Patay, début octobre
Accoudée à la fenêtre, le visage tourné en direction du soleil, le regard vide, Guiz observait le lent mouvement des nuages
Imperceptiblement, ils s'écartaient au gré des vents d'altitude, laissant ainsi une chance aux rayons de les traverser. Des feuilles jonchaient le sol, recouvrant les allées du village. Parfois, on pouvait les voir se soulever sur quelques champignons qui poussaient ici ou là. Plusieurs jours plus tôt, Guiz avait fait une récolte pas trop mauvaise, coulemelles, cèpes et autres bolets avaient fini dans son panier.
A force d'errances, elle avait trouvé un coin au plus profond de la forêt où ils sortaient par dizaines, dessinant des cercles de toutes tailles dans le sous bois. Il fallait profiter de la saison pour en faire sécher un maximum, elle avait donc décidé d'aller en forêt chaque jour quelque peu ensoleillé ou tout au moins pas trop humide.
La journée promettait dêtre fraiche malgré les tentatives du soleil pour réchauffer la terre. Elle sarma de son panier et sassura de la présence de son couteau dans sa poche. Franchissant la porte, un souffle dair effleura son visage, elle leva les yeux au ciel, sans nul doute il pleuvrait avant la fin de la journée, il était temps dy aller.
Tout en marchant vers la forêt, son esprit errait, les souvenirs de ces paysages traversés remontaient à la surface. Elle songea à son premier vrai voyage, celui qui lavait menée jusquen Flandres, la saison était la même, une année sétait déjà écoulée. Elle vivait alors à Montargis et était devenue marchand ambulant pour tromper lennuie. Ensuite elle avait emménagé à Patay mais avec le temps la mélancolie avait finit par la rattraper.
Un long soupir sortit de sa bouche, elle en avait fait du chemin depuis, rencontré beaucoup de gens et vu beaucoup dendroits. Ses pensées sen allèrent vagabonder, des visages familiers apparaissant devant ses yeux. Ses pensées continuaient leur chemin pendant quelle traversait le village, saluant de la tête les personnes quelle croisait sans vraiment les voir. Pendant deux mois, elle sétait donnée entièrement à son rôle de maire, il lavait séparée de tout ce quelle avait de plus cher. Capo, lhomme avec qui elle avait pensé partager sa vie, était mort, Juju était partie et Guiz navait que pu la regarder séloigner, ne pouvant la suivre à cause de sa charge.
Où était elle aujourdhui, cette femme qui avait surgit un beau jour dans la taverne et qui avait réussit à remettre un peu de joie à Montargis, celle avec qui par la suite, elle avait eu tant déclats de rire et traversé bien des épreuves. Cela faisait des mois quelle sétait installée à Patay et navait plus eu envie den partir. Mais aujourdhui, tout avait changé, elle navait plus cur à aller en taverne, elle avait ouvert la « Bière sécrit sans thé » avec Juju, et aujourdhui, elle lui paraissait bien vide.
Le paysage défilait au rythme de sa déambulation, les arbres changeaient peu à peu, le sous bois se faisant moins dense. Quand un instant elle sarrêta, ramenant son esprit à la réalité, elle se demanda où elle était, elle avait marché sans se soucier de son chemin, ses pas lavait mené sur la route de Blois, lenvie de parcourir les routes venait lui chatouiller les bottes.
Elle resta là de longues minutes, faisant face à la route qui senfonçait au loin. Un ardent désir montait en elle, partir, là maintenant, tout laisser derrière elle, partir loin de tout ce qui aujourdhui faisait sa vie, loin de la mélancolie qui la gagnait un peu plus chaque jour. Rien ne la retenait vraiment, elle ne cultivait plus son champ depuis des semaines, sa taverne tournait sans elle et sa boulangerie ne tournait plus que pour la taverne. Elle se retourna, jetant un regard en direction de son village. Il lui manquerait sans doute au bout dun moment mais pour le moment, il ne faisait que loppresser, elle devait partir. Oui, elle partirait aujourdhui mais pas comme ça, elle devait prévenir ses amis, sans quoi ils sinquièteraient inutilement. Laissant là son idée de ramassage, elle fit demi tour, revenant sur ses pas dun air décidé, accélérant le pas jusquà presque courir.
Elle arriva devant sa taverne, poussa la porte doucement, ça faisait des mois quelle ny était pas entré. Leblond était là, il remplissait son rôle de tavernier parfaitement. Elle lui annonça son départ, il tenta bien de le lui faire retarder mais elle avait prit sa décision, elle partirait avant la nuit. Après quelques mots échangés, quelques chopes avalées, elle se retourna chez elle. La fraicheur de la journée avait profité de lépuisement du feu de cheminée pour se glisser dans la maison, ce qui donna à Guiz limpression dune maison sans âme. Des étincelles s'élevèrent dans l'âtre quand elle attisa le feu, elle jeta un oeil aux claies qui étaient suspendu devant la cheminée et sur lesquelles elle faisait sécher ses champignons. Ils étaient presque secs, elle pourrait en emporter pour son voyage. Une rapide fouille de son coffre, lui permit de s'équiper convenablement pour un voyage d'une durée indéfinie, elle ne prit avec elle que le strict nécessaire, pensant revenir un jour. Il lui faudrait trouver autre chose que son pauvre bâton pour se protéger en cas d'agression, elle emporta donc avec elle quelque argent qui lui permettrait d'acheter une arme digne de ce nom quand l'occasion se présenterait.
Le soleil commençait à décliner dans le ciel, elle devait partir rapidement si elle voulait pouvoir atteindre Blois le lendemain. Sa besace sur lépaule, le bâton à la main, elle jeta un dernier regard à sa maison et prit la route.
Enfin, elle était partie...