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Info:
A Beaufort, le Comte Jontas de Valfrey convoque son bâtard Leandre qui arrive accompagné de sa promise Maeve Alterac, pour lui annoncer la mort de Zelda, fiancée du comte, et mère du jeune homme.

[RP] Arrivée de la mort

Jontas


L’air frais entrant de la fenêtre ouverte bâtant ses joues, le Comte de Beaufort sentait pour la première fois depuis quelques 70 jours le vent contre sa peau. Un vent qu’il n’avait point rencontré durant toute la durée qu’il lui fallut pour récupérer de ce tragique mal qu’il pensait pouvoir fuir. Un mal tellement fort que personne ne pouvait le combattre, personne d’humain tout du moins. Ce mal le traquait depuis trop longtemps et pour la première fois, il l’avait blessé au plus profond de lui-même, en plein cœur et le fait même d’être d’habitude si détestable auprès de la populace, ne faisait qu’accentuer l’étonnement que l’on pouvait ressentir à voir ce personnage tant touché. Ce mal, c’est la mort.

Comme il le fut par le passé, c’était aujourd’hui au tour de son fils d’affronter cette terrible diseuse de mauvaise aventure, ce pourfendeur de la vie, destructeur de toute chose et de tout être. Aujourd’hui, alors que le Comte était passé trop de temps cloîtré et replié sur lui-même, il fallait qu’il prenne sur lui pour annoncer une terrible nouvelle qu’il cachait depuis un long moment. La nouvelle qui changerait sûrement la vie de son fils. Un changement du type de celui opéré sur le Comte ? L’avenir nous le dira. Mais une chose est certaine, le bâtard de Valfrey ne sortira pas de son entrevue avec le Comte dans le même état qu’il y sera entré.

Le Comte était resté vague dans l’ordre donné à son serviteur, un « Allez me chercher mon fils » tellement banal qu’il était étonnant sortant de la bouche de l’homme d’habitude si crû dans le choix de ses mots. Mais il n’était pas d’humeur à agresser verbalement les personnes le côtoyant ou même celles ne le côtoyant pas…

Mais en fait, ce qui semblait troubler le plus le Comte était en fait le choix des mots qu’il allait devoir faire lorsque son fils se trouverait devant lui. Il savait intérieurement que cela serait trop brusque pour son fils, mais il ne pouvait le garder sous silence plus longtemps, il était temps que Leandre connaisse la vérité.

C’est donc cherchant vainement des mots qu’il avait d’habitude tant de facilité à manier, que le Comte restait assis sur un des fauteuils qu’il avait dans ses appartements de son château de Beaufort, les yeux fixés sur le sol, attendant l’arrivée tant redoutée de son fils, futur détenteur d’une vérité funeste, une vérité terriblement morbide, cachée par la détresse d’un homme détesté et apprécié par tant de personnes qu’il ne souhaitait plus apprécier la détestable et pourtant délectable idée que tant de fureur puisse être utilisée à autre chose qu’à faire comprendre aux autres ce qui pouvait être ressenti lorsque la main noire d’une fidèle alliée de la vie se saisissait de vous ou d’un de vos proches, attendant la seule et unique occasion de vous faire apparaître la vérité.

Tel était l’état d’un Comte attendant son fils dans son château, au cœur de la Franche Comté, alors même que l’hiver attaquait son besogneux ouvrage de tuerie annuel.


Modification du lieu parce que... Euh... Ca vous regarde pas d'ailleurs pourquoi je change le lieu... Tsss...

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Leandre
Ce jour s'annonçait noir. Pourtant, les quelques rais du Soleil qui transperçaient un feuillage bien pauvre de ce banal paysage d'Automne ne laissaient présager que Leandre découvrirait un peu plus tard l'œuvre de la Faucheuse. La lumière qui émanait de l'astre paraissait pourtant bien blafarde confronté au sourire de sa princesse, rouquine de deux années sa cadette, qu'il tenait par la main, la guidant parmi l'immense route qui séparait les grilles du domaine, du château de Beaufort. Leurs bottes s'enfoncèrent dans les feuilles mortes à chaque pas effectué, et un rire joyeux s'échappait quelque fois des lèvres de l'un ou de l'autre. Bientôt, ils arrivèrent au pied de la plus grande des tours. D'un doigt pointé vers son sommet, le Valfrey entreprit d'en faire la description à Maeve, décrivant au mieux la vue qui s'offrait depuis telle hauteur : des terres qui s'étendaient aussi loin qu'il était possible de voir, riches en faune qu'il n'était pas rare d'apercevoir, et potentiellement comestible, ainsi qu'une multitude de végétaux divers et variés, même si l'arbre, qu'il soit sapin ou chêne, prédominait. Non, décidément, rien n'aurait pu gâcher ce bonheur.

La garde laissa pénétrer les deux jeunes gens à l'intérieur, sans qu'elle n'omette les salutations d'usage. Leandre comptait emmener sa promise vers les cuisines, quémander quelque chose à grignoter, et le tout dans le dos du paternel bien évidemment. Les biscuits qui les attendaient ne finiront pas dans leur estomac : un valet les intercepta alors qu'ils n'eurent pas encore fini de traverser le vestibule. A croire que le comte de Beaufort avait anticipé les excès de gourmandise de sa progéniture. Mais il n'en était rien.


Demoiselle Alterac. Messire le fils du comte. Votre père vous attend dans le salon du premier étage, il souhaite vous entretenir d'un sujet important.

Se contentant d'un hochement de tête pour signifier au serviteur qu'il avait compris, il entraîna Maeve à sa suite, direction les marches qui menaient au premier étage. Qu'avait-il de si important à dire à son fils ? Celui-ci ne le saurait qu'en se rendant au salon. Ce ne faisait qu'une journée que Maeve et lui étaient arrivés à Beaufort. Et déjà, ils y avaient déposé et installé leurs affaires, dans des chambres séparées comme l'avait exigé le comte. La Lorraine c'était bien, mais un peu ennuyant. Alors quand Leandre apprit que son père était enfin sorti de son abbaye, suffisamment reposé de son éclatante victoire lors de son duel avec le pédant de Mazière, il n'avait pas hésité : ils iraient rejoindre Jontas, profiter un peu de l'air comtois, pour le protéger ensuite jusque Vaudémont. Sans oublier d'emmener avec eux deux personnes chères à son cœur, sa mère et Soeli. Si son père consentait enfin à lui dire où la femme qu'il va épouser se terrait ; et si la Margny donnait signe de vie, quelque part. Bref, ils n'étaient pas rendus, tous autant qu'ils étaient.

Quelques coups dans la porte, et les voilà qui entrèrent. Assis dans un imposant fauteuil, le comte de Beaufort, l'air grave - un peu plus que d'habitude - et la mine sévère. Allait-il s'exprimer quant à la présence de Maeve dans la pièce ? Après-tout, elle était sa future bru, autant qu'il s'habitue à sa présence dès maintenant. Leandre imaginait déjà une réponse toute faite à l'éventualité d'une telle remarque. Il s'inclina dans une légère révérence, lui prouvant par la même occasion qu'il n'avait rien oublié des règles de bienséance apprises. Sa main toujours dans celle de Maeve, il la regarda quelques instants, se demandant si elle aussi se posait les même questions. Se retournant de nouveau vers son père, il perdit alors son sourire.


Le bonjour père. Vous m'avez fait mandé ? Qu'y a t-il de si important ? Ne me dites pas que vous ne pourrez châtier Ludwig Von Frayner comme vous me l'avez pourtant promis... ?

Il ne manquerait plus que ça.
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Bâtard de Valfrey.
Maeve.
Un cri de joie qu'elle avait tenté de réprimer sans réel succès, voilà la réponse de Maeve à la proposition de son chevalier. Elle avait bien essayé de masquer ces derniers temps son envie de reprendre la route, de planquer sous un ou deux sourires sans entrain son ennui, mais par Aristote ce qu'elle mentait mal...
Pourtant, ils avaient été bien accueillis. Ils avaient leur propre chaumière, des connaissances, quelques amis, des activités... Maeve souffrait cependant du mal du pays. Elle ne comprenait rien aux histoires du duché, et à vrai dire... ne s'y intéressait que peu. Plusieurs passions l'avaient pendant un temps occupée.

D'abord, elle avait perfectionné son art. Sans relâche, chaque jour, à la caserne comme dans son jardin, elle s'était entrainée à l'arc. Avec celui qu'elle trimballait depuis ses huit ans, depuis qu'un géant blond le lui avait taillé et façonné. Précise, adroite, elle était parmi les plus douées de l'Ost Lorrain.
Ensuite, elle s'était découvert un certain talent à force de parcourir la caserne, la ville, à vouloir étudier l'architecture, les gargouilles, les faîtes des maisons et des tours... Maeve avait appris à grimper. Escaladant les murs et pierres du bâtiment des recrues, elle avait fini par pousser ses incursions jusqu'aux haras, et les tours de commandement... surprenant les conversations des officiers, évitant toute sorte de corvée... Les genoux éraflés, les mains égratignées, ses braies et chemises avaient plus que jamais besoin d'être rapiécés.

C'est pourquoi, une fois le premier sursaut d'euphorie passé, elle réalise où ils rendaient. A Beaufort. Beau-fort. Chez le Comte de Beaufort. Le père de Leandre, le blond qui crie et grogne plus qu'il ne parle. Le Comte. Et là que Maeve a sa première pensée de femme.
* "Mais...! Mais...! je n'ai rien à me meeeeeeettre !"* Panique, jusqu'à ce qu'elle se rappelle avoir emporté quelques robes de Bourgogne. Soulagement...
Une fois arrivés à Beaufort, les malles posées, les braies presque neuves avaient fait l'affaire pour le premier jour, et l'après midi passé à visiter du second, mais elle comptait bien enfiler une vraie toilette pour le premier vrai diner servi en présence du comte.

Si elle a bien apprécié tout le paysage conté par son chevalier, la main dans la sienne, si elle a laissé le regard courir par monts et par vaux, elle n'en a pas pour autant oublié de réfléchir à la couleur qui conviendrait, aux bas assortis, au collier qui conviendrait. Si longtemps qu'elle n'en a pas enfilé... pas depuis la présentation au Roy, il y a quelques temps déjà.
Si elle se rendait compte, la petite rouquine, qu'elle a bien changé pendant les mois qui viennent de s'écouler... elle aurait une réelle raison de paniquer. Entre ses hanches qui s'arrondissent, les centimètres gagnés, les épaules plus larges, et la poitrine qui s'épanouit, pas une seule des robes apportées qu'elle pourrait enfiler, pas une qui arriverait au mollet, pas une qui fermerait dans le dos, pas une dont les coutures ne lacheraient pas à la taille...

Heureusement, et le hasard fait bien les choses, c'est alors qu'elle a encore la tignasse ébouriffée, l'oeil brillant, le nez matiné de la poussière franc comtoise, une feuille ocre et sang coincée dans le haut de sa botte, qu'un valet vient les interpeler.
Un regard vers son chevalier qui lui aussi aurait bien besoin d'une nouvelle garde-robe, même si elle le voit aussi beau et fin que lorsqu'elle était toute enfant, pas de goûter donc... Un peu intriguée et franchement pas rassurée, elle lui emboite cependant le pas vers le salon du premier étage, ne relachant pas son étreinte sur les doigts de Leandre. A sa suite, elle esquisse à son tour une révérence pendant laquelle on imaginerait presque les pans de tissus qu'elle devrait saisir si elle portait la tenue adéquate.


Bonsoir Votre Grandeur...

La mine grave du Comte empêche tout complément dans sa salutation. Intuition féminine ou pressentiment, elle se rapproche imperceptiblement de son chevalier. De toute façon, elle a toujours été impressionnée par jontas, ça passera pour de l'appréhension.
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Au revoir, Fab.
Jontas
C’est dingue comme le sol en bois peut être fascinant à regarder, tant d’imperfections, de craquelures, fentes et autres ouvertures béantes n’attendant que les insectes pour se faufiler en leur sein, y croupir pour fuir une mort certainement annoncée à l’approche d’un humain ayant le pied facilement destructeur pour ces faibles cloportes au squelette externe et à 6 pattes. Quoiqu’il en soit, le Comte de Beaufort n’était pas loin de ces considérations mortellement funestes alors qu’il savait son fils toujours plus proche de son Château, plus que quelques instants et il aurait devant lui un enfant qui risquerait de souffrir de trop. Et il n’en fallut pas plus pour que le bruit sourd d’un point frappant une lourde porte en bois ne trouble le regard du Comte qui plongeait dans les méandres du parquet qui jonchait le sol de ses appartements. Levant la tête, le Comte fut surpris de la présence de Maeve Alterac aux côtés de son fils, décidément, il faudrait qu’ils se séparent de temps en temps… Mais le Comte ne laissa aucunement poindre à la surface de son visage, qui voyait naître une bonne barbe blonde parsemée de quelques poils blancs, une quelconque forme d’étonnement qui pourrait faire comprendre aux deux enfants lui faisant face ce qui pouvait bien passer par la tête de l’impérial.

Un instant de réflexion fut néanmoins nécessaire au Comte pour comprendre qu’au final, la présence de Maeve pourrait être plus bénéfique que néfaste à son fils et c’est donc, pour une fois, que le Comte accueillit les deux enfants d’une façon des plus étonnante venant de la part de Jontas.


Jeune Alterac, je suis content de pouvoir vous revoir depuis tout ce temps.

Puis, se tournant vers son fils qui semblait ne pas vouloir lâcher la jeune fille qui l’accompagnait.

Mon fils, tu as fait vite et je suis ravi de te voir en ce Château.

Et là, c’est le drame, le Comte ne sut plus quels mots employer, de quelle façon continuer pour arriver là où il voulait en venir. S’ensuivit donc un instant de blanc, l’appartement retrouvant donc le calme foudroyant qu’il avait avant qu’il ne soit troublé par les coups sur la porte. Le regard du Comte restait posé sur son fils, le cerveau bouillonnant à la recherche de ce qu’il pourrait dire mais n’en laissant rien paraître.

Son regard se posa alors sur la jeune Alterac, celle qui semblait emplir de joie la vie de son fils mais qui pourtant était bien loin d’imaginer dans quel endroit elle avait mis les pieds, un lieu de mort où nombre de personnes avaient péris. Il ne fallait pas être faible d’estomac pour vivre avec un de Valfrey, d’autant plus si celui-ci venait du côté du Comte de Beaufort, là où les gueux étaient traités tels du bétail que l’on abat non pas pour se nourrir, cela serait trop écoeurant pour l’estomac fragile du Comte, mais tout simplement pour l’amusement de ce dernier, pour qu’il puisse passer le temps. Et pourtant, cette même mort qu’il semblait adorer, c’était celle qui le troublait autant aujourd’hui.

Son regard revint sur son fils, l’air toujours impassible de l’extérieur mais bouillonnant toujours plus de l’intérieur, il lui fallait trouver les mots pour exprimer quelque chose qu’il avait du mal à sortir. Pour une fois que le Comte ne trouvait pas ses mots, c’était des plus troublant pour sa personne. Soudain, ils vinrent enfin.


Leandre, tôt ou tard, il faudra que je conte l’histoire de notre famille. Mais aujourd'hui, c’est ton histoire qui s’écrit et d‘une façon que tu n’as point rencontré auparavant.

Le Comte, tout en parlant, se tourna et alla rejoindre la fenêtre encore ouverte et qui laissait passer le vent dans la pièce. Était-ce pour retrouver son air ou juste pour regarder le paysage ? Ce serait marrant que ce soit le paysage qui intéresse le Comte durant cette discussion. Mais bon, je vais pas vous donner la solution, ce serait trop simple…

Puis le Comte se retourna vers son fils, le regard plus sombre encore qu’à l’accoutumée. Il s’approcha lentement, chaque pas faisant craquer le parquet tandis que la voix se repercutait sur les murs, leur renvoyant un écho sourd, alourdissant ses mots qui ainsi accentués n'étaient que plus accablants.


Depuis des mois maintenant, ta mère n’est plus dans le monastère où tu la crois.

Il était difficile de faire autrement que de partir de ce que savait déjà Leandre, et pourtant, qu’est-ce qu’il était dur pour le Comte de trouver de quelle façon amener la finalité de sa réflexion sans pour autant brusquer le bâtard de Valfrey.
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Leandre
Le comte de Beaufort était ravi de voir son unique fils, bâtard de surcroît, dans l'enceinte de son château, à traîner dans ses pieds, fouiller la demeure, et passer son temps à flâner dans les couloirs et dans les jardins en compagnie de Maeve ? Sans doute était-il malade. C'est en tout cas que ce pensait Leandre en ce moment même. Petit moment d'hésitation devant l'accueil qui leur est réservé, à lui et à sa princesse, à qui le jeune homme adressa un regard interrogatif. Elle semblait tout aussi perdue que lui. Et étrangement, son père aussi. Le silence s'installa alors. Aucun ne semblait vouloir prendre la parole. Les plus jeunes parce qu'ils étaient troublés, mais le plus vieux... c'était encore une énigme, qu'ils ne tarderaient pas à résoudre. Le jeune Valfrey se retint de montrer son impatience, agacé que son géniteur ait pu le déranger alors qu'il se trouvait en compagnie de l'Alterac. D'ailleurs, si l'on prenait en compte le fait que Leandre était toujours accompagné de Maeve, et qu'un père ait le droit d'exiger de sa progéniture sa présence, les probabilités pour que le père dérange le fils en toute circonstance étaient considérables.

Le silence avait maintenant emménagé dans la pièce, posant ses bagages au sol, prenant place sur le fauteuil, et contemplant les protagonistes de son air arrogant. Mais le comte de Beaufort était bien au dessus de toutes ces considérations : sa voix fit soudain déguerpir l'indésirable. Il fallut bien une dizaine de secondes, durant lesquelles une oreille avisée aurait pu entendre le silence guetter depuis l'interstice de la porte dans l'espoir de s'y faufiler à nouveau, pour que Leandre comprenne le sens des mots prononcés par Jontas. Déchiffrer cet étrange langage n'était pas chose aisée, mais il s'y était entraîné dur. Et maintenant, cela portait ses fruits. Il comprit donc - sans se douter qu'il était totalement dans le faux - que son père donnait enfin sa bénédiction quant aux épousailles prévues avec Maeve. Non ? Pourtant, le paternel faisait allusion à l'histoire qui s'écrit, un mariage étant une nouvelle page, et d'un fait que Leandre n'avait encore jamais rencontré, comme un mariage par exemple. Non, toujours pas ? La naïveté était propre à l'enfance, et Leandre regretterait ce temps où il lui était permis de rêver. Bientôt, très bientôt, elle abandonnerait complètement le tout juste majeur qu'était le Valfrey. Son sourire, alors empreint d'une candeur sans nul autre pareil et légèrement exagérée, s'estompa bien vite, au moment où le comte fit volte-face, pour s'approcher et s'exprimer une nouvelle fois.

Cette fois, celui qui se targuait de vouloir devenir chevalier ne pouvait, ni ne voulait, interpréter ce qu'il venait d'entendre. Malgré lui, la pression de sa main sur celle de Maeve se relâchait peu à peu, tandis que son regard ne pouvait se détacher de celui de son père. Il n'avait alors plus rien de ce petit garçon normand d'adoption, jouant à l'épée en bois sur les plages dieppoises, lançant des cailloux ricochant à la surface de l'eau ou se targuant d'avoir mis à mort un rongeur. Il avait grandi, et comptait bien le montrer, aussi bien dans son attitude que ses paroles. D'une voix assurée et déterminé, il s'adressa à Jontas.


Vous m'avez menti alors. Où est-elle ? Je veux la voir.

Se rassurer comme il le pouvait, se raccrocher aux branches alors qu'elles semblaient si fragiles.
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Bâtard de Valfrey.
Maeve.
La réaction du Comte à sa présence aux côtés du jeune impérial la surprend. Pour peu, elle en écarquillerait les mirettes et laisserait choir son menton au sol. Mais comme elle n'est pas dans un Tex Avery, qui n'existe même pas à l'époque, elle se contente de sourire niaisement (c'est une fille, elle sait faire naturellement) et de réitérer un simulacre de révérence, sachant le Valfrey attaché aux convenances.
Ensuite... ensuite elle ne sait plus que dire, ni que faire, ni où regarder. La conversation prend un ton résolument personnel entre jontas et Leandre, la jeune Alterac, bien que promise au second et donc future bru du premier, ne sent pas à l'aise.

Leur histoire familiale, si elle recèle autant que celle des Alterac, promet de mauvaises surprises, des nouvelles peu agréables. Pour autant, elle ne s'attendait pas à l'aveu du Comte à son bâtard. Instinctivement, elle tourne ses prunelles azurées vers celles de Leandre, quant à elles résolument rivées sur son père.
Les doigts se desserrent autour de sa main, la pression se crispe tout en se relachant. Elle réprime l'envie de la retenir, cette main, de la garder, serrée, contre elle, au chaud. Les mots du Comte en réveillent d'autres en elle.


Les couvents sont de ces endroits dont peu ressortent, à sa connaissance... L'inquiétude dans les noisettes maternelles dès que l'un d'entre eux faisait mine d'y passer quelques temps... Les bien portants qui en sortaient les pieds devant, son frère, son ainé, qui avait succombé aux messes répétitives, aux soins des moines. Bientot elle apprendrait aussi la mort de Gaborn, lui aussi parti au couvent, pour quelques semaines, quelques mois, qui n'en reviendrait que pour rejoindre la terre de sa sépulture...
Frémissement.

Un pas en arrière. Elle voudrait se trouver ailleurs, à réfléchir encore à la robe qu'elle portera ce soir. Elle voudrait se concentrer sur l'attitude de Leandre, qui arrache quelques battements plus rapides à son coeur d'adolescente, ne voir dans ses épaules droites et sa nuque raide que l'homme qu'il devient, et non les réflexes protecteurs de celui qui s'attend à mauvaise nouvelle.
Mais elle se trouve là. Et leurs doigts s'effleurent encore. Portant son regard sur le Comte, elle espère qu'il sera pour une fois franc sans être dur. Elle espère aussi que le pressentiment qui lui prend les tripes n'est qu'une réminiscence erronée de ses expériences passées, et qu'au final... peut-être, le Valfrey aura caché Zelda derrière une étagère, vous savez, dans ces passages secrets dont sont remplis les chateaux. Et qu'elle sera présentée à la mère de son promis.
Bon sang, que ne s'est-elle pas changée avant de rejoindre ce salon...

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Au revoir, Fab.
Jontas
Voilà une question des plus embarrassantes pour le Comte, que répondre à un fils qui demande à son père où sa mère se trouve, mère décédée depuis de longs mois désormais mais caché au dit fils pour ne pas le brusquer dans une déclaration flagrante de vérité, destructrice du peu d'innocence qui pouvait rester dans le coeur du fils de Valfrey, l'héritier de Beaufort, celui qui se devait d'être à la hauteur d'un Comte sombre et affreux avec les gens qui ne pouvaient se vanter d'être à un niveau égal si ce n'est supérieur à son rang. Il lui fallait maintenant faire preuve d'honnêteté envers son fils et lui démontrer qu'un Valfrey, après s'être montré fier et vaillant, devait se montrer fort et courageux, bref, être un Valfrey, nom défendeur des biens impériaux, aristotéliciens et franc-comtois, un nom qui connût la mort, et la connaîtra pour le reste de vie qui peut rester dans des coeurs froids et meurtris, des coeurs emplis de haine envers ceux qui peuvent montrer un tant soit peu de manque de respect et de perte de connaissance de leur place au sein des rangs de la vie de nobles. Ce jour allait sceller la destiné d'un enfant à la suite d'un homme vieillissant que trop, la blancheur de la pureté définitive, rendant toute chose à sa simple définition, un entremêlement de chaire sans signification autre que la symbolique même de la destruction annoncée de toute chose créée, prenant sans cesse plus d'ampleur sur ce que l'on appelait cheveux.

D'ailleurs, ce mélange à la fois blond et blanchissant tenant bien sur la tête d'un Comte ayant tellement eu l'habitude de les voir souillés par le sang d'infâmes ennemis se virent agressés par la main habile et ferme du Valfrey en un mouvement mélangeant coiffage et grattage du cuir chevelu tentant de libérer une idée d'expression pour son fils qui allait devoir avaler la triste vérité d'une nuit de printemps. Le Comte se tourna alors dans un mouvement qui semblait précédé par le dit mouvement de grattage vers le fauteuil qui ornait la pièce. Il se dirigea vers celui-ci et posa son comtal fondement qui s'enfonça dans le comtal fauteuil et son comtal regard se posa sur son comtal fils, l'air comtalement froid de toute émotion.


Leandre, ta mère n'est plus... Nulle part. Il y a quelques mois maintenant, elle est partie dans ce monastère dont je t'ai parlé car une maladie la rongeait. Malheureusement, malgré toutes les prières des moines et tous leur savoir faire, ils n'ont pas réussi à la sauver. Elle a succombé de cette maladie peu après son départ là-bas.

Ce fut bref, mais clair, cela résumait somme toute bien la situation qui était la leur depuis le départ de la Franche Comté du Comte avec sa bienaimée disparue. C'est donc le regard vide d'émotion que le Comte regarda son fils, attendant une réaction.
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Leandre
... et quelle réaction ! Mais avant de s'attarder sur cette dernière, un constat de l'état psychologique et physique du bâtard de Valfrey s'imposait. Les battements de son cœur résonnaient anormalement vite, manquant de faire exploser ses tempes par l'afflux sanguin emplissant ses veines ; des frissons l'avaient parcouru, depuis sa moelle épinière, jusqu'aux épaules, et dans le bas du dos ; la plupart de ses poils s'étaient hérissés ; sa bouche s'était entrouverte, tandis que sa mâchoire menaçait de se décrocher à tout moment ; ses yeux paraissaient avoir doublé de volume, semblant être sur le point de quitter leur orbite ; ses joues avaient pris une teinte cramoisie, bien différente de celle qui le saisissait lorsqu'il partageait un peu d'intimité, certes frivole, avec sa princesse ; ses mains s'étaient crispées, l'une d'elle resserrant son étreinte sur celle qu'il tenait depuis qu'ils s'étaient levés ce matin ; malgré tout, ses jambes ne s'étaient pas dérobées.

L'information qui avait provoqué tout cela était entrée par les oreilles, circulant à une vitesse phénoménale jusqu'au cerveau, afin d'être assimilée puis traitée en conséquence. Aucun mot ne parvenait encore à sortir de la bouche du bâtard, peut-être parce qu'il ne voulait pas, peut-être parce que son système nerveux avait reçu la consigne de pourrir son organisme avant tout. Il ne pouvait détacher ces yeux exorbités de ce père qui lui avait menti, qui lui avait caché la mort de sa mère. Au bout d'un temps interminable, pour lui, sans doute pour eux, pas du tout pour quelqu'un d'autre, ses jambes le portèrent jusqu'à ce qu'il puisse se planter devant le comte, emportant Maeve avec lui. L'inexpression du visage comtal, le vide de son regard, la froideur de ses traits... Si le jeune adulte ne s'estimait pas un tant soit peu respectueux pour son géniteur, il lui aurait jeté son poing libre en pleine figure, dans le nez. Mais du respect, il n'en méritait plus dorénavant. Pas pour ça.

Le poing de Leandre se ficha alors dans le visage du comte.

Tout s'était déroulé très vite. Ou alors, c'était encore sa perception du temps qui faisait des siennes. Il avait lâché la main de Maeve, sans spécialement s'en rendre compte, puis avait refermé ses doigts sur la paume pour ensuite jeter son coude en arrière afin de prendre l'élan convenable. Son poing avait atterri entre les cheveux et le menton de Jontas. Pour le reste, l'hématome qu'il y aurait, ou non, quelque part sur le visage du comte, certifierait de son geste. C'est qu'il en avait appris des choses à l'armée normande... Sans doute surpris, et cela pouvait se comprendre, le paternel se contenta de poser sa main sur son propre visage. Les deux regards se fixaient maintenant. Ce fut le moment opportun que choisit la cervelle de Leandre pour l'autoriser à parler, d'un ton calme, mais froid.


Vous m'avez menti. Vous m'avez dupé. Vous avez fait preuve de lâcheté. Vous n'avez pas été capable d'aider ma mère. Vous n'avez pas été là quand elle avait besoin de vous... Je... je n'ai même pas pu la voir, depuis tout ce temps. Vous avez préféré lancer des duels plutôt que tout mettre en œuvre pour la soigner.

Un moment d'arrêt, avant de conclure, le plus simplement du monde.

Pour tout cela, je vous hais.

Et sans demander son reste, l'homme qu'il était devenu - par le simple fait d'un geste qu'il aurait sans doute à regretter plus tard ? - fit volte-face. Un regard désolé pour Maeve, et il se dirigea vers la porte.
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Bâtard de Valfrey.
Maeve.
Les mots du Comte résonnent dans la pièce, cognent les murs, se répercutent dans l'attitude changée de Leandre. Le pas en arrière rapidement s'estompe, ses doigts serrés à en couper la circulation l'entrainent vers le fauteuil du compte, à la suite de son chevalier. Pour avoir vu souvent le rouge lui monter aux pommettes, quand ils parlent d'eux, de leur amour juvénile, de leur mariage ou que leurs lèvres se rencontrent, elle ne reconnait pas là cette chaleur timide qui lui va si bien, mais découvre une facette qu'elle n'avait jamais eu l'heur de voir sur le visage de son promis.
Cette étreinte presque violente, ce saut en avant, ce regard que Leandre lance à son père... La rouquine a presque peur, ne reconnaissant plus le futur chevalier.
Dans son ventre se jouent les affres de tripes nouées, la douleur lancinante, sans doute due au stress subi, entre l'annonce et la réaction.

Et puis, soudain, le vide.

Si les doigts sentent bien qu'ils ne sont plus reliés à rien, si les saphirs ont bien vu le poing de Leandre grimper jusqu'au visage du Comte, si elle a bien ressenti en elle le choc de la peau contre la pommette, pour autant son cerveau refuse d'assimiler l'information, ses paupières ne daignent pas cligner, et elle reste là, près de son futur beau-père. Leandre a frappé son père. L'homme qui lui a donné la vie, l'homme qui lui a caché la mort...
Elle ne porte pas particulièrement le comte de Beaufort dans son coeur, au contraire de son bâtard, mais elle se dit, en une fugace pensée, que jamais elle n'oserait toucher ses propres parents, que certaines choses sont...

Réflexion qui s'achève dans le regard que son chevalier lui lance en tournant les talons, la laissant face à Jontas, les bras ballants, les prunelles aussi perdues que le ciel qu'elles habitent. Et cette satanée douleur, qui refuse de disparaitre... Le ventre en ébullition, la tête qui ne répond plus.
Elle devrait…
Elle devrait se retourner, elle devrait faire profil bas, elle devrait se taire, elle devrait rejoindre Leandre, elle devrait l’enlacer, elle devrait reprendre sa main, elle devrait l’emmener dehors, elle devrait oui…
Mais…
Mais elle lève les yeux vers le Comte. Ses lèvres se descellent, lâchant sa diatribe sur un ton laconique, blessant, cinglant, froid, et dur. Un ton de l’adulte qu’elle devient, plus rien de la môme impressionnée par son beau-père grognon.


Mentir, voilà qui n’est pas digne de la noblesse que vous tenez tant à préserver de la souillure. Que vous rêvez grande, belle et forte. Vous n’avez plus rien de noble, Jontas deValfrey. Même les gueux que vous vous amusez à persécuter, ne descendent pas si bas qu’ils cachent la mort de leur mère à leurs enfants. Vous êtes ce soir indigne de votre rang. Et vous ne…

Elle se plie en deux la rouquine, au milieu de sa tirade, ses mains rejoignent son ventre au supplice. Les lombaires la tourmentent, mais ce ventre… il la tue. Se baissant, ployée par la douleur, elle aperçoit entre deux plissements d’yeux une tache sombre sur ses braies pourtant propres de la veille, une tache qui s’agrandit à vue d’œil, du sang…

Panique !

Elle se redresse, le regard terrorisé, qu’elle rive à ce comte qu’elle vient d’insulter, avant de le tourner vers son chevalier. Le carmin qu’elle devine entre ses cuisses, ce mal qui la tourmente depuis le matin, qu’elle occultait dans des considérations vestimentaires… Et ce pic…


Je meurs ! une blessure… je ne sais pas quoi… je saigne…

Se tenant toujours le ventre, elle se laisse tomber au sol, ne comprenant pas ce qu’il lui arrive. Pourtant, elle n’a pas aussi mal que lorsque Uriel l’avait mutilée, elle ne se sent pas mourir, il doit y avoir une explication… Qu’elle aurait deviné immédiatement si elle avait grandi avec sa mère. Qu’elle ignore, d’avoir fait ses études à Dieppe avec un Grand Aumonier. Qu’elle ignore, d’être restée à Limoges avec Klesiange et son père. Qu’elle ignore, de n’avoir croisé sa sœur qu’à de trop rares occasions, maudit monastères ! Qu’elle ignore, d’avoir suivi Leandre en Lorraine… Maeve devient femme, tout bêtement, première floraison, signe de sa puberté… Qu’elle connaitra désormais chaque mois de sa vie.
Mais elle l’ignore… et elle panique… se voit déjà morte, vidée de son sang, sur le si beau parquet d’un château franc-comtois, sous les yeux d’un Comte menteur, et de son chevalier rageur…

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Au revoir, Fab.
Jontas
Comment allait réagir le Comte frappé à la fois dans son orgueil le plus profond et sur sa peau, le plus à la surface. La main portée à la joue était plus pour reconnaître les terres souillées par la main de son fils plutôt que pour apaiser une douleur naissante. Le Comte s'était pris trop de coups pour souffrir par la main d'un jeune garçon grandissant. Le regard s'assombrissant, les sourcils se fronçant, la respiration se faisant plus intense et la mâchoire se crispant, le Comte était sur le point de s'élancer vers son fils pour corriger son geste lorsque ce fut la jeune Alterac qui se mit à agresser verbalement le Comte.

Mais si l'envie de corriger son fils arrivait facilement, cela était plus compliqué pour la jeune Alterac, après tout, il n'était en rien un de ses parents ou un de ses éducateurs et rien que le fait de subir le courroux de la mère de Maeve suffisait pour que le Comte ne réagisse pas au quart de tour face à la petite. Et alors même qu'elle continuait à déverser son flot d'attaque contre le Comte, elle s'arrêta subitement, se pliant en deux devant le regard plus étonné qu'énervé du Comte. Et lorsque ce dernier vit la tâche rouge naissant sur les braies de la jeune fille, il ne put s'empêcher de lever les yeux vers le plafond.


Aristote, viens m'aider...

La demande, plus proche de la supplication que de l'espoir, était presque sortie toute seule mais néanmoins, le Comte savait bien ce qui prenait la jeune Alterac, cette chose qui dérangeait chaque mois le Comte lorsqu'il souhaitait un peu d'intimité avec les différentes femmes qu'il avait pu connaître et voilà qu'une jeune fille se mettait à souiller le parquet de ses appartements.

Ses mains se crispèrent sur les accoudoirs de son fauteuil et d'une pression avec ses mains, le Comte se leva et se planta devant la jeune Alterac, au sol et d'un ton sec, lui parla d'une façon proche de l'ordre.


Lèves-toi, Maeve, ce n'est rien.

Puis, se tournant dans la direction de son fils et toujours sur le même ton qui donnerait presque l'impression que le Comte avait oublié le coup que son fils venait de lui donner s'il n'avait pas dit les quelques mots qui suivirent, il s'adressa à son fils.

Vas chercher la première femme que tu trouveras, noble ou pas. Tu apprendras à tenir ton rang quand elle cessera de saigner sur mon sol, bâtard.

Le ton s'était voulu dur pour faire comprendre à son fils que le Comte ne comptait pas en rester là et que malgré le fait que Leandre puisse être fier de pouvoir pour la première fois de sa vie répondre à son père et même aller jusqu'à le frapper, ce dernier n'était pas non plus prêt à recevoir une telle réponse sans réagir.
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Leandre
Une femme était morte, une autre naissait.
Il s'apprêtait à quitter la pièce, puis dévaler quatre à quatre les marches de l'escalier qui menait au rez-de-chaussée. Sortir dehors pour rejoindre le vieux chêne dans la cour du domaine, et enfin faire le vide dans sa tête, se calmer... tenter vainement de chasser ces pensées qui lui embrumaient l'esprit. Pleurer aussi. On ne pleurait pas devant une fille, surtout quand cette dernière était promise en épousailles. Garder la face, devant son père, devant Maeve. Crier, peut-être. Evacuer - une nouvelle fois - la rage qui s'était accaparée de son corps. Frapper dans l'écorce de l'arbre, jusqu'à s'en faire couler le précieux liquide vermeil... mais ce fut un autre sang qui se répandit.

Leandre se retourna suite à cette absence de suite dans la tirade de l'Alterac. Ses yeux se posèrent sur Maeve, pliée en deux, alors qu'elle invectivait encore le comte à l'instant. Pas le temps d'accourir à ses côtés, que déjà elle s'était effondrée au sol, imitant son propre sang. Immobile et tétanisé, le jeune Valfrey détourna son regard pour croiser celui de son père. Avait-il osé ? Non, jamais il ne frapperait, à en blesser, une femme, qui plus est fille de Pair de France. Les poings serrés, Leandre s'avança lentement, tandis que le comte se levait pour rassurer Maeve. "Ce n'est rien", il en avait de bonnes, parfois. Elle gisait là, se tordant d'un semblant de douleur et se vidant de son sang, devant un chevalier en herbe toujours aussi furieux malgré la panique qui l'envahissait, et un comte toujours aussi froid dans son comportement malgré le coup qu'il venait de se prendre et son parquet maintenant maculé. Insolite tableau.

Le comte s'adressa à son fils, de paroles emplis du dédain habituel. Leandre avait appris à accepter sa condition de bâtard, d'enfant de l'amour. Son père avait beau lui rappeler son statut, qu'importe la situation, ce n'y changerait rien. En cet instant, il n'aurait voulu pour rien au monde écouter et obéir aux ordres de son géniteur. Mais la situation dans laquelle se trouvait sa princesse l'amena à reconsidérer cette idée. Il déglutit, difficilement, ravalant sa fierté, puis hocha la tête. Cette fois, il s'engouffra pour de bon à l'extérieur de la pièce, direction là où l'on trouvait forcément une femme dans ce château : si ce n'était la chambre du comte, c'étaient forcément les cuisines.

Il ne lui fallut pas longtemps pour les atteindre. Il savait parfaitement où elles se trouvaient, lui qui aimait à aller réclamer quelques sucreries et pâtisseries aux domestiques. Ces derniers se retournèrent à l'entrée du fils du maître des lieux. Sans doute s'attendaient-ils à le voir leur demander quelque chose à se mettre sous la dent. Pas le temps de saluer, ni d'être autrement poli, il agrippa de force le bras de la plus corpulente des femmes, et l'invita - si l'on pouvait appeler ça une invitation - à le suivre. Une fois qu'il s'était assuré qu'elle le suivait, il la lâcha enfin, lui expliquant la situation, tout en montant les marches.


Ma... Maeve, elle s'est écroulée, elle saignait ! Père semblait furieux ! Mais ça c'est parce que je l'ai frappé, entre autre ! Je crois aussi qu'il est en colère pour son parquet, maintenant qu'il est tout tâché du sang de Maeve ! Alors il m'a dem... ordonné d'aller chercher une femme, n'importe laquelle ! Je ne sais pas pourquoi, mais il sait ce qu'il fait, sûrement... j'ai donc pensé à chercher dans les cuisines, parce qu'il y a beaucoup de femmes dedans, et aussi parce que je sais où elles sont, et que c'est assez proche... bref, arrêtez de me demander tout cela, et voyez par vous-même !

Il ouvrit alors la porte, avec la délicatesse légendaire qu'on lui connaissait. S'adressant à son père : voilà, j'ai été chercher une femme.

Ca se voyait de toute façon, non ? Sans adresser d'autres mots à son père, il s'agenouilla aux côtés de Maeve, et lui saisit la main. Que pouvait-il bien lui arriver ? Décidément, le Très-Haut avait décidé de pourrir cette journée, à sa façon. Il continuait à serrer la main de sa promise, ne se souciant guère des paroles que pouvaient s'échanger le comte et la domestique.
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Bâtard de Valfrey.
--Grosse_margot
Rhaaaaaaaa! Mais elle fait quoi la nouvelle aide-cuisine ? N'import'quoi, encore... L'odeur qu'envahit l'lieu n'a rien d'naturelle... La Margot s'pointe d'vant les fourneaux, l'regard noir et l'allure pas jouasse. L'poing sur la hanche, et l'menton en avant, elle s'rapproche d'la gredine qu'a osé rajouter on n'sait pas quoi au ragout qui s'prépare gentiment pour c'soir...

Faut dire qu'elle est là d'puis des lustres, la Margot. D'puis si longtemps qu'à l'époque on pouvait encore faire une différence entre ses hanches et ses cuisses, c'pas peu dire ! Même qu'à l'époque, elle pouvait encore la l'ver, la cuisse, d'vant les nobliaux qui passaient parfois au château... Mais tout ça r'monte à des années. D'puis, elle avait eu l'temps d'faire siennes les cuisines, d'faire d'Beaufort en sous-sol son domaine. Pas une décision prise au niveau d'l'intendance pour laquelle on l'a concert' pas, la Grosse Margot.

L'avait pas toujours été comme ça, mais comme on s'souvient plus d'l'avant... elle s'contente d'grogner sur les aides qu'on lui r'file régulièrement, seule domestique d'la maison capable d'tenir tête au Comte imbuvable qui leur tient lieu d'maitre, jusqu'au suivant... Insupportable, condescendant et vagu'ment méchant, elle l'connait d'puis longtemps. Elle l'connait d'puis l'époque où l'était pas si dur, qu'même personne s'en souvient. Pieux et aimant, il était d'venu dur et impassible, mais la Margot l'tait pas dupe, et s'il fallait dire quelque chose, c'toujours elle qu'on envoyait en première ligne.

Surveillant l'ragout qu'elle hésitait à j'ter tellement la môme l'avait gâché, elle était plantée sur ses g'noux cagneux quand l'gamin était entré en trombe dans son domaine... Pas qu'elle en avait pas l'habitude hein... C'presque comme si elle l'avait vu naître, l'ptit bâtard, et elle avait là quand il avait fait ses premiers pas, courant vers une miche bien chaude sur laquelle il avait failli cramer ses p'tits doigts d'mioche inconscient. Des années plus tard, c't'un jeune homme qu'était d'retour à Beaufort, mais elle l'avait r'connu, la Margot, et dès q'il passait en cuisine, l'Leandre, l'avait droit à la dernière patiss'rie sortie du four, une écuelle ou un boc d'bière fraichement brassée.

Enl'vant l'poing des hanches pour l'porter vers un bout d'gateau, elle interrompt son geste dans la s'conde, l'coude chopé par l'adolescent qui l'entraine vers la sortie sous les yeux ahuris des domestiques... Entre l'couloir et l'escalier, l'arrivée dans l'salon s'fait essoufflée, l'visage rubicond passé à l'écrevisse, et la poitrine opulente s'couée d'cahots impossibles.

Et v'là l'paysage offert. Entre un Comte qui s'tient d'vant son fauteuil, la pommette rougie, une gamine affalée au sol, les braies tachées, les mains sur l'ventre, et Leandre qui s'précipite pour aller lui en choper une, l'minois affolé. Fronc'ment d'sourcils d'la dondon qui comprend pas c'qu'elle vient foutre dans une réunion d'famille. Parce que la môme, elle en a entendu causer, pensez ! ça bavasse dans les cuisines... La promise du gamin, qui même à trente ans resterait un gosse pour la Margot...

L'regard sourcilleux s'porte sur l'comte.


M'avez fait appelé, M'sieur Vot' Grandeur ? C'pourquoi ?
Suis pas infirmière, hein, suis qu'cuisinière...


Et puis elle zieute d'nouveau la gamine au sol, qui tente d'se relever, la grimace et la honte accrochées au minois, la main d'son promis crispée dans la sienne... Hum... Les braies, l'ventre, l'âge qui s'affiche sur l'visage balafré - froncement d'nez d'la Margot qu'aime pas bien voir des cicatrices, surtout sur des mômes- l'instinct maternel qui prend l'dessus chez la cuisinière, qui s'dit qu'elle a peu d'risques de s'planter vu qu'elle a pas vu d'armée dans l'jardin du château.

Lent'ment, sans vouloir brusquer, elle s'rapproche, ignorant plus ou moins l'ton arrogant d'un Comte qui est pire que d'habitude, faut voir qu'elle s'rappelle qu'Leandre lui a dit l'avoir frappé, y'a d'quoi pas être jouasse... Sans compter sa future bru qui s'redresse sur l'parquet avec une auréole sur ses braies qui à défaut d'être neuves sont propres.. 'fin l'étaient... Argh, la jeunesse.. n'a-t-elle pas d'mère cette môme, qu'elle n'sache pas c'qui lui arrive ?


Z'inquiétez pas m'zelle... j'vois c'que c'est... Leandre, lâchez là.. j'vais m'en occuper. Un bain, quelques chiffons, une explication et elle ira mieux... ferez mieux d'vous y habituer...

Et sans plus faire attention, elle chope Maeve par l'bras, et la r'dresse sous l'regard éberlué du Comte et du bâtard. Et lui murmurant à l'oreille, la porte presque jusqu'à la porte.

Dans une heure, elle vous r'vient... z'inquiétez pas, vraiment. 'Fin m'sieur Vot' Grandeur, vous d'vez le savoir...

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Maeve.
En dessous de tout... Sous le regard du Comte, et ses paroles, celui de son chevalier, elle se sent mutilée, amoindrie, souffrante et pitoyable... Ne reste que cette douleur qui comme la marée reflue, petit à petit, le pic quittant ses reins pour se caler dans les lombaires, lancinante, sinueuse, serpentine de souffrance qui quitte enfin le ventre pour se caler un peu plus bas...
Reste le sang, elle le sent, elle connait cette sensation chaude sur ses cuisses, elle se rappelle ses sillons tracés sur la chair blanches d'une gamine de huit ans, qu'elle était quand Uriel s'était amusée de sa dague sur elle.

N'empêche que là y'a pas eu d'agresseur, juste une douleur sourde qui a décidé de l'ouvrir, l'accaparant, la clouant au sol, un instant qui en a duré plein... Qui a tiré d'elle du sang, et comment pouvait-elle savoir qu'il venait d'elle, qu'il le ferait ainsi, chaque mois de sa vie...?
Se retrouvant seule, pendant quelques minutes, avec le Comte, il y a de quoi la faire paniquer. Il évite soigneusement son regard, elle se sent monstrueusement seule pendant que son chevalier est parti à sa rescousse sous les ordres de son père.
Au sol, elle reste à la merci de jontas,tremblante et pliée en deux. Des minutes qui semblent durer des heures sous le regard dur du Comte devant lequel elle est rarement à l'aise en tant normal, mais alors vu la scène qui vient de se dérouler, et ce qu'elle a pu lui sortir comme tirade, autant dire qu'elle est plus que honteuse d'être presque allongée sur son parquet à se tenir le ventre....

D'autant qu'il semble savoir ce qu'il a, qu'il semble le traiter par dessus la jambe, comme s'il était commun d'avoir mal au ventre et du sang sur les braies, à croire qu'il en a vu des dizaines comme ça, douloureusement pliées et la culotte tachée...
Heureusement, pour mettre fin à son calvaire, et en démarrer un autre, arrivent Leandre et... et... et une grosse femme, au visage marqué par les années de servitude, luisant de la graisse des fourneaux, au giron plus qu'impressionnant et cette voix... on devait l'entendre jusqu'à Dole, au moins !

Leandre la rejoint, mais inconsciemment, si elle lui laisse sa main, elle lui soustraie son regard, comme si elle était consciente que son mal n'avait rien de glorieux, et qu'elle s'était effrayée pour rien... Même si elle tremble encore. Personne d'autre qu'elle et son chevalier n'ont l'air apeuré. Pire, la grosse femme se rapproche alors qu'elle tente de se relever, les joues rouges de la honte d'avoir été si faible, et devant Leandre qui plus est...
Lâchant la main de Leandre à regret, elle se laisse emporter par celle, autoritaire, de la cuisinière. Alors, alors seulement, se posent sur son promis ses prunelles azurées, emplies de crainte, de honte et de regret, lui transmettant toutes ces émotions, elle sait qu'elle le laisse seul avec son père et d'une dernière pression du bout des doigts avant de le lâcher complètement, elle lui signifie son complet soutien...


je reviens... je serai là...

Pas un regard en revanche pour le Comte qu'elle laisse ruminer, se tournant alors vers la porte, qu'elle franchit au bras de Margot qui lui murmure à l'oreille...

Bienv'nue dans l'monde des femmes, m'zelle !

Haussement de sourcil surpris de la jeune rouquine, qui se plie de nouveau, soutenue par Margot... Et passe la porte, se faisant embarquer vers sa chambre, où la dondon, sans rien lui expliquer, lui dira juste que c'est normal, c'est ça être née femme, et qu'elle devra chaque mois qui lui sera accordé de vivre supporter la douleur, les désagréments, et se servir de chiffons propres afin de n'avoir pas à changer de braies toutes les deux heures... De quoi faire paniquer la jeune Alterac, qui ne demande qu'une chose, qu'on lui expliiiiiiiiiique.
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Au revoir, Fab.
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