Adrienne
RP ouvert à tous ceux qui le souhaitent.
Les premières lueurs de l'aube tentaient de crever les nuages menaçant le ciel de la capitale. Journée pluvieuse et glaciale en perspective ... Mais les caprices du temps n'empêchaient pas les vaillants ouvriers d'affluer sur les rives de la Saône. Dans les campagnes environnantes, la nouvelle s'était rapidement propagée. Les villes de Valence et de Lyon entamaient la construction des deux premiers chantiers navals du Lyonnais-Dauphiné. Promesse d'emploi pour des paysans soucieux de remplir leurs greniers à l'approche de l'hiver, garantie d'un salaire correct pour voyageurs de passage, ou simplement envie de marquer de son empreinte ce projet titanesque.
Depuis plusieurs semaines, la Commissaire aux Grands Travaux avait occupé ses nuits sans sommeil à étudier divers plans et à passer en revue les possibilités commerciales que leur offrirait l'aménagement de ces ports maritimes, traçant à la plume d'oie une traduction des directives, des unités de mesure et du coût en matériaux. Le projet était ambitieux, faisant appel à des techniques de construction novatrices et la jeune femme était bien consciente de l'importance de s'entourer d'hommes de confiance, ne baissant pas les bras au moindre écueil.
Au vu de leurs connaissances en matière de navigation et de leur maîtrise dans le domaine de la construction, deux chefs de port avaient ainsi été choisis par les bourgmestres des villes concernées, le Vicomte Argael de Monestier et Messire Altais. Ils auraient la lourde tâche de superviser l'avancée des travaux, d'assurer les commandes en matériaux nécessaires à la construction et de procéder au recrutement des ouvriers et artisans. Un chapeau d'amiral en feutre bleu marine, brodé d'une ancre en fil doré avait symboliquement été offert à chacun d'eux par la Vicomtesse du Nord afin de les féliciter et leur souhaiter bonne réussite dans leur entreprise.
[ Sur les berges de la Saône, Lyon, novembre 1457 : ]
Lyon la Rugissante n'avait jamais si bien porté son nom. La ville était en plein essor : ci et là, les hôtels fleurissaient, les marchands venus des quatre coins du royaume y troquaient des denrées rares et luxueuses, beaucoup de nobles y avaient élu domicile. Et ce jour allait voir se concrétiser l'aménagement des berges du port, première étape avant de consolider les fondations.
Ce matin-là, la Conseillère Ducale s'était emmitouflée chaudement pour se rendre sur les rives du fleuve lyonnais et apporter son soutien aux ouvriers ayant bravé le crachin et le vent pour aider à l'aménagement de la berge. Le clapotis habituel du cours d'eau avait cédé la place à un grondement sourd. Au son des pelles et pioches éventrant les entrailles de la terre, la brune de Hoegaarden opina de la tête, satisfaite de l'engouement de la population pour ce projet, fredonnant un petit air de circonstance :
Citation:
Le corsaire Le Grand Coureur
Est un navir' de malheur.
Quand il se met croisère
Pour aller chasser l'Anglois
Le vent, la mer et la guerre
Tournent contre le François !
Allons les gars, gai, gai !...
Allons les gars, gaiement !
Est un navir' de malheur.
Quand il se met croisère
Pour aller chasser l'Anglois
Le vent, la mer et la guerre
Tournent contre le François !
Allons les gars, gai, gai !...
Allons les gars, gaiement !
Dans un coin du chantier avait été montée à la hâte une tente de toile montée sur quatre pieux. A l'entrée de cette tente se tenait une grosse femme rougeaude, lascive comme Astarté, et une fillette qui distribuaient du vin chaud pour donner du coeur à l'ouvrage aux manouvriers. Elle les salua d'un franc sourire : vagabonds, paysans, artisans, voyageurs ou notables venus prodiguer conseils, tous rassemblés autour d'une marmite aux effluves épicées.
Fiers lyonnais, réchauffons nos gosiers et mettons-nous au labeur ! Pensez que lorsque ce port sera achevé, vous pourrez dire à vos amis et descendants : « J'y étais ! ». Croyez-moi, cette architecture fera date et c'est l'avenir que vous construisez de vos mains.
Poursuivant son inspection, ses bottes claquèrent sur le ponton qui offrait une vue imprenable sur le chantier naissant. L'emplacement retenu était de premier choix, quelques arpents de terre sis au quai St Vincent, à proximité du centre ville, bordés par le flux ininterrompu de la Saône s'écoulant en contrebas, un écrin parfait pour y ériger le port de la capitale le long de cette voie navigable.
A sa dextre se dressait la commanderie. Il lui fallait maintenant s'enquérir de l'avancée des travaux de terrassement et montrer au chef de port et au bourgmestre les premiers croquis élaborés avec l'aide de l'architecte et du contremaître.
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