Karyl
Cimetière Saumurois...
Un petit garçon, paumé...
Il se tenait là, immobile, malgré le froid glacé d'un mois de novembre déjà bien entamé. Frêle silhouette dépenaillée perdue au milieu de ce dédale de sépultures. Petit bout de rien dont les yeux laissèrent échapper une larme solitaire, aussitôt effacée d'un geste rageur. Les hommes ne pleurent pas...
-Pourquoi tmas pas attendu ?
Les onyx perdus dans la contemplation d'un carré de terre face à lui, l'enfant se souvenait. A ses oreilles raisonnait encore les ribambelles de mots bien colorés souvent lâchées par le vieil homme auxquels faisaient écho ses rires d'enfant. Devant ses yeux repassait encore cette matinée printanière où surpris à voler par le vieux paysan, celui-ci lui avait proposé pitance en échange d'une aide à la ferme. Les mois avaient ensuite passé et l'enfant était resté. Il avait alors appris la vie simple de la campagne loin des tourments de Paris, avait troqué sa mine squelettique contre des éclats de rires, avait appris à travailler pour avoir ce qu'il voulait. Karyl avait enfin trouvé un foyer. Mais la zoko était arrivée et les rêves d'aventures que nourrissait le mioche refirent surface. Des rêves que le vieux Georges désapprouvait. "T'vas mal tourner... j'irai pas t'chercher aux geôles p'tit" ne cessait-il de répéter au minot qui finit par en avoir assez. Et Karyl quitta Georges, comme il avait quitté Paris, avec espoir et la promesse de revenir.
- Jvoulais pas tlaisser tout seul hein, George, je voulais juste être courageux.
Planté devant le monticule de terre fraichement retournée, le petit blond se souvenait, des bons comme des mauvais moments en compagnie de vieux paysan. Il se souvenait, un petit sourire éclaircissant ses traits, combien il avait pu rouspéter contre les règles imposées, les craintes et remarques du vieux Saumurois. Et il se mit à rire en se revoyant se chamailler avec le vieil homme sur la façon de planter les légumes ou de traire les vaches, des regards amusés que pouvait avoir lhomme face à son bagou. Fierté masculine oblige, jamais lenfant navait avoué au vieux Georges combien il avait pu sy attaché et pourtant
- Je peux venir te voir dans le ciel ? Natt elle a dit que tu me voyais, cest vrai que tu me vois ?
Loin de lui, entouré de nombreux amis, lenfant avait pourtant ressenti létrange besoin de rentrer à la maison. Trouvant alors une quelconque excuse pour expliquer son départ il avait repris la route vers Saumur. Durant les derniers mois il avait accumulé une petite bourse bien pleine qu'il comptait donner au vieux paysan pour l'aider à remettre en état la ferme qui se délabrait et se voyait déjà la retaper avec lui.
- Je suis revenu tas vu ? Tas vu hein que je te ai pas abandonné ?
Pauvre petit bambin, il était loin de se douter de ce qui avait put se passer durant son absence. Jouant dans le verger lochois, comment aurait-il pu imaginer quà quelques lieues de là, son vieux Georges, tombé malade, nallait pas se rétablir et quun soir au coin du feu, épuisé par le mal qui le rongeait, le vieil homme allait fermer les yeux à jamais.
Lui qui pensait que le vieil homme ne laimait pas, quil le supportait à peine, comment aurait-il pu concevoir que le paysan allait tout lui donner, maison et terrain, bétail et cultures faire de lui son seul héritier comme le témoignage dun attachement honteusement caché.
Non, pas même sur le chemin qui le ramenait chez lui, le petit Karyl naurait pu se douter de ce quil sétait produit. Lui, avait un large sourire aux lèvres, imaginant seulement ses futurs projets : Retrouver natt et aurile, raconter à Georges toutes ses rencontres et enfin aller fois la mer avec félina. Et puis, il reviendrait à Saumur pour réarranger la ferme, irait chercher sa hache et partirait à laventure, trouverait un bon ouvrier pour le paysan et lui promettrait de revenir le voir une fois devenu fort. Sur le chemin du retour, ses projets lui donnait juste des ailes.
- Je voulais pas que tu sois parti quand je revenais
Mais lorsque les ailes se brisent, il ne reste plus que des cicatrices en témoignage dune douleur qui vous déchire les entrailles, une douleur trop profonde pour être visible des autres, une de ses douleurs qui fait changer les hommes, même les plus jeunes.
« George est mort Karyl, il ne reviendra plus, tu dois être courageux ».
Courageux, il devra lêtre pour accepter de voir tous ses rêves senvoler, davoir perdu cette chance de ne jamais pouvoir dire Adieu, pour ne pas sen vouloir davoir été trop fier, trop égoïste au point de navoir jamais rien dit.
- Je veux venir avec toi .
Debout face à ce qui reste de George, transit par le froid autant que le chagrin, Karyl voit senvoler une partie de son enfance, de celles que lon garde au fond de son cur comme un précieux trésor. Et tandis quil se souvient, sa frêle voix est emportée par le vent, ses questions senvolent sans avoir trouvé dautre réponse quune profonde solitude. Il est bien trop tôt pour aller rejoindre George et Karyl le sait malgré son chagrin. Alors il sassoit au pied de la tombe et continue de parler, il lui raconte toutes les rencontres quil a faite, il lui raconte chinon et les licorneux, lui raconte cerridween et sa dernière lettre, lui raconte Loches, les gamines et son envie de voir la mer. Il lui raconte ses projets, et il se met à rire, à rire aux éclats.
Et pour la première fois depuis quil est revenu de loches, assit au milieu des sépultures dans le cimetière communale, le petit blond semble apaisé, il rit avec George comme avant, il a assez de discussion pour deux. Il se fiche bien du regard des autres, se moquent dêtre entendu. Il parle, il mime, il explique. Il profite simplement de cet instant, il profite de cet au revoir.
Quand il se relèvera cependant, il réalisera quil laisser mourir George seul, quil nétait pas là. Et son sourire seffacera quand il comprendra quil ne reverra plus le vieil homme auquel il sétait tant attaché, quil a perdu son foyer. Il se souviendra alors des paroles de Félina : « J'ai fait passer la compagnie avant toi, et il sera toujours ainsi désormais. » et à tord surement, il se dira quil est de nouveau seul, aussi seul quen ayant quitté Paris.
Alors Demain, il trouvera quelquun pour soccuper de la maison et des champs. Demain il mettra ses affaires en ordre. Demain, il reprendra la route pour devenir cet aventurier quil à promis de devenir. Demain. Demain, il suivra ses rêves comme le lui a demandé cerridween.
.... Demain il disparaitra.
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un simple gamin des rues...
Un petit garçon, paumé...
Il se tenait là, immobile, malgré le froid glacé d'un mois de novembre déjà bien entamé. Frêle silhouette dépenaillée perdue au milieu de ce dédale de sépultures. Petit bout de rien dont les yeux laissèrent échapper une larme solitaire, aussitôt effacée d'un geste rageur. Les hommes ne pleurent pas...
-Pourquoi tmas pas attendu ?
Les onyx perdus dans la contemplation d'un carré de terre face à lui, l'enfant se souvenait. A ses oreilles raisonnait encore les ribambelles de mots bien colorés souvent lâchées par le vieil homme auxquels faisaient écho ses rires d'enfant. Devant ses yeux repassait encore cette matinée printanière où surpris à voler par le vieux paysan, celui-ci lui avait proposé pitance en échange d'une aide à la ferme. Les mois avaient ensuite passé et l'enfant était resté. Il avait alors appris la vie simple de la campagne loin des tourments de Paris, avait troqué sa mine squelettique contre des éclats de rires, avait appris à travailler pour avoir ce qu'il voulait. Karyl avait enfin trouvé un foyer. Mais la zoko était arrivée et les rêves d'aventures que nourrissait le mioche refirent surface. Des rêves que le vieux Georges désapprouvait. "T'vas mal tourner... j'irai pas t'chercher aux geôles p'tit" ne cessait-il de répéter au minot qui finit par en avoir assez. Et Karyl quitta Georges, comme il avait quitté Paris, avec espoir et la promesse de revenir.
- Jvoulais pas tlaisser tout seul hein, George, je voulais juste être courageux.
Planté devant le monticule de terre fraichement retournée, le petit blond se souvenait, des bons comme des mauvais moments en compagnie de vieux paysan. Il se souvenait, un petit sourire éclaircissant ses traits, combien il avait pu rouspéter contre les règles imposées, les craintes et remarques du vieux Saumurois. Et il se mit à rire en se revoyant se chamailler avec le vieil homme sur la façon de planter les légumes ou de traire les vaches, des regards amusés que pouvait avoir lhomme face à son bagou. Fierté masculine oblige, jamais lenfant navait avoué au vieux Georges combien il avait pu sy attaché et pourtant
- Je peux venir te voir dans le ciel ? Natt elle a dit que tu me voyais, cest vrai que tu me vois ?
Loin de lui, entouré de nombreux amis, lenfant avait pourtant ressenti létrange besoin de rentrer à la maison. Trouvant alors une quelconque excuse pour expliquer son départ il avait repris la route vers Saumur. Durant les derniers mois il avait accumulé une petite bourse bien pleine qu'il comptait donner au vieux paysan pour l'aider à remettre en état la ferme qui se délabrait et se voyait déjà la retaper avec lui.
- Je suis revenu tas vu ? Tas vu hein que je te ai pas abandonné ?
Pauvre petit bambin, il était loin de se douter de ce qui avait put se passer durant son absence. Jouant dans le verger lochois, comment aurait-il pu imaginer quà quelques lieues de là, son vieux Georges, tombé malade, nallait pas se rétablir et quun soir au coin du feu, épuisé par le mal qui le rongeait, le vieil homme allait fermer les yeux à jamais.
Lui qui pensait que le vieil homme ne laimait pas, quil le supportait à peine, comment aurait-il pu concevoir que le paysan allait tout lui donner, maison et terrain, bétail et cultures faire de lui son seul héritier comme le témoignage dun attachement honteusement caché.
Non, pas même sur le chemin qui le ramenait chez lui, le petit Karyl naurait pu se douter de ce quil sétait produit. Lui, avait un large sourire aux lèvres, imaginant seulement ses futurs projets : Retrouver natt et aurile, raconter à Georges toutes ses rencontres et enfin aller fois la mer avec félina. Et puis, il reviendrait à Saumur pour réarranger la ferme, irait chercher sa hache et partirait à laventure, trouverait un bon ouvrier pour le paysan et lui promettrait de revenir le voir une fois devenu fort. Sur le chemin du retour, ses projets lui donnait juste des ailes.
- Je voulais pas que tu sois parti quand je revenais
Mais lorsque les ailes se brisent, il ne reste plus que des cicatrices en témoignage dune douleur qui vous déchire les entrailles, une douleur trop profonde pour être visible des autres, une de ses douleurs qui fait changer les hommes, même les plus jeunes.
« George est mort Karyl, il ne reviendra plus, tu dois être courageux ».
Courageux, il devra lêtre pour accepter de voir tous ses rêves senvoler, davoir perdu cette chance de ne jamais pouvoir dire Adieu, pour ne pas sen vouloir davoir été trop fier, trop égoïste au point de navoir jamais rien dit.
- Je veux venir avec toi .
Debout face à ce qui reste de George, transit par le froid autant que le chagrin, Karyl voit senvoler une partie de son enfance, de celles que lon garde au fond de son cur comme un précieux trésor. Et tandis quil se souvient, sa frêle voix est emportée par le vent, ses questions senvolent sans avoir trouvé dautre réponse quune profonde solitude. Il est bien trop tôt pour aller rejoindre George et Karyl le sait malgré son chagrin. Alors il sassoit au pied de la tombe et continue de parler, il lui raconte toutes les rencontres quil a faite, il lui raconte chinon et les licorneux, lui raconte cerridween et sa dernière lettre, lui raconte Loches, les gamines et son envie de voir la mer. Il lui raconte ses projets, et il se met à rire, à rire aux éclats.
- « Fais quelque chose pour moi... n'oublie jamais tes rêves. Tu verras c'est un des plus beaux trésors du monde les rêves. Et puis c'est un trésor que personne ne pourra te voler. »
Et pour la première fois depuis quil est revenu de loches, assit au milieu des sépultures dans le cimetière communale, le petit blond semble apaisé, il rit avec George comme avant, il a assez de discussion pour deux. Il se fiche bien du regard des autres, se moquent dêtre entendu. Il parle, il mime, il explique. Il profite simplement de cet instant, il profite de cet au revoir.
Quand il se relèvera cependant, il réalisera quil laisser mourir George seul, quil nétait pas là. Et son sourire seffacera quand il comprendra quil ne reverra plus le vieil homme auquel il sétait tant attaché, quil a perdu son foyer. Il se souviendra alors des paroles de Félina : « J'ai fait passer la compagnie avant toi, et il sera toujours ainsi désormais. » et à tord surement, il se dira quil est de nouveau seul, aussi seul quen ayant quitté Paris.
Alors Demain, il trouvera quelquun pour soccuper de la maison et des champs. Demain il mettra ses affaires en ordre. Demain, il reprendra la route pour devenir cet aventurier quil à promis de devenir. Demain. Demain, il suivra ses rêves comme le lui a demandé cerridween.
.... Demain il disparaitra.
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un simple gamin des rues...