Gudrun
[Rp ouvert.]
Elle revenait de sa balade, Gudrun, quand elle avait trouvé un parchemin sur le pas de sa baraque. Un parchemin sérieux, et sérieusement gribouillé. Mais elle ne savait pas lire. Elle l'avait ouvert tout de même, avait parcouru d'un il indifférent les rangées de signes noirs, l'avait refermé et posé dans un coin. Il y prendrait la poussière. Avec le reste.
Les volets de bois mal charpentés laissaient passer la lumière du crépuscule, ça faisait des cercles roses sur le sol terreux. Elle considéra gravement la pièce, hocha la tête et conclut : il allait falloir racheter un champ, à elle. Elle était seule, maintenant. Il allait falloir manger. Mais que cultiveras-tu, Gudrun ? Elle esquissa un geste las de la main ; elle y songerait demain.
Les gestes habituels ne dérangèrent pas le silence : attacher sa blondeur avec une cordelette de chanvre, marier un panais avec un peu de beurre, l'avaler, s'asseoir. Elle alla de nouveau chercher le parchemin. C'était la première lettre qu'elle recevait. Qu'est-ce que cela pouvait bien raconter ? Une farce peut-être ? Une erreur sûrement.
Elle abandonna encore le parchemin, fit quelques pas indécis. Elle était longue, tout de même, cette lettre. Une déclaration d'amour ? Impossible. Quoique. Le fils du boucher ? Elle grimaça. Avec ses petites guiboles tordues et ses joues cramoisies, il avait l'air d'un ogre. Et puis il ne savait que compter elle le savait, elle l'avait vu, les samedis, remplir les inventaires.
Un peu plus tard, elle revenait du puits, une gamelle propre dans la main et des questions dans le crâne. Elle aurait dû ouvrir sa tête et verser de l'eau dedans, au lieu de s'occuper de la gamelle. Qui sait, l'esprit serait redevenu blanc. Le lendemain, elle apprendrait que le parchemin, il venait du tribun. Elle s'endormit quand même pour la nuit, dans un sommeil fragile.
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Comme du fond de la distance
Une inflexion de voix.
Offensée si pourtant flatteuse
Cette heure est d'un art étrange.
Elle revenait de sa balade, Gudrun, quand elle avait trouvé un parchemin sur le pas de sa baraque. Un parchemin sérieux, et sérieusement gribouillé. Mais elle ne savait pas lire. Elle l'avait ouvert tout de même, avait parcouru d'un il indifférent les rangées de signes noirs, l'avait refermé et posé dans un coin. Il y prendrait la poussière. Avec le reste.
Les volets de bois mal charpentés laissaient passer la lumière du crépuscule, ça faisait des cercles roses sur le sol terreux. Elle considéra gravement la pièce, hocha la tête et conclut : il allait falloir racheter un champ, à elle. Elle était seule, maintenant. Il allait falloir manger. Mais que cultiveras-tu, Gudrun ? Elle esquissa un geste las de la main ; elle y songerait demain.
Les gestes habituels ne dérangèrent pas le silence : attacher sa blondeur avec une cordelette de chanvre, marier un panais avec un peu de beurre, l'avaler, s'asseoir. Elle alla de nouveau chercher le parchemin. C'était la première lettre qu'elle recevait. Qu'est-ce que cela pouvait bien raconter ? Une farce peut-être ? Une erreur sûrement.
Elle abandonna encore le parchemin, fit quelques pas indécis. Elle était longue, tout de même, cette lettre. Une déclaration d'amour ? Impossible. Quoique. Le fils du boucher ? Elle grimaça. Avec ses petites guiboles tordues et ses joues cramoisies, il avait l'air d'un ogre. Et puis il ne savait que compter elle le savait, elle l'avait vu, les samedis, remplir les inventaires.
Un peu plus tard, elle revenait du puits, une gamelle propre dans la main et des questions dans le crâne. Elle aurait dû ouvrir sa tête et verser de l'eau dedans, au lieu de s'occuper de la gamelle. Qui sait, l'esprit serait redevenu blanc. Le lendemain, elle apprendrait que le parchemin, il venait du tribun. Elle s'endormit quand même pour la nuit, dans un sommeil fragile.
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Comme du fond de la distance
Une inflexion de voix.
Offensée si pourtant flatteuse
Cette heure est d'un art étrange.