Leandre
Décidément, les panneaux d'affichage se remplissaient ces temps-ci. Juste à côté de l'annonce du comte de Sochaux et baron de Mouthe, un homme vint clouer un second parchemin. Et la même scène se répétait un peu partout dans tous les villages de Franche-Comté. Dessus, on pouvait y lire les informations suivantes :
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Bâtard de Valfrey.
- A la noblesse de Franche-Comté,
Au clergé franc-comtois,
A tout le reste, sachant lire, ou qui se fera lire ;
Parce que les nouvelles méritant d'être connues de tous ont parfois un mal fou à franchir les frontières,
Parce que bon nombre sombre jour après jour dans l'ignorance la plus complète, et s'y morfond,
Parce que telle gloire se doit d'être contée et inscrite dans l'histoire franc-comtoise pour l'éternité ;
Ainsi, qu'il soit su :
Que sa grandeur le comte de Beaufort, Jontas de Valfrey, vingt-deuxième comte de Franche-Comté, premier et légitime baron de Clairvaux-les-Lacs, ainsi qu'officier de lOrdre de Saint Kyrène a jeté son gant pour la troisième fois à la figure du pédant de Mazière, Max, prétendu comte de Belfort.
Que pour la troisième fois, le pédant de Mazière a refusé de relever le gant, prouvant, si cela était encore nécessaire, que la couardise est le seul mot qualifiant son attitude.
Que finalement, et à contre-coeur, le couard de Mazière s'est vu contraint d'accepter ce troisième duel proposé, non-content de satisfaire les envies de sa grandeur Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg, alors princesse souveraine de Cologne, primat du Sacrum Romanorum Imperium Nationis Germanicæ et duchesse de Bourgogne, actuellement comtesse de Carpentras, baronne de Saint-Raphaël, dame de Saint-Anastasie-sur-Issole et de la Penne sur Huveaune, chevalier de l'Ordre de l'Etoile d'Aristote.
Que se sont donc rencontrés sur la lice de Dijon, les deux duellistes, devant nombre de témoins, nobles, badauds et troubadours.
Que l'ivrogne de Mazière s'est présenté dans un état indigne du rang auquel il prétend.
Que majestueux combat, sans pitié, a été livré par sa grandeur le comte de Beaufort.
Que piètre opposition, digne de lui, a été donnée par le prétendu comte de Belfort.
Que Jontas de Valfrey a écrasé Max de Mazière de par sa supériorité dans l'art du duel à l'épée, et dans tous les autres domaines.
Que le faible de Mazière est reparti de la lice dans un état critique, proche de la Mort.
Que la foule en liesse a salué et célébré une victoire largement méritée, et porté en triomphe le nouveau héros franc-comtois.
Qu'à ce jour, aucune nouvelle de l'état de santé du pédant de Mazière n'est parvenue, attestant sans doute de son trépas.
Moi, Leandre Lazare de Valfrey, fier fils du triomphant Jontas de Valfrey, souhaite donc faire parvenir deux requêtes au conseil comtal de Franche-Comté.
Premièrement, je demande au Franc-Comte régnant que soit érigée en place publique de Dole une statue à l'effigie et à la gloire de sa grandeur le comte de Beaufort, pour tous les services rendus à sa province, et plus particulièrement ce dernier, ainsi que la mention "Sauveur de la Franche-Comté", inscrite sur une plaque. Trois jours de festivités pourraient être organisés, afin que le peuple célèbre comme il se doit cette éclatante victoire.
Deuxièmement, je souhaite du Franc-Comte régnant, une déclaration officielle concernant le décès du macabre de Mazière. Et par respect pour le seul et unique sursaut d'orgueil dont il fit preuve, certes plus par adoration pour les pieds de la duchesse de Bourgogne qu'il aimait lécher que pour son propre honneur, et qui lui coûta la vie, je demande à ce que le deuil de sa mort soit porté en Franche-Comté, le temps d'un douzième d'une journée. C'est la moindre des choses.
La gloire pour le comte de Beaufort !
Le déshonneur pour celui de Belfort !
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Bâtard de Valfrey.