Alycianne
Oui. Oui. Oui. Oui...
La fillette déambule dans la ville. Regard éteint, bras ballants. L'allure fière qu'elle avait adoptée avec la belle cape bordée de fourrure qu'on lui a offerte est oubliée. Sa main ne vient même pas glisser derrière son oreille la mèche de cheveux qui pend devant son nez. Ses chausses tant aimées trainent par terre. Elle ne fait pas attention au joli caillou dans lequel elle va taper. Un cocher l'invective car elle empêche sa carriole de passer, mais elle ne l'entend pas.
Elle avance.
Elle s'arrête. Relève le regard, suit des yeux la pente d'un toit.
"Si je monte Très Très Très Haut -plus que Galaad sur les épaules, je pourrais voir tout tout le monde ! Même Maman !"
Maman donne la main.
Lorgne une maison à une fenêtre, et toit accessible.
"Je n'aime pas trop les calins"
Maman ne fait pas de câlins, ni de bisous.
Elle s'en approche.
"Je suis très sage, moi"
Quand Maman fait les gros yeux, ça tournechamboule le coeur. Maman doit être fière.
Accroche de chaque main une pierre du mur, se hisse à la fenêtre.
"Papa il peut aider à accrocher la tagère en haut !"
Il ne faut pas parler de papa à Maman.
Encastrée dans la petite fenêtre de la chaumine, elle tente de continuer l'ascension du mur.
"On va où ?"
On suit Maman.
Ses petits doigts s'enfoncent dans une fissure, elle pousse sur ses pieds.
"Tiens Maman, un caillou pour guérir de la maladie."
Maman crie dans son sommeil des mauvais cauchemars.
La pierre glisse. Ou sont-ce ses doigts. Elle tombe. Heurte le sol violemment sur le dos. Se recroqueville sur elle même.
"Et on revoit les morts quand on meurt ?"
Maman est morte.
La gamine prend sa tête entre ses mains. Son dos la lance. La fourrure de sa cape traîne dans la boue. A vrai dire, elle traîne toute entière dans la boue. Petite boule écarlate au coin d'une ruelle.
Ce n'est pas possible de monter Très Très Très Haut sur le toit pour voir Maman, puisqu'elle est morte. Maman est encore plus Haut, et il faut mourir pour la voir.
Elle, Alycianne, meurt ?
Et de se frapper le front contre le sol, les genoux repliés sous elle, les mains accrochant ses cheveux.
Elle tape le sol, ça tape la tête. On ne réfléchit plus. On pense juste à taper. Taper encore.
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La fillette déambule dans la ville. Regard éteint, bras ballants. L'allure fière qu'elle avait adoptée avec la belle cape bordée de fourrure qu'on lui a offerte est oubliée. Sa main ne vient même pas glisser derrière son oreille la mèche de cheveux qui pend devant son nez. Ses chausses tant aimées trainent par terre. Elle ne fait pas attention au joli caillou dans lequel elle va taper. Un cocher l'invective car elle empêche sa carriole de passer, mais elle ne l'entend pas.
Elle avance.
- Elle est morte ?
Oui.
Elle parle avec Aristote ?
Oui.
Elle est Très-Haut ?
Oui.
Comme les nonnes ont expliqué la mort ?
Oui.
Et on la revoit que quand on meurt ?
Oui.
Et on veut la revoir ?
Oui.
Tout plus que la vie ?
Oui. Oui. Oui.
Elle s'arrête. Relève le regard, suit des yeux la pente d'un toit.
"Si je monte Très Très Très Haut -plus que Galaad sur les épaules, je pourrais voir tout tout le monde ! Même Maman !"
Maman donne la main.
Lorgne une maison à une fenêtre, et toit accessible.
"Je n'aime pas trop les calins"
Maman ne fait pas de câlins, ni de bisous.
Elle s'en approche.
"Je suis très sage, moi"
Quand Maman fait les gros yeux, ça tournechamboule le coeur. Maman doit être fière.
Accroche de chaque main une pierre du mur, se hisse à la fenêtre.
"Papa il peut aider à accrocher la tagère en haut !"
Il ne faut pas parler de papa à Maman.
Encastrée dans la petite fenêtre de la chaumine, elle tente de continuer l'ascension du mur.
"On va où ?"
On suit Maman.
Ses petits doigts s'enfoncent dans une fissure, elle pousse sur ses pieds.
"Tiens Maman, un caillou pour guérir de la maladie."
Maman crie dans son sommeil des mauvais cauchemars.
La pierre glisse. Ou sont-ce ses doigts. Elle tombe. Heurte le sol violemment sur le dos. Se recroqueville sur elle même.
"Et on revoit les morts quand on meurt ?"
Maman est morte.
La gamine prend sa tête entre ses mains. Son dos la lance. La fourrure de sa cape traîne dans la boue. A vrai dire, elle traîne toute entière dans la boue. Petite boule écarlate au coin d'une ruelle.
Ce n'est pas possible de monter Très Très Très Haut sur le toit pour voir Maman, puisqu'elle est morte. Maman est encore plus Haut, et il faut mourir pour la voir.
Elle, Alycianne, meurt ?
Et de se frapper le front contre le sol, les genoux repliés sous elle, les mains accrochant ses cheveux.
Elle tape le sol, ça tape la tête. On ne réfléchit plus. On pense juste à taper. Taper encore.
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