Aleanore
[Quelque part dans Dole 23 décembre de lan de grâce 1457 dans laprès-midi.]
-« Que va-t-on devenir ? Oh Maria ! Oh Christos ! Que le Très-haut nous vienne en aide. »
Claque qui résonne dans lair glacial de la ville comtoise, la jeune blonde sarrête net et regarde les larmes aux yeux, la provenance de la gifle aussi cinglante que la remarque qui suit.
-« Si javais voulu des gémissements de femelle éplorée nous serions restées dans la prison à croupir à côté des putains comtoises. Maintenant, Clarisse, si tu ne veux pas que je te renvoie dans la cellule, tais toi sur le champ. »
Celle qui vient de parler dun ton froid et limite désintéressé si ce nest par léventuelle perspective dun silence venant de la camériste, cest Aléanore Jagellon Alterac. Jeune fille françoyse de 16 années bien tassées, et un orgueil plus démesuré que le Royaume de Levan le Troisième et le Saint Empire réunis. Main qui sélève et doigts qui claquent tandis quelle sapproche du coche aux armes familiales, et le cocher de laider à grimper à lintérieur puis de lui tendre la petite chienne noire. Tandis que la blonde se hisse la intérieur, la jeune brune continue sur sa lancée, hautaine, et lasse.
-« Quallons-nous devenir ? Et bien nous allons prendre la route direction Poligny et nous rejoindrons la Duchesse, et surtout, surtout, tu vas te taire et nous soulager les oreilles. Fiora en est toute retournée. »
Main gantée qui vient tapoter tendrement le crâne du petit lévrier, qui a lair aussi perturbée quun bulot en pleine crise dadolescence. Tête brune et élégamment coiffée pour loccasion dun fronteau brodé de fil dor et rajusté de pierreries, tandis que la masse soyeuse est contenue dans un filet parsemé de simples éclats de cristal. Alterac, parce quelle le vaut bien. Donc, la tête brune sextirpe par la fenêtre et lance le tant attendu par la foule en délire devant licône de mode qui passe exceptionnellement dans leur belle ville.
-« Fouette Cocher ! »
Et le coche demporter la jeune fille vers Poligny où elle sapprête à jouer son avenir, ainsi quune soubrette, angoissée. Angoissée et cest peu de le dire. Revenons en arrière pour comprendre ce que faisaient Aléanore et sa camériste à Dole, voulez-vous en même temps, quand bien même, vous ne voudriez pas, ça serait la même chose. Retour en arrière ? Activé !
[Zouiiiip bruit du retour dans le temps Chemin de campagne entre Dijon et Dole, dans la nuit du 22 décembre de lan de pâques 1457]
Entre deux coussins et trois fourrures, un séant fort alléchant tient à peu près ce langage.
-« Clarisse, où as-tu mis les fruits confits ?! »
-« Là, Mademoiselle ! »
-« Clarisse, où as-tu mis le manchon ? »
-« Le voici, Mademoiselle ! »
-« Clarisse, où as-tu mis Fiora ? »
-« Ici, Mademoiselle ! »
-« Clarisse ? »
-« Oui, Mademoiselle ? »
-« Où est Karyl ? »
Et la Brune et la Blonde de se fixer dans le blanc des yeux comme des merlans frits morts sur un étal de poissonnerie, et quon ne vienne pas me dire quil est frais son poisson ! Panique à bâbord, panique à tribord, où a donc disparu le blondinet ? Les deux jeunes filles passent la tête par la fenêtre, regard interrogatif au cocher, qui pour le coup sarrête et les regarde sans trop bien comprendre.
-« Boh ? Kessispasse ? »
-« Il se passe que .. Où est Karyl ? »
-« Eul ti crasseux ? Mais il est parti vers Chalon comme prévu au début. Zaviez ptête pas quà changer litinéraire. »
-« Non.. mais.. Jvais me le faire ! Quand on sait pas conduire son attelage, on louvre moins ! Sale gueux ! »
Et bah voilà.. Ca commence, un de perdu, et deux de trouvées. Dans les fourrés, un bruit, et soudain, deux femmes en sortent. Aussi brunes lune que lautre, batons tenus fermement en main, lune de noire vêtue et lautre de blanc. Et alors quelle sapprête à les envoyer au loin chercher quelque aide pour retrouver Karyl, voilà que les deux femmes les agressent. Nimporte qui, aurait certainement répliqué, cogné ou bien quelque autre retour de bâton justement, nous parlons ici dAléanore Jagellon Alterac, qui pour le coup, se jette sur son coche, prête à défendre, malles, chien et fruits confits au péril de sa vie, pour se voir ôter, presque doucement, sa maigre bourse. Noisettes grandes ouvertes sur la vilenie humaine, la jeune fille voit partir ses maigres économies en même temps que les mèches foncées des deux brigandes. Larmes de honte, fièrement ravalées, tandis quelle remonte rageusement dans le coche intact, et senroule dans une couverture. Endormie, la jeune fille à leur arrivée à Dole, où tout se précipite. Non, elle na rien pour payer lhostel puisquelle sest faite racketter sur la route, non, elle ne donnera pas une de ses fourrures en compensation. Et lorgueilleuse Etincelle de finir dans la crasse dune cellule comtoise. Quà cela ne tienne, même batarde, elle nest pas Alterac pour rien, la brune.
-« Faites appeler votre chef. »
Et de laisser glisser la fourrure de manière étudiée sur un poignet dénudé, blanc comme neige, regard fiévreux et vulgaire sur son corps. Ne pas montrer quils la répugnent, lastuce fonctionne, ils séxécutent avec brio, et le chef arrive. Fourrure qui glisse, dévoilant une épaule ronde.
-« Dites moi officier. » Est-ce le cas ? Elle nen a cure, cela le fera mousser, il cèdera. « Vos hommes mont jetée sans autre forme de procès dans cette geôle et je ne saurais supporter plus longtemps la présence de mes .. voisins.. » Coup dil à la putain ivre morte qui se fait gratter les poux par une gamine ravagée par la faim. « Auriez-vous lobligeance daccepter ma compagnie dans votre office et de me fournir de quoi rédiger lettre pour prévenir qui de droit de ma présence icelieu ? »
Et le renommé pour la forme, officier qui se plie à la demande et fait escorter les deux jeunes filles dans une pièce étroite à peine plus propre que la cellule. Nécessaire à écrire à portée de main, la jeune fille sactive, tandis que de rapides coups dil lincite à se presser au vu des regards déplacés de lhomme sur sa camériste et elle-même.
-« Que va-t-on devenir ? Oh Maria ! Oh Christos ! Que le Très-haut nous vienne en aide. »
Claque qui résonne dans lair glacial de la ville comtoise, la jeune blonde sarrête net et regarde les larmes aux yeux, la provenance de la gifle aussi cinglante que la remarque qui suit.
-« Si javais voulu des gémissements de femelle éplorée nous serions restées dans la prison à croupir à côté des putains comtoises. Maintenant, Clarisse, si tu ne veux pas que je te renvoie dans la cellule, tais toi sur le champ. »
Celle qui vient de parler dun ton froid et limite désintéressé si ce nest par léventuelle perspective dun silence venant de la camériste, cest Aléanore Jagellon Alterac. Jeune fille françoyse de 16 années bien tassées, et un orgueil plus démesuré que le Royaume de Levan le Troisième et le Saint Empire réunis. Main qui sélève et doigts qui claquent tandis quelle sapproche du coche aux armes familiales, et le cocher de laider à grimper à lintérieur puis de lui tendre la petite chienne noire. Tandis que la blonde se hisse la intérieur, la jeune brune continue sur sa lancée, hautaine, et lasse.
-« Quallons-nous devenir ? Et bien nous allons prendre la route direction Poligny et nous rejoindrons la Duchesse, et surtout, surtout, tu vas te taire et nous soulager les oreilles. Fiora en est toute retournée. »
Main gantée qui vient tapoter tendrement le crâne du petit lévrier, qui a lair aussi perturbée quun bulot en pleine crise dadolescence. Tête brune et élégamment coiffée pour loccasion dun fronteau brodé de fil dor et rajusté de pierreries, tandis que la masse soyeuse est contenue dans un filet parsemé de simples éclats de cristal. Alterac, parce quelle le vaut bien. Donc, la tête brune sextirpe par la fenêtre et lance le tant attendu par la foule en délire devant licône de mode qui passe exceptionnellement dans leur belle ville.
-« Fouette Cocher ! »
Et le coche demporter la jeune fille vers Poligny où elle sapprête à jouer son avenir, ainsi quune soubrette, angoissée. Angoissée et cest peu de le dire. Revenons en arrière pour comprendre ce que faisaient Aléanore et sa camériste à Dole, voulez-vous en même temps, quand bien même, vous ne voudriez pas, ça serait la même chose. Retour en arrière ? Activé !
[Zouiiiip bruit du retour dans le temps Chemin de campagne entre Dijon et Dole, dans la nuit du 22 décembre de lan de pâques 1457]
Entre deux coussins et trois fourrures, un séant fort alléchant tient à peu près ce langage.
-« Clarisse, où as-tu mis les fruits confits ?! »
-« Là, Mademoiselle ! »
-« Clarisse, où as-tu mis le manchon ? »
-« Le voici, Mademoiselle ! »
-« Clarisse, où as-tu mis Fiora ? »
-« Ici, Mademoiselle ! »
-« Clarisse ? »
-« Oui, Mademoiselle ? »
-« Où est Karyl ? »
Et la Brune et la Blonde de se fixer dans le blanc des yeux comme des merlans frits morts sur un étal de poissonnerie, et quon ne vienne pas me dire quil est frais son poisson ! Panique à bâbord, panique à tribord, où a donc disparu le blondinet ? Les deux jeunes filles passent la tête par la fenêtre, regard interrogatif au cocher, qui pour le coup sarrête et les regarde sans trop bien comprendre.
-« Boh ? Kessispasse ? »
-« Il se passe que .. Où est Karyl ? »
-« Eul ti crasseux ? Mais il est parti vers Chalon comme prévu au début. Zaviez ptête pas quà changer litinéraire. »
-« Non.. mais.. Jvais me le faire ! Quand on sait pas conduire son attelage, on louvre moins ! Sale gueux ! »
Et bah voilà.. Ca commence, un de perdu, et deux de trouvées. Dans les fourrés, un bruit, et soudain, deux femmes en sortent. Aussi brunes lune que lautre, batons tenus fermement en main, lune de noire vêtue et lautre de blanc. Et alors quelle sapprête à les envoyer au loin chercher quelque aide pour retrouver Karyl, voilà que les deux femmes les agressent. Nimporte qui, aurait certainement répliqué, cogné ou bien quelque autre retour de bâton justement, nous parlons ici dAléanore Jagellon Alterac, qui pour le coup, se jette sur son coche, prête à défendre, malles, chien et fruits confits au péril de sa vie, pour se voir ôter, presque doucement, sa maigre bourse. Noisettes grandes ouvertes sur la vilenie humaine, la jeune fille voit partir ses maigres économies en même temps que les mèches foncées des deux brigandes. Larmes de honte, fièrement ravalées, tandis quelle remonte rageusement dans le coche intact, et senroule dans une couverture. Endormie, la jeune fille à leur arrivée à Dole, où tout se précipite. Non, elle na rien pour payer lhostel puisquelle sest faite racketter sur la route, non, elle ne donnera pas une de ses fourrures en compensation. Et lorgueilleuse Etincelle de finir dans la crasse dune cellule comtoise. Quà cela ne tienne, même batarde, elle nest pas Alterac pour rien, la brune.
-« Faites appeler votre chef. »
Et de laisser glisser la fourrure de manière étudiée sur un poignet dénudé, blanc comme neige, regard fiévreux et vulgaire sur son corps. Ne pas montrer quils la répugnent, lastuce fonctionne, ils séxécutent avec brio, et le chef arrive. Fourrure qui glisse, dévoilant une épaule ronde.
-« Dites moi officier. » Est-ce le cas ? Elle nen a cure, cela le fera mousser, il cèdera. « Vos hommes mont jetée sans autre forme de procès dans cette geôle et je ne saurais supporter plus longtemps la présence de mes .. voisins.. » Coup dil à la putain ivre morte qui se fait gratter les poux par une gamine ravagée par la faim. « Auriez-vous lobligeance daccepter ma compagnie dans votre office et de me fournir de quoi rédiger lettre pour prévenir qui de droit de ma présence icelieu ? »
Et le renommé pour la forme, officier qui se plie à la demande et fait escorter les deux jeunes filles dans une pièce étroite à peine plus propre que la cellule. Nécessaire à écrire à portée de main, la jeune fille sactive, tandis que de rapides coups dil lincite à se presser au vu des regards déplacés de lhomme sur sa camériste et elle-même.
Citation:
A Maeve Alterac,
A ma Flamme,
Le bon jour,
Jespère que cette missive te trouvera en bonne santé et que vous allez tous bien. Pour ma part, je nai pas eu le droit à ce que jaurais pu qualifié daventures romanesques, mais bel et bien dun véritable cauchemard. Je me demande même si lidée était bien de faire un voyage dagrément.
Me voici, au jour où je técris dans une cellule de Dole, et nest plus sur moi que les vêtements et bijoux que je porte, puisque je me suis fait ravir ma bourse. Les commerçants comtois ne sauraient connaître la valeur des soieries de ma garde-robe. Aussi, ma Flamme, pourrais-tu sans en toucher mot à Maman, me faire porter quelque menue bourse pour assurer ma subsistance ainsi que celle de Clarisse. Je ten serai gré.
Que le Très-Haut et Aristote taient en leur sainte garde. Moi, je te garde dans mon cur et tembrasse.
Eternellement tienne.
Ton Etincelle.
Post Scriptum : Dis à Leandre que le String, ça pue de ma part sil te plait. Et puis jai oublié de te dire que nous avons perdu Karyl, il est à Chalon, si tu pouvais aller le chercher, je pense que ça serait bien.
A ma Flamme,
Le bon jour,
Jespère que cette missive te trouvera en bonne santé et que vous allez tous bien. Pour ma part, je nai pas eu le droit à ce que jaurais pu qualifié daventures romanesques, mais bel et bien dun véritable cauchemard. Je me demande même si lidée était bien de faire un voyage dagrément.
Me voici, au jour où je técris dans une cellule de Dole, et nest plus sur moi que les vêtements et bijoux que je porte, puisque je me suis fait ravir ma bourse. Les commerçants comtois ne sauraient connaître la valeur des soieries de ma garde-robe. Aussi, ma Flamme, pourrais-tu sans en toucher mot à Maman, me faire porter quelque menue bourse pour assurer ma subsistance ainsi que celle de Clarisse. Je ten serai gré.
Que le Très-Haut et Aristote taient en leur sainte garde. Moi, je te garde dans mon cur et tembrasse.
Eternellement tienne.
Ton Etincelle.
Post Scriptum : Dis à Leandre que le String, ça pue de ma part sil te plait. Et puis jai oublié de te dire que nous avons perdu Karyl, il est à Chalon, si tu pouvais aller le chercher, je pense que ça serait bien.
Elle attrape la cire de mauvaise facture et la fait couler avant de sceller dune pression de la croix du chapelet pendue à son cou. Lettre en main, elle se tourne vers lhomme au demeurant assez suant, et puant. Nez froncé de dégoût, elle tend la missive.
-« Pourriez-vous la faire porter de toute urgence. »
-« Moyennant compensation ma toute belle. »
Et lAlterac de relever le nez, telle une reine et de toiser de son mètre soixante, le molosse devant elle puis de poser la lettre dans les mains de Clarisse avant de retirer posément un gant et de tendre sa main droite à lhomme. Sourire charmeur tandis quelle le regarde tenter un baise-main foiré et foireux. Main qui vient se coller Clarisse pour lessuyer et qui se retrouve gainé de nouveau dans le gant, et à lendroit précis où dans la paluche de lhomme se trouvait une main fine et blanche, se trouve une missive.
-« Merci bien, vous êtes délicieux ! »
Regard circulaire tandis que lhomme encore sous le choc va envoyer la lettre, et finalement après avoir nettoyé du bout de sa jupe le coin du secrétaire, la jeune fille y dépose un bout de fesses. Maintenant ? Attendre, sa sur et son promis connaissent des gens en Franche-Comté.
[Prison de Dole 23 décembre dans laprès-midi]
-« Et alors, je lui ai dis que jamais je ne servirai un batard et je lai giflé ! Et bien figurez-vous que ma petite sur que jaime tant a pris sa défense en me traitant à mon tour de batarde. Oh évidemment que je le sais, mais delà à me lentendre dire par Maeve, si douce, si jeune. Pour lui. Oh croyez bien que mon sang na fait quun tour et je men suis allée aussitôt. »
Et patati, patata, le geôlier se fait victime de lintarissable Aléanore que sa servante écoute avec attention et admiration, parce quelle la vu, elle, le Batard de Valfrey, et le brun ténébreux même sil est plus jeune quelle, il en impose, et il lui colle des petits frissons dexcitation à la blonde camériste, mais elle nose même pas y songer, ne comprenant même pas comment sa maitresse arrive à le trouver désagréable, lui, si beau, si fort, si ..
-« Clarisse ? A quoi penses-tu ? »
Jetée comme ça, linterrogation, à dire vrai, elle sen moque un peu, elle veut juste retrouver toute lattention de sa première admiratrice. Quand soudain la porte souvre sur un garçonnet, tendant une bourse dans la main. LEtincelle qui saute de son perchoir et récupère la bourse avec un sourire ravi, puis se tournant dans une envolée de jupons vers le geôlier.
-« Et bien nous nous quittons maintenant, moi qui avais encore tant à vous raconter. Lau revoir Officier. »
-« Oui, oui, noubliez pas votre chienne. »
Chienne qui pour le coup, urine de plaisir de voir sa maitresse sautiller partout.
-« Dis au revoir Fiora, nous partons ! »
Et cest avec un rire cristallin que lEtincelle quitte la prison comtoise, laissant sur place un officier menaçant ses hommes de les faire fouetter sils ramènent encore une françoyse. Et enfin, arrivées dehors, les jeunes filles tombent en arrêt devant le coche quelles rejoignent. Lune en souriant, lautre en gémissant. Oui.. Fouette cocher. Direction Poligny.
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Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.