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[RP]La soustraction des fleurs

Melilou
Le matin était là. La nuit avait été courte, mais Melilou s'en moquait. Dès les premières lueurs du jour, elle était sur le pied de guerre, prête à poster sa missive. Elle savait pourtant bien qu'il était encore trop tôt pour y aller, aussi avait-elle passé une bonne heure, assise sur sa couche, à ressasser les événements de la veille.

Quand le soleil fut assez haut dans le ciel, elle se mit en route. Comme si le temps lui manquait, elle s'était mise à courir vers la Halle, sa missive à la main. Ses pensées obscurcissaient sa raison, et c'est sans le voir qu'elle passa non loin de Galeazzo. Elle fut bien obligée de s'arrêter pourtant lorsqu'elle manqua de renverser Oniki.


Oniki! Par Aristote! Je ne t'avais pas vue. Excuses moi, veux-tu? Je ne t'ai pas fait mal?

Melilou parlait en faisant de grands gestes, comme si elle était animée par une force inhabituelle. Dans sa maladresse, elle laissa échapper la pochette de lin qu'elle tenait dans la main. Elle allait se pencher pour la ramasser mais Oniki avait été plus rapide et s'en était déjà emparée pour la lui rendre.

Il y eut un moment de flottement. Oniki regardait l'enveloppe d'un air surpris.

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Oniki
Oniki avait passé la nuit au poste de garde de la maréchaussée, elle était fatiguée et se hâtait de rejoindre la caserne pour y faire son compte rendu avant de pouvoir rentrer chez elle et dormir. Elle marchait la tête baissée, encapuchonnée sous une longue cape et son épée lui battant le flanc. Elle marchait d’un pas rapide, sans trop regarder où elle allait… lorsqu’elle heurta quelqu’un de plein fouet.

Oniki! Par Aristote! Je ne t'avais pas vue. Excuses moi, veux-tu? Je ne t'ai pas fait mal?

Machinalement, elle avait mis la main sur la garde de son épée avant de réaliser que c’était Melilou qu’elle avait devant elle. Ce geste de défense n’était cependant pas passé pas inaperçu et, Oniki se sentit confuse. Elle était toujours sur la défensive depuis quelques mois…


Oui, ça va, ne t’en fait pas. Y’a pas de mal… Heureusement qu’on ne se croise pas ainsi en pleine nuit…

La jeune femme eu un petit sourire et se dit, que c'était heureux pour celle-ci vue sa nervosité actuelle. Elle se rendit compte que Melilou avait laissé échapper une missive. Elle se pencha et la ramassa. Ce n’était pas par curiosité qu’elle lut l’adresse, mais parce que le nom de son destinataire ne lui était pas inconnu, même très familier… Il résonnait dans sa tête. Elle resta ainsi quelques secondes à fixer cette lettre. Ce nom, elle l’avait lu dans le journal que tenait son père et qu’on lui avait transmis, ainsi qu’à Pitch, lorsqu’elles avaient été en âge de lire et comprendre. Elle ne savait pas ce qu’il était advenu de son père, les bonnes sœurs qui les avaient élevées ne le leur avait jamais dit. Ce pourrait-il que Melilou puisse lui en apprendre d’avantage sur son passé ?
Elle releva la tête vers la jeune femme et la dévisagea. Elle lui demanda d’un air grave :


Puis-je te demander comment tu connais cette personne ?

Oniki ne se souciait plus de la fatigue, cela faisait tellement longtemps qu’elle cherchait des informations pour savoir ce que son père était devenu...
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En deuil de sa sœur...
Melilou
Mélilou resta pantoise. Oniki lui demandait comment elle connaissait cette personne. Josquin Toureneux. Ce qui impliquait qu' Oniki le connaissait aussi. Mais cela paraissait tellement invraisemblable!

Mélilou eut un instant d'hésitation. Elle avait déjà dit à Oniki en taverne, peu après son arrivée à Varennes, que ses parents étaient morts d'une maladie foudroyante. Il était donc délicat de lui dire que ce Josquin Toureneux était son père, car Oniki allait sans doute soulever des questions auxquelles Mélilou n'était pas sûre de vouloir, ni même de pouvoir, répondre. Il fallait trouver quelque chose, retourner le problème et surtout savoir comment elle, Oniki, pouvait connaître ce nom.


Et bien...dit-elle un peu hésitante. C'est...heu...c'est un vieil ami de ma mère, de l'époque de sa jeunesse. Mais tu me demandes cela comme si toi aussi, tu le connaissais...est ce le cas? Et si oui, où l'as-tu rencontré?

Melilou regardait son amie non sans curiosité. Décidemment, depuis la veille, bien des choses semblaient nécessiter une explication, et elle entendait bien découvrir ce que cachaient toutes ces troublantes coïncidences.
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Galeazzo
Galea voyait la scène de loin, d'un coté Melilou courrait, virevoltait, sourire au lèvres, légère comme une plume, heureuse avec une enveloppe à la main. De l'autre, Oniki, arrivant a vive allure, tête dans le guidon, ne pensant qu'a aller dormir visiblement et, oups... aïe... ça va faire mal ... Attention... trop tard...

°o0O( Vraiment celles la... regardent jamais devant elles...)

Les jeunes Demoiselles ne purent donc éviter d'entrer en col... conversation! Galeazzo profita de ce moment pour aller à leur rencontre afin de leur passer le bonjour. Oniki ramassa la lettre que Meli avait fait tomber dans la bousculade. Elle parut intriguée en voyant l'adresse qui y était inscrite. Les deux jeunes femmes se questionnaient du regard. En s'approchant, Galeazzo entendit quelques brides de conversation

... où l'as-tu rencontré?


Bonjour Mesdemoiselles! Alors quelles sont les nouvelles?


En prononçant ces mots, Galea pu lire à qui était adressée la lettre. Il releva la tête en regardant Méli d'un regard interrogateur

°o0O( Mais qu'est ce que tu comptes faire toi?)


Galea regarda ensuite Oni, dans son regard, il comprit que celle-ci aussi se posait pas mal de question. Serait elle aussi impliquée dans cette affaire? Mais de quelle façon? Lui, c'était en rapport avec la cour de son père... Mais elle? Quel est le point commun qui les rapproche tous les trois en ce moment même?

S'arrêtant là, Galea repassa en tête les dernières questions qu'il venait de se poser. Soundain, il eu l'air surpris. Les yeux ronds, trois doigts glissant de ses lèvres au menton, il se tourna vers Méli, chuchotant


Trois...

C'était donc ça la réponse... Ils seraient trois... Mais la réponse n'amenait pas la fin, bien au contraire... Galea n'aimait pas ça, il savait ce que cela impliquait... La fin de Trois c'est Deux ou Un... Mais pour l'instant, c'est le Début, alors commençons, nous verrons plus tard...

Un silence c'était imposé entre les trois compères, chacun se jaugeant. Galeazzo regardait alternativement Mélilou puis Oniki. Au bout de quelques cycles, son regard se posa sur celui d'Oniki


°o0O( Qu'est-ce qui t'intrigue tant au final? )

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Oniki
Oniki aurait très bien pu décider de ne rien répondre ... après tout, toutes les recherches qu’elle avait entrepris pour savoir ce qu’il était advenu de son père s’était soldées par des échecs. Elle s’était depuis longtemps résignée à ne jamais connaitre qui était réellement son géniteur, même si ce n’était pas facile de se construire une identité sans savoir d’où l’on venait. Cela faisait des années qu’elle n’avait plus ouvert le journal de son père. Néanmoins, ce nom l’avait frappé et avait réveillé ses souvenirs. La curiosité avait été plus forte, elle n’avait pu s’empêcher de demander à Melilou ce qu’elle savait de ce nom et, visiblement, sa question la mettait dans l’embarras. Après quelques hésitations, elle finit par lui répondre :

Et bien... dit-elle. C'est...heu...c'est un vieil ami de ma mère, de l'époque de sa jeunesse. Mais tu me demandes cela comme si toi aussi, tu le connaissais...est ce le cas? Et si oui, où l'as-tu rencontré?

Melilou semblait encore plus étonnée que ne l’était Oniki. Elles se dévisageaient mutuellement comme pour sonder la réalité de cette coïncidence. C’est alors qu’intervint Galeazzo, « à point nommé » se dit-elle.

Bonjour Mesdemoiselles ! Alors quelles sont les nouvelles ?

Oniki vit le regard de Galea se porter sur la lettre, avant de se tourner vers Melilou, l’interrogeant du regard. Qu’est ce que ce nom pouvait signifier pour eux ? Voilà, encore une nouvelle interrogation… Tout deux semblaient savoir quelque chose qu’elle ignorait.

Elle baissa les yeux faisant mine d’arranger les plis de sa cape pour se donner un instant de réflexion… Après tout se disait-elle, cette histoire de journal n’est un secret pour personne, même si Pitch et moi n’en avons que peu parler… et puis, peut-être qu’elle pourrait m’apporter des éléments nouveaux… mais non ! Tu sais bien que la curiosité te joue souvent des tours, tu devrais arrêter de t’entêter ainsi à vouloir toujours tout savoir sur tout… si ton père était vivant, il t’aurait cherché…enfin… Galea et Melilou ne pouvaient se douter de la bataille intérieure qui se livrait dans l’esprit de la jeune femme. Finalement, la curiosité l’emporta.

Oniki releva la tête, le visage impassible. D’ordinaire joviale, elle ne sourit pas à Galea qui venait de faire son entrée fracassante.


Les nouvelles, et bien… ce serait presque à vous de me le dire.

Mais, autant aller droit à l'essentiel... il semblerait que je connaisse le destinataire de cette lettre
,
lâcha-t-elle d’un coup, puisqu’à l’évidence, ils en savaient plus qu’elle à ce sujet.

Cette remarque surprit Galeazzo, mais Oniki reporta immédiatement son attention vers Melilou.

Enfin… je ne le connais pas personnellement, mais ce nom est cité à plusieurs reprises dans le… dans le journal de mon père.


Voilà, c’était dit… Oniki regarda tour à tour Melilou et Galeazzo. Elle attendit, mais, la question était maintenant de savoir qu’elle lien unissait son père à cet ami de sa mère.
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En deuil de sa sœur...
Melilou
Melilou avait tenté, tant bien que mal, de cacher son embarras face à la question d'Oniki. Mais elle savait bien que sa réponse laissait transparaître une certaine émotion, et que la jeune femme ne serait pas dupe très longtemps. C'est alors que Galeazzo les avait rejointes. Sauvés par le gong, s'était dit Melilou à cet instant.

Mais son soulagement avait été de courte durée. Le messire avait bien vite posé ses yeux sur la missive et avait ressenti la gêne entre les deux femmes. Il se demandait ce qu'elle pouvait bien fabriquer avec cette lettre et avait regardé Melilou comme s'il voulait lire la réponse par delà son front.

Après un instant de silence, il s'était tourné vers elle et lui avait chuchoté quelque chose à propos du Trois. Il recommençait avec ce trois que la soustraction des fleurs avait donné la veille, regardant tour à tour Melilou et Oniki, mais Mélilou ne comprenait pas ce qu'il essayait de lui dire.

Elle n'avait pas encore eu l'occasion de parler à Galeazzo de la lettre à son père. Elle ne pouvait pas lui expliquer maintenant de quoi il retournait: Oniki et elle se connaissait certes un peu, de par leurs rencontres en taverne, mais Melilou avait toujours un peu de mal à accorder sa confiance aux gens. Les deux femmes s'appréciaient, mais il était encore trop tôt pour qu'elles soient amies au point de pouvoir tout dire l'une devant l'autre. Galeazzo ne cessant de baisser le regard sur la missive, pour le reposer sur les deux femmes et ainsi de suite, elle lui fit les gros yeux en espérant qu'il comprenne que ce n'était pas le moment de poser des questions.


Il semblerait que je connaisse le destinataire de cette lettre, avait fini par dire Oniki. Galeazzo en était resté stupéfait. Evidemment. Il ne savait encore rien de ce Josquin Toureneux, et devait ce demander quel lien ce nom créait entre les deux femmes.

Enfin… je ne le connais pas personnellement, mais ce nom est cité à plusieurs reprises dans le… dans le journal de mon père, poursuivit-elle.

Ces paroles résonnèrent dans la tête de Mélilou. Le journal de son père? Le père d'Oniki avait donc côtoyé, de près ou de loin, son père à elle? Les questions s'embrouillaient dans son esprit. Elle se tourna vers Oniki. Il allait falloir lui dire. Lui raconter les raisons de cette missive. Son père, les Saingéry, le Duché de Savoie. Mais pas maintenant. Pas encore. Trop d'oreilles trainaient par ici, et cette histoire commençait à lui faire peur.


Le journal de ton père? Le journal de ton père mentionne Josquin Toureneux?

Oniki acquiesça d'un air inquiet. Melilou, les idées en ébullition ne savait plus comment gérer la chose.

Ecoute-moi Oniki. Je ne peux pas t'en parler maintenant, ce n'est ni l'endroit ni le moment. Mais ce soir. Retrouves-moi ce soir en ma demeure et je te dirai tout ce que je sais au sujet de Josquin Toureneux. Prends le journal avec toi, ne l'oublies surtout pas. Il pourrait m'apprendre des choses, à moi aussi. Des choses que je cherche depuis bien longtemps.

Sur ces mots, elle salua ses deux compagnons et se dirigea au pas de course vers l'urne réservée aux missives à l'envoi. Elle y glissa la sienne puis, avant de partir, leur cria:

Ce soir Oniki. En ma demeure! Je t'attendrai! Le journal!....Messire, guettez ma missive, dans la journée, je vous raconterai!

Puis elle s'en fut à travers la halle, courant si vite qu'on aurait pu croire qu'elle avait le diable au corps.

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Melilou
[Chez Mélilou]

Mélilou entra en trombe dans sa petite maison. Depuis qu'elle avait obtenu son champ et le droit de travailler le blé à Varennes, elle avait pu offrir quelques améliorations à la bicoque délabrée qui l'avait accueillie à son arrivée au village. Pas grand chose, mais de quoi se sentir bien chez elle. Elle s'arrêta un instant pour regarder autour d'elle.

La maison n'était pas bien grande. Une seule pièce, deux fenêtres. Le sol était fait de larges dalles de pierre polie, les murs étaient en pierre taillée et en torchis. Une maison sans prétention, mais qu'importe. En l'instant elle se fichait des apparences, tant qu'elle avait un toit pour se protéger de la nuit et du froid mordant de l'hiver. Un jour peut-être, si Aristote le voulait, deviendrait-elle boulangère, ou tisserande. Elle avait toujours adoré le pain chaud et les beaux vêtements.

Dans cette pièce unique, c'était la cheminée qui prenait le plus de place. Taillée dans le roc telle une bouche béante, elle mangeait les trois quarts du mur du fond, dévorant les buches à une cadence infernale. Elle emplissait la bicoque d'une odeur saisissante et âcre qui rappelait à Mélilou les jours où Kériban, celui qui l'avait élévé là-haut dans les contrées du Nord, faisait brûler le bois mort entassé dans son atelier de charpentier. Un crochet, fixé dans la pierre, soutenait une petite marmite dont Melilou se servait pour faire cuire les légumes, poissons, ou viandes qu'elle ramenait du marché quand le contenu de sa bourse lui autorisait ce luxe.

La couche était installée de l'autre côté de la pièce. Melilou avait très rapidement compris qu'elle ne pourrait pas dormir aussi près de la cheminée, les fumées du feu mourant la nuit emplissant ses poumons et manquant de l'étouffer. Elle préférait avoir un peu plus froid en s'éloignant du feu plutôt que de manquer d'air.

En dehors de la couche, le seul mobilier était une table en bois foncé et solide, où s'entassaient quelques piles de livres, des feuilles de lin, une dizaine de plumes et un encrier. Melilou n'avait pu se résoudre à quitter son village du Nord sans ce bagage, seuls objets qui la reliait aujourd'hui à sa famille défunte. Devant la table, une chaise dont l'assise était en paille tressée. Un peu plus loin, vers la fenêtre du fond, une bassine et quelques outils du quotidien. Rien de plus. Le tour du propriétaire était vite fait.

Elle se rendit compte qu'elle n'avait pas fermé la porte. Le froid et le vent entraient en rafales, ravivant les flammes.
Tant mieux, se dit-elle en voyant le feu repartir de lui même. Au moins n'aurais-je pas à le ranimer moi-même. Elle attendit quelques instants que le feu aie définitivement repris, ferma la porte, et jeta rapidement deux petites bûches dans l'âtre. Si le vent avait fait danser le foyer, il avait aussi considérablement refroidi l'endroit.

Elle s'assit à sa table, débarrassa un petit coin pour pouvoir écrire. Elle devait envoyer une missive à Galeazzo pour lui expliquer les événements de la matinée.


Citation:

Mon cher messire.

J'ai bien vu votre regard ce matin au marché, et je vous dois quelques explications. Hier au soir, quand vous m'avez quitté, je n'ai pu trouver le sommeil tant notre entretien avait été intriguant. Je me suis tournée et retournée dans ma couche sans jamais pouvoir dormir. J'ai repensé à tout ce que nous avions dit, et soudain la solution m'est apparue comme une évidence.

Je vous ai dit ne jamais avoir connu mon père de sang, Thibauld de Saingéry. Ce que je ne vous ai pas dit en revanche c'est que, si je ne l'ai jamais vu ni entendu, ma mère avait gardé contact avec lui. Chaque année à la Noël, elle lui envoyait une missive pour lui raconter ce que devenait sa fille Mélissandre. Moi. Je n'avais jamais demandé à le rencontrer parce que ma mère m'avait dit un jour, alors qu'elle me racontait la déchéance des Saingéry, que cela pouvait le mettre en danger. Mais aujourd'hui, il me faut m'entretenir avec lui, et obtenir les éléments qui m'empêchent de comprendre. Sans doute est-il le seul à pouvoir me donner les clés de mon histoire, et c'est pourquoi vous avez vu son nom sur la missive au marché.

Le Très-Haut fasse que je ne cause pas sa perte.

Je m'excuse bien sincèrement de vous avoir laissé dans le mystère ce matin. Je ne savais pas si je pouvais raconter tout cela à Dame Oniki, elle aurait sans doute posé des questions. Mais ce journal dont elle a parlé...si je veux pouvoir le lire et peut-être y trouver des réponses, je vais bien être obligée de lui raconter. Comme vous le savez, je lui ai donné rendez-vous ce soir. Elle doit venir avec le journal et j'aimerais que vous soyez là.

Il faudra cependant que vous m'éclairiez en privé sur vos propos...pourquoi avoir encore mentionné le Trois d'un air tellement inquiet? Oniki doit me visiter une fois la nuit tombée..j'aimerais vous retrouver au coucher du soleil, pour que vous m'expliquiez.

Le destin a voulu que nos routes se rejoignent cher Messire, et on ne peut rien contre la volonté du Très-Haut.

Ce soir, au coucher du soleil, je vous attendrai.

Bien à vous,

Mélilou.


Melilou relut la lettre, agita quelque secondes la feuille pour que l'encre ne coule pas puis la plia et la glissa dans une pochette de lin. Comme la première fois, elle fit couler quelques gouttes de cire au verso et, du bout de son ongle, grava la croix qui était la sienne.

Une nouvelle fois, elle sortit dans le froid. Arrivée devant chez Galeazzo, elle glissa la missive sous la porte et s'en retourna, impatiente.

La journée promettait d'être lourde d'attente.

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Galeazzo
[Au Marché]

Après le départ de Mélilou, Galeazzo se retrouva seul avec Oniki. Il ne comprenait plus rien de cette histoire folle! Tout d'abord Mélilou le harcelle sur ses origines dans le verger, ensuite elle déballe tout ce qu'elle a sur le cœur : ses histoires de famille déchue, d'exil et cette volonté de compréhension à laquelle elle l'associa, lui... Puis cette lettre, la rencontre avec Oniki, cette tension entre eux trois... Trois! Ce chiffre qui revenait toujours! Et Mélilou qui n'y prêtait guerre attention...

Galeazzo sortit de sa torpeur et regarda Oniki. Cette dernière baissée la tête et au moment où il ouvrit la bouche, elle se confondit en excuse et s'éclipsa, laissant Galeazzo seul...


°0oO (Décidément aujourd'hui les femmes me fuient... c'est bien la première fois!)


Galeazzo repartit donc, seul. Aujourd'hui, il avait prévu d'aller à la cueillette. Après quelques heures perché en haut de son échelle à trouver les meilleurs fruits, Galeazzo revint à sa boutique, passant par son champ pour caresser ses petits moutons adorés.

[Chez Galeazzo]


Galea entra par derrière et posa sa récolte dans un coin. En passant près de la porte d'entrée, il vit qu'une missive lui avait été glissée par dessous. Il la ramassa. Celle-ci n'avait pas d'adresse, un varennois voulait donc le contacter, ou peut être une varennoise? Qui sait?
Galeazzo vit le cachet avec la croix, il l'avait aperçut quelque part, il le savait, il n'y a pas longtemps d'ailleurs... mais où? Galea fini par ouvrir la lettre et aux premières lignes il comprit...


Citation:
Messire, guettez ma missive, dans la journée, je vous raconterai!


°o0O( Bien sûr... Où avais-je la tête?)


Galeazzo, replia la lettre et regarda par la fenêtre afin de voir où en était le soleil dans sa course. Le ciel commençait à s'assombrir, les journées étaient courte en ce début d'hiver. Il ne fallait pas trainer, bientôt la nuit tomberait. Galeazzo enfila son nouveau mantel noir tout juste terminé. Il serait moins visible dans la nuit et pourrait ainsi traverser les quais sans être alpagué à tout va, en effet Galea devait passer par là pour sortir de chez lui.
Il traversa donc les quais, puis la ville avant d'arriver à la bicoque de son hôte.


[Devant chez Melilou]


Il frappa à la porte, emmitouflé dans son mantel et sa cape. Lorsque Mélilou vint lui ouvrir, elle ouvrit la bouche mais rien n'en sortit, elle resta la stupéfaite, bouche bée. C'est alors que Galea découvrit quelque peu son visage


Gninfff...C'est moi! Je peux rentrer? On se les gèle dehors!

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Melilou
[Chez Mélilou]

En rentrant de son escapade chez Galeazzo, Melilou avait tourné en rond un bon moment. Elle était de ces gens que l'impatience paralyse et obsède, leur interdisant toute action secondaire.

Tandis qu'elle faisait les cent pas dans sa petite maison, ses idées allaient bon train. Elle tentait de se remémorer les moindres détails de son histoire, rappelant à ses souvenirs la voix de sa mère lui racontant la vie des Saingéry. Il semblait pourtant bien qu'elle n'avait rien omis. Galeazzo en savait à peu près aussi long qu'elle.

Elle revit Oniki lui parler de son père, du journal...
Bon sang, les heures ne peuvent-elles pas passer plus vite? se dit-elle à mi-voix, les yeux guettant la course du soleil.

Elle se rendit compte cet instant que le soleil se couchait déjà. Ainsi avait-elle passé plusieurs heures à ressasser le peu d'informations qu'elle avait, sans s'en apercevoir. Le coucher du soleil...cela signifiait que Galeazzo viendrait bientôt. Elle regarda autour d'elle.

La maison était sans dessus-dessous. Les papiers s'étalaient au large sur la petite table, une bonne partie d'entre eux ayant déjà trouvé place au sol. Dans sa hâte, lors de l'écriture de sa dernière missive, elle avait renversé un encrier complet, sans s'en apercevoir. Le précieux liquide, au goutte à goutte, avait formé une mare large et épaisse sur les dalles de pierre, et pénétrait déjà dans les fissures. Elle était bonne pour l'eau chaude et la brosse. Il fallait ranger. Jamais le messire n'était venu dans sa maison, et il aurait certainement bien mauvaise impression d'elle en voyant un tel fourbis.

Elle se pressa donc de ramasser les feuilles, redressa l'encrier, refit sa couche, arrangea un peu sa coiffure, remit des bûches dans la cheminée. A peine avait-elle commencé à nettoyer l'encre tombée au sol qu'on frappa à la porte.

Galeazzo. Qui d'autre?

Son tissu taché de noir dans une main, elle s'en fut ouvrir et resta sans voix une fois sur le pas de la porte. Un homme étrange, dont on ne voyait que les yeux, se tenait devant elle. Elle allait reculer et s'enfermer à double tour lorsque l'homme découvrit son visage.

Gninfff...C'est moi! Je peux rentrer? On se les gèle dehors!

Melilou mit un moment avant de réagir. Ayant repris ses esprits, elle l'invita à entrer.

Voila messire...ce n'est pas bien grand et j'imagine que votre rang vous permet logement plus confortable...mais je n'ai guère mieux à vous offrir pour le moment, dit-elle en lui indiquant la petite chaise. Elle s'assit en face de lui, un peu gênée. Elle n'avait pas l'habitude de faire entrer un homme chez elle. Galeazzo, lui, ne semblait pas se préoccuper de ces questions et paraissait très à l'aise, bien que visiblement intrigué par l'invitation de la jeune fille.

Alors comme ça, Oniki connait le nom d'emprunt de votre père...C'est plutôt surprenant...Je me demande bien ce que ce journal va nous apprendre, dit-il en regardant autour de lui. C'est mignon ici...un peu "nu" mais... joli...Il reposa son regard d'un bleu glacé sur Mélilou.Mais ce n'est pas pour me parler du journal que vous m'avez fait venir, si j'ai bien compris.

Je n'en sais pas plus encore sur le journal, messire. Mais toujours ce trois, messire. Vous nous avez regardées tour à tour et vous avez encore parlé du trois. Expliquez moi. Je suis superstitieuse voyez-vous, et tant de références aux nombres me plonge dans l'inquiétude. Quel signe y voyez-vous cette fois?
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Galeazzo
Je ne vois pas de nouveau signe, simplement l'illustration de ce que je vous ai exposé hier soir. Nous nous demandions pourquoi trois? Eh bien voilà la réponse est arrivé tout à l'heure, nous sommes Trois à nous retrouver autour d'un point commun : votre famille. Il n'y a rien d'autre a dire pour l'instant...

Galeazzo était détendu, il n'avait ni trop chaud, ni trop froid, il était bien ici. Cette bâtisse lui rappelait ses début à Varennes après son départ de la Cour Sicilienne. Il regardait Méli, tout deux restait silencieux... pensifs... impatient de savoir ce qu'il y avait dans ce carnet de note... peut être révélerait il à Galeazzo les relations entre le Duché de Savoie et le Royaumes de Sicile? Ou apporterait il des réponses à Mélilou? En tout cas ils semblaient tous deux impatient de l'arrivée de Dame Oniki...

Quand doit elle arrivée?


Au même moment quelqu'un frappa à la porte. Mélilou se leva rapidement et alla vivement ouvrir, trépignant, joyeuse, exitée et intriguée à la fois. Galea lui aussi eu fit un mouvement brusque de la tête pour voir qui arrivait...


°o0O( Quand on parle du Loup...)

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Oniki
[Chez Oniki]

Oniki rentra chez elle au pas de course, l’esprit en ébullition, un curieux pressentiment lui collant au corps ; elle avait l’impression que, pour une fois, ses recherches pourraient avoir une issue. C’était la première fois qu’une personne faisait référence à quelqu’un que son père avait pu côtoyer. Elle qui avait presque fini par se persuader que ce carnet n’avait pas été écrit par son père, qu’il s’agissait ni plus ni moins d’une histoire et que les noms cités en n’étaient que les protagonistes. Toutefois, elle avait toujours refusé de se débarrasser du journal.

Arrivée chez elle, elle avait à peine refermé la lourde porte, qu’elle courait jusqu’à sa chambre sans prendre le temps de retirer ni sa cape, ni son épée. Elle ouvrit l’armoire d’un geste brusque qui trahissait sa précipitation. Le journal était placé sous une pile de lettres importantes qu’elle conservait, près d’une pile de vieux vêtements qu’elle utilisait pour ses rondes. Elle s’en empara et resta là un moment, immobile, à en contempler la reliure, la caressant du bout des doigts. Cette dernière était finement ouvragée, on aurait dit un de ces livres que le curé entreposait sous clé dans la sacristie et destinés, selon elle, à ne jamais être lus. Des armoiries ornaient la couverture.

Elle redescendit dans la pièce principale et posa le livre sur la table. Elle prit alors le temps de retirer sa cape et son épée, de remettre quelques bûches dans l’âtre, de ranger quelques petites choses, comme pour retarder le moment d’ouvrir le carnet, d’en recommencer la lecture une nouvelle fois. Elle finit par se décider à s’assoir et ouvrit le journal. Les pages étaient jaunis, mais l’écriture qui les habillait n’avait curieusement rien perdu de son intensité. L’écriture était élégante bien qu’un peu trop sèche par endroit. Oniki s’était souvent amusée à dresser le portrait de son père d’après cette écriture. Elle l’imaginait comme quelqu’un de cultivé, d’instruit de part l’élégance des pleins et des déliés, mais aussi de déterminé et d’impatient de part la gaucherie de certains passages. Le contenu du texte avait fini de mettre en lumière ses traits de caractère ; il devait être rigoureux, sévère dans son jugement, coléreux et surtout, loyal. Elle savait qu’elle tenait cela de lui, de même que la rigueur. Son père semblait respecter la famille chez qui il travaillait au-delà de ce qu’un employé doit à son employeur. Il lui semblait même que ses propos trahissaient un lien plus profond, une amitié peut être.

Les premiers passages du carnet dataient de 1427, deux ans avant sa naissance. Son père était alors intendant dans un domaine de Savoie appartenant à la famille de Saingéry, nom qui ne lui disait absolument rien. Apparemment cette famille avait été déchue, on ne prononçait même plus leur nom à la Cour. Au début du journal, il décrivait abondamment le domaine dont on lui avait confié la gestion. Il était fier de ce poste et veillait à ne pas décevoir ses bienfaiteurs.
Le reste du journal décrivait les allés et venues de la famille de Saingéry, leur implication politique, le faste de leurs réceptions, les intrigues de la Cour et ce qui se disait dans les couloirs.
Puis, dans les dernières pages, il n’était plus question de la famille Saingéry, seulement de Josquin Toureneux, comme si l’on passait à une autre histoire sans introduction, plutôt… comme si on avait arraché des pages sans qu’il y en ait aucune trace.


Citation:
24 février 1438,
Je pars à la recherche de Josquin Toureneux. On m’a dit qu’il se trouvait près de Chambéry. Il faut que je rejoigne Dié dans le Duché du Lyonnais Dauphiné.


Citation:
12 Mars 1438.
Après 10 jours de route, j’ai pu atteindre Dié. J’ai poussé plus au Nord jusqu’à Chambéry, mais j’ai beau chercher, aucune trace de Josquin Toureneux. Personne ne semble l’avoir vu à Belley, ni à Annecy non plus.


Citation:
18 mars 1438
J’ai retrouvé sa trace plus à l’Est du coté de Moustier en Tarentaise, mais j’arrive trop tard. Il n’est plus.
Que le Très haut veille sur lui.


Le dernier passage était vraiment étrange. Oniki se demandait si elle n’allait pas porter une bien mauvaise nouvelle à Melilou. Josquin Toureneux était mort, c’est du moins ce que son père avait écrit. Elle ne connaissait pas très bien la jeune femme, mais elle ne souhaitait pas lui causer la moindre peine, aussi appréhendait-elle la rencontre de ce soir.

L’excitation de tout à l’heure était retombée, la fatigue et la lassitude se faisaient sentir. Elle referma le carnet et monta se coucher. Le froid la réveilla quelques heures plus tard. La nuit était tombée, il était temps de se rendre chez Melilou. L’impatience de ce matin était retombée, Oniki était habitée d’une étrange sérénité, comme si chaque chose devait arriver et qu’elle ne pouvait que s’y résigner. Elle se changea, mis une robe propre et enfila une cape bien chaude. Elle hésita à prendre son épée, toutes sortes de brigands hantaient la ville dès la tombée de la nuit. Mais elle se ravisa, cela aurait été ridicule avec sa robe et puis, elle restait armée après tout, même si cela n’était pas apparent. Elle prit le carnet et sortit.


[Chez Melilou]

Les venelles étaient désertes et le froid mordant, mais elle ne pressa pas le pas pour autant, levant les yeux vers le ciel dégagé, vers les Pléiades, vers cette septième étoile presque invisible sensée veiller sur elle… Quelle tour lui réservait-elle encore ? Elle arriva devant la maison et frappa. La porte s’ouvrit presque instantanément sur Melilou qui la priait d’entrer. Sa fébrilité était flagrante, ce qui la fit sourire. Elle entra.

Bonsoir…

Vous m’attendiez, on dirait.


Oniki ne fut pas vraiment surprise de trouver Galeazzo ici, elle avait déjà deviné qu’un lien existait entre eux deux ce matin. Elle jeta un rapide coup d’œil à la chaumière, l’endroit était modeste mais ordonnée et il y faisait bon. Elle retira sa cape et prit une chaise, tout comme Melilou. Cela ne servait à rien de prolonger les politesses, ils étaient tous impatients d’avoir des explications, aussi plongea-t-elle directement dans le vif du sujet.

J’ai amené le journal de mon père, comme convenu… Les passages qui concernent Josquin Toureneux se trouvent à la fin. Il n’y en a que trois seulement, et ils sont très brefs… d’ailleurs, j’ai peur que le dernier passage ne te déplaise Melilou… lui dit-elle en la regardant d’un air inquiet.

Oniki déposa le livret sur la table, les flammes de la cheminée faisaient luire doucement l’écusson, le regard des deux autres s'accrochant un instant à ces armoiries avec un peu de curiosité. Elle ouvrit le livret et leur donna lecture des passages qui faisaient référence à Josquin Toureneux.

A présent, vous allez peut être pouvoir me donner plus d’explications… Qui est au juste ce Josquin Toureneux ? Quels rapports a-t-il eu avec mon père ?
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En deuil de sa sœur...
Melilou
Mélilou avait fait entrer Oniki, le coeur rongé par l'impatience. Oniki s'était présentée, le journal sous le bras et ne semblant pas comprendre ce qui pouvait tant y intéresser Mélilou.

En entrant, elle avait déposé le journal sur la table et avait pris une chaise. Melilou avait de suite remarqué l'écusson sur la couverture de cuir. Elle l'avait déjà vu....mais où? Elle avait jeté un bref regard à Galeazzo, qui lui aussi semblait étudier le symbole avec intérêt.

Elle demanda à Oniki de lui montrer ce fameux journal, et la jeune femme ouvrit le journal à l'endroit d'un petit bout de parchemin qu'elle avait glissé entre les pages. Elle le tendit à Melilou, qui lut avec attention.

Citation:
24 février 1438,
Je pars à la recherche de Josquin Toureneux. On m’a dit qu’il se trouvait près de Chambéry. Il faut que je rejoigne Dié dans le Duché du Lyonnais Dauphiné.


Citation:
12 Mars 1438.
Après 10 jours de route, j’ai pu atteindre Dié. J’ai poussé plus au Nord jusqu’à Chambéry, mais j’ai beau chercher, aucune trace de Josquin Toureneux. Personne ne semble l’avoir vu à Belley, ni à Annecy non plus.


Melilou tourna la page.

Citation:
18 mars 1438
J’ai retrouvé sa trace plus à l’Est du coté de Moustier en Tarentaise, mais j’arrive trop tard. Il n’est plus.
Que le Très haut veille sur lui.


Elle fut d'abord saisie d'une grande angoisse. Toureneux, mort. Inutile alors de continuer sa quête, elle était maintenant impossible. Puis, le doute la saisissant, elle relut le passage en entier. 1438...C'était impossible. Le journal indiquait qu'en 1438, Toureneux était déjà mort. Or, il y a encore 2 ans à peine, en 1455, la mère de Melilou recevait encore des nouvelles en provenance e la Savoie. Ce qui était écrit dans ce journal était donc faux, et cela ne présageait rien de bon. Son père avait du être démasqué après sa fuite, et avait certainement été obligé de se faire passer pour mort.

Mais pourquoi, alors, avoir gardé ce faux nom de Josquin Toureneux? Une missive interceptée et c'était la chute inévitable de sa couverture: n'importe quel envoyé du Duc de Savoie aurait pu se lancer à nouveau à sa recherche en découvrant que son nom servait toujours à l'envoi de missives.
Encore un mystère à éclaircir...se dit-elle.

Elle avait du rêvasser à ces questions pendant un bon moment, les yeux fixés au sol et le journal entre les mains, car elle sentit la main de Galeazzo la secouer doucement par l'épaule. Elle sursauta et s'éclaircit la gorge dans un réflexe de contenance. Elle vit le regard inquiet d'Oniki. Il allait falloir lui raconter. Mais avant cela, elle lui dit:

Oniki je ne sais ce que veut exactement dire ce journal, mais une chose est certaine: Josquin Toureneux n'est pas mort. Ou bien, s'il l'est aujourd'hui, il était bien vivant en 1438, et encore en 1455, dernière année où ma mère a reçu des nouvelles de lui. Elle est morte peu après, emportée par la maladie, et qui sait si les lettres de Josquin n'arrivent point encore à Cambrai, là où j'ai grandi. Quoiqu'il en soit, il y a dans ce journal une tournure des évenements qui me font dire que ton père a cru bon de masquer la vérité, si ce n'est complètement, au moins en partie. Mais pour que tu comprennes, il faut que je t'explique qui est ce Messire Toureneux.

Elle s'arrêta un instant, un peu hésitante. Galeazzo lui fi signe de continuer. Elle reprit.

C'est mon père. Oniki ouvrit des yeux ronds. Mon père naturel, s'entend. Il ne m'a pas elevée, car ma mère et moi sommes parties de son foyer lorsque je n'étais encore qu'un nourrisson. Mais c'est bien lui qui a contribué à me mettre au monde. L'histoire est compliquée, et remonte au début de l'année 1437.

Elle marqua une pause, puis reprit encore.

Au début de l'année 1437, dans le duché de Savoie...

Elle passa ensuite un long moment à détailler toute l'histoire. Sa famille, la cour, la déchéance, l'exil, la mort de son grand-père dans des conditions obscures. La fuite de sa mère vers les contrées du Nord. Son père naturel et son père de coeur, la correspondance entre sa mère et celui qui se faisait maintenant appeler Josquin Toureneux. Oniki avait réagi plusieurs fois en entendant le nom de famille qui revenait sans cesse. Saingéry. Comme si ce nom ne lui était pas étranger.

A la fin de son récit, Melilou se tut et plongea à nouveau dans une profonde reflexion. Tout cela remuait bien des choses qu'elle pensait oubliées ou guéries, mais elle se rendait bien compte que non. L'histoire de sa famille l'avait laissée comme amputée de quelque chose. Et elle savait qu'un jour ou l'autre, avec l'aide d'Aristote, elle finirait par comprendre.

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Oniki
Oniki, qui s'inquiétait de devoir annoncer une mauvaise nouvelle à Melilou, fut soulagée d'apprendre que son journal se trompait... Josquin Toureneux était sauf, du moins il l'était encore en 1455. Elle sentit ses épaules se relâcher un peu et respirait plus librement maintenant que ce poids venait d'être retiré de ses épaules. Néanmoins, comme l'avait fait remarqué Melilou, cela soulevait d'autres questions... Pourquoi ? Pourquoi son père avait-il écrit que Josquin Toureneux avait péri ? L'avait-il dit parce que, n'arrivant pas à le retrouver, il avait conclu à sa mort ou bien, avait-il sciemment fait croire à sa mort ?

Melilou ne lui laissa toutefois pas le temps d'approfondir ses réflexions et se lança dans le long récit de l'histoire de sa famille. Ainsi donc, elle était noble de naissance, mais la vie s'était chargée de lui en retirer le titre... sommet et déchéance, ces deux mots résumaient bien l'histoire de cette famille. Oniki éprouva une certains compassion pour la jeune femme qui au lieu d'avoir une enfance dorée, dans une belle demeure, se retrouvait obligée de cultiver elle-même ses champs pour vivre. Certes, elle ne semblait pas avoir manqué d'affection mais tout de même...

Elle était issue de la famille De Saingery... De Saingery... elle était certaine d'avoir déjà entendu ce nom quelque part...

Quand Melilou eut fini son discours, un profond silence s'installa, chacun réfléchissant aux révélations qu'il venait d'apprendre et aux nouvelles interrogations qu'elles soulevaient. Oniki avait repris le carnet est le feuilletait machinalement en essayant de se souvenir où elle avait pu entendre ce nom, lorsque la réponse apparut devant ses yeux au détour d'une page... Elle tressaillit légèrement. Elle tourna la page, la suivante et ainsi de suite... ce nom était présent dans toute la première partie du journal de son père. Comment avait-elle pu l'oublier ? Elle jeta un coup d'œil vers Melilou et Galeazzo qui avaient noté son geste de surprise et la fixaient à présent, l'interrogeant du regard.


De Saingery... à présent je me souviens, c'est le nom de la famille pour laquelle mon père travaillait... c'était leur intendant... Regardez !

Oniki leur tendit à nouveau le livret. Elle n'en revenait pas. Comment se pouvait-il qu'elle soit en face d'une descendante de la famille chez qui son père disparu avait travaillé ? Quelle probabilité pour que leurs chemins se croisent ? Nulle où presque, vue l'étendue du royaume... Aristote avait donc voulu que leurs routes se croisent. Pour la première fois, Oniki entrevit une possibilité de savoir ce qu'il était advenu à son géniteur...

Une nouvelle question s'imposa à elle... Que venait faire Galeazzo dans cette histoire ?

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En deuil de sa sœur...
Melilou
Son crâne sembla exploser lorsqu'elle entendit Oniki prononcer le nom des Saingéry. Comment était-ce possible? Oniki lui avait à peine tendu le journal que déjà elle lui arrachait presque des mains, se retenant de ne pas tout envoyer valser pour rentrer au plus profond des pages. Du calme, et de la retenue, se dit-elle en elle-même.

Elle se mit à faire les cent-pas, le journal dans les mains, feuilletant les pages, revenant sur l'une, en sautant deux autres, dans la confusion la plus totale. Le patronyme déchu apparaissait partout, sans cesse. Une plongée à grande allure dans un passé qu'on ne lui avait jamais expliqué qu'en tous petits morceaux et qu'elle allait aujourd'hui pouvoir comprendre, enfin.

Elle s'arrêta brusquement et referma le journal d'un coup sec. C'était seule qu'elle devait apprendre la vérité. Elle se tourna vers ses compagnons.


Restons en là pour le moment. Je m'excuse, mais il va me falloir du temps pour lire tout ça, pour comprendre, et pour envisager la suite. Je...je vous remercie tous les deux d'être venus, mais il vous faut partir à présent.

Elle se tourna plus sûrement vers Oniki.

J'espère que tu ne vois pas d'inconvénients à ce que je garde ça...

Oniki fit non de la tête, sa bouche restant muette comme une carpe, et ses yeux montrant une incrédulité réelle face à la situation. Comme transformée par l'événement, Melilou fourra dans les bras de Galeazzo les affaires qu'il avait ammenées avec lui, et poussa ses deux invités vers la porte:

Je...je vous tiendrai informés de ce que je trouve. Mais pour le moment, je dois lire, encore et encore.

Elle referma la porte derrière eux dans une geste machinal et absent, s'affala sur sa couche, et se mit à dévorer le précieux document.
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Oniki
Melilou lui arracha presque le livre des mains pour le feuilleter avidement. Oniki resta interdite, la bouche légèrement ouverte, regardant la jeune femme arpenter la pièce en tournant fébrilement les pages du journal de son père... Après quelques instant, elle leur annonça qu'ils devaient partir et lui demanda si ça ne la dérangeait pas qu'elle conserve le manuscrit... Aucun son ne pu sortir de sa bouche, mais Oniki hocha la tête en signe dénégation.

Ni une, ni deux, Melilou rassembla les affaires de Galeazzo et les lui fourra dans ses bras pendant qu'Oniki remettait prestement sa cape. Elle les poussa vers la sortie ; ils n'avaient pas mis un pied dehors, que déjà la porte claquait derrière eux... ou comment se faire mettre dehors bien proprement !

Oniki comprenait parfaitement le trouble de la jeune femme du fait des révélations que le carnet de son père pouvait lui apporter, mais tout de même, la politesse restait la moindre des choses ! Elle s'éloigna rapidement en maugréant, laissant Galeazzo seul dans la rue, en train d'enfiler sa cape...

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En deuil de sa sœur...
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