Abraxes
La dernière chose dont il se souvenait, c'est de s'être senti perdu.
Et la première chose qui lui traversa l'esprit lorsqu'il revint à lui, c'est qu'il était perdu.
Depuis combien de temps cette pluie collante l'enveloppait-elle ? La nuit irréelle semblait imbibée et pesante comme ses vêtements gorgés d'eau. Il était cerné de fougères géantes et d'arbres démesurés comme jamais on n'en voyait par ici, certains dont le tronc semblait fait de feuilles soudées, d'autres inclinant jusqu'à terre des dentelles et des lianes que nul insecte ne parcourait. Il se remémorait avoir vu, comme en rêve, passer des bêtes grosses comme dix bufs, avec des plaques d'écailles sur le dos et des cous à n'en plus finir, que guidaient en voletant de minuscules points de lumière qui étaient des fées. Il avait vu une aurore se lever sous ses pieds. Il avait entendu des meuglements de tonnerre. Il avait senti des cataractes de silence lui mordre la peau, et des siècles lui faire pousser les cheveux, et ses ongles devenus griffes, et même Mais tout avait repris sa taille normale, et son aspect humain. À un moment, les claques molles de la pluie étaient devenues poudre d'étoile, glaçante jusqu'aux os qui devenaient de verre. À un autre moment, quelque chose avait eu lieu, mais quoi ?
Non, il n'avait pas oublié son nom. Il était Abraxes, Saumurois, expert ès-cochons, parti en expédition punitive sur les traces d'un foutredjeu de voleur, ou peut-être bien d'un gang, tellement ces derniers temps on semblait prendre plaisir à se servir dans son cheptel. Il avait suivi des traces, entendu des voix, perdu sa route, perdu le sens de l'orientation, perdu le décompte du temps, perdu une bataille mais pas la guerre, perdu une occasion, perdu en conjectures
Ohé ?
Même sa voix restait perdue dans son gosier.
_________________
Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)
Et la première chose qui lui traversa l'esprit lorsqu'il revint à lui, c'est qu'il était perdu.
Depuis combien de temps cette pluie collante l'enveloppait-elle ? La nuit irréelle semblait imbibée et pesante comme ses vêtements gorgés d'eau. Il était cerné de fougères géantes et d'arbres démesurés comme jamais on n'en voyait par ici, certains dont le tronc semblait fait de feuilles soudées, d'autres inclinant jusqu'à terre des dentelles et des lianes que nul insecte ne parcourait. Il se remémorait avoir vu, comme en rêve, passer des bêtes grosses comme dix bufs, avec des plaques d'écailles sur le dos et des cous à n'en plus finir, que guidaient en voletant de minuscules points de lumière qui étaient des fées. Il avait vu une aurore se lever sous ses pieds. Il avait entendu des meuglements de tonnerre. Il avait senti des cataractes de silence lui mordre la peau, et des siècles lui faire pousser les cheveux, et ses ongles devenus griffes, et même Mais tout avait repris sa taille normale, et son aspect humain. À un moment, les claques molles de la pluie étaient devenues poudre d'étoile, glaçante jusqu'aux os qui devenaient de verre. À un autre moment, quelque chose avait eu lieu, mais quoi ?
Non, il n'avait pas oublié son nom. Il était Abraxes, Saumurois, expert ès-cochons, parti en expédition punitive sur les traces d'un foutredjeu de voleur, ou peut-être bien d'un gang, tellement ces derniers temps on semblait prendre plaisir à se servir dans son cheptel. Il avait suivi des traces, entendu des voix, perdu sa route, perdu le sens de l'orientation, perdu le décompte du temps, perdu une bataille mais pas la guerre, perdu une occasion, perdu en conjectures
Ohé ?
Même sa voix restait perdue dans son gosier.
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Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)