[RP fermé] L'aumone n'appauvrit personne

[Chateau de la Pioline - Hotel de la famille de Trévière]

Octave la main devant la bouche pour cacher une envie forte de rire. Il regardait Mimi, la gouvernante de la Pioline les yeux touchés d’émotion. Il se marrait car la raison des larmes était le départ du Seigneur et de sa famille pour une tournée Provençale…Samuel Alexandre de Trévière avait organisé un passage dans les quartiers populaires pour distribuer à l’occasion des fêtes fruits, pains, vins et écus à la population pauvre… Mimi les regardait partir en chouinant …Que c’est beau… Si touché par la charité et la générosité. L’excès de sentiment par rapport à la scène fit rire Octave…

Le cortège passa les grilles, alors Octave pu se retourner et quitter le seuil de la porte pour enfin rigoler un bon coup dans le dos de la demoiselle qui restait là touchée comme si ses parents venaient de l’abandonner…C’était sans compter que cette dernière s’en aperçoive….

Pas de compromis et dégaina son chiffon et fouetta le pauvre Octave. Il n’en rit que plus et s’enfuit aux cuisines… Mimi honteuse lui dit

Tu n’a pas de cœurs ! vieille peau !!!!

Puis, elle regarda une dernière fois dans l’allée avec un petit sourire avant d’aller ranger le linge de chambre.

Les préparatifs furent assez longs. Des semaines que les caves de Vitrolles se remplissaient, de vin, d’amande, de sel, d‘orange importé de loin, pain t meme du beurre. Une calèche bien remplie et couverte d’une épaisse étoffe attendait sur le devant de la grande demeure…

De bon matin, en ce jour particulier, Samuel apprêté sortit le premier dehors… La fraîcheur ne manqua pas de le saisir et il dut remonter son col. Il appela alors la famille à haute voix.

Est ce que vous êtes tous prêts ?? On va y aller…!

Samuel attendait pour ce voyage ses cousines, Flore et Istanga, sa Sœur et bien sure ses enfants. Il n’y avait pas d’obligation de présence, mais le seigneur avait laissé entendre la veille au repas, l’importance de ce passage en ville. Pour se joindre au cortège Harald et Ignacio, hommes fidèles, Harding l’écuyer du seigneur, Terchak le géant, Reinette et son ami pour la sécurité… Puis, il laissa des amis de la famille se joindre et s’afficher avec lui.

Quelque temps après entouré de tous les courageux, le groupe quitta le château de la Pioline pour prendre la route d’Aix-en-Provence. Capitale de Provence, touchée depuis quelques semaines par la famine et la mauvaise gestion…

Sur la route, la terre était solide. Figée avec toutes ses aspérités, empreinte de pas et de roues, il s’agissait de faire attention de ne pas se tordre la cheville. Mais ce qui était plus préoccupant était que la calèche secouait énormément et parfois manquait de perdre la moitié du chargement. Samuel délégua alors Harald pour veiller sur la chose. Le brun soupirait, car pas encore réveillé. Cela amusait Samuel qui continuait tenant en discussion la famille.

Enfin la ville s’ouvrit à eux…

Ignacio courut au-devant et cria à tous avec les rayons d’un soleil réveillé…

Oyez, Oyez !
Gueux, Brave gens !!! travailleurs et dos courbés !
Voyez, Voyez !
Des présents pour vous ! Tendez la main !
Senhor de Vitrolles et sa famille vous donnera !
Oyez, Oyez !

Il reprit en boucle ainsi son refrain dans les rues de la ville. Derrière lui les sabots des chevaux claquaient sur les pavés. Samuel de voir les premiers sourires en fit de même. Ils n’avaient rien à demander en échange. Juste le plaisir d’offrir à ses sujets et autres provençaux.
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Acariâtre. Je suis acariâtre, c'est Darius qui m'a dit ça tout à l'heure. Il vient d'apprendre le mot, j'espère qu'il n'en connaît pas le sens. Je l'espère pour lui en tout cas.

Bon, je dois reconnaître que ce lever matinal, avec ce froid qui me pénètre, ne m'a pas rendue tout à fait aimable. Ce que je ne suis d'ailleurs pas en règle générale. Aimable, ça veut dire qu'on peut susciter de l'amour et moi, je n'ai pas envie que n'importe quel imbécile venu m'aime.

Toujours est-il que je réussis à m'arracher un sourire lorsque mon cousin me demande si je me sens en forme pour cette journée. Et j'ose lui répondre :

Parfaitement bien, Samuel! Je suis enchantée de distribuer avec toi des victuailles aux plus démunis... Surtout que je n'ai pas eu à mettre la main à la poche!

C'est bien du Samuel, ça! Je n'ai jamais compris d'où lui venaient ses idées "sociales". Après tout, si ces gens ont faim, ils peuvent travailler. Flore nous tarabuste assez avec le remplissage des mines... Et des denrées en plus, avec le plan mine. Et une loterie. Il faut vraiment le vouloir, pour avoir faim...

Bref, je suis le cortège. A pied en plus, on ne m'épargnera rien. Malgré moi, je lâche un soupir, m'enfonçant un peu plus sous ma capuche bordée de fourrure. Je traîne un peu le pied, tandis que Darius reste à la hauteur de Samuel. Pourvu qu'il ne le prenne pas pour modèle...
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La mamé est là depuis... il lui semble qu'elle est là depuis toujours, depuis qu'Aix est passé de simple hameau à grande ville de Provence.
Elle a vu l'église se construire, la ville s'organiser, les tavernes apparaitre, disparaitre, brûler, la halle vivre et vivoter, la mine se creuser... elle a tout vu la mamé, elle a tout vu mais elle n'a participé à rien.
Elle est pauvre la mamé, elle est pauvre depuis... il lui semble qu'elle est pauvre depuis toujours. Elle est trop vieille pour la mine, elle est trop vieille pour les champs, et ses rhumatismes l'empêchent souvent d'aller cirer les bancs de l'église.
Alors elle survit, la mamé, elle survit dans les belles rues d'Aix, elle survit en mendiant, elle offre parfois ses services pour les morts, les malades et les naissances... c'est qu'elle en sait des choses la mamé, sur le vent et les plantes, sur les animaux et les hommes... elle sait les fièvres et les enfantements difficiles, elle sait les sourires de peur et l'amour caché, elle sait depuis toujours!

Aujourd'hui elle est dans les rues d'Aix, comme souvent quand elle ne parcourt pas la garrigue. et aujourd'hui c'est noël. elle le sait parce qu'une mésange venant de Toulon le lui a dit, et elle-même le tenait d'une femme enceinte en prière désordonnée dans l'église de Toulon. alors c'est noël et elle espère des hommes et des bêtes, et pas nécessairement dans cet ordre là.

Elle ne sursaute plus la mamé, mais elle a entendu cet appel improbable de la rue d'â côté, et se dirige donc vers cette voix. homme ou bête? homme. indubitablement, bel homme solide, qu'elle aurait pu aimer dans sa jeunesse... elle ne sait plus très bien quand, d'ailleurs. homme donc et grand équipage. elle qui n'a plus grandes forces mais encore toute sa tête essaye d'entendre ce que crie l'homme.

Elle sourit la mamé, c'est noël et peut-être aujourd'hui mangera-t-elle? elle s'approche de l'équipage, distingue des couleurs noires et or mais elle a la vue trop basse, la mamé, pour distinguer le blason des Trévières. d'ailleurs elle s'en moque un peu des Trévières, sauf qu'elle ira dire des prières pour eux, la mamé, pour qu'Aristote les garde et les ramène en ville avec de telles bonnes dispositions!
Elle sourit la mamé, de toutes ses gencinves puisqu'elle n'a plus de dents, et se demande si vraiment de cet équipage tombera autre chose que des belles dames et des beaux seigneurs...
Elle a compris la mamé, elle a compris alors elle s'avance et tend la main, craignant encore une mauvaise farce d'un nobliau essayant de distraire son ennui sur le dos des pauvres et des mendiants, prête donc à retirer sa main si une badine sortait du carosse en lieu et place d'une miche de pain...

Je me promène dans les rues, c'est Noël aujourd'hui, je m'en suis rappelé ce matin. Des images sont revenues, celles d'une soirée au coin du feu dans la grande salle d'un manoir. Une odeur de vin chaud épicé ... une famille heureuse, un présent de mon père. Mon père, je revois son visage maintenant. Des exclamations me tirent de mes pensées.

Oyez, Oyez !
Gueux, Brave gens !!! travailleurs et dos courbés !
Voyez, Voyez !
Des présents pour vous ! Tendez la main !
Senhor de Vitrolles et sa famille vous donnera !
Oyez, Oyez !


Mais pour qui il se prend lui ? Pour un noble forcément... pourquoi je n'aime pas son monde alors que c'est censé être le miens d'après ce que j'ai vu. Et pourtant ... pourtant je déteste ce monde là mais pourquoi ? Je ne sais pas. Je vois enfin approcher le carrosse du seigneur et sa famille et je reste bouche bée. A l'intérieur, l'homme de l'arsenal. Samuel de Trévières. Je reste figée sur place et le regarde. Je ne sais pas si je le connais, ni s'il a connu mon père. Je ne peux détacher mon regard de cet homme. Sa générosité fait plaisir à voir... Je ne sais si mon père aurait fait de même. Mais pourquoi je le déteste ? Je m'interroge alors qu'une femme courbée s'approche, tendant la main. Dans son geste mal assuré, je vois qu'elle hésite, de quoi a-t-elle peur ? Je reste sur place et regarde. Curieuse, je tiens à voir la suite.
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Aix, Aixois et Aixois, Fantôme et Provençaux… Visage que l’on reconnaît mais que l’on n’a jamais connu. Tous ces gens qui travaillent en bas de l’échelle et totalement oublier de ceux qui se pensent puissant. Dahut n’oublie pas. Il n’oublie pas d’où il vient. Comme tous dans sa famille. Il a commencé avec un pain et du vin…. Jour de fête.

Ignacio en avant du cortège clame haut et fort le passage de la caravane… Samuel marche au coté de Darius qui semble en pleine réflexion pour essayer de comprendre le pourquoi de telle mascarade. Samuel se doute…et arrive à percevoir que les Occidentaux réservent toujours des surprises qui ne sont pas toujours très sensées.

Dis- moi Darius ?
Comment vis tu la Provence ?
Tu a trouvé une femme déjà ?
Si tu as besoin de conseils tu sais ou me trouver.



Samuel Un peu plus tard vit enfin les premières mains tendues. Il ralentit pour arriver au niveau du stock qui progressait illassablement ans la rue. Il tira une boule de pain, et une bouteille d’huile d’olive… Il s’avança des gueux, avec Harald a ses coté… Puis trouva cette femme.
Agée a tel point que chacune de ses rides semblait être le récit de l'Histoire. Ses yeux n’étaient pas des plus confiants, mais ces doigt tendu semblait signe d’espoir. Samuel lui remit les deux objets en question. De l’huile sur du pain avait la chance de caller les estomacs et d’apporter la santé… Le seigneur lui sourit et lui dit…

Que le Très Haut vous garde avec soin…

Puis il fit un pas en arrière et tomba nez à nez avec la jeune Belisende.

Quelle surprise !!
Tu veux te joindre à nous ?
Je t’ai cherché partout depuis l’autre jour au chantier….

Samuel se penche et la bise et se dépêche de reprendre des provisions pour les suivants tout en regardant Beli…
Puis il cria à Darius…

Darius, y’a belissende, ramène la avec nous !!!!

Le monde commençait a affluer et il fallait distribuer les présents plus vite pour contenter tout le monde… Harald Quant a lui demeurait les yeux froncé et attentif…

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Une distribution de denrées aux pauvres. Pas mal comme idée, bien dans la philosophie de Saint Noël dont elle avait lu l'hagiographie recemment. Tiens, ça lui fait penser ... Faudrait peut-être finir cette pastorale. Flore tente de relancer les mines avec beaucoup d'enthousiasme et le résultat est qu'elle délaisse certaines choses. Allez, c'est décidé : 1458, elle sera baptisée en janvier !
Pour l'heure, elle rejoint le cortège emmitouflée dans un chaud manteau noir. Flore salue Darius et sa soeur, qui cache difficilement sa joie. Rit intérieurement.
Rapide évaluation des stocks : ça ira. Déjà les premiers curieux s'approchent. Elle observe Samuel aller à leur rencontre.

Ah Dame Belissende. En voila une qu'elle recrutera pour son épopée maritime. enfin si son cousin la laisse l'approcher. Ralala celui-là, dès qu'il y a une jolie fille dans les parages, il bat tous les records de vitesse pour lui parler. Lève les yeux au ciel.
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Ah ben ça, si je m'y attendais ... C'est qu'il est plein de surprise Samuel. Sous l'effet de la bise, je rougis légèrement, espérant que personne ne s'en rend compte, j'aurais bien voulu la lui rendre la bise, mais le voilà déjà qu'il file appelant Darius. Ahh Darius, mon petit prince des étoiles, où est-il ? Je le cherche dans ceux qui suivent le seigneur de Vitrolles et je l'appelle.

Mon prince des étoiles où es tu ?
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du pain? du vrai pain? oui, elle le sens qui craque sous ses doigts... et cette odeur... elle est tout sourire soudainement, noël cette année est une vraie fête!
mais la bouteille qui accompagne le pain... du vin? non! il y a longtemps qu'elle n'en pas eu à en goûter, la mamé, mais elle reconnait la couleur verte dorée de l'huile d'olive.
alors elle sourit, la mamé, et lance au généreux seigneur

Ristote vous le rendra seigneur!

et puis elle rajoute, pleine d'espoir

Je suis à votre service si vous avez besoin d'aide médicale pour vous ou vos belles dames! j'ai des doigts de fée et je connais les plantes et leurs vertus!

elle n'attend pas vraiment de réponse, la mamé, mais elle ne pouvait pas laisser passer si beau cortège sans essayer de vendre ses services...

Elle avait du mal à subvenir à ses besoins. Pauvre petite batarde seule sans parent en ce soir que pouvait-elle espérer. Elle pensa si au moins j'avais un morceau de pain pour étancher ma faim. Si quelqu'un pouvait m'aider dans ma vie si sale. Le désespoir, la tristesse d'avoir à passer les fêtes le ventre à moitié vide. Soudain elle entendit des bruits de sabots dévalant les rues puis des voix.

À la vue du chariot plein à craquer, elle avait si faim, si froid. Elle s'approcha, son ventre qui lui criait famine. Pleins de pauvres gens demandaient aussi et se poussaient les uns les autres. Elle se dit que ces gens étaient sûrement très riches. Un Seigneur donnait des présents. Elle tendit ses petites mains de jeune fille. Son corps frissonnait tellement il avait froid. Elle prit son courage et demanda à manger elle aussi.

À moi... s'il vous plait..... insistant... s'il vous plait...

Elle espérait qu'on la voit elle avait si faim. Elle avança et se faisait bousculer par les autres la pauvre elle était si mince. Elle continua de combattre les bousculades toujours en souhaitant avoir un don du ciel venant de ces riches.

Une coutume de plus que le gamin découvre, distribuer de la nourriture aux indigents... Levé très tôt, il s'est préparé, sans doute un peu bruyamment, déclenchant ainsi les foudres d'Istanga. Tant elle maugrée contre son cousin et ses lubies, et contre lui-même, que le mot appris hier lui échappe.

Toi acariâtre, Istanga!

Il a reculé contre le mur, attendant la gifle qui ne tarderait pas. Mais non, il a réussi à lui couper son sifflet à méchancetés, pour peu de temps sans doute, mais suffisamment pour lui laisser le temps de filer, pour lui, et de reprendre pied, pour elle.

Le froid n'arrive pas à pénétrer le mantelet bien chaud qu'il porte. Une toque de fourrure protège sa tête et cache sa chevelure d'un noir profond. Il a distancé Istanga, et marche à la hauteur de Samuel, lui jetant de temps en temps un coup d'oeil admiratif. Il a toujours de beaux vêtements et, bien que Darius pense que la coquetterie n'a pas lieu d'être chez un futur prince, il crève d'envie, en réalité, d'avoir les mêmes.

Celui-ci lui adresse bientôt la parole.

Dis- moi Darius ?
Comment vis tu la Provence ?
Tu a trouvé une femme déjà ?
Si tu as besoin de conseils tu sais ou me trouver.

Moi trouver Provence étrange. Ici gens pas obéir à prince. Eux faire n'importe quoi, eux croire pouvoir gouverner.
Seulement vrais princes et vrais rois pouvoir gouverner.
Ici être élections. Moi pas connaître dans mon pays.
Et moi pas encore trouvé femme.
Moi connaître Delta et aimer elle, mais disparue.
Puis moi voir Belissende, mais elle regarder toi et moi malheureux.
Moi jamais trouver femme ici. Femmes désobéissantes, comme Istanga. Moi aimer ça, mais pas marier avec femme comme ça. Ou une seule. Les autres devoir obéir moi.
Moi venir te voir pour apprendre à avoir beaucoup femmes.

Mais Belissende est là, il le sent. Se retourne en entendant Samuel le prévenir, puis la jolie voix de la jeune fille. Darius va vers elle, s'incline, main sur le coeur.

Moi heureux voir toi, Belle Issende. Toi vouloir que je accompagne toi?

Et d'autorité, lui prend le bras et marche auprès d'elle, fier comme un anti-pape.


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Les religions se dissipent comme le brouillard, les empires se démantèlent, mais les travaux des savants demeurent pour l'éternité
Ulugh Beg

Mâchicoulis, dépenaillé, amaigri et puant, imbibé de mauvais vin, et qu'on retrouvera matin, raide comme une saillie, a émergé de la paille où il s'est affalé la veille, dans une étable, c'est le jour, mais pas le personnage qu'on attend dans une crèche. Bref, le bougre a été réveillé par l'appel. Distribution de victuailles, pour lui, c'est la vision de tonnelets de vin ou de bière, il ne crache pas dessus, ou les deux.

Faisant appel aux souvenirs de l'éducation que son ancienne patronne, diaconesse de son état, a tenté de lui inculquer -elle a d'ailleurs failli réussir mais a eu la bonne idée de se noyer avant de terminer sa tâche. Il s'en est remis depuis, en buvant plus encore qu'avant- il crache dans ses mains qu'il passe ensuite dans ses cheveux longs et gras pour y mettre un semblant d'ordre, tire sa chemise sur sa bedaine proéminente et s'avance au devant du cortège.

Son oeil exercé se pose sur une des donzelles qui suit. Une belle brune à l'air méchant, qui n'a pas une tête à être charitable. C'est sûrement pas celle-là qui lui donnera une pièce pour qu'il puisse aller à la taverne la plus proche mais, allez savoir ce qui se passe dans la tête de cet hurluberlu, il décide qu'elle sera la première du jour à lui faire l'aumône.

Il s'approche d'elle, sourire découvrant des dents jaunies, et constate avec satisfaction que le nez de la brune se fronce. Délicate, va!

Bien l'bonjour, ma p'tite dame! C'est qu'elle a l'air d'avoir froid, parole! Voulez-y pas que j'vous réchauffe? Y a bien longtemps qu'j'ai pas fricoté, chais pus trop comment qu'on fait! Z'auriez pas une pièce ou deux pour un pôv' homme dans l'besoin? Pis, d'faire l'aumône, ça vous procurera du plaisir, savez? C'est c'que disent les bigots. Mais vous n'êtes pas bigote, ça s'voit, j'les r'nifle à des lieues. Faut dire que j'les ai fréquentées d'près!

Une éructation joliment placée ponctue ainsi le discours de l'ex bedeau, qui sent venir le tremblement caractéristique de l'alcool et marche près de la dame, sans crainte de l'éventuelle réaction de celle-ci.


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Mâchicoulis, ex-bedeau bedonnant
Soulard patenté, plus que jamais
Ex Porte Parole de l'Eglise d'Aix

Période de vaches maigres pour Flaminia. Depuis l'incendie de la mairie de Toulon et les rumeurs autour d'une implication de sa patronne, la clientèle se faisait rare. Elle même profitait du gîte et du couvert sans véritable recherche active d'amateurs.
La jeune italienne était venue pour se faire de l'argent facile en attendant de repartir en tournée avec une troupe de troubadours. Car son vrai métier, c'est ça : chanter et danser pour un public de connaisseurs. Et pas satisfaire les envies honteuses de bouseux frustrés.
Le résultat fut qu'elle assista à bien pire que ça. Témoin d'une agression au sein de la maison, elle ne se sentait plus en sécurité dans cette ville. Le plus étonnant, c'est que La Mathi, une femme retorse et sans scrupules, lui apparut lors de ces événements sous un jour ... sympathique.
Elle en eut même un instant pitié alors qu'elle avait sans doute eu le châtiment qu'elle méritait. Quoiqu'il en soit, cette violence, tout ce sang, ces cris, elle ne les oublierait jamais. Puis pas question d'être impliquée dans cette histoire glauque.
Les beaux jours revenus, avec ou sans compagnons artistes, elle reprendra la route. C'est juré !

Pour se changer les idées, elle s'était rendue dans la capitale. Fête de Saint Noël. Sans doute l'une ou l'autre animation la divertira.

Oyez, Oyez !
Gueux, Brave gens !!! travailleurs et dos courbés !
Voyez, Voyez !
Des présents pour vous ! Tendez la main !
Senhor de Vitrolles et sa famille vous donnera !
Oyez, Oyez !

Voila une autre originalité provençale ! Les riches qui donnent aux pauvres. N'importe quoi. Mais puisque ces nantis souhaitent se débarrasser de leurs avoirs inutiles, Flaminia ne va pas louper une telle occasion. Et pas des denrées pour elle, ah ça non. Elle va négocier des écus sonnants et trébuchants !

S'approche avenante de l'homme qui va au devant de la foule. Selon toute vraisemblance, voila notre philanthrope en chef.

Bien le bonjour, beau Seigneur. Quel noble geste ! Peu de vos semblables feraient pareil. Lui sourit, fixant son regard. Que cherchez-vous ? L'absolution pour des fautes passées ? Des voix pour une élection future ? Ou tout simplement la satisfaction d'avoir aidé son prochain ?
Ponctue son intervention d'un rire cristallin.
Ooooh mais je connais un excellent moyen qui vous permettra de réunir générosité et plaisir. Lui prend la main et glisse à son oreille : Personnellement, je suis logée et nourrie dès lors, vous comprenez que ce qui m'intéresse, ce sont les écus. Croyez-moi, vous n'y perdrez pas au change et ... nous irons dans un lieu non exposé au vent comme ici ! Laissez vos gens s'occuper des gueux. Vous méritez le meilleur. Et je peux vous l'offrir. A un prix défiant toute concurrence, ah ça oui tu ne sera pas déçu mon beau brun. Bon ça, elle ne le dit pas car directement annoncer son tarif, ce serait d'un vulgaire. Puis inutile de brûler les étapes.
Observe la foule à la recherche d'autres cibles potentielles. Hum, un vagabond et un gamin. Le premier n'a pas le sou, mauvais plan. Par contre l'autre est habillé avec raffinement. Il n'a pas l'air de provenir de la région. Difficile d'estimer son âge. Douze , treize ans pas plus. Pfff, trop jeune. Décidément, le client est une denrée rare. Elle se console en se disant que la patronne n'est pas là donc voici un bon moyen de gagner sa vie sans laisser de commission. Centre à nouveau son attention sur le noble, armée cette fois de son sourire ravageur.

Beaucoup de choses avaient changé. Depuis la mort de sa fille, Yunette, Marthe semblait éteinte. Logique pour la mère d'une incendiaire brûlée vive par un autre incendiaire. Le feu qui guidait La Mathi s'était réduit à quelques braises encore tièdes. Ne manquait qu'une occasion de les raviver.

En cette fin d'années, les clients se faisaient plus rares encore, et le temps s'égrenait. Marthe n'avait plus de but et de nouvelles rides fines au coin des yeux l'attestaient, ainsi qu'un léger affaissement de son visage, commissures marquées autour du sourire qui se faisait rare. Une légère balafre sur la joue, vestige de la correction infligée par Eavan, la marraine de sa fille, était soigneusement masquée par une épaisse couche du fard qu'elle affectionnait.

Ce jour là, son attention s'éveilla, voyant Flaminia pimpante et vêtue pour faire la route. Où se sauvait-elle, celle-là? Les affaires n'allaient pas fort, c'était évident, mais il ne fallait pas que ses filles en profitent pour aller les faire ailleurs. Tiens, et Lambda? Insaisissable, elle la croisait à peine au moment des repas.

Prise d'une envie soudaine de sortir d'ici, elle aussi, sortir de cette atmosphère étouffante, elle revêtit une longue cape noire bien chaude, toque de fourrure sur ses cheveux presque rouges, de feu, enfila de longues mitaines, noires elles aussi, comme son jus de poire.

L'air froid la prit de court mais, après quelques minutes de marche, elle se sentit revigorée, sentant le rouge lui venir aux joues, allumant son oeil d'une étincelle.

La Mathi suivait Flaminia qui filait devant elle, silhouette parfaite et aguichante, un bon capital. Aix, la capitale. La coquine avait-elle donc un coquin ici? Non, visiblement, elle déambulait, sans doute à la recherche d'un client pour lequel elle n'aurait aucun pourcentage à lui reverser. Marthe se sentit renaître. Elle venait de reprendre goût à l'argent, donc à la vie.

Une nuit dans une chambre miteuse d'une taverne aixoise n'avait pas altéré son moral et, attirée par les paroles d'un colporteur, s'en fut au devant du cortège. Bien lui en prit : Flaminia était déjà à l'attaque.

Laisse venir, reste loin d'elle, se dit la maquerelle, tout en laissant son regard fureter sur les personnes hétéroclites qui se pressaient autour de la manne de victuailles.

Il lui semblait que l'homme à qui s'adressait Flaminia était le filleul de sa fille. Sans doute y aurait-il moyen pour la danseuse de soutirer bonne somme.

Puis son oeil exercé s'arrêta sur une belle femme, très grande, très mince. Elle était aux prises avec un vagabond plutôt répugnant, et son regard noir ne présageait rien de bon.

Sans savoir pourquoi, ni d'ailleurs se le demander, elle s'approcha, tentant de la dépêtrer du malotru.

Mais enfin, sombre crétin aviné! Tu ne vois pas que tu embêtes cette Dame? Va cuver parmi les tiens, laisse les gens honnêtes tranquilles!

Elle espérait ainsi nouer conversation et, pourquoi pas, s'acoquiner avec cette bande de nobliaux. Là où il y avait des nobles, il y avait l'argent et le luxe, la luxure aussi souvent.

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Fleur épanouie.
69, rue des Mésanges - Toulon

Flore n'était pas vraiment à l'aise parmi la foule. Elle ressentait toute cette misère, la detresse de ces gens, leur malheur et cela lui était insupportable. Bien sûr son cousin avait raison de faire un geste pour les pauvres. Personne d'autre ne le ferait. Cependant, la cadette des Lendelin se sentait perdue, ne sachant quelle attitude adopter. Aider, oui mais sans paraître condescendante.

À moi... s'il vous plait.....

Une très jeune fille, maigre à faire peur, tentait d'obtenir un peu de nourriture. Elle arrivait à peine à résister à la pression de la masse des indigents concentrée autour du cortège. Flore ne pouvait rester sans bouger et attrape la demoiselle par le bras. Elle se retrouve face à elle et lui donne des fruits et du pain.

Prenez ceci, vous en avez grand besoin. Vous tremblez de froid. Avez-vous un endroit pour vous loger ? En posant cette question, Flore réalise qu'aucun abri pour les défavorisés n'existe, aucun dispensaire, bref il ne reste que les églises.
Autour d'elle, tout le monde est occupé : Samuel ne sait plus où donner de la tête et sa soeur est en grande discussion avec un vagabond au vu de ses habits passablement défraîchis. Des couvertures, voila ce qu'il faudrait trouver. Il y aura bien une échoppe ouverte pour en acquérir !
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