--Messager_bernois
Premier feuillet de quatre
De Pau en Béarn, le dimanche 6 décembre 1457 de l’Ère de la Réformation de la Foi.
Moi, Kirkwood, combourgeois notable et Lecteur réformé de Genève, Compagnon-Reître-Suisse, sicaire du Lion de Juda, à ceux qui liront ces lettres, à mes combourgeois estimés, aux dignes représentants des nobles cantons confédérés, salutations en Deos et Ses Prophètes !
Ces missives ont été portées sur papier pour défendre l’honorabilité de Genève et de ceux qui portent haut son nom. De répondre aux mensonges proférés pour des raisons indignes par leurs auteurs. De solliciter la cité pour l’honneur de laquelle ils ont versé leur sang et couru risques innombrables, pour qu’elle proclame haut et fort sa dignité et la leur !
En ce qui concerne mensonge, qu’il soit su, connu et proclamé hautement ce qui suit.
De prime, que nul en Béarn ne meurt de faim. L’économie est certes bouleversée, mais comme dans tout duché meurtri par guerre. Le Béarn est, à tout prendre, toujours plus fort que la Touraine, d’après ce que m’ont écrit coreligionnaires qui la traversaient récemment, et où ont vu toutes mines fermées, gens chercher vainement emploi et vivre difficilement d’un marché chichement approvisionné et sévèrement contrôlé.
Qu’on m’apporte les noms des morts de faim ! Nul en Béarn parmi nos ennemis ne l’affirme pourtant ! Alors ?!
Ensuite, qu’on sache bien que nul d’entre nous n’est venu pour piller expressément le Béarn. Tous, nous y sommes venus pour porter la guerre, certes, et nous nous en faisons une gloire !
Comment !?
Il ne le faudrait pas ?
La cité-État de Genève déclare publiquement et par grands sons de trompe la guerre à un duché éloigné de trois semaines, en laissant porte ouverte aux négociations.
Sans la moindre réponse du Béarn.
La ville des alpages, seule, sans rien demander à quiconque, envoie la plus grande part de ses combattants, lesquels livrent bataille 3 jours durant avec honneur, y subissent défaite sanglante, se reprennent et saisissent la capitale ducale de l’ennemi le mois suivant !
Tout cela à 40 hommes d’armes au plus !
À des lieux et des lieux de leurs bases !
Mettant à genou l’économie de l’ennemi !
Et ce serait vilénie ?!?!
À propos d’Alexandre le Conquérant, César, Constantin ou Roland, ce serait exploit mémorable, digne d’être chanté par ménestrels, raconté aux veillées comme mérite épique.
Les cantos des troubadours feraient naître des vocations de courage, on y trouverait matière à réflexion sur les horreurs de la guerre, les hésitations des hommes, leur orgueil et leur crainte. Ce serait belle leçon de choses, de courage et d’humilité, comme « l’Iliade » le fut pour les Grecs.
Mais parce qu’il s’agit de Genève, de ses simples pâtres, ses pauvres jardiniers, ses laborieux artisans, ses subtils marchands et ses honnêtes soldats, voilà que tout d’un coup, cela devient l’objet de la honte universelle ?
Qui oserait affirmer telle risible clabauderie, sans crainte que son nom soit pour l’éternité synonyme de menteur, de malhonneste, de méchant, de jaloux, de craintif, de vil ?!