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[RP] De la tristesse naquit la rage

Beths
[Matin de novembre]


C’est l’heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.

Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L’érable à sa feuille de sang.

Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées ;
Mais ce n’est pas l’hiver encore.

Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l’air tout rose,
On croirait qu’il neige de l’or. Le Cahier rouge, F.C.


Automne … Oui l’automne était bien là. Au chaud au domaine de Chaptuzat, domaine de sa marraine où elle avait trouvé refuge, bornée qu’elle était de refuser de retrouver son époux, la Duchesse à la croisée regardait le paysage. Une main sur son ventre qui doucement, sereinement, s’arrondissait imperceptiblement sous l’habitant qui petit à petit prenait place en ses pensées, en son cœur. D’ici peu de temps, elle ne pourrait plus cacher son état … elle devait voir Marty, elle devait lui parler. Elle avait pensé pouvoir profiter du mariage de Bettym … las … de mariage il n’y avait point eu, mais un enfant été né … Guéric … et sitôt remise de ses couches, sa jumelle de cœur était partie. Quitter le BA, ces terres que toutes deux aimaient tant. Mais Beths avait compris le désir, le besoin de son amie, et c’est déchirée et silencieuse qu’elle avait assistée à son départ. Les deux B savaient l’une comme l’autre que la vie leur permettrait de se revoir …

Pour l’heure la Duchesse réfléchissait à un moyen de rencontrer son époux. Elle lui en voulait toujours pour Bettym, pour son choix, le fait qu’il ne l’ait pas concerté, pour les mots qui avaient dévalés torrent furieux … ses mots à lui, ses mots à elle … Et deux être ensuite têtus qui restent sur leur position.
Sauf, qu’elle l’aimait toujours et qu’il lui manquait terriblement, qu’elle avait besoin de lui, de son sourire, de son regard, elle voulait qu’il la prenne dans ses bras, qu’il la cajole, la console. Et puis ils n’étaient plus deux, mais trois … douce caresse sur cet être qui l’habitait et qui réjouirait Marty, elle en était certaine.
Comment faire ? Doux soupir qui s’échappa de sa bouche alors qu’elle était seule à Chaptuzat, Legowen l’empêchant de prendre la moindre garde … se rappelant le désastre de sa précédente grossesse. Pauvre sourire qui naquit sur ses lèvres … Leg la protégeait.

Les yeux rivés sur l’extérieur, elle aperçu soudain un messager … une lettre pour son amie ? S’avançant à la rencontre de l’homme, sa surprise s’accentua lorsqu’elle apprit que la missive était pour elle. Certes, elle ne s’était point cachée, et son lieu de résidence était connu, néanmoins …
Ses mains se mirent à trembler alors qu’elle prit le parchemin de mauvaise qualité … que … rentrant précipitamment dans ce qui avait été pour elle un havre de paix et de tranquillité, elle décacheta tremblante la lettre, une simple lettre …



Citation:
Beths

Nous devions vous revoir, nous devions Curtius et moi vous redonner goût à la vie, c'était son souhait le plus cher.
Hélas, Curt est parti, il nous a abandonné vous et moi, et la vie a abandonné son corps que j'ai entre les mains inanimés.
je vous ai promis de veiller sur lui, je vous ai promis de le défendre de ma vie...
j'ai failli Beths, j'ai failli! je mérite la mort également, certainement, comment l'avoir entrainé malgré moi, dans ce qui allait être une déclaration d'amour, des sermons jusqu'à devenir un enfer.
Je vais tenter de l'emmener à Gueret pour l'enterrer là bas, je vous prie venez vite si vous le pouvez.

Aelyce




Son cœur l’étouffait brusquement alors que ses jambes se dérobaient sous elle, que ses mains s’ouvrirent lâchant la lettre, et ses bras venant alors contre sa poitrine comme un geste protecteur … mais il était trop tard. Un cri animal déchiraient ses lèvres


Noooooooooooooooooooooooooooonnnnnnnnnnnn

A genoux, une sœur pleurait la perte de son frère, cet être qu’elle adorait, son autre soi, ce cadeau qu’elle avait retrouvé quelques temps auparavant lui redonnant espoir, envie et foi en la vie. Pourquoi lui ? Il était jeune, plein de vie, pourquoi ainsi ? Une à une, les larmes noyèrent sa vision de la pièce pourtant si joliment décorée, sa marraine y ayant mis du cœur et de la passion pour rendre son domaine agréable.
Mais d’autres visions arrivèrent en mémoire de l’éplorée : un champ, un chien, des cris de joies d’enfants qui se poursuivaient, elle-même qui tout en gardant un œil sur les moutons courait après ce chenapan de Curtius, le couvant tout comme une jeune mère, attentive à ses moindres gestes. Les deux plus jeunes, Aénor et lui étaient ses préférés, ceux sous sa garde … elle avait failli pour Aénor, et le Très Haut lui avait fait présent de la vie de Curtius lorsqu’elle l’avait retrouvé des années plus tard, mille projets venant alors dans l’esprit du frère et de la sœur. Et aujourd’hui, son petit frère, son autre, lui était arraché. A cause d’elle, de cette femme, ELLE !!!!

Vengeance. De rage, elle mordit son poing à sang. Ce vautour, cette femme mourrait … ou du moins, elle l’affronterait en duel, et il ne s’achèverait que par la mort de l’une d’entre elle. Il lui fallait préparer ses affaires, un simple baluchon, mais surtout affuter son épée, et … et s’entrainer avant. Par Aristote, elle s’était amollie et avait laissé ses entrainements de côté. Qu’elle grave erreur. Tant pis ! Son poing s’abattit cette fois au sol, la douleur la raffermissant dans son idée. Alors qu’elle se relevait en grimaçant.

Néanmoins un haut le cœur lui rappela qu’elle n’était point seule. Elle ne pouvait … elle n’avait pas … Fermant un instant les yeux la raison luttant pour se faire entendre … Vengeance elle l’avait crié et obtenue à Montluçon alors que le responsable de la mort de sa famille périssait sous sa lame. Mais elle n’aurait jamais réussi cet exploit seule, Marty avait d’ailleurs failli perdre la vie … Anseis … lui seul pouvait l’aider. Son passé était suffisamment sombre pour que son projet ne l’effraie pas. Les armes et la mort ne lui étaient pas inconnu, et plus important, elle avait confiance en lui. Il était noirceur et candeur à la fois … dans ce périple où elle affronterait une ribaude brigande, fille d’un chef d’armée connu et reconnu, elle ne pouvait ni partir seule, ni accompagnée de maréchaux ou membre du guet royal. Non, seul un ancien membre d’une meute pourrait l’aider, et puis n’était il pas désormais son secrétaire ? Leur mouvement ne paraitrait donc pas suspect.
Et puis, si elle devait mourir, elle ne pouvait pas partir sans un mot … elle avait des missives à écrire, à faire écrire.

Retournant dans sa chambre, elle se mit à écrire.



Citation:
Anseis, le bonjour,

J’aurais besoin des services particuliers de mon secrétaire. Je ne sais si je peux vous appeler toujours ainsi, puisque n’ayant plus fait appel à vous depuis des lustres.

Mais si le cœur vous en dit, j’aurais besoin de vous et … potentiellement de votre épée.

Vous pourrez me trouver au domaine de Chaptuzat, chez ma marraine.

Bien à vous,
Beths de Monfort-Balmyr



Un sifflet lui permit d’appeler celui qui était son messager le plus rapide et le plus efficace : Crécerelle. Le magnifique faucon qui portait ce nom arriva rapidement. Missive attachée, et elle l’envoya en direction de Montpensier, en espérant qu’Anseis s’y trouvait bien.

En attendant, elle se mit à lister les différentes missives qu’elle devrait écrire : Bettym bien sur, Leg aussi, Al et Kory, et puis … Marty, cette lettre serait la plus difficile de toutes, les maréchaux sa famille ? Peut être, elle ne savait …
Attrapant son épée, elle se rendit dans le jardin, un entrainement s’imposait.

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Anseis



Anseis, le bonjour,

J’aurais besoin des services particuliers de mon secrétaire. Je ne sais si je peux vous appeler toujours ainsi, puisque n’ayant plus fait appel à vous depuis des lustres.

Mais si le cœur vous en dit, j’aurais besoin de vous et … potentiellement de votre épée.

Vous pourrez me trouver au domaine de Chaptuzat, chez ma marraine.

Bien à vous,
Beths de Monfort-Balmyr


Enroulant de nouveau ce parchemin, Anseis en déplia un autre révélant une carte. Oui, s’il avait bien suivi les directions, il devait maintenant se trouver en face du fameux château de la roche, principale résidence du domaine de Chaptuzat.



L’homme replaça parchemins dans sa besace, gardant visage fermé. Il ne pouvait s’empêcher de ressasser dans son esprit le message de la duchesse, surtout à la référence à son arme. Il résista à l’envie de le dérouler pour la centième fois et vérifier qu’il s’agissait bien de l’écriture et du sceau de Beths et non une forgerie. Il ne restait plus qu’à prendre rennes en main et suivre le chemin qui conduisait à l’entrée du château. Oubliant pour une fois son éternelle mèche rebelle, il se saisit des rênes.

Le va et vient des gardes au niveau des tours de la bâtisse confirmaient que les actuels seigneurs – dame Legowen et son époux Guy, avaient des connaissances martiales et les mettaient en œuvre. Anseis pivotant un instant sa monture, pu apprécier la position de cette place-forte construite il y a un peu plus de deux siècles et qui dominait la vallée.

Si Dame Beths demandait son assistance, ce n’était visiblement pour défendre la place.

Haussant les épaules, il reprit son chemin s’arrêtant à bonne distance de la porte pour saluer d’un signe de tête les gardes en faction.


Anseis

Déjà fort peu loquace habituellement, le vagabond n’avait ce jour là aucun désir de parler. Il semblait que ce fut réciproque puisque le plus âgé des deux gardes – qui s’avérait être une femme au visage sévère - se contenta de tendre la main. Il fallu un instant à Anseis pour comprendre ce qu’elle désirait. Finalement, il ouvrit sa besace pour en retirer parchemin reçu quelques heures auparavant. La femme le déroula, hocha la tête puis le lui tendit de nouveau.

Elle vous attend. Petit salon, troisième porte en entrant

Clair, direct, sans fioriture. Et ce n’était lui qui s’en plaindrait. Il donna rapide coup de bride pour faire pénétrer son cheval au pas dans la cour, le confier sans autre mot au garçon d’écurie puis entrer dans le bâtiment principal.

Passant les portes pour la plupart entrouvertes, il ne put empêcher un frisson le parcourir lorsqu’il jeta un coup d’œil dans ce qui semblait être la cuisine. Aristote ! Cette pièce à elle seule était plus grande que la maisonnette qu’il louait à Montpensier…

Frappant trois coups au niveau de la porte qu’on lui avait indiqué, Anseis poussa la poignée après avoir entendu un faible
Entrez .

La duchesse était là, proche d’une fenêtre qui donnait sur la cour intérieure. Le jeune homme en conclut qu’elle avait donc du le voir arriver. Le léger contre-jour ne suffisait à cacher les cernes et yeux rougis. D’une main, elle tenait un parchemin froissé.

Anseis attarda son regard vers la main qui présentait traces sanglantes.

Tout ces signes annonçaient une terrible nouvelle, suivie probablement d’une non moins terrible annonce. Se rappelant au dernier moment combien la jeune femme détestait les protocoles lorsqu’elle était en privée, il s’arrêta dans sa révérence pour se redresser brusquement.

Ne desserrant les dents que le temps de marmonner un discret
dame Beths il replaça enfin la mèche rebelle d’un geste rapide. Les discussions d’usage qui lui semblaient superflues en règle générale lui paraissaient ce moment là pour le moins inappropriées
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...
Beths
[Éclaircissements ?]


Une main qui se froissait et défroissait sur un parchemin prouvant l’anxiété, le désarroi, la colère. Sitôt sa missive pour Anseis partie, elle avait été voir l’Intendante, femme revêche au premier abord, mais dont le cœur était aussi tendre qu’une pointe d’asperge. Elle l’avait ainsi prévenue qu’elle attendait de la visite. La matrone avait immédiatement compris à son teint, à ses yeux, à sa voix qu’un événement grave était survenu. Elle se contenta d’hocher la tête. Beths se demanda un instant si elle préviendrait par là sa marraine … haussant les épaules elle se résigna qu’importait ? Leg serait de toute façon prévenue bien assez tôt.

Elle s’en était ensuite allée dans le jardin, exercice aux armes qui s’était avéré difficile, laborieux. Elle s’essoufflait et s’épuisait, en un rien de temps, manque d’entrainement ou grossesse ? Les deux certainement, mais cet état de fait la fit douter. Ce n'était pas en étant aussi peu convaincante avec une lame entre les mains qu’elle pourrait prétende à tuer la fille d’un capitaine d’armée !

Ce fut le moral bien bas qu’elle était retournée à sa chambre. La longue attente débuta alors lui laissant indéniablement temps pour les pensées, les réflexions, la douleur. Celle de perdre un être cher, celle de se rassasier dans la vengeance prochaine, celle de se trouver un but, un objectif unique qui permettait de tenir debout, de garder les yeux ouverts même si ces derniers étaient parfois embrouillés par des larmes qu’elle effaçait d’un geste rageur. Mais également le temps de doutes, des incertitudes, la vie d’un enfant à naître contre une vengeance ? Son frère était mort, et tuer celle qui était responsable ne le ramènerait pas, et elle devinait même que cette mort n’apaiserait pas son chagrin … elle qui avait connu la peine de perdre un enfant, avait-elle aujourd’hui le droit de mettre la vie d’un autre en danger ? Mais que faire alors que son honneur hurlait représailles et réparation ?

Terriblement, les minutes s’égrainaient, et à la fenêtre, le paysage ne lui apportait nul réconfort. Jusqu’à ce qu’enfin celui qu’elle avait mandé arrivait. Il avait du cavaler pour être arrivé si rapidement de Montpensier. Pale sourire sur un visage décimé avec une certitude, Anseis l’aiderait bien, sinon il ne serait pas venu.

Attendant qu’il se présente à la porte pour l’inviter à entrer, elle s’interrogeait : avait-il changé ? Avait-elle le droit là encore de bouleverser sa vie lui demandant de l’aider dans un assassinat ? Qu’était-il devenu depuis ces mois ? Trop de questions … qui s’achevèrent sitôt qu’il eut frappé à la porte.
D’une voix à peine audible, elle l’invita à entrer, et ce fut échange de regards silencieux qui s’en suivirent. Elle se doutait bien que la mine qu’elle présentait ne devait pas être celle d’une Duchesse affable et réjouie. Que lui importait, de toute façon, les protocoles et elle … Un léger silence s’installa, et pourtant nulle gêne, comme s’il … comme si Anseis par un simple regard comprenait.

Quittant enfin la fenêtre qui avait été sa seule vision ces dernières heures, elle s’approcha de lui se demandant que dire, l’étudiant. Ce fut la conscience qu’elle tenait toujours le parchemin froissé contre son cœur qui l’aiguilla. S’arrêtant un bref instant, regardant ses mains torturées et l’annonce qui avait déclenchée son état, ce fut presqu’au ralentit qu’elle lui tendit la missive pour qu’il la prenne, la lise … Ce qu’il fit.

Anseis avait croisé Curtius alors même que le frère et la sœur se retrouvaient, alors même qu’un voyage était décidé et organisé par ses soins, si bien qu’il pouvait comprendre ce qu’aujourd’hui elle ressentait … rage, vindicte …



Il … il … mon frère …


Quelques mots qui lui coutaient, qu’elle n’arrivait à prononcer. Elle, qui était considérée comme exprimeuse n’arrivait même plus à ânonner une phrase. Ses yeux se fermèrent un instant, elle devait poursuivre, son idée, son but, réussir …


Je dois aller là-bas, la chercher, la traquer, lui ôter la vie, une vie pour une vie … et j’ai besoin d’aide. Je n’y arriverai pas seule.
Mais les conséquences seront lourdes … elle est la fille …


Comment le dire … comment avouer qu’elle avait fait pression de ses fonctions royales pour questionner, pour apprendre, savoir qui était exactement cette femme ? Oui, elle avait osé surpasser ses droits, mais il était son frère unique, son sang. Et elle ne pouvait le laisser partir sans savoir qui était la ribaude qui l’avait ensorcelée … une âme noire du sans nom. Et elle avait appris, plus qu’elle ne voulait savoir.

L’amertume de ne pas avoir agit alors, la détresse furent un reflet de son âme en ses yeux, qu’elle porta alors sur le jeune homme devant elle. Avait-elle besoin d’en dire davantage ? Comprenait-il ? Le pli qui marquait son front entre ses sourcils apprenait que son état était pour le moins fragile.
Elle se détourna et commença alors à arpenter la pièce


Il me faut me préparer, et puis aussi prévenir, et je vais là encore avoir besoin de vos talents d’écriture. J’ai, j’ai déjà préparé une liste des personnes à prévenir … Tenez …

Attrapant sur le bureau la liste qu’elle avait précédemment rédigée, elle la lui remis … quelques noms consignés à la va vite

Citation:
Bettym
Althiof et Korydwen
Legowen
Azdrine
Kalimalice
Marty



J’ai surement du oublié … je ne sais … il faudra me dire
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Anseis
Les yeux du vagabond quittèrent le second parchemin pour se poser de nouveau sur la duchesse. Dans le regard de la jeune femme, il y chercha réponse à la muette question qui venait de se former dans son esprit. Pourquoi donc le nom de son aimé se trouvait en fin de liste ?

Jadis il avait pu y trouver détermination sans faille, besoin de justice. Mais aujourd’hui, durant l’infime fraction qu’il fallut pour qu’elle détournât son attention, il n’y vit que douleur, tristesse et … fatigue.

Curtius… l’unique famille qui lui restait alors, dernier lien avec son sombre passé. Qui, par miracle, avait survécu aux terribles événements qu’elle avait un jour raconté au jeune homme et qui, par un aussi grand miracle, avait pu de nouveau se retrouvé uni à sa sœur. Comment donc ne pas ressentir horrible douleur au point de désirer vengeance plus que toute autre chose ?

Sans mot, il s’assit au niveau de l’écritoire, déroulant parchemin et ouvrant fiole d’encre, tout en continuant de tourner son attention vers la dame de Gondole. Vêtue de l’uniforme de maréchal qu’elle affectionnait tant, elle arpentait lentement la pièce.

Anseis avait déjà eu l’occasion de côtoyer Beths fatiguée, épuisée même. Pourtant jamais elle n’avait faibli en ces temps. Son désir de justice l’avait guidé et soutenu jusqu’à l’ultime et terrible conclusion.

Il pouvait le juger par sa démarche, les choses étaient bien différentes en ce jour. Bien sûr vengeance n’avait force de justice mais il y avait autre chose plus personnel, plus interne. C’est alors qu’il nota l’épée posée en son fourreau près de la porte. La duchesse, le voyant plus en main, reprit à ce moment la parole. Chassant ses pensées, le secrétaire plongea plume dans l’encrier, s’apprêtant à rédiger le premier message.

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...
Beths
[Lettres …]


Silencieusement Anseis l’avait écouté, entendu plutôt vu les vagues mots déblatérés à la va vite. Et pourtant nulles questions, simplement l’efficacité. Souhaitait-il l’aider, ou comprenait-il ? Comprenait-il la terrible douleur de perdre une seconde fois sa seule famille ? Après la joie, le bonheur décuplé de s’être retrouvés, ravissement rendu vorace suite à l’âpreté de la perte d’un foyer, il fallait que le sort s’acharna une nouvelle fois. Curtius … Beths essuya la larme qui dévalait pauvrement sa joue tout en arpentant la pièce.

Son secrétaire s’était assis face à la table d’écriture, plume en main parchemin vierge devant lui. Il acceptait donc sa mission, ses missions, l’écriture d’abord, l’assistance armée ensuite. Un sourire sans âme échappa à la Duchesse, était-ce donc si simple ? Aller au devant d’un combat, d’un duel dont l’issue serait la mort quoi qu’il advienne ? Mort de l’une ou de l’autre … Inconsciemment une main sur l’abdomen, les doutes revinrent … avait-elle le droit de ne même pas laisser une chance à cet être à naître, alors que la fougue de la jeunesse l’avait déserté ?

Mais Anseis était là, et elle croisa un instant son regard, il attendait, elle se décida.



Commençons par … un arrêt, un soupir, toutes les missives seraient délicates … allait-elle procéder par un tirage au sort ? A quoi bon … nouveaux cents pas, et elle reprit

Mes suzerains … vous ferez deux lettres différentes Anseis, je vais commencer par celui qui m’a annoblit, le Baron Althiof …



Mon cher Al, ami si cher qui a su me comprendre au-delà des mots, mais bien par les actions, celles non clamées, celles simplement exécutées. Toi qui a vu, qui a répondu à mes questions en amenant de suivantes, et encore de nouvelles, tu as su passionner mon désir de Justice, mon désir d’apprendre et de bien faire. Tu fus un guide pour moi à la prévôté, redonnant un objectif, un sens à ma vie alors que je m’installais à Thiers suite à


Émotion aidant, larmes dans les yeux, douleur dans la voix, et lèvres asséchées … Beths fit une brève pause le temps de verser un peu d’eau dans un verre pour le boire aussitôt.
Elle hésitait … que devait-elle dire ou avouer au juste à son ami ? Tout ? Rien ? Mais si elle ne revenait pas ? Heure de vérité ?
Elle se rappela alors les consignes de sa marraine d’ordre : patience et courage … Il lui faudrait trouver les mots …



Supprimez Anseis le suite à. Et reprenons …

Ce que tu n’as jamais su Al, c’est qu’arrivant juste à Thiers j’étais fragile et orpheline. Ma vie n’aurait pas dû être épargnée, et pourtant malgré diverses souffrances j’ai survécu ce qui ne fut pas le cas de ma famille.
La prévôté fut ensuite ma nouvelle famille. Si tu n’avais pas été prévôt, si tu n’avais pas été si patient et si bon maître, jamais je ne serais devenue ce que je suis. Tu m’as tout appris, la prévôté m’a tout appris : des choses aussi idiotes et futiles que monter un cheval, mais aussi apprendre à me battre, apprendre à rédiger un rapport, à être fière de mon travail.

La suite tu la connais.


Oui, la suite, il la connaissait ... son parcours, aspirante, puis maréchale, puis adjointe au prévôt, prévôt enfin ... Pour après une folle candidature, une double candidature, acceptée

Et récemment, Aristote m’a fait la joie de retrouver un frère que je croyais à jamais perdu. Je te l’avais présenté aux joutes du Lavardin.

Mais depuis … mon petit frère a aimé la femme qu’il ne fallait pas. Peut être le Grand Prévôt avait il noté que brusquement je me suis penchée sur certains dossiers, que brusquement je me suis mise à questionner certaines sources … oui Al, j’ai fauté et utilisé quelques moyens que je n’aurais dû pour savoir qui elle était. Mais si c’était à refaire, je le referais, Curtius était mon sang. Je devais savoir.


Les phrases défilaient une à une, plus elle parlait, plus elle avait besoin de parler, sortir, dévoiler, tout dévoiler d’elle s’il le fallait, et puis Anseis apprendrait, comprendrait, jugerait peut être et choisirait, l’aiderait-il, ou non. Mais elle poursuivait, marchant toujours de long en large dans la pièce, ne s’arrêtant plus, ni de cheminer, ni de s’exprimer.


Al, il aimait Aelyce Salmo Salar de Dénéré, fille de Namaycush, Capitaine Memento Mori … je te laisse imaginer ma surprise, mais surtout mon inquiétude, mes angoisses, mes craintes pour mon petit frère. D’apprendre à tout instant qu’il pourrait être tué dans l’une des croisades de cette armée de … je n’ose dire le mot. Et puis le tableau était parfait non ? Le petit frère du Prévôt Royal, membre Memento Mori ...

La fatalité a repris ses droits Al … comme il se devait sans doute, comme ce que l’improbable n’aurait jamais du être. Curtius est mort, et mon âme, mon cœur sont déchirés, n’acceptant pas sa perte, ne pouvant la tolérer.
Et la folie est ma meilleure conseillère. Al je vais aller la défier. Ou peut être me résoudrais-je à quelques basses manœuvres bien moins chevaleresques, mais ces derniers temps je me suis amollie et je n’ai aucune chance contre une femme plus jeune, une femme de guerre.

Mon ami, je tenais à te remercier, pour tout, le parchemin ne serait pas assez conséquent si je devais lister.
Aristote dans sa grande mansuétude veillera peut être sur moi … je ne sais, mais je tenais à te prévenir et que nulle autre que moi te donna ces précisions.

Je t’embrasse.



La Duchesse prit une immense inspiration, et rejeta l’air doucement tout en fermant les yeux avant de les rouvrir pour regarder son secrétaire droit dans les yeux.

Pour la signature, Beths suffira …. Passons maintenant à la lettre pour Kory. Alors … Ma chère Kory, Je n’ai appris à te connaître que plus tardivement que ton époux, au départ tu n’étais que, que entre-guillemet, la femme de mon prévôt, mais temps faisant j’ai appris à te connaître, à t’apprécier, à t’aimer pour ce que tu es toi, ton caractère entier pas toujours évident, mais qui a le mérite d’être franc et sincère …

Elle se mordilla doucement la lèvre inférieure, et puis n’y tenant plus, alla se placer juste devant son secrétaire, elle voulait savoir.

Anseis, croyez vous que j’ai tord ? Que c’est idiot ? Comprenez-vous à quoi vous allez vous engager si vous m’aidez ?

Sa gorge nouée l’empêchait d’en dire davantage.
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Anseis
Supprimez Anseis le suite à. Et reprenons …

Le secrétaire, qui jusqu’alors avait couché chaque mot avec application sur le vélin, s’arrêta.

Supprimer ? Anseis regarda avec curiosité la longue plume qu’il tenait entre les mains, se demandant si cette dernière avait quelque sorte de magie et si la repasser à l’envers permettait de récupérer l’encre.

Mais voilà que la maréchale reprenait sa diction, forçant l’homme à continuer et reporter la réflexion pour plus tard. A chaque nouvelle phrase, Beths dévoilait un peu plus ce qu’elle avait sur le cœur, si bien que le jeune homme commença à se demander si les paroles ne s’adressaient directement à lui. Déglutissant, lorsqu’il entendit le nom du père de l’aimée de Curtius, le secrétaire continua à retranscrire le texte. Il avait entendu parler du capitaine gascon, s’était même retrouvé enrôlé bien malgré lui dans son armée pendant deux journées alors qu’il se trouvait en Limousin…


…La fatalité a repris ses droits Al … comme il se devait sans doute, comme ce que l’improbable n’aurait jamais du être. Curtius est mort, et mon âme, mon cœur sont déchirés, n’acceptant pas sa perte, ne pouvant la tolérer.
Et la folie est ma meilleure conseillère. Al je vais aller la défier. Ou peut être me résoudrais-je à quelques basses manœuvres bien moins chevaleresques, mais ces derniers temps je me suis amollie et je n’ai aucune chance contre une femme plus jeune, une femme de guerre.


Anseis commençait à réaliser l’état d’esprit, alors qu’il finissait de copier la lettre. La duchesse semblait comprendre parfaitement les conséquences de ce que vengeance lui guidait. Et ces lettres dont il avait écrit la première étaient confessions en guise d’adieu. Même si elle impliquait un possible retour, la dame ne semblait elle-même vraiment y croire. Raturant machinalement d’un trait le « suite à » , il déposa la missive sur la droite de l’écritoire pour laisser temps à l’encre de sécher et s’empara d’un nouveau parchemin.
L’ombre qui se fit lui fit relever la tête pour voir Beths qui venait de s’appuyer contre l’écritoire, le dévisager.


Anseis, croyez vous que j’ai tort ? Que c’est idiot ? Comprenez-vous à quoi vous allez vous engager si vous m’aidez ?

Lui retournant son regard, Anseis quitta lentement son siège puis se dirigea vers la porte pour récupérer l’épée du prévôt royal. Repoussant quelques sièges pour créer place, sous le regard incrédule – et probablement inquiet - de la jeune femme, il s’approcha de nouveau d’elle. D’un geste froid et méthodique il sortit l’arme de son fourreau, puis tendit la garde à Beths qui s’en saisit sans trop comprendre.

Plusieurs mois avaient passé depuis les tragiques événements de cette nuit à Montlu¬çon. Mais cela n’empêchait le vagabond de se souvenir la détermination de la jeune femme qui maintenant lui faisait face. Mais ce qu’elle proposait ce jour, pensait-elle vraiment qu’elle pouvait le faire ?

Dégrafant cape, l’homme dégaina sa propre lame avant de finalement commencer à parler.


Dame Beths, Il salua la jeune femme, relevant la pointe de sa lame vers le ciel. votre bras a-t-il déjà servi autre cause que justice ? rabaissant l’épée en position de garde il ajouta pensez-vous pouvoir trouver dans douleur et vengeance la même force qui vous animait jadis ? Mais surtout ... êtes vous prête à entacher votre âme ?

Loin d’une provocation, l’homme espérait que Beths accepterait le défi et oserait tester ses sentiments à l’instant même. Il ne put s’empêcher une grimace. Si la châtelaine entrait à tel moment, il serait bien difficile d’expliquer l’étrange jeu auquel ils s’apprêtaient, au risque de faire souffrir mobilier ..
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...
Beths
Elle le dévisageait simplement, cherchant … ne sachant ce qu’elle cherchait, ni quelle réponse, mais certes pas qu’il se leva silencieusement pour attraper son épée. Mais qu’allait-il donc en faire ? Vérifiait-il que le tranchant était bien entretenu ?

Lorsqu’il revint vers elle en tirant la lame du fourreau, elle se mit à déglutir d’incompréhension, gardant tête haute tout en continuant de l’observer au milieu du désordre qui régnait en son esprit. Mais elle était confiante, elle ne comprenait pas ce que préparais Anseis, mais le passé lui avait fournit preuves suffisantes qu’elle pouvait lui confier sa vie, elle ne bougea donc pas de la place où elle était. Son secrétaire avait idée derrière la tête … ce fut toutefois le cœur palpitant, qu’elle attrapa son épée qu’Anseis lui tendait par la garde.

Beths se mit à étudier son arme comme si elle la voyait pour la première fois. Une simple épée, sans prétention et pourtant parfaitement en état, elle en prenait grand soin. Son arme de maréchale, celle que le Duché lui avait fournit pour une somme modique … elle en était fière. La lame avait déjà versée le sang, mais elle avait aussi été témoin d’engagement, serments : de maréchale de compagnon de la cosse de gênet, ou bien encore serment de vassalité …Marty l’avait taquiné plus d’une fois, arguant qu’il avait les moyens d’offrir à son épouse un équipement plus ciselé, plus féminin, digne de son rang. Elle n’avait répondu que par un doux sourire, et il avait compris.
Quel serment allait-elle devoir annoncer ou briser aujourd’hui ?
Sa longue rapière pendait le long de ses jambes, et son autre main était repliée contre son ventre, geste protecteur inconscient. Quelle figure pouvait-elle présenter, lame à la main en face de son secrétaire qui venait de lui remettre son arme ? Figure naïve et doucereuse, à l’œil attristé et si les larmes ne les avait pas fait mortellement pâlir, aux joues roses et veloutées comme une pêche en été ? Sa main semblait craindre de s’abaisser, de peur des conséquences, cherchant à comprendre.
La lumière de l’épée d’Anseis se refléta un instant dans ses yeux … Un combat ?


votre bras a-t-il déjà servi autre cause que justice ?

Bien sur que non, et ce n’est pas la question !

Colérique, faible, perdue, elle frappa le tapis du pied, se mordant la lèvre jusqu’au sang et serrant de toute ses forces la garde de son épée. Avait-il oublié que son frère était mort ?

pensez-vous pouvoir trouver dans douleur et vengeance la même force qui vous animait jadis ? Mais surtout ... êtes vous prête à entacher votre âme ?

Son cœur battait à lui briser la poitrine, de peur, de rage, d’appréhension. Ne la croyait-il donc pas capable ?
La maréchale réagit immédiatement mettant en pratique quelques années d’entrainement, se mettant en garde, attaquant le fer de l’homme en face d’elle d’un coup.
Avançant d’un pas, préparant sa garde


Croyez-vous que tout ceci soit un jeu ?

Ponctuant sa phrase d’une large fente, friande de cette technique, attaquant de face, sans chercher à blesser, juste tenir à distance, juste prouver qu’elle pouvait, juste … incontrôlable et pourtant … son coup avait été parfaitement académique, simple, d’estoc. Et Anseis para aisément son coup, agile et souple, mais s’écartant totalement des règles de base conventionnelles de l’escrime que l’on apprenait à la prévôté.

Suis-je qu’une écervelée pour vous ? Croyez-vous que je ne réalise pas les conséquences ?

Cette fois ce fut au tour d’Anseis d’attaquer, de taille, et Beths se glissa sur le côté avec un temps de retard, manquant d’être blessée, parant de prime tout en jetant un regard furieux, s’échauffant et réattaquant alors, fougueuse.

Croyez-vous que je sois incapable de blesser quelqu'un ?

Gonflée par le désespoir, la fatigue, la résolution, la folie, résolue à ne pas reculer d’un pas : aussi les deux fers se trouvèrent-ils engagés jusqu’à la garde. Deux regards qui s’affrontaient, elle était résolue à ne pas faiblir, ne pas se retrouver vaincue, mais appliquant méthodiquement les cours de bretteurs qu’elle avait reçu sans qu’elle en soit consciente

Détrompez-vous !

Sa garde était prête, elle allait frapper ..

Et alors que rien ne le laissait prédire, le sol se déroba soudainement sous elle, et avant même qu'elle ne s'en rende compte ni même qu'elle y songe, elle était déjà à terre



Que ?
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Anseis
Anseis retira prestement la lame qu’il venait de poser au niveau du cou de la duchesse.

Vous… vous avez triché !

Le vagabond rengaina son arme. Il observa un instant la surprise innocente qui ne semblait vouloir quitter le regard de Beths, avant de finalement reprendre parole.

Dans un combat à mort, il n’y a point de règle dictée par les lois ou l’honneur. La seule loi est celle simple de la nature : tuer ou être tué.

Votre botte poussée à l’extrême aurait eu raison de moi si je ne vous avais renversé
le visage d’Anseis se fendit d’une grimace – s’il pouvait compter sur son agilité et sa rapidité pour se battre, sa technique laissait à désirer. Peut-être devrait-il sérieusement à prendre leçons d’escrime.

Croyez-vous donc qu’un adversaire accepterait la défaite aussi aisément ? L’homme secoua la tête pour appuyer plus ses paroles L’instinct de survie est plus fort et ne doutez un instant qu’il sera présent dans le cœur de la fille du capitaine gascon.

le secrétaire tendit la main à la jeune femme toujours à terre pour l’aider à se relever. Surpris de la voir aussi essoufflée après cette courte passe d’arme, il observa son visage rougi, probablement autant de colère que de s’être fait battre d’une façon si peu conventionnelle alors qu’elle se remettait sur pied.

Comment aurais-je pu deviner que vous oseriez me renverser au risque de blesser la vie que je po… po…. Nooonnnn je ne voulais pas le dire…. Surtout maintenant …. Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaie

Le vagabond ouvrit de grands yeux, bouche bée tandis que la dame de Gondole le fixait avec un regard à la fois fautif et accusateur.
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