Corisande
Le sourire en coin, Cori observe Pluie, qui, dun air dégagé, est en train dinstaller un nid douillet un peu à lécart de la danseuse et la joueuse de flûtiau désignée doffice, Azhanna.
Son chenapan aurait-il des intentions coquines ? Voilà une idée qui réjouit la blondinette !
Ils se rapprochent du feu qui crépite et qui lance des étincelles dorées illuminant le fenil. Au dessus de leurs têtes, la fumée odorante séchappe par un trou béant, au milieu du toit, par lequel se glissent aussi quelques flocons de neige qui meurent avant de rejoindre le sol.
Sur un trépied improvisé, posé au-dessus des braises, ronronne une marmite de ragoût.
Avant de se rasseoir près de Cori sur un coussin autrefois moelleux mais ayant déjà beaucoup vécu, Pluie a pris dans ses bras la petite Zisla qui dort à poings fermés, et la emmitouflée dans une cape de laine, puis déposée bien au chaud au centre dun berceau de paille.
En discutant le long du chemin, ils ont décidé de les laisser, Galaad et elle, aux bons soins des surs de la Charité, ne pouvant pas se permettre de mettre leur vie en danger.
Dans les villages traversés, ils ont appris que la France a attaqué le Comté de Provence. Les rumeurs circulent très vite, et les chemins menant vers la Méditerranée seraient de moins en moins sûrs, parcourus par des gueux chassés de leurs masures ou par des soudards déserteurs, assoiffés de rapines et de violence.
A chaque jour suffit sa peine. Et ce soir, après avoir été assise un long moment dans la roulotte, Cori a soudain lenvie irrésistible de gigoter un peu.
Sous lil sombre de la jolie Carmeen, Cori ébouriffe ses cheveux, se lève en riant, s'étire avec grâce et esquisse quelques pas de danse en faisant tourbillonner ses jupons avec beaucoup dentrain, et en fredonnant quelques lalala enjoués.
Viens donc, Carmeen ! Danse avec moi ! Fais nous voir ce que tu sais faire ! Jai hâte que tu mapprennes dautres pas.
Relevant son regard clair sur Pluie, qui sapprêtait à ouvrir la bouche, elle décide de lasticoter un peu, lui posant un doigt sur la bouche: Et toi mon Amour, surtout ne chante pas ! Ce nest pas nécessaire pour nous accompagner
Après quelques envolées endiablées et quelques arabesques gracieuses, la blondinette se penche vers son amant, et lembrasse doucement, un peu essoufflée.
Elle lui murmure à loreille : Faut que je te le dise, mon amour, tu nes pas très doué en chant. Mais rassure-toi, tu as dautres talents qui me font craquer, et je taime plus que tout !
Puis elle se redresse et se remet à tourner dans la lumière dorée et dansante du feu de bois.
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