Leandre
Sémur, en Bourgogne. Le bâtard de Valfrey était arrivé la veille, retrouvant ainsi une promise lui annonçant qu'elle dormirait dans la même pièce qu'un mioche angevin. S'il avait pu paraître insensible à la nouvelle, il n'en était rien. Il ne comprenait pas pourquoi lui ne pouvait se retrouver ne serait-ce qu'à l'autre bout de la chambre, tandis qu'un gamin âgé d'à peine sept années se verrait conter une histoire, pour ensuite veiller sur les rêves de Maeve. N'était-ce pas là le rôle de son chevalier ? Mais soit, ils dormiraient donc ensemble à l'auberge. Et Leandre, quelque peu désappointé s'en était allé rejoindre un autre endroit où dormir. Une chambre, classique, comme il avait souvent eu l'occasion d'en occuper. Sauf que cette fois, pas de père, ni de Soeli. Et encore moins de Maeve. Du haut de ses quinzes années, il était assez grand pour payer lui-même le tenancier. Quelques écus déposés dans sa main, et le voilà qui grimpait à l'étage, plongé dans ses réflexions.
La nuit fut courte, et tranquille, voire banale. Il déjeuna longuement, affalé sur la table, et dévorant avec entrain les pâtisseries qu'on lui avait fait préparées. Pas de boisson. Leandre a horreur du lait, et il était encore un peu tôt pour commander une chope de bière. Si quelques personnes lui avaient demandé ce qu'il faisait là, il ne leur avait pas répondu. Il était majeur, sans comptes à rendre. A personne. Son père avait préféré la Franche-Comté à lui, du moins dans l'idée qu'il se faisait du sujet, et sa mère était enterrée. Quant à Soeli, qui fut bien plus que la dame de compagnie de sa mère, il ignorait bien où elle se trouvait, et ce qu'elle y faisait. Elle aussi était assez grande pour vivre sa vie. Elle aussi n'avait pas de compte à rendre, à personne, pas même à l'impérial. S'il avait quitté son père en mauvais termes - euphémisme ? - et ne comptait pas dans l'immédiat le revoir, il en était autrement de la Margny, qui lui avait tant appris. Etait-elle tout aussi fâchée que lui d'avoir appris la mort de Zelda de Meira Grimwald, bien plus tard que ce qu'il aurait dû en être ? C'était compréhensible, mais son attitude avait changé. En mal. Sans doute, avait-elle préféré s'isoler, ruminer sa vengeance, ou pire encore. C'est en se posant intérieurement toutes ces questions, que le bâtard se leva et remercia le tenancier, avant de retrouver la fraîcheur hivernale de l'air sémurois.
C'était il y a déjà quelques temps qu'il avait appris à découvrir et aimer Sémur, grâce à Maeve. Il y a des années, un temps qui lui paraissait maintenant lointain, où tous les deux avaient quitté Dieppe pour retrouver la mère de l'Alterac à Sémur. Il en avait alors pris pour son grade, l'impérial. Sa témérité sous le bras, il avait encaissé, sans trop broncher, les mots de Marie Alice. Des mots durs, qui lui avaient alors semblé totalement déplacés et inconsidérés. C'est en forgeant qu'on devient forgeron ; c'est aussi en jouant au chevalier servant qu'on devient chevalier. Du moins, c'est ce qu'il croyait. Tout le monde pouvait se tromper, personne n'était parfait. Encore moins ce jeune homme, épée à la ceinture, qui rêvassait tout en traversant les rues sémuroises. Il ne savait pas où aller, et ne voulait pas le savoir. Pour une fois, ses pas le mèneraient, et non l'inverse.
Les rues principales étaient bondées. Les commerçants faisaient leurs affaires, clamant, les mains en porte-voix, les marchandises qu'ils proposaient à pour des sommes modiques, disaient-ils. Certains badauds s'approchaient d'un peu plus près, afin de voir de quoi il en retournait exactement ; d'autres se contentaient de marcher et d'observer en silence, comme Leandre ; d'autres encore ignoraient bien tout ce qui pouvait les entourer. Ceux-là avaient une attitude étrange. Mais pas aussi étrange que la personne qu'il venait de reconnaître, se tenant là, à quelques pas de lui, et semblant contempler l'Homme et ses facettes, d'un sourire amusé.
Vous !
Oui, lui. Il abandonna sa vision pour poser ses yeux sur l'impérial.
Que faites-vous ici ? Me suivez-vous ?
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Bâtard de Valfrey.
La nuit fut courte, et tranquille, voire banale. Il déjeuna longuement, affalé sur la table, et dévorant avec entrain les pâtisseries qu'on lui avait fait préparées. Pas de boisson. Leandre a horreur du lait, et il était encore un peu tôt pour commander une chope de bière. Si quelques personnes lui avaient demandé ce qu'il faisait là, il ne leur avait pas répondu. Il était majeur, sans comptes à rendre. A personne. Son père avait préféré la Franche-Comté à lui, du moins dans l'idée qu'il se faisait du sujet, et sa mère était enterrée. Quant à Soeli, qui fut bien plus que la dame de compagnie de sa mère, il ignorait bien où elle se trouvait, et ce qu'elle y faisait. Elle aussi était assez grande pour vivre sa vie. Elle aussi n'avait pas de compte à rendre, à personne, pas même à l'impérial. S'il avait quitté son père en mauvais termes - euphémisme ? - et ne comptait pas dans l'immédiat le revoir, il en était autrement de la Margny, qui lui avait tant appris. Etait-elle tout aussi fâchée que lui d'avoir appris la mort de Zelda de Meira Grimwald, bien plus tard que ce qu'il aurait dû en être ? C'était compréhensible, mais son attitude avait changé. En mal. Sans doute, avait-elle préféré s'isoler, ruminer sa vengeance, ou pire encore. C'est en se posant intérieurement toutes ces questions, que le bâtard se leva et remercia le tenancier, avant de retrouver la fraîcheur hivernale de l'air sémurois.
C'était il y a déjà quelques temps qu'il avait appris à découvrir et aimer Sémur, grâce à Maeve. Il y a des années, un temps qui lui paraissait maintenant lointain, où tous les deux avaient quitté Dieppe pour retrouver la mère de l'Alterac à Sémur. Il en avait alors pris pour son grade, l'impérial. Sa témérité sous le bras, il avait encaissé, sans trop broncher, les mots de Marie Alice. Des mots durs, qui lui avaient alors semblé totalement déplacés et inconsidérés. C'est en forgeant qu'on devient forgeron ; c'est aussi en jouant au chevalier servant qu'on devient chevalier. Du moins, c'est ce qu'il croyait. Tout le monde pouvait se tromper, personne n'était parfait. Encore moins ce jeune homme, épée à la ceinture, qui rêvassait tout en traversant les rues sémuroises. Il ne savait pas où aller, et ne voulait pas le savoir. Pour une fois, ses pas le mèneraient, et non l'inverse.
Les rues principales étaient bondées. Les commerçants faisaient leurs affaires, clamant, les mains en porte-voix, les marchandises qu'ils proposaient à pour des sommes modiques, disaient-ils. Certains badauds s'approchaient d'un peu plus près, afin de voir de quoi il en retournait exactement ; d'autres se contentaient de marcher et d'observer en silence, comme Leandre ; d'autres encore ignoraient bien tout ce qui pouvait les entourer. Ceux-là avaient une attitude étrange. Mais pas aussi étrange que la personne qu'il venait de reconnaître, se tenant là, à quelques pas de lui, et semblant contempler l'Homme et ses facettes, d'un sourire amusé.
Vous !
Oui, lui. Il abandonna sa vision pour poser ses yeux sur l'impérial.
Que faites-vous ici ? Me suivez-vous ?
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Bâtard de Valfrey.