Petite pause pour étancher sa soif ...

Un mal qui ronge… des apparences qui doivent être sauvées, juste pour ne pas inquiéter. Se persuader que le temps finira par guérir les blessures et nous débarrassera de nos doutes, arrangera se qui ne va pas… mais il en n’est rien.

Le temps passe, les apparences sont de plus en plus difficiles à sauver… Le mal qui s’est emparé de nous, qui nous change et qui ainsi, éclate au grand jour…

Phase dans laquelle Lulue se trouvait depuis quelques mois déjà. La froideur, la sérénité face à la faucheuse, dont elle pouvait faire preuve, l’avait déstabilisé. Ce n’était pas les seules raisons, mais ces quelques ressentis avaient à la longue, fait oublier à la jeune femme les personnes et évènements importants qui étaient dans sa vie…

Longtemps qu’elle n’avait pas foulé le sol du domaine du Lys, parce qu’elle s’était pratiquement coupé de tout. Dure étape que de tenter de redécouvrir, se qu’elle considérait, au fond, son second chez soi.

Mais une promesse avait été faite à un Dragon qui l’avait prise par la main…. Et puis, quelques mots de réconforts laissés ici et là par des petites ailes permirent à Lucie de redessiner un sourire sur son visage.

Pour son retour, Lucie pensa qu’un petit tour par la cuisine pour partager quelques crus avec ses amis, serait une chose sympathique. Elle s’y dirigea donc les bras chargés et sans attendre, prépara les différentes boissons de sa production, grâce au cadeau d’un certain seigneur, ainsi que les accompagnements qu’elle avait apporté et qui sont plus… solides.

Espérant que l’odeur attirerait quelques papilles gustatives… ou non, elle ne put s’empêcher de replonger dans ses pensées.

Le temps file, les gens changent… la jeune fille serait elle entrain de devenir pour de bon une femme ? Si c’était le cas, elle espérait juste pouvoir garder un peu d’insouciance, sachant toutefois, que d’autres blessures devraient cicatriser …

Des bruits à une heure incongrue, en les cuisines du domaine.
Le seigneur des lieux rode dans son antre et sait.
Sait quand quelque chose n'est pas coutumier, un bruit, une présence qui déborde des habitudes réglées d'un château qui a sa vie propre.
Là, dans les cuisines, quelqu'un s'affaire.
Quelqu'un qui hésite entre le silence pour préserver son isolement et le bruit pour attirer les proches.

Une vague idée de qui cela pourrait être ...

Dans l'encadrement d'une porte, il observe.
Il ne dérangera pas, pour l'heure, le rituel qu'il observe maintenant.
La convivialité offerte pour vaincre sa propre solitude.
Offrir de soi pour oublier ses propres attentes.

La jeune fille a quelque peu changé depuis ce jour ou elle était venue découvrir le dragon dans sa forge.
Pourtant ...

Il reste là à l'observer, silencieux, presque religieux.
Dragon en mode caméléon.
Immobile et patient, observe et perçoit, sent et guette.
Et profite de l'instant.

Il est des moments ou le silence permet meilleure compréhension que toutes les conversations imaginables.
Nul doute que quelqu'un finira par mettre un terme à cet instant là, alors autant le vivre pleinement.

Les préparatifs touchaient à leurs fins. Lulue le regrettait presque car il fallait maintenant les affronter… comment pouvait elle leur expliquer se qu’elle même subissait, sans trop comprendre et sans savoir comment les choses allaient évoluer ?

Des excuses pour avoir disparu… oui mais la coupure n’avait pas été quelque chose qu’elle avait prémédité, tout comme son retour d’ailleurs.

Tête secouée pour chasser ces pensées. Il n’existe pas de réponses toutes faites et puis, rien ne laisse, pour l’instant présager, que les Ailes lui demanderont quoi que se soit.

Lucie pris place sur un tabouret… les blondinettes au lever de coude facile n’étaient visiblement pas dans le domaine, car nul doute qu’à l’odeur elles auraient rappliqué.

Petit décalage vers la gauche avant de reprendre la posture initiale. La jeune femme a aperçut une silhouette. Elle devine de qui cela est. Il fait parti de ces personnes où sa simple présence lui suffit pour se sentir protégée et sereine.

Petit sourire… Elle qui d’habitude aime le provoquer gentiment, en essayant de le rendre chèvre, hésite à rompre le silence…

Garder encore un peu ce silence, en repensant à la façon dont elle en est arrivée là. Ces souvenirs qui la font toujours rire et qu’elle ne peut oublier… heureusement. Comme ce jour où elle croisa une hystérique, qui deviendra finalement sa marraine… Les soirées où elle finissait dans la fontaine tout ça parce que ces messires n’ont pas un humour… extensible ou craignent un seau d'eau. La rencontre quelque peu originale avec Necro, dont il lui parle encore… et puis son rapprochement avec d’autres, qu’elle ne pensait pas possible.

Tant de bons souvenirs lui reviennent, mais lui rappellent également, que beaucoup ont rejoint Aristote aujourd’hui…

Saisit d’un verre… Vin versé… verre qui glisse légèrement sur la droite… voix à peine perceptible…

En espérant que la jeune fille qui était venue te voir dans ton antre, à choisit un vin moins jeune…cette fois... petite hésitation avant d’ajouter… si elle existe toujours…

Petite escapade au domaine de Le Lys avant de regagner sa cellule de Noirlac .
Un séjour qu'elle s'était elle même imposée sur un coup de tête , un de plus et il y en aurait encore ...
C'était encore le seul endroit où elle avait plaisir à venir et rencontrer les autres petites Ailes , une bouffée de fraicheur
et d'oxygène dans ce monde qu'elle fuyait de plus en plus .

Après un passage dans la salle de jeux , elle erra dans les couloirs en silence , rassurée finalement par l'austérité des lieux .
Empruntant le corridor qui menait aux cuisines , Nouche plissa les yeux dans la pénombre , sentant une présence imperceptible .
Arrêt subit . Réflexion intense ... Probablement Servais qui voulait lui jouer un mauvais tour .

Reprenant sa progression , une lueur s'échappait de l'encadrement de la porte de la cuisine , des paroles incompréhensibles .
Hésitante , Nouche s'approcha à pas feutrés , tenant les pans de sa houppelande pour ne pas trébucher .
Plaquée contre le mur ,elle avança lentement son visage par l'entrebaillement de la porte et reconnut les personnes ...

Ne voulant pas les déranger , les joues cramoisies comme une gamine prise en faute à écouter aux portes ,
elle rebroussa chemin en direction du corridor . Un dernier lancer de dés avant de rentrer au risque de se faire pincer .

Un verre servit et une voix entendue malgré le murmure ...

Hum ...
Un vin jeune a le mérite de pouvoir vieillir et se bonifier.
S'il était prometteur dans sa jeunesse on ne peut que se réjouir de l'avoir trouvé jeune.
Car bientôt, il enchantera pleinement et parfaitement le palais.
La jeunesse n'est pas donc une tare mais une promesse d'avenir.

Il s'avança, donc, doucement.

Une jeune fille?
J'ai dû oublier ... mi sourire.
Et pourquoi ne serait elle plus, cette jeune fille?

Il observa son ventre d'un œil

Oui ... il est vrai que ...

Prenant le verre.

Naz dravi!

Verre gouté.

Ca vient de ton ancien chez toi?
Un cépage de Guyenne?

Verre savouré.

Yeux clos le temps d'ingurgiter, se rouvrent ensuite.
Et sans transition ...

Comment tu vas, Lucie?

La phrase anodine avait été articulée d'une façon étrange.
Ce n'était pas "comment vas-tu", ce que l'on pouvait dire trop souvent sans espérer de réelle réponse ...
Et son regard était vissé sur elle.

Une vague sensation derrière lui.
Un sourcil qui se lève.
De la compagnie?

Et à tout hasard ... amusé du ton qu'il va prendre ...

Qui va là?

Et se recentre sur Lulue ...

Question simple, pourtant la réponse est si difficile à donner. Tant de doutes l'envahissaient. Et puis des absences se faisaient pesantes ces derniers temps.

Un bruit lui permet de gagner un peu de temps. Elle fit un sourire en devinant de qui cela peut être…

Elle ne répondra pas, je crois…

Petit clin d’œil vers Valette

Et pour répondre à ta question… posant ses mains sur son ventre rond et son regard dessus… je ne pensais pas qu’un si petit être pouvait chambouler à ce point une vie.

Son visage se ferme légèrement, avant d’ajouter…

Je ne sais pas si je serais à la hauteur. Je ne lui ai pas encore donné la vie, que je vais déjà lui faire découvrir les champs de bataille... et puis...

Sentant une certaine mélancolie la regagner et n'arrivant plus à exprimer se qu'elle pouvait ressentir, Lulue préféra donc enchaîner à nouveau sur le vin, certains renseignements demandés étant restés sans réponse.

Pour le vin, c’est exact, c’est un cépage de Guyenne. Qu’en penses tu ?

Nouche se saisit dans sa course et resta pétrifiée en reconnaissant la voix ... Rien ne lui échappait , et pour cause…
N’était-il point le maitre des lieux ? Il connaissait le moindre recoin , le moindre bruit , soit-il étouffé , de cette demeure .
Rapide réflexion ..
Fuir ? Hum… A quoi bon ?


Relevant ses mèches , elle avança le cou pour déglutir , signe intense chez Nouche
pour se donner une contenance et un air digne .. enfin innocent .


Grande inspiration avant de faire volte face , la jeune femme inspira calmement
et rebroussa chemin en direction des cuisines .
Lissage des plis de la houppelande, s’assurer d’être présentable et impeccable .. Un client dans les
dépendances ?


Lentement , Nouche laissa entrevoir la moitié de son visage par
l’encoignure de la porte de la cuisine, prudente.
Le nez et une main posés sur le chambranle , elle reconnut
le seigneur de Le Lys et son amie Lulue , en grande conversation .

Rassérénée , la jeune femme s’enhardit et poussa l’audace à passer la tête recoiffée par la porte .




Aheum … J’ai entendu un doux tintement de verres
avec une carafe … Il se passe quoi ?

Guyenne ... pas surpris ... sentant le vin à nouveau.

Tanique et rond, nez fleuri ... ça cause et ça cause ... geste puissant avec la main ... solide et charpenté.

Voyant son air surpris et dubitatif ...

Enfin il est bon, quoi!

Soupir faussement exaspéré, souriant pour démentir aussitôt.
Par la même il passait sur la question piège de la maternité guerrière ... un non sens contradictoire qu'il ne comprennait pas.
Mais il se garderait de l'exprimer, tant ses convictions profondes pouvaient le rendre vindicatif, parfois ... sans le vouloir.
Et puis chacun était maitre de sa destinée, tout au plus on ne pouvait que conseiller et là c'était inutile.
Plus tard, ils reparleraient surement de l'immense désarroi ressenti face à la responsabilité d'une vie offerte en héritage.

Pour l'heure, regouter la boisson.

Une voix derrière, qui demande ce qui se passe.
Et sans se retourner ...

Rien d'autre que des verres qui s'emplissent et se vident.
Pourquoi?

Clin d'oeil pour Lulue la terrible.

Un silence qui en dit long, ainsi que le regard.

Lulue savait que le maître des lieux n’aimait guère se que représentaient les Dames Blanches. Le visage de la jeune femme se ferma donc un peu plus, face à ce regard.

C’était ce genre de regard qui est plus ou moins blessant lorsque l’opinion de celui qui le pose sur vous, est importante. Il comprenait énormément de choses, grâce à son écoute et à son ouverture d’esprit, mais là, personne ne le pouvait. Comment comprendre l’incompréhensible ?

Pour perdre un enfant, rien de tel que la situation dans laquelle elle se trouvait. Pourtant, il avait été attendu cet enfant… Contradiction… Sa vie en était bourrée depuis quelques temps déjà.

Peut-être se mettait elle trop la pression, mais qu’importe. Elle devait assumer ses engagements, ses choix et c’est se qu’elle faisait… Tant pis si on la jugeait et si elle devait s’arranger avec sa conscience plus tard. Pour l’heure, on attendait d’elle, qu’elle soit efficace et c’est se qu’elle serait.

Nouche décida finalement de faire une apparition, se qui la soulageait presque. Ainsi le malaise ne s’installerait pas…

Sourire amusé en réponse au clin d’œil de Valette, avant de prendre la parole…

Oui, et c’est fou se que ça peut se vider vite… à croire que vous êtes toutes là…
Enfin, tu arrives à temps, le Dragon n'a pas tout bu et mangé encore...

Petit rire étouffé tout en tendant un verre à son amie…

Soupir de soulagement quand Lulue l'invita à se joindre à eux , Nouche ne s'était point montrée indiscrète .
Verre tendu par son amie et accepté sans aucune hésitation , les yeux brillants .
Du vin et pas des moindres , ça la changerait de la bière castelroussine qu'elle dédaignait de plus en plus ces derniers temps .

Petit signe léger de la tête pour saluer le maître de lieux , puis elle embrassa Lulue sur les deux joues tout en veillant à ne pas renverser le précieux liquide .Nouche trempa ses lèvres dans le délicieux breuvage fixant tour à tour ses deux interlocuteurs .

Le silence devenait pesant ... Elle réalisa que l'isolement qu'elle s'imposait ces derniers mois ne lui profitait guère , oubliant de s'enquérir de la santé et de la vie tout simplement des autres membres de la Compagnie.
Pourtant , qui pouvait avoir la prétention de ne pas devenir un peu égoïste quand les affres s'emparait de lui ?

Le doux tintement des verres la sortit de ses pensées , Nouche leur sourit tout naturellement . Détaillant la jeune femme de la tête aux pieds , elle la trouva transformée depuis son passage à Cahors , mais elle avait beau sonder son visage , Lulue restait indéchiffrable ...

Lulue , Valette ? Que nous vaut cette petite réception ? ça faisait longtemps que nous ne nous étions pas retrouvés autour d'une bonne carafe et de quoi ravir nos papilles .

Et bien, le dragon nous avait demandé de lui faire goûter le fruit de notre production… voilà chose faite.

Sourire et clin d’œil envers l’un, puis envers l’autre.

Lulue était ravie de voir Nouche, peu trop présente à son goût en ce moment. Mais tous ici avaient besoin de solitude. Elle même d’ailleurs vétait entrain de sortir petit à petit de cette phase.

La jeune femme, ne put s’empêcher de détailler à son tour son amie de la tête au pied, comme ci elle la redécouvrait. Le même procédé avait été fait avec Valette, même si cela faut plus discret, pour des raisons évidentes…

Resservant les deux âmes présentes…

Alors dis moi Nouchette, quelles sont les nouvelles pour toi ? Je te demande de suite parce que visiblement, le dragon est devenu muet…

Regard espiègle…

Muet, muet ...
Eh bien oui, un dragon pouvait devenir docile ... mais uniquement par esprit de contradiction.
Alors il sourit à Lucille, sans un mot ... muet sur commande.

L'avantage était qu'il pouvait laisser ses lèvres gouter au vin sans contrainte de politesse.
Observant les deux femmes d'un oeil par dessus son verre.
Elles feraient bien la causette, elles sauraient bien y parvenir sans lui ... sans doute, aucun.
La position lui plaisait, comme un enfant qui joue avec une boisson ... il laissait le jus fermenté descendre très lentement, ses yeux pétillaient.

Quand il finit par rabaisser son verre, ce n'était pas par lassitude de son jeu mais ... parce que le gobelet était vide.
Alors se résignant à contre coeur à briser son voeu de silence, il prononça ...

Encore! ... d'une voix presque enfantine et d'un regard lui, qui l'était tout à fait.

Encore, encore…

mpfff

Air faussement dur, comme une mère qui veut rappeler à son enfant qu’il faut faire des phrases complètes et ne pas oublier la politesse dans tout cela. Mais la jovialité reprend vite le dessus.

Verres à nouveau pleins, même si cela n’est pas forcement nécessaire, mais après tout, être irraisonnable de temps en temps, n’a jamais fait de mal à personne. Et puis ne sachant pas où était les autres, ils auraient eu tort de se priver.

Les retrouvailles faites, les doutes posés et balayés, il était temps de s’inquiéter de la suite.

Si ils se rassemblaient en ces lieux, ce n’était pas seulement pour entendre le misère tant aimé du maître des lieux. Un projet les unissaient et dans ce domaine cela devait être leur priorité… trop souvent oubliée peut-être.

Alors Dragon ? Comment vois tu la suite, pour les ailes ?

La phrase avait été lancé sans transition, une façon taquine d’arracher Valette à son jeu…