peine la tête de son côté pour murmurer, rien que pour lui

Un jour, vous retournerez à la mer…vous grimperez à nouveau sur une caraque et vous tiendrez la roue du gouvernail entre vos mains, avec plus de plaisir que vous en avez pris sur ce petit rafiot..et vous sentirez à nouveau vibrer le pont sous vos pieds, et vous entendrez les craquements de la coque, comme avant, le grondement des vagues, le cri des mouettes…vous sentirez à nouveau le goût du sel sur vos lèvres et le vent dans vos cheveux…et...et...vous arrêterez de fuir


Elle se tut et leva les yeux au ciel où naissait la pâleur incertaine de l’aube. Frissonnant au petit vent qui venait de se lever, elle le regarda en souriant


Avec un peu de chance, capitaine, on va pouvoir remonter le courant avec cette voile carrée…la …misaine, c’est ça ? Je vous laisse Adso, je suis certaine qu’il ronfle…et vous aussi !

Ébouriffant les cheveux du sénéchal après s’être levée, elle pivota vers la gabare…quelques heures pour dormir avant de revenir vers la Franche-Comté. Elle préférait ne pas penser à après…demain, elle verrait…

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zephirin
Il avait posé la main à son poignard en suivant Lothilde des yeux. Pivotant la tête rapidement il s’appuya sur l’autre main pour se lever rapidement si il s’agissait de quelqu’un d’autre. Allez savoir, une foutu bestiole ou encore un canidé. Il regarda au bout de sa main en perdant un peu de la suite. Couper la main. Mal en prenne à celui qui oserait pareil manœuvre. Cette fine main valait bien qu’on livre combat. La voyant disparaître aux fourrés, il leva les yeux au ciel en se préparant à la suivre. Sapristi…cette femme semblait n’avoir peur de rien, sinon, elle était complètement inconsciente. Posant la main au sol pour s’y redresser et s’engouffrer à sa suite, il stoppa la manœuvre en soulevant un sourcil. La voilà qui discutait avec…la bête. Rhaaa…

Se laissant pivoter en rangeant son poignard, il fixa à nouveau le feu et se délia les jambes. Cadix. McBean. Il croyait bien pouvoir raconter sans éprouver encore de cette colère qui le paralysait chaque fois. Souriant en coin au…débrouillez-vous… de la guigne envers le curé, il croisa les jambes et les bras. Voyant la guigne revenir à ses cotés, il jeta à peine un regard et fixa à nouveau la rousse flamme dansante avant de lever les yeux sur la brindille rougeâtre qui volait, tendant l’oreille aux murmures de la blonde. Il s’y laissa prendre à voir et à entendre les mouettes et les craquements, comme si elle avait déjà fait. Questionnement soudain : Elle sait tout ça ou bien si…je lui ai raconté tout ça ? Frissonnant légèrement, il respira profondément pouvant presque sentir le sel. Et le vent…et..la fuite…la fuite ?

Fronçant les sourcils, il la regarda rapidement en redressant le cou. Quoi ?? Arrêterez de fuir ??? Lui posant rapidement la main au bras alors qu’elle levait la tête au ciel, il serra un peu les doigts.

Vous …vous me dites quoi là ?? Fuir quoi ? Je ne fuis pas !! …mais..que…dites..

Déjà elle était à parler du lendemain.

Euh..la misaine ? Oh..si..enfin..oui..la ..la grande...voile. Mais…que…pourquoi je..vous arrêterez de fuir ?..Hein ?

Lui laissant doucement le bras en regardant Adso, alors qu’elle se levait et lui ébouriffait les cheveux, il ramena le regard sur elle en la regardant gagner le navire. Mais...ronfler ?
Qu’est-ce qu’elle venait de lui…raconter avec…


Restant immobile pendant de longues minutes cherchant à comprendre ce qu’elle venait de lui balancer, il frotta nerveusement plusieurs fois le nez à son épaule et se gratta la tempe rapidement. Elle racontait probablement n’importe quoi cette...vicomtesse au fief en ruine. Fuir. Serrant les dents, il jeta un œil au curé qui lapait sa soupe.

Quoi ? Je…je..elle raconte n’importe quoi. Je suis...un homme de parole ! Et ..et qui voyage ! Oui ! Voilà…je..je ne fuis rien !! Je voyage !

Se redressant en vitesse en frottant ses mains pour les débarrasser du sable collé, il plaça les quelques effets de cuisine descendu du bateau dans la marmite et lança sa couverture à Adso .

Tenez. Je..je..crois que je vais dormir sur..enfin..je…bonne nuit ! Et gaffe aux marcassins.

Attrapant la marmite par l’anse, il s’élança à l’eau dans un vacarme rappelant celui d’un ours chassant la truite de ses larges pattes à une rivière, se mouillant à nouveau jusqu’aux haut des cuisses, éclaboussant sa veste et sa chemise pour rejoindre la passerelle en grommelant …

Non mais…fuir quoi hein ?? Je fuis pas moi…je ..je suis toujours là à me …me..démener pour que…arff..ooouuu…sapristi..c’est…froid…cette…

Agrippant la passerelle, il monta en dégoulinant et déposa la marmite à la caisse en bordure de la cambuse et étirant le bras pour pousser la porte, s’y ravisa. Non, il devait avant, se débarrasser de cette envie de lui mettre une taloche et de la secouer. Pivotant en vitesse, il remonta le pont à grandes enjambés jusqu’au devant et posa le pied au tonneau d’eau au devant de la gabare en respirant profondément, passant les mains au dessus de sa tête pour les refermer à l’étai et s’y pendre légèrement.

Trouillard, salaud, abject canaille, dégueulasse, fripouille, fumier, goujat, méchant, ordure, saligaud, salopard, vaurien…ça peut-être ! Il avait déjà entendu. Mais…fuyard !!!
Se dérober, se sauver, ne pas affronter, rompre les rangs, abandonner…ça...ça c’était la pire des choses à dire à lui dire à lui, l’homme de meute. Non mais…elle se prenait pour qui cette femme ?? Observant la lueur du feu sur l’eau redevenu calme à la petite baie, il baissa la tête pour regarder sa chausse au tonneau. Bon sang…


Laissant les cordages se poussant du pied, il traversa lentement le pont, les mains aux poches de sa veste, revenant vers la cambuse, la tête enfoncé aux épaules. Tremblotant, le colosse poussa doucement la porte et referma derrière lui, contourna l’amas de couvertures le long du mur et s’arrêta devant son filet pour y déposer sa veste et retirer dans un coin sa chemise humide avant d’en passer une sèche. Revenant devant son filet, l’artilleur déposa le genou au sol sans trop savoir pourquoi, souleva quelques couvertures et s’y glissa, s’évitant bien de lui toucher de quelques façons. Se recroquevillant un peu en reniflant, il se remonta la couverture sous le menton et marmonna.

J’ai si froid…gouverneure. Je..enfin..bonne nuit..oui.
lothilde
Le dos à peine tourné, son sourire s’était effacé et elle était remontée sur le bateau en se frottant machinalement le bras, déconcertée par la violence à peine voilée qu’elle avait ressentie dans le ton du sénéchal. Soufflée, elle n’avait pas répondu, elle ne voulait pas la guerre et encore moins dire à quelqu’un qui s’était fermé comme une huitre… Clac. !! ..qu’on faisait comme on pouvait pour se protéger. Il avait vu une attaque de sa…mâlitude ? Raté.. pour une fois c’était son cœur qui avait parlé, sans artifice, et il avait rompu le charme de ces instants de sincérité propices aux confidences. La prochaine fois… elle resterait à l’abri de sa tour d’ivoire. Qu’ils aillent tous au diable, ces hommes, avec leur susceptibilité …et qu’il joue au coq là où on l’admirait pour son plumage et son ramage, sans ébouriffer l’ordonnance parfaite de ses plumes…ni celle de ses cheveux. Elle aimait les hommes ébouriffés et libres, elle…pas les images

Elle avait enjambé les cordages sur le pont et agacée, avait poussé rageusement la porte de la cambuse du pied en se faisant rudement mal aux orteils, mais avait presque accueilli avec satisfaction cette douleur physique qui la détournait provisoirement d’une autre, plus sournoise


Soupirant en ratissant ses vêtements éparpillés sur le sol de la petite pièce, elle les avait fourrés en boule dans ses fontes qu’elle avait rejetées contre le mur, ramassé une couverture avant d’escalader son filet où elle était restée le temps de livrer un combat perdu d’avance avec sa courtepointe, et cramponnée aux lisières de la toile à chaque mouvement pour tenter de stabiliser cette espèce de cocon mouvant, avait finalement battu en retraite …Pourquoi pas dormir sur une feuille dans un arbre, hein, tant qu’elle y était. Grommelant contre sa brosse à cheveux qu’elle avait vainement cherchée et sur laquelle elle venait de poser le pied en descendant de son perchoir maudit, elle était allée s’affaler sur le tas de couvertures dans l’angle de la petite pièce et assise en tailleur, tentait de démêler sa crinière, convaincue que la terre entière s’était liguée contre elle. Même ses cheveux s’étaient mis de la partie et renonçant à l’impossible, elle avait lancé avec violence la brosse contre le mur d’en face, victime innocente mais insensible, et soudain calmée d’elle ne savait pas trop quelle colère, s’était mise à rire d’elle-même…ce n’était pas la première fois qu’il ne comprenait rien à ce qu’elle essayait de dire…ou préférait ne pas comprendre, plutôt. Alors..

Se figeant brusquement, elle avait tendu l’oreille aux bruits de la rivière et s’était relevée lentement, les deux mains agrippées au rebord de la lucarne, dressée sur la pointe des pieds, avant de ramasser précipitamment sa couverture pour s’y emballer de la tête au pied et se réfugier, roulée en boule contre le mur de la cambuse. L’oreille aux aguets, le souffle suspendu aux frôlements imperceptibles contre la porte, elle avait soupiré de soulagement à l’éloignement des pas sur le pont. Plus envie d’expliquer, pas envie de scène, le fil était rompu et elle n’avait pas de raillerie toute prête pour désamorcer. La tête cachée sous la couverture, elle s’était laissée aller à faire une grimace éloquente en tirant la langue…gnia gnia gnia…allez vous faire voir !

Elle aurait voulu disparaître dans la cloison à l’ouverture de la porte et s’était appliquée à respirer profondément et régulièrement, sans faire le moindre mouvement. Aux froissements de l’étoffe des vêtements et à ses déplacements furtifs dans la cambuse elle devina qu’il n’avait pas lésiné sur le bain de rivière et qu’il devait sérieusement claquer des dents.


Les yeux écarquillés dans l’obscurité, elle rabattit soudain la couverture de sa figure et se retournant d’un bloc, se dressa sur un coude pour tendre l’oreille aux propos grelottés du presque mourant qui venait de s’écraser dans son linceul à distance tellement respectable de sa couche qu'elle se mit à rire. Rampant jusqu’à la grande carcasse figée comme une statue dans sa carapace de laine, elle sortit une main pour caresser du bout des doigts la joue hérissée de poils de barde du gisant, avant de la glisser de force dans celle de l’homme qui cramponnait sa couverture sous son menton et enfonça son nez dans le creux du cou, là où ça sentait la forêt, le cheval, les feux de bois à l’automne, et ferma les yeux en souriant…de quoi il avait peur ? Ce n’était pas la première fois qu’elle venait se réfugier comme ça…Aux portes du sommeil, elle bredouilla sans relever la tête

vous avez la truffe fraîche…c’est signe de bonne santé, capitaine ! Normalement, vous devriez survivre aux assauts…du froid ...vais essayer… de ne pas baver…vous promet rien ! Bonne… nuit…et restez ce que vous êtes, capitaine…le reste …


Le reste était resté coincé quelque part dans sa tête…fidelis, en latin à la mode du père Adso, ça voulait dire confiance en soi…ça l’avait amusée. Vivre délibérément sans fuir le présent dans l’ailleurs…c’est ça qu’elle avait voulu dire. Trop sommeil pour se rappeler pourquoi elle voulait dire ça, elle n'avait pas de leçons à donner...

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Adso
Adso s'était fait surprendre par Lothilde tel un enfant en faute... Alors qu'il n'y avait pas de raison, hein : il avait tout à fait le droit de prendre les parchemins qu'il voulait, non ?

Mais il était tout de même soulagé de les avoir retrouvés. Il accepta avec gratitude la soupe chaude, tout en assistant, étonné, au petit manège entre Lothilde et Zephirin. Il y avait comme une tension dans l'air... Qu'est-ce qui avait bien pu se passer pendant son absence ?

Il commença à se préparer pour passer la nuit, et après avoir hésité, se décida à aller dormir sur le truc qui flottait par l'opération probable du Très-Haut. La grande question était bien entendu : le Très-Haut risquait-il de se trouver absorbé par une autre tâche, et donc de délaisser le sort de cette épave ?

Alors qu'il posait le pied sur la dite épave, il constata avec stupeur le changement de... de... enfin, le fait que Lothilde alla se blottir contre Zephirin. Il leva un sourcil offusqué, mais se retint de faire tout commentaire désobligeant. D'une, il n'avait pas envie de se retrouver mis à la porte pour la nuit, et de deux, les sermons attendraient qu'ils l'aient ramené à bon port à Luxeuil : il n'avait pas envie de se retrouver encore une fois tout seul à chercher son chemin...

Après cette entorse à la morale au nom de la vertu de conservation, il alla donc s'allonger dans un coin avec ses couvertures, tout en espérant qu'il ne serait pas dérangé dans la nuit par des ronflements... ou autres.

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