Arfast
[Aux portes de Genève]
Les Saintes Armées avaient mis pied en sol helvète avec la ferme intention de défendre le nom du Très-Haut par le fer et de jeter à bas les Lions de Juda, infâmes suppôts de la Créature Sans Nom, doublés de bandits pillards et sordides. Les croisés montaient désormais leurs tentes aux portes de la cité de Genève, là où étaient admis, sans aucune foi ni loi, les hérétiques. Les Saintes Armées, sous les ordres mêmes de Rome n'avaient d'autre but que l'élimination de l'hérésie et l'effacement du parjure lancé au visage du Très-Haut. Nulle cité ne devait souffrir de leur présence à moins qu'elle ne protège l'hérésie et ne désire défendre les Lions, au risque de verser du sang en combattant contre les soldats du Tout-Puissant, pour leur plus grand déshonneur. Tout véritable aristotélicien comprendrait là qu'il fallait livrer les hérétiques au jugement de l'Église romaine pour que se règle un conflit, plutôt que de tenter un affrontement et risquer des vies, sans autre récompense que le rire diabolique du Sans Nom.
Arfast, Maistres des Faucons de l'Ouest de l'Ost Orléanais marchait dans le camp, jetant un oeil aux préparatifs et à l'établissement du camp. Il arborait fièrement le tabard croisé et regardait avec fierté, dans la partie du camp réservée à l'Ost Orléanais, la bannière du Duc d'Orléans qui flottait au gré du vent. L'avant-midi avait apporté son lot de bonheur. Son épouse avait donnée naissance à leur fille, dans la tente des infirmiers et tout s'était bien passé à son grand soulagement. Il était heureux d'être père et s'en réjouissait. Ce soir, il veillerait avec son épouse, la Grande Fauconne Joshin, auprès de leur enfant.
Pour le moment néanmoins, il fallait terminer l'installation du camp. Les orléanais avaient pour leur part presque fini. L'État-Major se réunirait dans quelques minutes sous la grande tente du Duc, et il irait y assister. Il ne put s'empêcher de jeter un regard aux murs de la cité. Il espérait que les Helvètes, ceux de Genève en particulier comprendraient qu'ils n'avaient d'autres choix que de livrer les hérétiques, pour mettre fin à leur présence. Un siège pouvait s'avérer long et épuisant, mais les Saintes Armées étaient prêtes à faire ce qu'il fallait pour accomplir les ordres de Rome et défendre la véritable foi aristotélicienne, dans cette terre où elle est parfois bafouée par les représentants même du peuple, qui rendent compte au Saint Empereur.
- Aristote, protège les fidèles de la vrai foi et accorde leur la force d'aimer leur prochain et de briser le mal de la créature Sans Nom, murmura-t-il
Il récita à voix basse le crédo:
Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.
Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.
Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'aprés avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Trés-Haut.
Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotelicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.
AMEN
Pieux de nature, le chef de la famille Riveroy n'entendait pas tolérer les affronts d'hérétiques, comme ceux fait en Béarn, vrai insulte lancé à la face du monde aristotélicien. Doux et diplomate, il était intransigeant sur la défense de la foi, et s'il le fallait, il était prêt à sortir le fer pour défendre ses convictions, son épouse et sa famille. Soldat de métier, il avait l'expérience des campagnes lointaines, comme celle qui l'avait mené aux assauts de Rennes et à la campagne de Bretagne, du temps des félons. Pour le moment, le ciel était calme, mais des nuages gris gonflaient le ciel à l'horizon, en prévision d'un orage. Là-haut, le Seigneur exprimait sans doute sa volonté sur le mal qui ronge la terre des hommes.
Arfast détourna son regard des remparts qui se détachaient sur le ciel gris. Il prit la route de la tente du Duc, mais s'arrêta à l'infirmerie, pour voir comment se portait sa bien-aimée et leur fille. Les voir le rassura, et ses doutes s'évanouirent bientôt, le rendant plus confiant que jamais sur la victoire des Saintes Armées. Il repoussa la toile de la tente, dans les bruits et les cris du camp, pour la réunion des officiers.
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