Ilmarin
Ni le premier, et encore moins le dernier. Encore un voyage, plus ou moins chargé, plus ou moins en catastrophe. Le train fut soutenu, il fallait arriver avant les premières neiges.
Et les premières neiges tombèrent sans égard pour la petite caravane.
Reprenons.
En tête de colonne, deux gamins, montés sur leurs poneys. Enfin gamins...
L'un est un garçon, d'une douzaine d'années, peut-être, blond aux yeux verts, se dirigeant vers l'adolescence avec une tranquilité contrastant avec sa recherche permanente du coup fourré. Sous la cape de laine épaisse et les vêtements de toile un peu étriqués, une cicatrice barre son flanc gauche. Si jeune et déjà marqué. Vaillamment. Par la défense d'un de ses loupiots que sa Daronne lui confie régulièrement.
L'autre est un presque garçon, de peut-être cinq années son cadet, allez savoir. Une petite fille cachée sous des frusques du sexe opposée au sien, trop grandes car héritées du compagnon précédemment décrit, brune aux yeux verts elle aussi, les cheveux courts, la langue un peu trop pendue ces derniers temps. Un de ces loupiots confiés à la Daronne.
En suite de colonne, sur un frison noir dont c'est sûrement le dernier voyage, la matriarche du lot. Une Dame de Saint-Front-d'Alemps, fille adoptée d'Azayes, fiancée du Grand Maître de la Licorne, du Loup de Delle; sa blondeur et ses yeux émeraudes en feraient la mère parfaite pour les deux clowns la précédant, mais elle n'est que leur patronne. Son dos un peu trop raide, sa main droite gantée sont autant de marques visibles de son passé mouvementé; les fines rides apparaissant au coin des yeux et sur les plis de sa bouche quand elle sourit sont autant de marques du temps passé et des inquiétudes diverses et variées.
En arrière, un garde aux armes de Delle qu'elle avait contacté quelques jours plus tôt pour les rejoindre en cours de route, trainant deux autres canassons. C'est que le départ de Millau se voulait non définitif mais certes très long et elle avait tenu à emporter "quelques" affaires.
Son coeur s'emballait à mesure que l'embranchement approchait. Bien cachée sous sa capuche pour lutter contre le blizzard qui se levait, elle reconnaissait pourtant la route sans erreur.
Allez Amrod... Nous y sommes presque... Quelques carottes, du foin bien chaud et tu resteras à te reposer...
Son talon s'enfonce doucement dans le flanc de l'animal, mais par pure routine. Il avait déjà lancé un petit trot pour rattraper les gamins et la mettre à leurs hauteurs.
Haussant le ton pour se faire entendre dans le chant de la brise, elle se tourne vers les deux monstres. Mouais... A la mine de Luthi, la conversation devait pas être innocente...
- On arrive les mômes, faut tourner au prochain carrefour.
- Yep Daronne. J'ai hâte d'être arrivé, mes panards s'changent en comme t'as dit là; en cons qui gèrent.
- Luthi! Congère! Ce sont des congères, comment je dois te le dire!
- En l'chantant Daronne? Eclat de rire du gamin. Au moins, le froid semble pas trop le toucher. Vu où elle l'a trouvé, elle devrait même pas être étonnée...
- Je dois vous répéter les règles de Delle?
- Daronne... Soupir exaspéré. Pas comme si elle l'avait matraqué cent fois. Pas de bruit vers leurs appartements, pas de bêtises dans la cour, pas touche à la forge. Et comme d'hab, pas s'faire chopper par les adultes. C'bon, je con gère.
Sourire niais qui enchaine. La Panthère lève les yeux au ciel. Pas la peine d'insister. Ce sera l'horreur. Elle préfère même s'éloigner, elle s'était jurée de ne pas rire à ses aneries devant lui, histoire de pas l'encourager. Même si quelque chose lui dit que c'est raté.
- M'demande ce qu'elle nous cocote la Daronne... Nan 'ttend. C'pas le bon mot. Comment qu'elle dit d'jà. Ah ouais. Concocte.
Regard suspicieux vers sa voisine. Sa petite voisine. Il en a des amis, plus ou moins de son âge, qu'elle lui a collé dans les pattes. Adrian est le plus ancien, dont il n'a plus de nouvelles depuis plusieurs mois. Tristan et Lucas à Millau. Mous' maintenant.
P'tite Mous. Bien sûr qu'elle est sous sa surveillance. Nan nan pas elle. Il. Mous' est un p'tit gars, comme lui. Y'a que Daronne et lui qui savent; sachent? sachions? 'fin un mot bien compliqué de la langue d'oil qu'elle lui apprend quoi. Mais l'aime bien cte môme. Elle a de l'avenir à la Cour. Nan, pas la Cour. C'plus son avenir à lui là-haut. L'a de l'avenir avec eux. Pourvu que Daronne la garde comme page encore un bout...
T'as vu son sourire quand j'ai d'mandé ce qu'on allait faire là-haut? Y'a du louche. Moi j'te l'dis.
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Et les premières neiges tombèrent sans égard pour la petite caravane.
Reprenons.
En tête de colonne, deux gamins, montés sur leurs poneys. Enfin gamins...
L'un est un garçon, d'une douzaine d'années, peut-être, blond aux yeux verts, se dirigeant vers l'adolescence avec une tranquilité contrastant avec sa recherche permanente du coup fourré. Sous la cape de laine épaisse et les vêtements de toile un peu étriqués, une cicatrice barre son flanc gauche. Si jeune et déjà marqué. Vaillamment. Par la défense d'un de ses loupiots que sa Daronne lui confie régulièrement.
L'autre est un presque garçon, de peut-être cinq années son cadet, allez savoir. Une petite fille cachée sous des frusques du sexe opposée au sien, trop grandes car héritées du compagnon précédemment décrit, brune aux yeux verts elle aussi, les cheveux courts, la langue un peu trop pendue ces derniers temps. Un de ces loupiots confiés à la Daronne.
En suite de colonne, sur un frison noir dont c'est sûrement le dernier voyage, la matriarche du lot. Une Dame de Saint-Front-d'Alemps, fille adoptée d'Azayes, fiancée du Grand Maître de la Licorne, du Loup de Delle; sa blondeur et ses yeux émeraudes en feraient la mère parfaite pour les deux clowns la précédant, mais elle n'est que leur patronne. Son dos un peu trop raide, sa main droite gantée sont autant de marques visibles de son passé mouvementé; les fines rides apparaissant au coin des yeux et sur les plis de sa bouche quand elle sourit sont autant de marques du temps passé et des inquiétudes diverses et variées.
En arrière, un garde aux armes de Delle qu'elle avait contacté quelques jours plus tôt pour les rejoindre en cours de route, trainant deux autres canassons. C'est que le départ de Millau se voulait non définitif mais certes très long et elle avait tenu à emporter "quelques" affaires.
Son coeur s'emballait à mesure que l'embranchement approchait. Bien cachée sous sa capuche pour lutter contre le blizzard qui se levait, elle reconnaissait pourtant la route sans erreur.
Allez Amrod... Nous y sommes presque... Quelques carottes, du foin bien chaud et tu resteras à te reposer...
Son talon s'enfonce doucement dans le flanc de l'animal, mais par pure routine. Il avait déjà lancé un petit trot pour rattraper les gamins et la mettre à leurs hauteurs.
Haussant le ton pour se faire entendre dans le chant de la brise, elle se tourne vers les deux monstres. Mouais... A la mine de Luthi, la conversation devait pas être innocente...
- On arrive les mômes, faut tourner au prochain carrefour.
- Yep Daronne. J'ai hâte d'être arrivé, mes panards s'changent en comme t'as dit là; en cons qui gèrent.
- Luthi! Congère! Ce sont des congères, comment je dois te le dire!
- En l'chantant Daronne? Eclat de rire du gamin. Au moins, le froid semble pas trop le toucher. Vu où elle l'a trouvé, elle devrait même pas être étonnée...
- Je dois vous répéter les règles de Delle?
- Daronne... Soupir exaspéré. Pas comme si elle l'avait matraqué cent fois. Pas de bruit vers leurs appartements, pas de bêtises dans la cour, pas touche à la forge. Et comme d'hab, pas s'faire chopper par les adultes. C'bon, je con gère.
Sourire niais qui enchaine. La Panthère lève les yeux au ciel. Pas la peine d'insister. Ce sera l'horreur. Elle préfère même s'éloigner, elle s'était jurée de ne pas rire à ses aneries devant lui, histoire de pas l'encourager. Même si quelque chose lui dit que c'est raté.
- M'demande ce qu'elle nous cocote la Daronne... Nan 'ttend. C'pas le bon mot. Comment qu'elle dit d'jà. Ah ouais. Concocte.
Regard suspicieux vers sa voisine. Sa petite voisine. Il en a des amis, plus ou moins de son âge, qu'elle lui a collé dans les pattes. Adrian est le plus ancien, dont il n'a plus de nouvelles depuis plusieurs mois. Tristan et Lucas à Millau. Mous' maintenant.
P'tite Mous. Bien sûr qu'elle est sous sa surveillance. Nan nan pas elle. Il. Mous' est un p'tit gars, comme lui. Y'a que Daronne et lui qui savent; sachent? sachions? 'fin un mot bien compliqué de la langue d'oil qu'elle lui apprend quoi. Mais l'aime bien cte môme. Elle a de l'avenir à la Cour. Nan, pas la Cour. C'plus son avenir à lui là-haut. L'a de l'avenir avec eux. Pourvu que Daronne la garde comme page encore un bout...
T'as vu son sourire quand j'ai d'mandé ce qu'on allait faire là-haut? Y'a du louche. Moi j'te l'dis.
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