Un nouveau jour, une nouvelle aube et toujours cette même idée qui revient : Aller chercher ses Fleurs. Il faudrait aussi qu'elle se penche sur la missive à envoyer à ses parents. Elle va le faire, il faut juste qu'elle trouve l'inspiration. Facile ! Ou pas.. Repoussant du plat de la main la servante blonde, la jeune fille glisse les pieds gainés d'épais bas de laine dans les bottes fourrés. Et emmitouflée dans ses fourrures, la poupée quitte l'écrin des tentes où elle vit avec la Duchesse angevine. Clarisse à sa suite, et le jeune cocher franc-comtois pour escorte gardée, la voilà partie à la recherche de l'inspiration, mais pas sans rien. Le garçonnet de 10 ans, traine à sa suite, un cheval attelé à une charrette remplie contenant du Bourgogne.
Dans sa tête, les mots s'ajustent tandis que gracieusement, elle lève pied et jupons pour ne pas enfoncer le premier et salir l'autre.
Citation:Papa, Maman, je vais bien, les gens ici, vont faire la guerre, mais il y a de jolies fleurs.(*)
Non, trop enfantin, trop puéril. Autre chose, une idée, un soupçon de commencement de début de missive, n'importe quoi, et ce fut toi - Ahem.. je m'égare.. - et en traversant, le camp tourangeois, composé de troupes venant de plusieurs duchés dont les angevins, les bourguignons. La jeune fille fit signe de la main de distribuer quelques bouteilles du précieux Bourgogne aux groupes de travailleurs. Traverser la ville, rejoindre le camp Orléannais, et les mots toujours se dissipent, irascibles disciples de l'indisciplinée corvée : Ecrire, tenir au courant.
Citation:Papa, Maman, ne vous inquiétez pas, je n'ai encore tué personne, enfin, si, mais c'était un accident, il s'est jeté sous les sabots des chevaux, je n'ai rien pu faire, c'était la volonté du Très-Haut. J'irai cueillir des Edelweiss, elles sont blanches, la couleur du deuil, et j'irai mettre sur sa tombe.
Non, c'est .. Il n'a même pas eu de tombe ce benêt de cocher, qui même mort, l'indispose. Dérangeant, oui, voilà le mot, ne pouvait-il mourir de sa belle mort, loin d'elle, elle n'aurait pas du avoir à expliquer la présence de Hugues, Comtois de 10 ans qui accessoirement lui sert de cocher. Déjà, les oriflammes orléannais se font voir, l'Etincelante poupée sanglante continue sa quête de la charité, offrant ça et là, le vin qui ragaillardit n'importe quel homme frigorifié, le vin qui reste en bouche, délicatement, avec force et arôme, mais sans être écoeurant, la voix chantante s'élève et appelle un jeune page.
-« Tu remettras cette caisse à Sa Grasce Lexhor D'Orléans.»
Il faudra parler de ce Duc à ses parents, amusant, taquin. Plus tard, elle imagine Cassian comme ça. Et de continuer sa route, les Normands et les Languedociens maintenant, le début, elle l'a, comme toujours, très respectueux des us, mais le contenu. Que dire ? Elle n'a plus son cocher initial. Elle a aidé un homme ? Cela fera sûrement plaisir à son père, et surprendra sa mère. Elle est heureuse. Et il y a des fleurs. Elle a retrouvé Rochefort. Elle s'amuse bien. Cela devrait pourtant être facile à écrire. Déjà le camp fortifié normand se présente devant ses yeux. Les noisettes téméraires glissent le long des files de travailleurs tandis que toujours le vin de la Terre des Géants est distribuée. Etre un homme. Pouvoir faire fi des convenances, pouvoir se battre épée à la main, et défendre les siens. Etre un homme et pouvoir jouer et jouir des femmes. Etre un homme et être haï par une femme.
Le sourire se fait amusé à l'idée de devenir homme, elle, la poupée, la gentille fille. Une conversation lui revient en tête. Dijon, sa taverne, et cet homme, amusant, tentant de la charmer. Et sa réponse à elle.
-«Je suis gentille, des fois. Vilaine, souvent. »
Le sourire s'étire en une ligne fine et assurée, tandis qu'elle fait appeler un page, montrant de la main gantée les dernières caisses contenant les précieuses bouteilles.
-« Vous porterez ces caisses dans les tentes de vos chefs d'armée. Si vous pouviez passer mes amitiés à la Baronne, ainsi qu'à un lieutenant, Neiviv, je crois, et puis aussi à un écuyer.. Euh.. Il est italien, je crois. Merci bien. »
Et demi-tour ! La lettre ? Ah oui.. Les mots coulent lentement, comme l'encre sur le vélin coulera tout à l'heure quand elle sera de nouveau rentrée dans sa tente.
Citation:
A Floryan et Marie-Alice Alterac, Vicomtes dArnac-Pompadour, Barons dEymoutiers et de Saint Julien le Chastel, Seigneurs de la Tour du Chavan, de Maugasteau et d'Igny
A mes parents chéris.
Le bonsoir,
Jespère que cette missive saura vous trouver en bonne santé, et je prie le Très-Haut pour qu'il en soit de même concernant le reste de notre famille.
Pour ma part, je vais bien, après quelques déboires, nous voici enfin arrivés à Genève, qui est bien froide. Les fourrures sont de rigueur, et j'ai pu en voir certaines véritablement délicieuses dans les échoppes.
Déboires, oui, mais sans réelle importance. Suite à un accident malheureux, le cocher est mort, mais j'ai su faire avec les moyens du bord, et ai pris à mon service, un jeune garçon d'un dizaine d'années, répondant au nom de Hugues. Voyez comme je sais être efficace.
En parlant d'efficacité, mon petit papa, après avoir essayé de bien me souvenir de vos conseils, j'ai, la fois dernière, aidé un homme qui souffrait de sa main, un simple coup de dague en pleine paume, rien de vraiment important.
Je ne sais quand la guerre commencera, ici, ils ont l'air de tous vouloir en découdre, j'ai même vu Rochefort, il ne m'arrivera donc rien. Moi, pendant qu'ils montent les fortifications du camp, je vais essayer d'aller cueillir des edelweiss, je vous en avais déjà parlé, ma douce Maman.
Je vous laisse, et prie pour que le Très-haut et Aristote vous aient en leur Sainte Garde, je vous embrasse.
Avec tout mon amour de fille.
Vostre tortue qui vous aime.
Et voilà, simple comme une lettre envoyée à la Poste.
----------------------------------------
(*)
Merci J-E_________________
Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.