---fromFRmargrith
Margrith arriva au lavoir, son sac de vêtements dans les bras.
Elle rentrait à peine de Compiègne mais ressentait le besoin de retrouver des lieux familiers et le lavoir, après tout, était le lieu où elle avait rencontré Cirdan.
Elle sourit en y repensant mais lorsqu'elle étala son linge, ce fugace sourire disparu.
Un peu partout, des tâches de sang s'étaient incrustées sur sa chemise et son pantalon, affaires qu'elle avait récupéré à la caserne.
Elle les fixa un long moment, revivant ces derniers jours avec des sentiments confus. Elle avait aimé mener des hommes, sa première responsabilité importante depuis le début de sa vie ; elle avait aimé monter au combat la peur lui tordant les entrailles et cette joie féroce lorsqu'on devait se battre pour sa vie, quand tout le reste n'avait plus d'importance que de protéger sa vie et celle des hommes qui vous entouraient ; elle avait adoré cette impression de soulagement intense lorsque le château avait été pris, quand elle s'était élancée, hurlante, dans la brêche, frappant autour d'elle les Champenois qui se dressaient sur son chemin. Elle en avait blessé deux ou trois, guère plus : ses coups étaient maladroits et les Champenois bons combattants. Par la grâce de Dieu, elle n'avait à subir aucune blessure et elle avait prié longuement à l'église pour le remercier dimanche.
Mais voilà, le soir, après l'euphorie de la bataille, elle avait parcouru les rues de Reims et avaient aidé les gens qu'elle rencontrait.
Lorsqu'on lui racontait les récits de bataille, jamais les auteurs n'insistaient sur l'après, les corps dont les entrailles se sont relâchées, la puanteur, la fumée qui brûle la gorge et les yeux, les cris des blessés, leurs lamentations, leurs supplications pour qu'on les mette à mort, les femmes pleurant sur le cadavre de leur époux ou de leur enfant qu'une lame cruelle leur avait arraché... Pourquoi tout cela n'était-il jamais décrit ? Simplement parce qu'on ne voulait plus y penser ensuite.
Margrith avait ressenti tout cela avec une acuité d'autant plus grande que c'était la première fois qu'elle se trouvait du côté des combattants.
Joie et dégoût l'habitaient dorénavant et elle n'arrivait plus à les déméler.
En tous cas, pour l'instant, elle savonna son linge avec une énergie incroyable, voulant laver tout ce sang qui n'était pas le sien et oublier le regard des veuves.
Sans s'en rendre compte, elle pleura...
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Maraîchère de Péronne
Soldat
Femme dont le coeur bat pour Cirdan
Elle rentrait à peine de Compiègne mais ressentait le besoin de retrouver des lieux familiers et le lavoir, après tout, était le lieu où elle avait rencontré Cirdan.
Elle sourit en y repensant mais lorsqu'elle étala son linge, ce fugace sourire disparu.
Un peu partout, des tâches de sang s'étaient incrustées sur sa chemise et son pantalon, affaires qu'elle avait récupéré à la caserne.
Elle les fixa un long moment, revivant ces derniers jours avec des sentiments confus. Elle avait aimé mener des hommes, sa première responsabilité importante depuis le début de sa vie ; elle avait aimé monter au combat la peur lui tordant les entrailles et cette joie féroce lorsqu'on devait se battre pour sa vie, quand tout le reste n'avait plus d'importance que de protéger sa vie et celle des hommes qui vous entouraient ; elle avait adoré cette impression de soulagement intense lorsque le château avait été pris, quand elle s'était élancée, hurlante, dans la brêche, frappant autour d'elle les Champenois qui se dressaient sur son chemin. Elle en avait blessé deux ou trois, guère plus : ses coups étaient maladroits et les Champenois bons combattants. Par la grâce de Dieu, elle n'avait à subir aucune blessure et elle avait prié longuement à l'église pour le remercier dimanche.
Mais voilà, le soir, après l'euphorie de la bataille, elle avait parcouru les rues de Reims et avaient aidé les gens qu'elle rencontrait.
Lorsqu'on lui racontait les récits de bataille, jamais les auteurs n'insistaient sur l'après, les corps dont les entrailles se sont relâchées, la puanteur, la fumée qui brûle la gorge et les yeux, les cris des blessés, leurs lamentations, leurs supplications pour qu'on les mette à mort, les femmes pleurant sur le cadavre de leur époux ou de leur enfant qu'une lame cruelle leur avait arraché... Pourquoi tout cela n'était-il jamais décrit ? Simplement parce qu'on ne voulait plus y penser ensuite.
Margrith avait ressenti tout cela avec une acuité d'autant plus grande que c'était la première fois qu'elle se trouvait du côté des combattants.
Joie et dégoût l'habitaient dorénavant et elle n'arrivait plus à les déméler.
En tous cas, pour l'instant, elle savonna son linge avec une énergie incroyable, voulant laver tout ce sang qui n'était pas le sien et oublier le regard des veuves.
Sans s'en rendre compte, elle pleura...
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Maraîchère de Péronne
Soldat
Femme dont le coeur bat pour Cirdan