Hans
[Dans une auberge du centre de Bourges]
Assis dans sa chambre, le lochois d'origine germanique rêvasse, ou rumine plutôt. Des jours, des semaines qu'il est bloqué ici, dans ce bled atroce, et l'inactivité lui pèse dangereusement. Sa convalescence sera bientôt terminée, mais les médicastres lui interdisent toujours de prendre la route, et les derniers moments paraissent interminables...
Voilà quelques temps déjà que le vieux guerrier a quitté le domaine accueillant de Dame Floryne, ne voulant pas abuser trop longuement de son hospitalité, et préférant s'installer à Bourges même en compagnie de sa petite famille. Hum petite au sens large en fait... épouse, marmaille au grand complet, nourrice, belle-mère... Hans est plutôt bien entouré finalement. Mais le gros problème avec cette citée, si on excepte le fait que ce soit naturellement un lieu pourri bien entendu, c'est le trop grand nombre de berrichons qui s'y concentrent en ces lendemains de guerre. Si quelques rares exceptions peuvent se révéler de compagnie agréable, ou du moins acceptable, beaucoup passent leur temps à geindre, à vociférer en place publique et à s'obstiner dans leurs erreurs. Alors oui la guerre c'est moche, et l'occupation ça ne doit pas être la joie, mais diantre! Ne peuvent-ils pas souffrir en silence un peu?
Surtout que le chef charismatique de ce peuple de moutons arriérés a refait surface récemment, trainant sa carcasse velue en place publique pour distribuer quelques bons mots ou simplement afficher son insupportable trombine.
Et là... doucement... une pensée fugace commence à faire son chemin et à prendre forme dans l'esprit d'un germain légèrement embrumé par sa liqueur matinale. Il se revoit au Lapin à trois pattes à Loches, en compagnie de sa femme, de sa "douce" tavernière, et d'une grappe éparse de Sentinelles, en train de tous trinquer et se projeter vers leur future campagne triomphante dans le Berry. Et il se remémore également le but principal de tout ce déploiement de forces et de cette migration automnale vers le sud-est, un objectif trop rapidement mis de côté par les politiques de l'Alliance du Centre qui ont repris la main dès que les lames ont regagné leurs fourreaux. Le Poilu... habile mais abjecte architecte de l'ombre, sorte de croque-mitaine dont on ressort facilement le nom pour justifier tous les maux, mais qui effectivement est très loin d'être blanc et innocent, surtout du point de vue du tourangeau d'adoption.
Le Poilu donc... ils sont venus pour lui à la base, pour détruire ses armées et avoir sa tête, d'une manière ou d'une autre, mais depuis la fin du conflit, les choses semblent avoir salement dérivé, alors même qu'il a pourtant été déclaré félon par le Roy. Il y a fort à parier que peu de choses changent sur le long terme finalement. Une nouvelle guerre pour pas grand chose en somme...
Mais alors que l'idée vagabonde toujours entre les deux hémisphères du maître d'armes, une sorte de demi-sourire satisfait s'imprime sur son visage. Celui-ci prend alors un petit air énigmatique, annonciateur pour ceux qui l'ont déjà observé de... et bien, disons le clairement, d'une connerie!
Qui sont donc ces médicastres pour lui interdire de bouger ou de soulever une épée? Qu'ils aillent au diable! Son dos tiraille encore un peu? La blessure risquerait de se rouvrir? Baste! Il n'est pas dit qu'Hans Hoggendaffen restera allongé en se tournant les pouces alors qu'une occasion alléchante se présente à lui.
Car après tout... après cette villégiature forcée et ce long séjour touristique dans la capitale berrichonne, il faut bien songer à ramener un souvenir n'est-ce pas?
Il ne peut pas partir ainsi. S'éclipser sans un bruit, sans un cri? Nan... ça manque décidément trop de panache. Un peu d'audace est salutaire parfois dans ce monde d'endormis.
Le baron de Touraine se redresse finalement et quitte sa phase contemplative pour appeler son jeune assistant, sorte d'écuyer et de garçon à tout faire, à son service depuis plusieurs années à présent.
Benoît! Benoît!
Apporte moi de quoi écrire veux-tu...
Au duc d'Aigurande,
Salutations immonde raclure. J'ai ouïe dire que tu étais toujours vivant malgré l'assaut lancé sur Bourges, et que l'on pouvait même t'entendre piailler à nouveau sur les places publiques. A croire que certaines créatures du Sans-Nom sont increvables...
Tu symbolises tout ce que j'exècre, et je ne vais pas me lancer dans la liste exhaustive de tous les qualificatifs qui s'appliquent à merveille à ta personne, je risquerais fort de manquer de parchemin, mais depuis le temps tu dois imaginer au moins en partie le dégoût profond que tu m'inspires.
Sans oublier ta tendance un peu trop récurrente à vouloir menacer ma ville et mon duché. La fin de la dernière guerre et les négociations en cours ont été excessivement mal gérées. Je ne suis pas dupe, rien ne changera durablement cette fois encore, tu es trop bon marionnettiste, et l'immense majorité du genre humain bien trop malléable.
Ainsi, parce que certains problèmes trop durablement ancrés ne peuvent se résoudre par de simples paroles, ni même par les guerres où les individus sont trop souvent noyés dans la masse des batailles, et comme après tout nous figurons parmi les plus anciens représentants de nos provinces respectives, j'ose te soumettre l'idée d'un combat singulier.
On te dit bon bretteur, ayant déjà largement fait ses preuves sur le sol de la lice (classement oblige ^^), et peut-être seras-tu ravi de pouvoir donner corps à toute cette haine que tu aimes répandre sur tes voisins, en trouvant cette fois un adversaire ayant du répondant.
Nous sommes grands à présent, l'utilisation de nos armes de prédilection, au tranchant non altéré, me parait des plus indiqués. La courtoisie superflue restera au vestiaire cette fois-ci, même s'il doit s'agir d'un duel d'honneur. La perspective de te faire rendre gorge, même si je dois me vider de mon sang le premier en essayant, reste particulièrement attractive.
Le premier qui ne bouge plus a perdu...
Si cette proposition de règlement de nos griefs t'agrée, je te laisse juge du jour et de l'heure de la rencontre, ainsi que la primeur pour lancer l'affaire. Tu ferrailles à domicile après tout.
Hans Hoggendaffen
Baron de Ligueil
La plume se repose rapidement et le pli scellé est confié aux bons soins du jeune lochois.
Va! Fais porter ceci au poussin. Et hâte toi s'il te plait!
Voilà, plus qu'à attendre la confirmation de son probable adversaire, et à expliquer la chose en douceur à sa bien aimée... ce qui parait tout de suite moins évident. Objectivement ça risque de gueuler et Hans craint un peu la réaction de la dame, et la triple bordée de "pétard!" qui vont l'accompagner. La belle acceptera-t-elle que son époux propose un duel alors qu'il est toujours blessé?
Pourtant, il n'y a parfois rien de mieux que de risquer sa vie pour se sentir vivant et tromper cette lassitude souvent trop présente.
Avant que son serviteur disparaisse dans l'encadrement de la porte de la chambre, Hans l'interpelle une dernière fois.
Benoît, profite en pour me faire monter une double côte de boeuf, je dois songer à reprendre des forces, et j'ai une faim... de loup...
Assis dans sa chambre, le lochois d'origine germanique rêvasse, ou rumine plutôt. Des jours, des semaines qu'il est bloqué ici, dans ce bled atroce, et l'inactivité lui pèse dangereusement. Sa convalescence sera bientôt terminée, mais les médicastres lui interdisent toujours de prendre la route, et les derniers moments paraissent interminables...
Voilà quelques temps déjà que le vieux guerrier a quitté le domaine accueillant de Dame Floryne, ne voulant pas abuser trop longuement de son hospitalité, et préférant s'installer à Bourges même en compagnie de sa petite famille. Hum petite au sens large en fait... épouse, marmaille au grand complet, nourrice, belle-mère... Hans est plutôt bien entouré finalement. Mais le gros problème avec cette citée, si on excepte le fait que ce soit naturellement un lieu pourri bien entendu, c'est le trop grand nombre de berrichons qui s'y concentrent en ces lendemains de guerre. Si quelques rares exceptions peuvent se révéler de compagnie agréable, ou du moins acceptable, beaucoup passent leur temps à geindre, à vociférer en place publique et à s'obstiner dans leurs erreurs. Alors oui la guerre c'est moche, et l'occupation ça ne doit pas être la joie, mais diantre! Ne peuvent-ils pas souffrir en silence un peu?
Surtout que le chef charismatique de ce peuple de moutons arriérés a refait surface récemment, trainant sa carcasse velue en place publique pour distribuer quelques bons mots ou simplement afficher son insupportable trombine.
Et là... doucement... une pensée fugace commence à faire son chemin et à prendre forme dans l'esprit d'un germain légèrement embrumé par sa liqueur matinale. Il se revoit au Lapin à trois pattes à Loches, en compagnie de sa femme, de sa "douce" tavernière, et d'une grappe éparse de Sentinelles, en train de tous trinquer et se projeter vers leur future campagne triomphante dans le Berry. Et il se remémore également le but principal de tout ce déploiement de forces et de cette migration automnale vers le sud-est, un objectif trop rapidement mis de côté par les politiques de l'Alliance du Centre qui ont repris la main dès que les lames ont regagné leurs fourreaux. Le Poilu... habile mais abjecte architecte de l'ombre, sorte de croque-mitaine dont on ressort facilement le nom pour justifier tous les maux, mais qui effectivement est très loin d'être blanc et innocent, surtout du point de vue du tourangeau d'adoption.
Le Poilu donc... ils sont venus pour lui à la base, pour détruire ses armées et avoir sa tête, d'une manière ou d'une autre, mais depuis la fin du conflit, les choses semblent avoir salement dérivé, alors même qu'il a pourtant été déclaré félon par le Roy. Il y a fort à parier que peu de choses changent sur le long terme finalement. Une nouvelle guerre pour pas grand chose en somme...
Mais alors que l'idée vagabonde toujours entre les deux hémisphères du maître d'armes, une sorte de demi-sourire satisfait s'imprime sur son visage. Celui-ci prend alors un petit air énigmatique, annonciateur pour ceux qui l'ont déjà observé de... et bien, disons le clairement, d'une connerie!
Qui sont donc ces médicastres pour lui interdire de bouger ou de soulever une épée? Qu'ils aillent au diable! Son dos tiraille encore un peu? La blessure risquerait de se rouvrir? Baste! Il n'est pas dit qu'Hans Hoggendaffen restera allongé en se tournant les pouces alors qu'une occasion alléchante se présente à lui.
Car après tout... après cette villégiature forcée et ce long séjour touristique dans la capitale berrichonne, il faut bien songer à ramener un souvenir n'est-ce pas?
Il ne peut pas partir ainsi. S'éclipser sans un bruit, sans un cri? Nan... ça manque décidément trop de panache. Un peu d'audace est salutaire parfois dans ce monde d'endormis.
Le baron de Touraine se redresse finalement et quitte sa phase contemplative pour appeler son jeune assistant, sorte d'écuyer et de garçon à tout faire, à son service depuis plusieurs années à présent.
Benoît! Benoît!
Apporte moi de quoi écrire veux-tu...
Au duc d'Aigurande,
Salutations immonde raclure. J'ai ouïe dire que tu étais toujours vivant malgré l'assaut lancé sur Bourges, et que l'on pouvait même t'entendre piailler à nouveau sur les places publiques. A croire que certaines créatures du Sans-Nom sont increvables...
Tu symbolises tout ce que j'exècre, et je ne vais pas me lancer dans la liste exhaustive de tous les qualificatifs qui s'appliquent à merveille à ta personne, je risquerais fort de manquer de parchemin, mais depuis le temps tu dois imaginer au moins en partie le dégoût profond que tu m'inspires.
Sans oublier ta tendance un peu trop récurrente à vouloir menacer ma ville et mon duché. La fin de la dernière guerre et les négociations en cours ont été excessivement mal gérées. Je ne suis pas dupe, rien ne changera durablement cette fois encore, tu es trop bon marionnettiste, et l'immense majorité du genre humain bien trop malléable.
Ainsi, parce que certains problèmes trop durablement ancrés ne peuvent se résoudre par de simples paroles, ni même par les guerres où les individus sont trop souvent noyés dans la masse des batailles, et comme après tout nous figurons parmi les plus anciens représentants de nos provinces respectives, j'ose te soumettre l'idée d'un combat singulier.
On te dit bon bretteur, ayant déjà largement fait ses preuves sur le sol de la lice (classement oblige ^^), et peut-être seras-tu ravi de pouvoir donner corps à toute cette haine que tu aimes répandre sur tes voisins, en trouvant cette fois un adversaire ayant du répondant.
Nous sommes grands à présent, l'utilisation de nos armes de prédilection, au tranchant non altéré, me parait des plus indiqués. La courtoisie superflue restera au vestiaire cette fois-ci, même s'il doit s'agir d'un duel d'honneur. La perspective de te faire rendre gorge, même si je dois me vider de mon sang le premier en essayant, reste particulièrement attractive.
Le premier qui ne bouge plus a perdu...
Si cette proposition de règlement de nos griefs t'agrée, je te laisse juge du jour et de l'heure de la rencontre, ainsi que la primeur pour lancer l'affaire. Tu ferrailles à domicile après tout.
Hans Hoggendaffen
Baron de Ligueil
La plume se repose rapidement et le pli scellé est confié aux bons soins du jeune lochois.
Va! Fais porter ceci au poussin. Et hâte toi s'il te plait!
Voilà, plus qu'à attendre la confirmation de son probable adversaire, et à expliquer la chose en douceur à sa bien aimée... ce qui parait tout de suite moins évident. Objectivement ça risque de gueuler et Hans craint un peu la réaction de la dame, et la triple bordée de "pétard!" qui vont l'accompagner. La belle acceptera-t-elle que son époux propose un duel alors qu'il est toujours blessé?
Pourtant, il n'y a parfois rien de mieux que de risquer sa vie pour se sentir vivant et tromper cette lassitude souvent trop présente.
Avant que son serviteur disparaisse dans l'encadrement de la porte de la chambre, Hans l'interpelle une dernière fois.
Benoît, profite en pour me faire monter une double côte de boeuf, je dois songer à reprendre des forces, et j'ai une faim... de loup...