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[Les cellules] De profundis animae

Cerridween
Elle est là bas au fond dans la pénombre la rouquine...

Son élément... qui s'est imposé doucement comme lorsque la nuit tombe à la surface de la terre, éclipsant petit à petit la lumière quand l'impétueux soleil décide de se cacher. Elle l'entoure, la prend, la dessèche, la glace dans cette nuit sans fin. Peu à peu elle s'efface la brillante rouquine dont la seule lumière reste les cheveux de feu. Elle lui rappelle, cette compagne obscure, les souvenirs, sa place, ses dernières années, où elle l'a petit à petit envahie, enserrée. Compagne de ses pas... peut-être de ses actions... toujours de ses pensées. Jusqu'à l'habiller des pieds à la tête. Pourquoi l'avoir trahie dans cette robe rouge ? Pourquoi...
L'amante opaque s'est vengé, de la traitrise, d'avoir été trompée. Elle n'a récolté, la rousse pourpre, rien de plus qu'un retour aux origines, violent, destructeur. Ainsi soit fait. Plus de couleur. Plus de vie. Le glas a fini de sonné. Demain elle redeviendrai la forme noir qui arpente la forteresse, l'ombre, sable jusqu'au cœur. Le passé chatoyant est enterré. Maintenant.
Le rouge t'allait si bien Pivoine avant que de noir tu te pares.
Pour toujours et à jamais...
Ombre parmi l'ombre...
Ton sur ton parfait...

Mais c'est une compagne qui a ses bons côtés, malgré tout. On peut se dissimuler à loisir entre ses bras opaques. Elle vous cache, toujours, sans rechigner, sans remontrance. Elle vous accueille simplement. On peut y fuir le monde, ses attaques. On peut s'y retrouver seule, seule, sans autre juge que le silence et sa cape pour vous couvrir. On peut y penser ses blessures. Sans regard. Sans pitié. Et surtout, on y peut pleurer sans honte. Sans témoin.

Et c'est bien des larmes qui coulent sur les joues de la rouquine, retranchée contre ce mur qui la soutient. Des larmes. Qui ne brilleront pas puisque lumière il n'y a plus, dans l'ombre où elle se trouve. Une rousse dévastée se vide, avatar du sang qui pourrait couler des blessures infligées si elle étaient visibles, de longues trainées d'eau et de sel sur ses joues glacées. Et pourtant ce sang elle le sent couler aussi. Longs sillons d'un rouge absent, imaginaire, qui s'épandent lentement. Le combat a été trop âpre, les coups trop violents, l'émotion et la culpabilité trop vives. Elle se vide, la rousse, blême et avachie. Crucifiée contre les pierres aussi froides que sa peau, les bras ballants, elle agonise. Les gouttes allégoriques, se déversant de partout, de ses bras, de ses membres, de sa poitrine ouverte, de sa peau écorchée, transpercée. Elles arrivent au bout de ses doigts sans vie, pour attendre un instant, hésitantes, avant de tomber sans bruit ni tâche pour mêler son chagrin à la boue et la nuit.

Elle attend... les yeux fermés. René va s'avancer. René va le détruire. De cette pogne immense qui est bien capable de lui briser un à un les os. Elle lui a demandé. Elle est aussi bourreau. Comme victime. Double, bicéphale. Et cependant si froide. Aussi froide que le granit, le coeur glacé et pourtant fumant, palpitant, vicié de sang et de pue. Humain. A en hurler. A en hurler son mal. De ne pouvoir avoir accès, maudite de ce coeur qui ne sait qu'aimer ce qui n'est pas pour elle, au plus infime bonheur. Au plus simple repos. A la plus mince des accalmie. A en crier sa douleur. Son impuissance. Ses fautes. Toute la noirceur qui pourtant la protége.
Elle attend... l'impact. Celui des mains du géant sur la carcasse du cavalier. Les cliquetis des chaines lui annonce le début de la lutte. Les paupières ne s'ouvrent pas malgré les flots qui en sortent. Elle ne veut pas voir. Pas cela. Pas encore. Plus de poings qui meurtrissent de chair. Plus de lame, plus de sang. Il suffit. Elle subit derrière les portes clauses de ses yeux, les bruits de la bataille livrée, les grincements de dents, les gémissements du prisonnier, le bruit des impacts.

Avant que…
Les paroles du géant qui résonnent dans la cellule. Au milieu des bruits de fers entrechoqués.


Tu as peut être pris le dessus, mais Enguerrand existe toujours. Tu ne peux l'empêcher d'avoir accès à tout. Tu ne peux pas, parce que tu sais comme moi qu'il ne le veut pas. Tu n'es pas là par hasard, tu es là parce qu'il l'a voulu.

Tu m'entends, Enguerrand? Personne ne l'A créé. Ni Cerridween. Ni moi. Ni toi. Il n'est qu'une création de Dieu, ou du Sans-Nom, qui va, et vient, à la recherche d'un corps qui l'accueille. Pourquoi tu l'as accueilli, je ne sais. Mais tu l'as fais. Et il est là. Désormais que le mal est fait, il n'est plus temps de le changer. Tu as eu besoin de lui, un jour. Mais il pourrait causer ta perte.

Lentement les mots imprègnent la pièce, les pierres, l'humidité et le froid. Lentement ils arrivent pour surprendre une rousse pantelante qui tressaille lorsqu'ils essaient de la transpercer à leur tour. Mais ils percent un corps déjà blessé. Déjà meurtri. Aucun réconfort dans ces mots, tant elle se sent coupable, tant la douleur lui obstrue plus la vue que ses propres paupières serrées. Elle refuse toujours de voir, derrière son voile de souffrance la vérité. La culpabilité reste encrée, attachée à elle. Elle se débat avec elle même dans cette glue indéfectible. Les paroles se font lointaines pendant qu'elle ressombre sous une lame de fond de douleur et de peine...

Regarde-moi. REGARDE-MOI!


Les mots comme des béliers frappent contre ses paupières qui se relèvent sur la cellule. Il n'y a plus de bruit après le cri du tavernier. Les chaines se sont tues. Les cris d'Enguerrand également. Elle reste là, les yeux maintenant ouverts, regardant dans la faible lueur de la torche, le duo, proches, si proches l'un de l'autre qu'elle ne distingue presque pas le corps de cavalier derrière la grande masse du tavernier. Pas de coups, pas de violence, juste les deux hommes qui se regardent dans le blanc des prunelles.

Là sous ses yeux... un grain du sablier du temps est resté en suspend. Ils sont immobiles. Comme si un sort avait envouté la pièce la laissant la seule épargnée. Elle regarde sans comprendre les deux combattants, figés. Seule sa respiration haletante trouble le silence oppressant de la geôle assoupie. La rousse cherche, cherche une explication au silence, au regard, aux corps endormis. Rien pas un indice. Elle n'ose même pas avancer. Elle n'ose pas bouger. Elle reste là le dos contre les pierres à regarder la peur toujours au ventre.... jusqu'à ce que...

Le grain de sable retombe... René semble projeté en arrière et se recule en titubant. Lentement il recule... la rousse cherche toujours de ses yeux regardant successivement le tavernier et le cavalier une explication, quelque chose. Pardieu... que s'est-il passé dans cet échange de regard....


Je...suis là...Laissez moi maintenant, vous...en avez assez fait...Je suis revenu de...la...mort et je dois...l'affronter...seul!


Le cœur de la rousse rate un battement dans la cellule froide. Il a tressailli déjà au son de la voix. C'est la sienne. Même caverneuse, fatiguée, éreintée. C'est celle qu'elle connait. Mais on ne sort pas indemne d'un combat acharné. Elle ne se jettera pas dans les bras d'Enguerrand. Elle ne sautera pas de joie, non. Elle ne criera pas victoire, non plus. Elle reste toujours accrochée à son mur comme à une bouée. Le sang s'égoutte toujours malgré les pleurs qui se sont taris. Le venin coule toujours dans ses veines, comme résonnent encore les mots prononcés, les injures, les accusations qui volent autour d'elle comme un essaim d'harpies qui l'harcèlent.
Et René qui recule encore.
La rousse lève la tête vers la grande masse noire qui rejoint la pénombre à côté d'elle. Est-ce une larme qui a brillé là à l'instant au coin de l'oeil du géant ? Le doute n'est pas permis même si elle s'évapore... Il est donc victime lui aussi. Mais pourquoi ? Elle reste tournée un instant vers le grand tavernier. Qu'a-t-elle fait en le permettant de la suivre... On a toujours le choix Pivoine noire tu as fait le mauvais. La fatigue et la peur n'étaient pas une excuse. Tu aurais du lui dire de rester là haut. Que même sa taille ne serait pas assez. Qu'as-tu fait ? Qu'a-t-il dit ?
Un mot un seul...

Sortons...

Elle se détache difficilement de son empreinte sur le mur.... regagnant la porte et ne la fermant que lorsque René la bien suivie. Il sort le tavernier. Le dos courbé à pas lourds.
Elle reste un instant à la faveur de la pénombre... encore quelques mots à moitié audible, tellement il lui est difficile de parler.

Quoi que j'ai puis faire... pardon... j'aurai dû vous dire non... j'aurai du vous imposer de rester en taverne... malgré vos remontrances et vos ordres... j'ai failli...

Léger mouvement pour reprendre le mantel qui git encore sur le banc qui a accueilli son cour repos.

J'avais promis l'Enfer... voyez j'ai menti... il y avait dans ces bas fonds bien plus de mal et de douleur que chez le Sans nom...

La lourde étoffe se pose sans grâce sur les épaules fatiguées de l'Errante... les yeux quand à eux ne quittent pas René.

Il vous faut dormir...

Elle n'a pas d'autre mots à lui offrir... la reconnaissance elle voudrait. Ses yeux parlent pour elle si jamais il les voyaient. Rien n'est fini. A l'intérieur, il a juste gagné. Une bataille contre l'autre, mais pas la guerre contre lui même ni contre le poison. Et elle ne sait que dire au tavernier qui lui a rendu un peu plus d'espoir en se sacrifiant lui même.

René....

Elle se sent petite la rousse épuisée. Devant la grande masse, mais aussi devant sa bonté. Devant son dévouement, devant son aide. Elle n'a rien à offrir à cet instant. Rien d'autre qu'un mot. Déjà offert auparavant lorsque sa joue rencontrait sa paume.

Un instant de silence...


Merci...
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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Kékidi!
Orgueil. Je cries ton nom, Orgueil.

Les êtres humains ont une particularité absolument sans commune mesure, qui ne lasse pas de leur causer problèmes et désillusions. Elle est le fondement de leurs croyances. Elle est la base de leur fonctionnement. Elle est une excellente marque de l'état d'être humain. Orgueil... Un enfant, venant au monde, n'est pas du tout un adulte miniature. Il est un adulte en devenir. Et l'un des miracles de la vie, encore plus que la création de la vie à partir de deux énergies contraires, consiste sans doute à ce que ce petit d'homme, conçu au départ biologiquement et même psychologiquement comme une extension de sa propre mère, petit à petit, va s'en détacher et former sa propre vie, sa propre appartenance, ses propres croyances et besoins. De cette période d'individualisation forcenée, sans doute, l'Orgueil est l'une des pires créations.
Mais l'Orgueil pose question : Quelle est la frontière, entre Fierté de soi, et Orgueil? Entre Bravache et Orgueil? Entre Logique et Orgueil?

René, ce soir, allait paradoxalement se révéler orgueilleux et curatif. Il n'avait selon lui pas fait grand chose ; simplement réfléchi et agi. Et une fois sorti de la cellule à la suite de la jeune femme, alors que les choses se remettent à leur juste place, alors que celle-ci lui présente des excuses, il se révèlera orgueilleux. Pas en cela qu'il les acceptera, non. Plutôt en cela qu'il n'acceptera pas de se voir porté aux nues.

René, à ce moment, est de dos face à la rousse présence. Soupire.


Quoi que j'ai puis faire... pardon... j'aurai dû vous dire non... j'aurai du vous imposer de rester en taverne... malgré vos remontrances et vos ordres... j'ai failli...
J'avais promis l'Enfer... voyez j'ai menti... il y avait dans ces bas fonds bien plus de mal et de douleur que chez le Sans nom...

Petit sourire. Une commissure remonte, vers une oreille. René trouve presque comique cette petite bonne femme, derrière lui. Qui s'inquiète de lui, alors qu'elle est sur le point de tomber à la renverse.
Qui a le plus d'Orgueil, Pivoine? Toi, pour ne pas avouer que tu es lasse, et que tu n'es sur tes pieds que par volonté, ou Toi, René, incapable de lui dire que la faute t'incombe plutôt : à vouloir réveiller le mal, on s'y brûle les doigts ?
A vous regarder, on croirait plutôt voir deux cataractes, inamovibles, mais lentement érodées par le temps, et l'eau qui s'exhude de vos pores.


Il vous faut dormir...
René....
Merci...

Les larmes se sont effacées depuis peu, laissant des sillons bariolés, comme les rues des villes après les crues d'automne. Comme les aqueducs, une fois privés de leur eau. Comme les cataractes. René soupire. La colère a des chaînes lâches. Il n'est parfois pas évident de la retenir toujours. Et ne vous est-il jamais arrivé, retenant votre colère, de la voir se décharger après coup, et de façon absolument anodine? René était un peu dans ce cas-là. Les yeux s'étaient à nouveau étrécis. Dans la pénombre, derrière lui, une respiration était là, faible. René, ses vêtements maculés de boue, d'argile, et de toute horreur pouvant se trouver sur le sol de la cellule, se retourna d'un bloc, avant d'avancer vers l'errante.

- " Vous n'en avez pas marre ? Pas marre, de perpétuellement vous rabaisser? De perpétuellement laisser faire?

...

Bon dieu, Errante, que croyez vous qu'il se soit passé, ce soir? Vous lui avez sauvé la vie! Sans vous, que croyez-vous qu'il se fût passé? Tôt ou tard, le néphillim se serait lassé de ce corps, et l'aurait amené à la mort. TÔT OU TARD! Oh, pas forcément de la façon dont vous croyez: il l'aurait projeté des remparts, ou l'aurait amené à tuer quelqu'un. Et croyez vous qu'il se serait laissé juger? Il aurait combattu, jusqu'à se faire étriper menu par les gens du guet, ou par les chevaliers venus lui courir sus!

Vous demandez mon pardon, grand Dieu! Et pour quoi? Parce que je vous ai gaulée comme une truffe, à piocher dans les réserves? Parce que vous avez pensé à lui? C'est ça, ce que je devrais vous pardonner? Réfléchissez, crédieu!

... Parfois, l'Enfer n'est qu'une étape dans la salvation d'un homme. Et croyez-moi, je sais de quoi je parle. Ce n'est pas en évitant la douleur qu'on continue à vivre. Tout au plus, en l'oubliant.

Alors, par Dieu, cessez de vous battre la coulpe! De prime, ce qui est fait est fait. De seconde, ce n'est pas vous qui devriez demander pardon. C'est plutôt lui..."
Lors, il fait un signe de tête vers la cellule qu'ils viennent de quitter. Les sillons des larmes sont toujours là, sur ses joues. Réfléchissant la lumière comme des fils d'argent tissés par quelque araignée divine, lui parcourant la face pour tâcher d'en faire son dîner.

- " Maintenant, écoutez-moi bien, errante.

1- Vous allez MANGER, et de façon encore plus importante que ce qui vient de se faire.

2- Vous allez DORMIR, en retournant vous coucher.

3- Il y aura punition pour cela, d'une façon ou d'une autre. Je vous le garantis : on n'outrepasse pas certaines règles impunément. Je vous informerais de la façon.

4- Si jamais vous parlez de ce qui s'est passé ce soir, à qui que ce soit, je saurais m'en venger. Je vous en fais serment. De plus, je vous garantis que je fais en sorte que votre si joli collier finisse au feu, avec votre petite frimousse se baladant sur les planches, une corde au cou. Pigé?

Et ne vous préoccupez pas de moi. On survit à tout. "


Il se retourna alors, partant en direction de l'escalier. Coulant un regard dans son dos, il fit en sorte de la laisser passer devant, pour être sûr que son programme serait suivi.

Dans son esprit, quelques mots se gravèrent, alors qu'il remontait.

" Pater noster, qui in caelo regnat, quae voluntas tuas fecitur ". Oui. Que ta volonté soit faite... Envers et contre tout.


[ Et musique, de dieu!

A écouter en montant le son à fond les manettes, gnihihi... ]
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"Un tavernier sachant tavernir doit savoir tavernir sans sa serveuse, nan?"

René Dangieu, à vot' service. Mais on m'appelle "Kékidi" aussi. 'Jamais compris pourquoi, d'ailleurs...Hein? Kékidi?
Cerridween
Vous n'en avez pas marre ? Pas marre, de perpétuellement vous rabaisser? De perpétuellement laisser faire?

La main qui ramassait la couverture s’est ouverte, laissant le tissu de laine lourdement retomber sur le sol.
Volte face.
La rousse regarde le tavernier. Dans ses yeux, une leur… une lueur de rage. Une lueur de colère allumée, là dans la poudrière où il vient de craquer son briquet. Balayant du souffle de l’explosion la fatigue et la peine accumulée…
Laisser faire ? LAISSER FAIRE ?
Elle ? Elle ???! Celle qui se bat depuis des mois, millénaires, pour tenter de changer la roue de ce destin contraire qui lui assène des coups à tout va ? Elle qui se démène sans cri, sans un cri de souffrance envers personne, muette, silencieuse même dans ses pas ? Qui accuse chaque évènement néfaste de front, sans tambour ni trompette, toujours debout, malgré et envers tout, qui panse les plaies des autres avant les siennes toujours ouvertes ? La guerrière jusqu’au fond des tripes et de ses nuits qui a cherché à s’en brûler les yeux à la chandelle quel remède il y avait pour lui ?

La rage allait se déverser sur le grand tavernier quand la flamme de la fureur s’éteint d’un coup, bougie soufflée, dont il reste un instant, évanescente, une volute de fumée…
Pivoine ouvre les yeux… écoute… il parle de toi… les mots tu les avais oubliés dans sa première phrase. Vous n'en avez pas marre de perpétuellement vous rabaisser… de laisser faire… ce faux fuyant qui te tient et qui t’écrase, cette culpabilité.
Oui.
La culpabilité d’exister. Tu vois cette première blessure, Pivoine, découverte si tard, d’être une erreur, une tâche noire sur le tissu rouge de Vergy. Cette petite fille, fruit d’un pêché qu’elle n’avait pas commis, n’ayant jamais senti sa place, parce qu’une mère est morte sans rien dire, un père est mort de chagrin en l’oubliant là, sur le carreau, et un géniteur dont elle n’a connu le visage qu’en tableau a laissé sa trace écrite, sur un testament et un médaillon donné. Recueillie malgré une bâtardise marqué au fer rouge jusqu’aux cheveux, et qui a, reconnaissante, fait le serment de ne jamais faillir devant des yeux aciers qui l’avaient enveloppés d’un nom, d’un toit et d’un amour sans condition. Serment silencieux perpétré devant lui, agenouillée, lorsqu’on l’a parée d’un mantel Licorne. Avant de le promettre du bout des lèvres, dévastée, lorsqu’elle a recueilli son dernier souffle. Elle s’est oubliée la petite fille, perdue dans les autres, fuite en avant pour masquer en soignant autrui, les pires de ses douleurs, les plus inavouables blessures. Oublier que tous ceux qu’elle touche disparaissent, la laissant, oiseau de malheur, toujours vivante. Oublier qu’elle ne peut rien non rien, contre la mort et ce destin sans étoile, ce firmament qu’elle voudrait atteindre un jour et qui se refuse, se dérobe sous ses pieds. Arrêter la douleur des autres pour arrêter la sienne. Sans se rendre compte que cette douleur là, elle la détruit à petit feu, la rend invisible, vaporeuse, fantôme, un peu plus chaque jour.

Pivoine… presque fanée.
Ayant l’impression désagréable que derrière les mots lancés, presque anodins à qui les entendrait, qu’il la lit à cœur ouvert, ce cœur de cristal teinté de noir.


Alors, par Dieu, cessez de vous battre la coulpe! De prime, ce qui est fait est fait. De seconde, ce n'est pas vous qui devriez demander pardon. C'est plutôt lui...


Demander pardon… on ne lui avait jamais… demander. Ni merci d’ailleurs. Alors il devrait commencer ? René… le mal est déjà fait quoi que tu en dises. Il est né il y a bien trop longtemps, il n’a jamais été traité. Toutes les cellules du monde ne pourraient le vaincre et même l’Enfer lui-même, elle doute, la rousse qu’il le pourrait. Elle est son propre mal, comme celui qu’elle a enfermé. Elle est sa propre plaie. Et il n’y a qu’une chose qui délivre d’un mal aussi puissant, une chose qu’elle n’a jamais pu s’accorder par le fil de la lame ou le poison dans ses veines, parce qu’il lui a demandé de vivre pour lui. Pour eux.



Elle reste sans voix, percutée, chancelante…
A peine touchée par les ordres énoncés d’une voix posée et déterminée.

Manger… après avoir été écorchée et portée à nu, déshabillée de ses remparts, lue jusqu’aux tréfonds de l’âme… manger alors que ses tripes sont encore retournées, que son ventre se serre et qu’il n’appelle pas à être rempli, bien au contraire.
Dormir… quand les pensées volètent en ronde macabre et désordonnée… qu’elle vient de vivre vision d’horreurs rêvées et enfer réveillée…
Punition… elle sera remplie sans broncher, il le sait déjà le tavernier…
Se taire…
Ça …
Elle sait…
Plus que quiconque…


Et ne vous préoccupez pas de moi. On survit à tout.


On survit… oui… et c’est bien ça le problème René. On ne fait que survivre…

La grande carrure se retourne…
Lentement le corps de la rousse décide de se diriger vers la sortie. Le tavernier laisse passer l’enveloppe charnelle qu’elle est devenue et qui entame de monter les escaliers vers le dehors. Les pas sont douloureux. La démarche lente. La main se pose sur les pierres froides pour ne pas tomber.
Si aujourd’hui est pire…
Alors que sera demain…

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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Seul. Il était seul désormais. Seul avec lui même. Seul avec cet Autre, image déformée de sa propre conscience, renvoyée à lui par maléfique miroir.
La porte s'était refermée sur l'homme et la femme venus l'aider. Il était seul. Ses adversaires devenus alliés avaient quitté les lieux, lui laissant la lourde tâche de combattre son double intérieur.
Avait il peur? Probablement. Se sentait il fort et sur assez pour l'Affronter? Se peut. Kekidi lui avait donné les armes. L'espoir de revoir la rousse lui donnerait la volonté de sortir victorieux.
Et si tant est que l'affrontement tourne en sa défaveur, il ne lui resterait plus qu'à mourir ici même. Après tout, ainsi enfoui sous terre dans les profondeurs de la forteresse, il était déjà dans tombeau de pierre. Avait on déjà vu sépulture plus majestueuse que celle-ci? Un vaisseau de granit recouvrant sa dépouille. Le plus grand des Roys ne pourrait rêver mieux.
Fin rictus sillonnant son visage, par l'ironie de ses réflexions déclenché. Oui. Une sépulture. Et un lieu de lutte caché et isolé à souhait du reste des frères et sœurs. Décidément, l'errante n'aurait pu trouver mieux.

L'errante. Cerridween.
Alors que résonnaient au dehors les pas de la jeune femme et du géant, montant une à une les marches les ramenant à la vie, ses pensées soudain se tournèrent vers elle. Aristote que cette jeune femme avait souffert par sa faute. Il l'avait violentée. Il l'avait insultée. Il avait souhaité sa perte. Il avait désiré sa mort. Et elle se tenait là, toujours debout, portée par la seule force de sa volonté, cette puissance insondable dans laquelle elle semblait avoir été taillée à sa naissance.
Elle devait l'aimer, cette fière et farouche guerrière. L'aimer plus que tout au monde pour accepter pareils sacrifices, pour affronter si terribles dangers.
Culpabilité. Honte. Déception.
Comment pourrait-il un jour à nouveau oser affronter ce sinople si envoutant. Comment pourrait-il se permettre un jour encore de toucher sa peau si douce et chaleureuse. Comment...Plus tard, cavalier. Plus tard. Ce n'est ni le temps, ni le moment. Ensuite viendra le temps des questions. Ensuite viendra le temps des excuses.
Alors...alors, peut être viendra le temps du pardon. Peut être...

Le silence maintenant s'était fait en ces sombres souterrains. Plus âme qui vive entre lui et la surface. Voilà donc le moment venu pour l'affrontement. Peut être crierait-il. Peut être se débattrait-il comme diable en cage, sans se soucier aucunement du mal qu'il se ferait. A moins que la lutte soit intérieure, son corps demeurant barrière infranchissable à quelque indésirable observateur.

Regard circulaire détaillant la cellule. Depuis combien de temps était-il là. Une éternité, probablement, tant les lieux désormais lui paraissaient familiers. Étrange sensation de n'avoir jamais vécu hors de cette cellule, prisonnier gardé au secret sa vie durant pour quelconque inavouable crime ou simple jalouse dénonciation.
Murs de pierre à l'humidité suintante, comme si celles-ci, vivantes malgré leur minéral état, transpiraient goutte à goutte, tant proche il devait être déjà des fournaises de l'enfer.
La porte devant lui close et verrouillée. Infranchissable barrière lui interdisant toute fuite. Sortie à lui promise s'il parvenait à vaincre son Démon.
Les chaines à lui reliées par ces anneaux de fer. Elles avaient résisté à tous ses assauts, remplissant consciencieusement leur office, accomplissant la mission pour laquelle elles avaient été forgées. Retenir à tout prix celui qu'elles devaient entraver, jusqu'à la rupture, s'il le fallait. Jusqu'à leur propre destruction.
Le sol, sous ses pieds meurtris, était marqué de la lutte physique encore si proche. Taches de boue mêlées de sang. Le sien, pour sur. Celui de qui d'autre? Impossible de se rappeler des coups portés, des coups reçus.
Lentement, ses souvenirs s'effaçaient, brouillant ses pensées, faisant disparaitre pour partie des paroles prononcées, des actes commis. Déjà, plus rapidement encore qu'à l'accoutumée, l'esprit faisait la preuve de son incroyable force, supprimant les souvenirs douloureux qui, s'ils étaient restés tous à la surface, n'auraient manqué de rendre fou le plus équilibré des hommes.


Un inspiration. Profonde. Goulée d'air pourtant chargé de poussière et d'humidité, semblant comme nettoyer ses chairs au plus profond de son être.

Le moment était venu.

Lentement, n'écoutant pas ce corps souffrant, le cavalier s'assit par terre, en tailleur, mains posées sur ses genoux, paumes ouvertes vers le ciel.
Ses muscles meurtris et douloureux se détendirent un à un.
Son sang, progressivement, ralentit sa course effrénée, circulant à nouveau à rythme normal en chacun de ses organes.
Sa vision, de prime brouillée et amoindrie, retrouva ses capacités anciennes, son champ visuel semblant comme s'élargir à mesure que le calme revenait en lui.
Son ouïe se fit plus faible, les sons étouffés par la barrière de ses tympans, isolant le combattant du monde extérieur.
Son esprit, enfin, libéré de toute tension inutile, débarrassé de toute crainte et de toute stimulation extérieure, pu accéder à ce niveau de concentration qu'il savait nécessaire pour l'épreuve à venir.
Il se sentait enfin prêt.

Viens. Je t'attends. Je n'ai pas peur.

L'Ombre tapie en sa tanière, ressortit alors de celle-ci, jaillissant devant les portes enfin réouvertes. Elle aussi était prête pour le combat. Elle n'avait pas eu sa ration de sang et comptait bien se faire payer au centuple.
Les deux combattants marquèrent courte pause, chacun comme d'habitude se jaugeant, estimant la force de l'autre, ses faiblesses, ses forces.
Puis ce fut la ruée, brutale et violente, tous deux se jetant l'un contre l'autre en déterminée et inimaginable charge.

La terrible bataille de ces deux esprits à jamais liés commença alors, dans un silence sépulcral, bien loin de tous les affrontements habituels, résonnant de cris, râles, sonneries de cors et choc du métal contre le métal.
Tout juste le corps du licorneux par instant tressaillait-il.
Seul mouvement réellement visible, les lèvres du cavalier, bougeant sans répit, comme psalmodiant une litanie qui deviendrait bientôt son arme tout autant que son bouclier face à cet Autre démoniaque.

Combien de temps dura cette lutte secrète, nul n'aurait pu le dire, et moins encore celui là même qui en fut au centre.
Quelle fut la violence réelle de ce duel, rien ni personne ne pourrait l'imaginer.
Il fut chaos. Il fut apocalypse. Il fut jugement dernier.

Après lutte sans merci, enfin, pacte fut scellé. Pacte reliant les deux adversaires à jamais. L'un avait eu le dessus sur l'autre mais s'était résolu à accepter compromis. D'eux seuls les termes de ce secret accord seraient connus et jamais il ne serait possible de l'avouer, tant sa teneur en était terrifiante.

Victorieux toutefois, le cavalier laissa échapper gémissement affaibli par l'épuisement, tandis que l'Autre, vaincu, acceptait la défaite et, enchainé, rejoignait les méandres les plus profonds de son esprit. Il regagnait enfin des lieux qu'il n'aurait jamais du quitter, et que chacun, sur cette terre, possédait sans même, la plupart du temps, oser le deviner.

Enfin, la porte de son âme close et remparée, il put s'abandonner à la fatigue. L'homme tomba sur le sol, sombrant brutalement dans un état de sommeil plus proche encore de la mort que jamais il ne l'avait été.

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Cerridween
[ Le temps s'écoule...]

Elle est revenue... plus de robe rouge.
Non.
Elle a compris. De noir vêtue. Jusqu'à la tête.
Pourquoi... c'est ainsi. Elle a fait un serment.

Qu'il soit su aux oreilles de tous aujourd'hui que je jure fidélité au peuple de France, pour aujourd'hui et à jamais. Que de par mon bras je défendrais veuve, orphelin, innocent, simple d'esprit, opprimé, éclopé, ou simple paysan, comme n'importe quelle autre personne de ce royaume.
Que je combattrais de toutes mes forces le mal sous toutes ses formes.

Elle l'a fait ce serment. A eux et à lui, autrement. Alors elle ira au bout, de ces mots, de ses forces. Alors elle est revenue, oui, elle a redescendu les marches, la nuit, en sens inverse. Le coeur serré et les cernes de plus en plus apparentes, elle a ouvert la porte de la cellule non sans trembler.

Tout avait été calme pourtant à chaque fois qu'elle y était entré. Enguerrand était là. Oui. Impossible qu'il s'envole, la clef de sa gangue de fer, c'est elle qui l'avait toujours sur elle. Lourde responsabilité qui logeait dans l'une des poches de son doublet.
Geôlière.
Nouveau métier. Métier de nuit. Charge cachée, secrète.
Les bottes foulent de nouveau la scène d'attaque, la scène déchiré par des mots qui s'attardent encore.
Les poings de la rousse ne sont plus serrés. Plus sur eux mêmes. Ils enserrent des linges ou une gourde.
Les yeux n'ont pas perdu leur peur mais elle se refoule dans le vert de ses sinoples mangé par son iris répondant à l'obscurité.

Il est là oui.
Dans un état... indescriptible. Souvent allongé, jamais debout, toujours à demi conscient. Murmurant des paroles difficilement audible ou compréhensible. Elle reconnaît des noms... Dyia. Marie. Et des paroles d'un ailleurs... des paroles de ses délires. Ces délires qui suintait comme la sueur en écho au poison qui sortait peu à peu de ses veines. Cette sueur qui agglomère sur ses traits tirés, la poussière et la boue.
Les gestes de la rousse sont lents. Elle essuie le visage avec un linge imbibé d'eau claire.
Elle ne dit rien.
Parce qu'il n'est pas en état d'entendre déjà. Parce qu'aussi les mots étaient coincés encore dans sa gorge à elle. Parce que la fatigue englue ses pensées. Parce qu'ils y a de nouveaux nuages qui s'ajoutent jours après jours et qu'elle ne veut pas les nommer.
Après que le linge est fini de souligner son visage, la gourde se porte à ses lèvres. Il y boit doucement comme l'assoiffé resté trop longtemps dans un désert, celui de ses peurs, celui de ses souvenirs, mirage entretenus par le pavot.
Ensuite les sinoples noircies se détournaient et les pas s'imprimaient dans le sillon de boue qu'elle traçait jours après jour....

Jusqu'à... sa délivrance... à lui...

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Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
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