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[RP] - L'enfer commence dans ses serres.

Eusaias, incarné par Aleanore


C’était un jour de janvier, la neige tombait drue aux portes de la ville de Macon-la-rusée. Les flocons blanchissaient déjà le sol boueux lorsque les silhouettes de trois énormes dogues de bordeaux se mirent à aboyer après la masse mouvante d’une armée. Le maître de ces trois molosses les héla :

«Butor ! Foie Jaune ! Triple-buse ! Aux pieds !»

La voix était grave et menaçante, le nez, dépassant de la capuche, était lui aquilin. Ce faciès commençait à être célèbre à travers la Bourgogne, c’était celui de l’exécuteur de hautes et basses œuvres de Bourgogne. Son nom Eusaias de Saint Robert, scrutait de ses yeux onyx les bannières flottantes au-dessus des armées. L’une lui arracha un sourire, son « frère », le seigneur de Moulin-Engibert était de retour. Il siffla les chiens et prit le chemin pour rejoindre la bannière du Borgne.

Il remonta le long de la colonne, les pas étaient marqués de son de « gargouillis ». Il la cherchait, elle, la petite Alterac, la fille de sa suzeraine, sa promise du moins celle qui aurait due l’être.

Cette enfant gâtée avait décidé de tout quitter pour rejoindre des Angevins. Le Choix n’avait pas pu être pire, le Balbuzard l’avait alors injuriée, menacée, « Allez au diable ! » avait il encore hurlé. La petite était partie en claquant la porte. Puis les jours avaient passé, mais la colère était toujours présente, alors il était venu, régler les comptes ou obtenir des excuses.

Le visage de la jouvencelle apparu, emmitouflé dans des fourrures d’excellente facture la « Garce » le dévisageait de son coche.
Le Balbuzard se posta face aux chevaux, tira son épée et posa le plat de la lame sur son épaule. Son regard était menaçant, assassin.


« Cocher, stoppe ta route immédiatement ou ta vie te quittera avant que tes chevaux n’aient le temps de m’attendre. »


Le Balbuzard regarda avec satisfaction le cochet s’exécuter.

« Aléanore Jagellon d’Alterac descendez sur-le-champ ou je jure devant Dieu que je viendrai vous chercher dans un fracas à réveiller tous les diables ! »
Aleanore
Tant que j'y pense.. C'est un RP Fermé avec tout ce que cela inclue évidemment. Bonne lecture. Have a nice trip.


Depuis l’aube, la jeune fille veille les yeux grands ouverts pour dire au revoir à la Savoie, au revoir à ses montagnes, à ses neiges éternelles en haut des sommets et surtout. Surtout pour dire bonjour à la Terre des Géants, un sourire éphémère qui flotte sur la bouche fine, comme Il l’avait appelée la première fois qu’elle en avait foulé la terre. Sa Bourgogne, Leur Bourgogne, qu’elle avait su aimer parce qu’il avait su lui faire aimer, lui faire désirer chaque saison en Bourgogne, elle qui ne jurait que par son Limousin.. La main vient rapidement essuyer une larme sur l’arrondi de la joue, les dents se serrent pour refouler la vague de sanglots qui promet d’arriver à toute allure. L’amour, comme elle y avait cru dans ses bras, contre lui, contre ses lèvres. C’était si simple et pourtant, trop simple.. Les absences, accumulées aux doutes, avaient eu raison du rêve. Trop amoureuse pour se mettre en colère contre lui alors qu’au final, c’est si simple ça aussi, surtout pour qui la connaît. Oui, elle va revoir Sa Terre des Géants, la sienne à elle, comme elle, elle la voit, comme elle l’aime. Et après, elle gagnera l’Anjou pour découvrir la Terre des Buses.

L’aube sur la Bourgogne, le soleil qui se lève sur Sa Bourgogne, le profil juvénile tendu vers l’horizon contre toute attente, contre toute espérance pour qui s’attendrait à la voir se tapir au fond du coche et alors qu’elle s’attend à sentir les rayons doux du soleil hivernal caresser le bout de son nez qui s’extirpe avec malice des fourrures, ce qu’elle sent sur elle n’est autre que le regard acéré et courroucé de .. Lui ! Tremblement de fureur qui ébranle jusqu’à la petite chienne sur les genoux de l’Etincelle, tandis qu’elle l’écoute donner des ordres.. Comme à son habitude. Comment avait-elle pu l’aimer ? Lui, l’orgueilleux, vieillard arrogant. Comment avait-elle pu s’éprendre de cet être vil et sans principe qui l’avait voué sans remords à l’Enfer Lunaire ? Frémissante de rage quand elle l’entend l’interpeller de la sorte, à quoi joue-t-il ? Moue dédaigneuse sur la bouche fine de l’adolescente avant de déposer la levrette sur la banquette à ses côtés, là encore, ils sont différents, un regard hautain jeté aux trois molosses qui l’accompagnent tandis qu’elle caresse une dernière fois le fin museau du lévrier avant de s’extraire du coche, sourcil fin arqué.


-« Ne vous donnez pas cette peine Saint Robert, contrairement à vous et vos manières de gueux malgré votre titre, je goûte fort peu aux scandales publics. »

Lentement, en prenant garde à ne pas tâcher ses jupes dans la neige boueuse du chemin, elle le rejoint, constatant avec agacement, qu’elle n’a toujours pas grandi, et qu’il est toujours plus grand qu’elle, bien trop grand. Les amandes se plissent, tandis que la poupée redresse le visage pour le fixer dans les yeux, féline contre rapace, griffes contre serres, énième prise de bec. Et la vierge de siffler entre ses lèvres.

-« Fais place Eusaias, je passe. Et ni toi, ni personne ne m’en empêchera, sache le. Tu ne m’es rien. »

Geste dédaigneux de la main gantée tandis qu’un rire de gorge s’élève dans le silence ouaté de l’hiver.

-« Allez-vous en Saint Robert. Je n’ai que faire de vos éternels reproches et menaces. »

Dans un déploiement de volants et de fourrures, la jeune fille se retourne, noisettes fixées sur le coche ? Non au-delà , bien au-delà. Là, où ils étaient avant, avant.. Qu’elle ne brise tout car elle le sait, au final, tout est de Sa faute(*) à elle. Si elle avait été ce qu’on attendait d’elle, si elle avait été cette promise fidèle et soumise qu’il attendait, ils auraient été heureux, sans aucun doute, elle aurait pu s’y faire à cette vie. Elle aurait pu .. Les noisettes se voilent, voile de cristal liquide, rabattu violemment par un clignement de paupières. Penser rage. Penser haine. Les dents se serrent, les ongles aussi dans les gants, épargnant aux paumes des séquelles légères comme souvent.

-« Je n’ai fait que suivre tes conseils. Aller au diable.. Mais il me fuit.. »

Une pensée pour ces croisades vaines sans intérêt qui n’avaient été que la source d’une déception de plus, même les brigands l’avaient épargnée. Elle qui aurait voulu hurler qu’on fasse taire ce cœur trop gros dans sa poitrine, qui aurait préféré qu’on le lui arrache plutôt que de le savoir battant encore un instant, encore une seconde pour Lui. L’objet de son amour, de sa haine.

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(*) Dédicace à un grand fan qui doit me haïr à chacune des musiques que je mets dans mes posts. Et plein d'autres dédicaces à ceux qui se damneraient corps et âmes pour que je me rachète un goût musical. Et une toute spéciale à un petit jaloux qui se voile la face et qui est amoureux de moi en vrai, mais il le sait pas encore, pauvre enfant.
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Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.
Eusaias, incarné par Aleanore


Rire sadique qui s'éleva lorsque qu'elle le piqua d'un « gueux ». Un gueux, voilà ce qu'elle voyait la garce. Lui qui n'avait jamais failli devant son devoir de vassal, lui qui donnerait sa vie pour les Alteracs. Sa seule erreur fut de s'amouracher de cette jouvencelle capricieuse. Il maudissait le jour de leur rencontre. Il la regarda fixement, une forte envie de lui bleuir la joue d'un magistral revers de la main lorsqu'à son tour elle se mit à rire.

La fureur grondait en lui comme gronde le tonnerre alors qu’elle lui tournait le dos pour rejoindre le coche. Quelques années en arrière, avant son arrivée en Bourgogne, alors qu’on l’appelait encore Stragen le faiseur de mort, il aurait tiré son stylet de sa manche. Il se voyait déjà à bondir dans le dos de la gamine, une de ses mains aux doigts acérés se serait plaquée sur la bouche d’Aléanore et aurait forcé le menton à pivoter légèrement sur la gauche afin de dégager une jugulaire. C’est ici même qu’il aurait enfoncé son stylet, regardant avec amusement le sang se répandre sur les voiles et les fourrures avant de maculer la neige sur le sol. Ensuite il aurait sans nul doute tiré son épée du fourreau pour affronter les soldats témoins de la scène. Il en aurait tué un, deux pourquoi pas dix avant de passer, à son tour, de vie à trépas.

Mais il était loin le temps ou Stragen agissait, désormais il était Eusaias, Seigneur de Saint Robert. Enyz d’abord, puis Zhaïa, ses deux défuntes compagnes, avaient eu toutes deux raisons de ses travers, de ses pulsions meurtrières. Mais le sociopathe revenait peu à peu depuis la mort de la blanche Zhaïa. Souvent il se réveillait la nuit, couvert de sueur, afin de quitter d’affreux cauchemars dans lesquels il tuait encore et encore. Il se levait alors, allant entre-ouvrir la porte de la chambre de son fils. Il balayait de ses yeux le lit où dormait Cassian et souriait, ravi et rassurer de voir qu’il n’avait pas commis l’irréparable. Tuer un homme dans un moment de colère était une chose, mais saigner son fils dans un cauchemar en était une autre.

Le souffle lourd et les dents serrées, il cessa de penser au pire et rattrapa la donzelle. D’un geste vif, le Balbuzard prit la main de la féline. Sans ménagement il l’entraîna, à pied sans faire attention à la robe qui se salissait, vers la ville.

« Oh que non tu ne vas pas passer et oh que oui tu me dois des excuses »

Il tourna la tête vers ses trois molosses :

« Bouffez les coui**** de premier qui approche »

Avaient-ils compris ? Sans doute pas, mais les soldats tenteraient-ils ? Nullement sans aucun doute, parole de bonhomme.
Aleanore
-« Le premier qui bouge, je lui fais regretter de ne pas être mort chez les Suisses.. »

Sans appel, la voix aux accents chauds s’élève, tandis que contrainte et forcée, elle suit l’homme, pour ne pas se faire trainer comme une vulgaire gamine. Les noisettes vrillent la nuque qu’il lui offre d’où elle est, nuque où elle aimait se nicher, nuque qu’elle aimerait à l’heure actuelle, mordre à pleines dents, mordre à l’entendre crier grâce. Le regard glisse sur la main à la poigne de fer qui lui enserre et lui brûle la peau du poignet, ton aussi froid, que le timbre de la voix est chaud.


-« Je te ferai couper les mains. »


Sauvage, l’éclat cruel dans les noisettes de la vierge, il vient de la ridiculiser devant les armées des croisés, devant des hommes de toutes extractions, devant des hommes qui iront raconter de part le Royaume de France qu’ils ont vu une jeune fille de bonne famille se faire ramener d’office à la maison comme un enfant punissable. Que diable, elle n’est plus cette enfant ! Il n’en a pas le droit !


-« Tu n’as pas le droit ! Tu n’as pas ce droit ! Tu n’as aucun droit sur moi ! Lâche- moi Eusaias ! Je ne te dois aucune excuse, pas la moindre ! Tu devrais même me remercier de m’être intéressée à toi ne serait-ce qu’un jour, une minute, une seconde ! Tu m’entends Saint Robert ! »


Et elle s’escrime de la main libre à libérer l’autre, en tapant, maudissant d’avoir mis des gants, gants qui l’empêchent de lui labourer le cuir de ses ongles. Les noisettes s’agitent en tout sens et finalement, tombent sur l’endroit où il la traine, Maçon-la-Rusée et ses tavernes, ses bouges, bouge vers lequel, inexorablement, ils avancent. Porte de l’enfer qui étouffe le cri des saoulards et des rombières, porte de l’enfer puisque c’est là, qu’il la tire. La main qu’il tient, s’agite pour le faire s’arrêter, en vain puisqu’elle se retrouve contre lui, plus qu’elle ne l’aurait voulu, plus qu’elle ne l’aurait du. Et toujours la même litanie qui se fait plus pressante, pas la peur, non, étrangement, elle n’a pas peur. Elle hait trop pour cela. Noisettes qui se perdent avec fureur dans les onyx, tandis que la voix se fait murmure haineux, sifflement furieux, elle feule la chatte.


-« Tu maudiras le jour où tu m’as rencontrée Saint-Robert ! Je te ferai hurler, gémir, pleurer comme jamais une femme ne l’a fait et tu crieras mon nom quand je t’aurais arrachée chaque parcelle de ta peau, petit à petit. Tu crèveras, et tu me supplieras pour que cela arrive vite. Maintenant, lâche-moi Eusaias, cesse tes folies sur le champ. Tant qu’il est encore temps.»


Ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage, et elle a la rage de vivre si sa vie peut lui permettre de le tuer car si plutôt elle s’en voulait parce qu’elle pensait être fautive, à l’instant présent, la mauvaise foi féminine aidant, la jeune vierge est persuadée que tout est de sa faute et qu’il doit payer de sa vie, l’affront qu’il vient de lui faire.

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Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.
Eusaias, incarné par Aleanore


Sa main droite enserrait toujours la poignée de « Victoria », alors que la gauche le poignet de la peste. La porte d’un des bouges le plus miteux de Macon se dressait devant lui. D’un geste au combien naturel il la fit ouvrir, en tout délicatesse Eusaiesque, d’un coup de pied fortement appuyé. Le craquement du bois n’avait pas son pareil et le regard des clients excellait dans l’art de la convoitise. On pouvait lire sur leur visage l’envie de sortir le balbuzard et de garder la vierge afin de « copiner » avec elle. Visage buriné par la colère, le Balbuzard les fixa silencieux, mais déterminé. Ses mèches noires commençaient à se détacher de la queue de cheval et glissaient une à une sur son visage. Le silence qui avait suivi le « crac » de la porte fut coupé par la reprise des commérages et des rires imbéciles.

Il poussa Aléanore à l’intérieur de la pièce et profita pour cingler son adorable fessier avec le plat de la lame. Oh qu’il aimait ça le bougre, la voir fulminer était pour lui tout simplement délicieux. Son regard d’oiseau de proie parcourut la belle enfant. Il avança sur elle pour la faire reculer dans le centre de la pièce. La pièce mal-éclairée aurait fait fuir bien des voyageurs. Une odeur d’urine et d’excrément émanait des diverses personnes. L’endroit était tout simplement parfait donner une leçon à la capricieuse. Elle jouait de menaces, il allait lui faire regretter. De son corps en guise de barrière entre elle et la porte, il lui bloquait toute chance de partir.

« Alors, ainsi je suis un gueux ? Un vas-nu-pied ? ALLEZ Y ALEANORE, DITES NOUS CE QUE VOUS PENSEZ DE LA PAYSANNERIE ! »

Il avait parlé assez fort pour que tous entendent et puissent tendre l’oreille vers la petite noble. Il la scruta un moment, rictus imbécile fiché sur son visage. Un pouilleux au visage rongé par la crasse se retourna intéressé par la conversation.

« Allons belle enfant, vous faites des menaces, vous insultez… il faut maintenant avoir le courage de vos opinions. Pour ce qui est de me faire regretter, de m’ôter les mains, tentez déjà de survivre aux tourments de ceux que vous venez de fâcher » geste du menton en direction des saoulards « Ils ont sans doute l’intention de vous faire subir plein de trucs très raffinés. Je suis prêt à parier qu’ils n’ont jamais retroussé les jupons d’une noble jouvencelle ».

Sans prévenir, il tira son poignard de sa ceinture, le plaça dans les mains de l’Alterac junior.


«Vous risquez d’en avoir besoin pour vous expliquer ou vous défendre. Vu que je vous suis inutile vous allez le faire seule. Puis avec un peu de chance, peut-être trouverez-vous un nouvel amour parmi eux. »

Il la poussa contre la table entre le « rongé » et sans doute celui qui devait être l’idiot du village.

«La Bonne journée ! »

Il tourna les talons et la planta là avant de claquer la porte sur sa sortie.
Aleanore
Sursaut quand elle sent l’agression sur sa peau de l’acier de la lame, les noisettes fusillent, foudroient, s’allument d’un feu, prêtes à expliquer ce que les mains peuvent faire. Ainsi c’est donc cela l’aboutissement de leur trajet ? Une auberge mal famée, cette scène ridicule, méprisable. L’angoisse et la rage font place à un mépris croissant, elle tourne sur elle-même un instant désorientée par le faible éclairage et pour essayer de voir les visages, peine perdue, des visages tous aussi communs, aussi crasseux. La misère est commune, et c’est d’un commun que d’être miséreux, bien heureuse d’être celle qu’elle est. Les bras croisés sur la poitrine, elle le juge, le jauge, amertume mêlée d’un profond désarroi. A-t-il toujours été si immonde ou le découvre-elle seulement maintenant ? Ne rien dire, ne pas se faire remarquer un peu plus, pas pratique pour se camoufler le velours corail, il faudra qu’elle note ce détail dans son carnet de mode. Et finalement, trop dur de se retenir, la lippe dédaigneuse s’agite, ondule et roule sous la houle de la vague méprisante.

-« La paysannerie ? J’en dis qu’elle a eu du mérite à vous avoir à ses côtés sans envie de vous tuer et qu’elle doit bien se moquer de la noblesse qui doit dès à présent vous supporter. »


Un frisson quand son nouveau « voisin » s’approche imperceptiblement d’elle, le nez se fronce, c’est lui qui sent comme cela ? Grand dieu, si elle sort de là assez vite, après avoir tué le Balbuzard, elle fera porter quelques lotions à ces pauvres gens. Pauvres gens qui s’approchent d’elle, pas de côté, non ce n’est pas une branle, c’est son estomac qui lui se met en branle, enfin bon, les états d’âmes de son appareil digestif, on s’en b..moque. Les mains qui se crispent lentement emprisonnées dans les gants, gants qu’elle arrache à moitié avant de recevoir dans ses mains nues, la dague. Les pupilles s’écarquillent un instant, incrédule, essayant de capter l’irréalisme de la scène, elle rêve là en fait, il va lui faire un grand sourire, s’excuser, dans sa grande mansuétude, elle pardonnera, parce qu’elle le vaut bien. Une dernière pique et le voilà parti. Tu parles Charles, s’il est comme lui, le prochain amour, elle va s’abstenir. Les doigts finement manucurés glissent sur la garde, pas sur la lame, une dague, ça coupe.(*)


-« Mais qu’est ce qu’il veut que j’en fasse .. »


Méditation irréelle dans un bouge bourguignon, entourée de soiffards qui ne voit qu’elle, coquillage raffiné et étincelant. Dans son dos, l’idiot du village tend une main tremblante vers elle, doucement, sur la surface de la table pour effleurer les pointes d’une des mèches de la soie sombre qu’est la chevelure. Soupir exaspéré de la jeune fille avant de se retourner et de planter, rageusement la dague dans la table derrière elle, enfin dans ce qu’elle pense être la table, puisque les ahanements et cris poussés par le simplet lui apprennent que la lame est dans sa main et non dans le bois.


-« Oups .. Pardon ! »


Pas en arrière, deuxième pas en arrière, pas sur la droite, la taverne s’ébranle tandis qu’elle tente de voir par où elle peut sortir rapidement. Etincelante poupée qui d’ordinaire, aime être le centre de l’attention, se retrouve maintenant au centre de l’attention d’une meute de chiens enragés, ayant trouvé un prétexte encore plus crédible qu’un simple propos insultant. Un propos insultant venant d’une vierge qui a empalé la main d’un des leurs.


-« On ne va pas en faire toute une histoire ? »


Si ? Ah bah si.. Vu les mines patibulaires et les sourires libidineux, il semblerait que si et quelle histoire ! Et la danse reprend, volte, virevolte, elle passe d’un visage à l’autre, tandis que les pieds exécutent des pas de danse pour échapper aux mains tendus. La sienne vient chercher la dague de corsage enfoui sous les tissus, griffe unique pointée en avant comme elle a vu la Pivoine faire contre Jules à Limoges, main gauche, tandis que du bout des dents, elle arrache le gant de la main droite, griffes affutées, plus naturelles même si à y regarder de plus près, la taille des ongles est plus fuselée que la normale. Pas envie de capituler. Pas le choix. Pas envie. Pas le choix bon sang ! Sifflement exaspéré avant d’écarter les mèches brunes sur le front d’un mouvement de la tête.


-« Je sens que ça va encore me gâcher la journée. »


Et la voix habituée aux exercices difficiles et pénibles du chant d’église, voix habituée à glisser d’octave en octave, instrument de plaisir pure qu’est l’art. L’instrument délicat se retrouve transformé en simple sirène d’alarme.


-« SAINT ROBEEEEEEEEEEEEERT ! »


Pas un appel au secours, un rappel, elle le sait non loin. Elle le sait entrain de se moquer des armes qu’elle doit rendre en l’appelant à la rescousse.


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(*) Obligé, je le mettais.
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Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.
Eusaias, incarné par Aleanore


Si les Alteracs peuvent se targuer d’avoir de la voix, les Saint-Roberts eux avaient du flair. Et la pucelle tempêta son nom.

Le Balbuzard, dos plaqué au mur extérieur afin que ses oreilles puissent se délecter des appels de la brunette, réprima un rire. Il attendrait encore quelques cris de détresse. Pour l’heure il était bien trop occupé à admirer la perfection de ses pieds bottés.

Le « Saint Robert » fut doublé, puis triplé par la jouvencelle. Il était donc venu le temps de retourner en piste.

Porte qui s’ouvrit sur l’homme au faciès d’oiseau de proie. Un sourire des plus amusés s’afficha sur le visage du champion, lorsqu’il découvrit sans surprise, une emmerdeuse prête à bondir, toutes armes sorties, sur le premier qui approcherait. C’est qu’elle en avait du caractère la petite. L’idiot du village tentait, de sa main valide, de retirer la dague qui l’épinglait à la table. C’était donc à cette table qu’Eusaias se dirigea en premier. Il posa sa main sur l’arme et au lieu de la retirer, l’enfonça un peu plus dans la table et la main.


« Tututu… Bien fait crétin ! On ne touche pas les jeunes filles ! »


Puis il fit face à la scène.


« Vous disiez Saint Robert ou Seins et Roberts ? Puissiez-vous m’expliquer belle enfant ? Car en premier lieu, je prendrai ceci pour des excuses et je comprendrai aisément, que vous avez compris que je vous suis indispensable. Si c’est pour le second cas, je serai fort surpris de vous voir parler de choses que visiblement la nature a oublié de vous fournir. »


Une fraction de seconde plus tard, sans attendre de réponse il tira, après s’être excusé pour la non-délicatesse qu’il utilisait, le couteau « épingle » de la main du benêt. Mieux ne valait pas trop attendre, après tout, elle était sa pucelle.


« Messieurs, laissez donc mademoiselle tranquille, sinon je serai dans l’obligation d’occire ! »


Il tira à nouveau Victoria de son fourreau afin d’appuyer ses propos et s’invita entre l’Alterac junior et les vilains.
Aleanore
Il arrive dans la vie que l’on soit confronté à plusieurs choix, plusieurs possibilités. Le libre-arbitre nous offre la possibilité de choisir, aller à l’encontre de la vie, des cadeaux du hasard, ne pas se contenter d’attendre les aléas du destin, les vicissitudes de la chance. Et là, alors qu’il arrive enfin pour l’aider, plusieurs choix s’offrent à elle, plusieurs choix qu’elle tente d’analyser pour ne pas faire le pas qui les fera tomber dans le gouffre de la bêtise humaine ou dans les griffes des humains bêtes en face d’eux.

Les doigts fins viennent pincer l’arête du nez pour se concentrer et pour calmer la crise de nerfs qui menace d’exploser. Premier choix, reconnaître qu’il l’énerve, qu’à l’heure qu’il est, elle serait plus d’avis d’être du côté des saoulards pour lui sauter dessus et le saigner comme un goret. Quoi ses seins ? Mais il va lui foutre la paix avec sa poitrine, de toute façon, c’est la mode, alors c’est tout, y a même rien à dire, les petits seins, c’est tendance. Sure de la chose, la jeunette le défie du regard et bombe le torse, attisant les regards salaces des affamés. Mauvais choix. Suivant. Envie de lui crier qu’il est fou, qu’ils vont mourir, qu’elle va finir en amuse-bouche pour porchers, que ce sera sa faute, qu’ils vont souffrir et en plus, que ceux d’en face ont les mains sales et vont tâcher ses jupes. Cri de dégoût qui provoque une avancée de ses voisins les plus proches. Pas bon non plus ça. Une idée, une idée, comment ça se trouve ça ? Et une réponse à sa provocation, histoire de ne pas faire avancer du tout l’histoire.


-« Clarisse et ma chienne me sont indispensables aussi. Voyez vous n’êtes plus seul. »


Ton condescendant, sourire en coin, puisque de toute façon, c’est comme cela qu’ils sont les plus assortis, orgueil contre vanité. Mouvement de foule qui s’amasse, il faut se faire une raison, ils sont deux et surtout, elle ne sait pas se battre, jolie décoration dans la main, la dague offerte par sa mère. Enfin si, en théorie, elle sait faire, mais pas avec une dague. Souvenirs des cours donnés par sa mère, des gestes appris à la va-vite dans une taverne par un géant roux, épée trop lourde en main, elle a une dague, mais pourquoi personne ne lui a jamais appris à s’en servir.


-« Mais flûte à la fin ! »


Approche discrète d’une ribaude sur son côté, les noisettes se tournent, la main sale effleure le tissu de la cotte. Silence étouffant pour la jeune fille habituée à tout contrôler dans son monde, où obéissent les domestiques et sa chienne. Illumination, elle repense aux conseils du palefrenier au sujet du petit animal. Intimider pour se faire respecter et apprivoiser. Une bague qui glisse de l’index de la main droite sans lâcher la prise sur la gauche, compliqué mais faisable même pour elle. Noisettes qui glissent dans les prunelles d’un bleu délavé gris aussi fade et triste que leur propriétaire qui tend la main sans un mot. Ravalant le frisson de dégoût, la poupée cède le bijou précieux, en silence, main tendue à plat comme avec les animaux, avilissante l’idée ? L’homme est un animal, Aléanore en est éperdument convaincue. La gueuse tend de nouveau le doigt cette fois-ci vers la gorge où reposent les chaines. Négation farouche de l’Etincelle, une autre bague glisse, passant d’une propriétaire à l’autre. De nouveau, le doigt sale pointe les médaillons, noisettes étincelantes, sans appel le refus dans le regard. Ses pendentifs, elle les garde. Quoi d’autre.. La main de la gueuse se lève pour essayer d’attraper les chaines, au même moment la dague s’envole.

Crochetée la lanière de cuir qui retient la bourse pleine de pièces du Balbuzard, le petit sac dodu glisse sans effort dans la main fine, sans un regard pour le propriétaire, la jeune fille montre l’aumônière à l’ensemble de la taverne.


-« Le tavernier ? »


Et des profondeurs obscures du bouge, s’extrait un homme trop gras pour se permettre une démarche normale, claudiquant sous la graisse de sa bedaine recouverte d’un tablier au moins aussi gras que sa face brillante à la lueur des chandelles. Réprimant un hoquet de dégoût et ce qui s’ensuit inexorablement dans ces moments-là, elle s’approche de l’homme, dague toujours en main puisqu’eux ne savent pas qu’elle ne sait pas s’en servir, la bourse change elle aussi de propriétaire, un regard à Eusaias, avant de pousser un profond soupir et de lâcher finalement.


-« Une chambre et la paix. »


La main fine aux ongles pointus harponne la manche du Balbuzard qu’elle tire sans ménagement, et finalement, le couple quitte enfin la grande salle pour gagner l’escalier menant aux chambres. Enfin, la paix, soudain une main sur son bras l’arrête alors même qu’elle commence à gravir les échelons. La gueuse. Regard rapidement jeté sur la manche qui est perdue au vu de la trace sale laissé. Le doigt se pointe encore une fois sur la gorge, les noisettes implorent, supplient, pas les médaillons, pas ses souvenirs. Et au final, l’ongle crasseux glisse le long des chaines pour désigner le chapelet. Chapelet porté par habitude depuis son entrée au couvent, le soupir s’échappe enfin du corps oppressé tandis qu’elle fait passer le chapelet par-dessus sa tête et le fait glisser dans la main de la femme. L’ascension peut reprendre. C’est une chambre, il parait. Un lit grossier, si on peut appeler lit la couche crasseuse qui s’offre à la vue, une table de fortune où repose à présent que le tavernier l’y a posé un plateau avec une cruche de vin et deux godets et un tabouret. Le tavernier, sourire goguenard aux lèvres s’apprête à refermer la porte quand soudain, la révélation.


-« La paix ! Et ton silence ! »


Sinon, je te tue… Elle ne le dit pas, les noisettes le clament pour elle. La porte se referme, la laissant pantelante, doucement la dague glisse des doigts tandis qu’elle se laisse tomber sur le tabouret, le lit étant trop risqué à son goût, amie des animaux, oui. Pas de la vermine. Et tombe enfin la sentence, murmurée à mi voix.


-« Tu es fou. »

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Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.
Eusaias, incarné par Aleanore


Et la bourse qui se faisait la malle. D’une main à une autre, geste simple qui déleste le Balbuzard. Regard incrédule sur la gamine, c’était bien la première fois qu’un « allié » déposait les armes en présence du Mauvais. Foutredieu allait-elle finir ! Mais non ! Ils allaient se marrer un peu… Une grimace prit tout le visage. Alterac mère lui interdisait certaines bagarres, Alterac père refusait qu’il fasse de l’esbroufe pour un duel contre un rival et voilà la fille qui vient couper court en achetant la tranquillité des pouilleux. Mais non ! Il devait être maudit, une bagarre ne se refusait pas ! Il resta là, bras ballant, même plus en garde à regarder la grognasse donner leurs biens.

Elle le tira, le poussa jusqu’à la chambre. Dégout profond dans le ventre du sémurois. Non pas pour la chambre, mais pour n’avoir rien fait ! Même pas coupé une oreille qui dépassait.

Profond soupir qui s’échappa alors qu’elle lui dit qu’il est fou.


« Aléanore, on allait leur mettre une raclée. »


La tête se secouait de droite à gauche, un non à cet échec. Sursaut d’orgueil, les doigts reprirent leurs forces pour se resserrer on ne peut mieux sur Victoria. Il amorça un pas vers la porte. Il allait les récupérer les bijoux ! Regard noir sur la pucelle qui se laissa tomber sur un tabouret. Il rebroussa chemin pour la rejoindre


« Tu sais, ne t’inquiète pas pour tes bijoux, on va venir les récupérer avec Rochefort et l’infâme. On rasera ce bouge, le tavernier, la rombière et tout ce qui va avec. »


Regard insistant, visiblement la petite ne souhaitait pas entendre cela. Satanée femelle ! Il sortit l’arme des situations tendues : son outre en peau de bouc. L’objet n’était pas des plus agréables à voir, mais le « bourgogne » à l’intérieur n’était, quant à lui, pas de la vinasse ! Une rasade de Maussac-Thézan plus tard l’outre fut tendue à la brune.


« Bois ! Tu verras ça fait du bien par où ça passe ! »


De rasades en rasades, les deux colériques se rapprochèrent peu à peu. Il avait été odieux il le savait. Il tenta de la rassurer, la réconforter d’une main caressante. Un pardon sans mot, sans une syllabe. Ses yeux dans les siens, il la retrouva enfin. Enivré désormais jusqu’à la pointe des cheveux, il osa son bec contre la truffe.

Le nasal appendice, huma l’odeur de l’Alterac. Les yeux se fermèrent et avançant ses lèvres afin de rencontrer les siennes il osa un :


« Ne vas pas rejoindre la misérable Anjou. Reste avec moi, ne suis pas la catin dégénérée des Penthièvres .»
Aleanore
Les bijoux ? Oubliés. Le tavernier ? Oublié. Et son orgueil ? Foulé aux pieds pour peu qu’il continue à la regarder comme cela. Une éternité, voilà ce qu’elle veut. Une éternité à profiter de son regard trop noir pour être honnête, trop profond pour ne pas qu’elle s’y perde. L’alcool, elle ne se fait pas prier pour le boire, tout plutôt que continuer à le fixer de la sorte, ne pas rendre les armes puisqu’il sait la chose trop facile quand il est si près. Penser rage. Penser haine. Pensées sereines quand les noisettes glissent avidement sur le profil dur de l’homme. L’outre est vidée consciencieusement, Bourgogne, le meilleur. Rapprochement des deux corps, pôles opposés, alchimie qui ne dépend déjà plus d’eux. Caresse légère, arrachée hors de ce lieu de débauche et de misère, les lèvres s’entrouvrent et se referment. Parler pour dire quoi ? Pardon ? Jamais. Je t’aime ? Le regard parle de lui-même. Et sous la main puissante, la peau se fait velours, les noisettes réinventent à l’occasion une myriade de constellations étoilées où l’on pourrait lire un avenir heureux, un avenir à deux. Ivre de Bourgogne et d’un bourguignon, l’Etincelle se love, fragile poupée s’il en est, contre le torse rassurant de celui qu’elle a choisi. Ennemis naturels, amour passionnel qui rattrape un rapace et un félin, trop animaux pour être humains. Voile de cils qui dissimulent les noisettes, trop occupée à ronronner, dos rond sous les caresses et mine chafouine, elle n’a pas vu venir la douche froide.

Et paf, le chien ! La main qui caressait le cou négligemment, vient apposer cinq marques rouges sur la joue, fini de faire patte de velours, on sort les griffes, tandis qu’elle se lève, et lutte contre une faiblesse passagère due à un taux d’alcool plus important que prévu.


-« Ne parle pas d’elle comme cela ! Elle vaut bien la roulure que tu héberges et que tu fais passer pour une diseuse d’aventures. A d’autres Saint-Robert, je suis jeune pas stupide, pas autant que tu voudrais le croire. J’irai en Anjou avec ou sans ton accord, tu m’entends ! »


Pourquoi a-t-elle cru que ce serait différent cette fois ? Les maux sont toujours les mêmes et le mâle ne changera jamais. Ne plus se laisser attendrir, elle doit trouver la force. Penser rage. Penser haine. Facile au final. Versatile ? Pleinement. Jeunesse farouche qui se tend, prête à rendre coup pour coup, de la haine à l’amour, il n’y a qu’un pas, pour lui prouver quoi, qu’au jeu de la vie, sa beauté et sa fougue pour partenaires, la poupée gagnera. C’est sans compter sur les élancements qui sournoisement enserrent son crâne. Pas maintenant. L’alcool, s’il désinhibe, n’arrive jamais seul, et la migraine de s’insinuer, serpent paresseux qui s’étire, bouche béante, crocs qui lentement se plantent. La grimace est dure à retenir.


-« Pourquoi faut-il que tu gâches tout .. Toujours. J’aurai pu t’aimer. »


Les noisettes foudroient, tandis qu’une main se porte à la tempe. Pas maintenant. Halètement qui s’échappe des lèvres qui s’apprêtent à cracher leur venin. Hoquet de douleur alors qu’elle se laisse tomber sur le lit, pour prendre sa tête entre ses mains. Larmes qui glissent lentement sur l’arrondi des joues. Déception, douleur, qu’est ce qu’on sait de l’amour quand on a que seize ans, qu’est ce qu’on sait de la vie quand la votre commence, et qu’on meurt d’impatience en attendant celui qui vous aimera, celui qui vous dira les mots.. Pas ceux-là ! Ce n’étaient pas ceux-là qu’elle attendait. Et alors que la migraine la taraude comme chaque jour maintenant, le hurlement s’échappe. Désespoir adolescent.


-« JE TE HAIS ! »

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Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.
Eusaias
Navré si le texte peut sembler dur


Il n’avait pas bronché lors de « la rafale de cinq » sur sa joue. Il y avait juste cette petite voix qui lui susurrait de ne pas se laisser faire. Cette voix venue de son passé, celle qui le hantait souvent et le poussait aux crimes. Sa voix, ses mots, du moins ceux qu’il utilisait avant son repenti. Il s’était tant battu pour devenir Eusaias, le repenti, celui qui se battait pour la justice. Voilà qu’une presque jeune femme remettait tout en question.

« Tue là ! Montre-lui qui tu es à cette trainée ! »

Voilà ce qu’il entendait. Il serra le poing à en faire blanchir ses phalanges. Bien que calme en apparence, ses yeux trahissaient la fureur qui montait en lui. Eusaias perdait peu à peu le contrôle laissant la place à Stragen, son double Mauvais.

Comment pouvait-elle oser ! Cette drôlesse l’abandonnait, abandonnait sa Bourgogne pour l’Anjou ! Je te hais, osa-t- elle ! La garce passait d’amour à haine sans raison évidente aux yeux du sémurois.

« Sal*** ! Comment oses-tu porter la main sur moi ! »

Stragen parlait, mais hélas Stragen agissait aussi. Le poing crispé s’enfonça dans le sternum d’Aléanore. Puis il ouvrit la main pour la gifler d’un revers des plus sonore. Eusaias n’était plus là, le repenti avait fui laissant la place au Mauvais. Les mots sifflèrent entre ses dents resserrées.

« Désormais tu n’es plus rien à mes yeux ! Une Angevine sans valeur promise au pire foutoir ! Graine de lupanar tu vas maudire le jour de notre rencontre ! Tu vas apprendre à me craindre ! »

Il la saisit par le col et se mit à la secouer comme on secoue un arbre dont on veut les fruits. La prenant par les cheveux, il la jeta à plat ventre sur le lit.

« Tu rejoins peut être l’Anjou, mais je vais te prendre une chose en te laissant un souvenir impérissable ! Tremble catin ce soir tu es mienne ! »

Son visage était déformé par un mélange de colère et de jubilation lorsqu’il s’empressa de défaire sa ceinture. Elle tenta de se rebiffer lorsqu’il remonta la robe, mais les mains puissantes du Mauvais la maintenaient fortement la tête dans les oreillers. La captive ne bougeait plus lorsqu’il eut fini de la mettre nue.

Rapace contre félin, doigts mêlés et corps entremêlés il pilla sa chair. Ainsi se passa la prima nocte de la jeune Alterac. Seuls témoins de la scène ô combien scandaleuse les quatre murs sans vie d’une chambre miteuse.


Au petit matin…

Le soleil commençait à poindre par les carreaux lorsqu’Eusaias fut tiré de son profond sommeil. Une douleur dans la tête était le seul vestige de sa soirée. Les aboiements rauques de ses compagnons canins se faisaient entendre, sans doute tous trois lassés d’attendre. Un sourire s’afficha, lorsqu’il se rendit compte de l’état des vêtements. Aléanore s’était enfin donnée à lui, le crut-il. Il porta un regard tendre à la belle, posa un baiser sur sa nuque. Sa main caressait son dos dénudé lorsqu’il lui souffla :

« Dors ma belle, je vais nous chercher de quoi manger.»
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Aleanore
[Dieu que les hommes sont durs.]

Que reste-t-il de la jeunesse, que reste-t-il des rêves d’autrefois, que reste-t-il de mes seize ans dis moi. Vois la lune, j’aime un homme ce soir. Vois la lune, j’aime un monstre ce soir. Vois la lune, comme on devient femme. Comme on devient larme. Car quand le visage de l’Orgueilleuse poupée entre en contact avec les oreillers après les coups, ce n’est plus que larmes d’incompréhension d’une enfant brisée, fatiguée et trop alcoolisée. Névrose maladive, souffrance intensive. Doigts mêlés et corps entremêlés, cris étouffés. Retomber.

Ce n’est pas le baiser déposé chastement à la naissance des épaules qui la réveille. Ce n’est pas la douleur encore trop récente pour être vraiment violente. Ce n’est pas les aboiements des hommes et le cri des chiens ou inversement. Ce qui la réveille c’est l’odeur particulière qui règne dans la chambre. Pas celle du départ, pas celle de l’origine, pas celle de la veille, une odeur qu’elle connaît. Métallique, cuivrée. Une odeur qui rappelle un goût dans la bouche, elle l’a sur le bout de la langue. Juste .. Là. Souvenir qui la prend à la gorge, le goût du sang, tandis que les petites dents immaculées comme des perles se font rasoir pour se planter dans le muscle de l’épaule. Le goût du sang. L’envie du sang. La couleur du sang. La soif de sang. L’odeur du sang. La vue du sang car en ouvrant les yeux, prise à la gorge par l’horreur, c’est un oreiller taché de sang qui lui fait face.

Elle se redresse sur le lit, assise, bien trop rapidement, douleur sourde dans la tête. L’alcool. On serre les dents, on prend sur soi, et on se redresse lentement, corps possédé par l’envie de comprendre. La tête oscille à droite, à gauche. Reviens mon corps, reviens mon cœur, reviens mon âme. Trois mots qu’elle essaye d’imprimer à sa volonté pour se tenir éveillée. Je suis là. Doucement, le buste se redresse et les noisettes troubles se posent sur la scène d’horreur qui s’offre à elle. Draps crasseux couverts de sangs à divers endroits qui s’enroulent autour des jambes fuselées et nues. Nue. Les noisettes balayent la pièce, éperdues pour tomber sur un tas informe et sale à la triste couleur corail. Les lèvres s’entrouvrent doucement, la migraine afflue lentement, mains portées à la bouche pour taire un gémissement avant d’être retirées vivement, gémissement qui s’échappe malgré elle. Tachées de sang, les mains blanches, sous les ongles longs, du sang séché. Et dans sa tête, les flux et reflux de la migraine, sournoise amie du quotidien, cèdent la place aux souvenirs.

Sa tête lui fait mal. Elle revoit les mains trop fortes emmêlées dans la soie sombre, qui tirent en arrière, encore, encore. Souffle haletant, elle aspire à plus de vie, encore un peu, mon Dieu. Les mains fines se portent à la bouche pour calmer le tremblement nerveux des lèvres tuméfiées d’avoir été forcé. L’a-t-il vraiment forcé ? Elle revoit les lèvres charnues, avait-il osé ou s’était-elle donné ? Ongles qui se referment sur la paume des mains, sauvages, mais pas inutile. Souvenirs qui tremblent, s’insinuent, continuent, le dos labouré, déchiré par les griffes de qui se débat, pas comme cela. Pas ici, pas là. Et la douleur, sournoise ennemie qui au moment où les nerfs se tordent à la limite de rompre, la ramène à la vie, à sa vie. C’était son corps, il n’avait pas le droit, pas comme cela, pas là, pas si bas. Trop bas. Les mains glissent sur le ventre et se tordent, inutile et fragile rempart contre l’horreur déjà passée. Les noisettes tremblent, ne sachant plus où se poser, s’il faut craindre de voir la porte s’ouvrir, ou s’il faut regarder le sang entre ses cuisses, la honte, en mourir.

Crier et le faire revenir ? Plutôt mourir. Prendre sur soi. Poupée aux gestes mécaniques qui se hisse hors du lit et se dirige à pas comptés vers les vêtements sans faire attention au plancher souillé. Enfiler la cotte sans réfléchir, en réprimant la douleur du corps courbaturé, calmer les élancements de la migraine, les pensées malsaines, ne pas penser. Sortir vite et après, le faire sortir de sa vie. La mante passée sur les épaules, elle se décide enfin. Dernier regard sur le lit, haut le cœur qu’elle réprime, avant de quitter la chambre. Apparition éthérée en haut des escaliers qui fait taire les clients un instant. Court, trop court, de nouveau, les cris, les rires, les regards, ont-ils raison ? Elle n’est plus que cela à leurs yeux, poupée trop vaniteuse dont il a usé comme on se sert d’une gueuse. Doucement, les pieds nus enchainent les marches, arrachant des spasmes de douleurs à la nouvellement promue femme. Arrivée au bas des marches, les noisettes se posent sur la porte, quitter cet endroit maudit. C’est sans compter sur le simplet de la veille qui vient la voir, sourire niais aux lèvres, pour lui montrer le bandage à la main. Lèvres qui tremblent, essayent, veulent esquisser le sourire d’excuse. La main indemne tend alors un objet, ahanement d’encouragement, les noisettes se penchent et se posent sur une dague, celle qu’Il lui a tendue la veille. Regard qui part de l’arme, au sourire doux du simplet, revient à la première, glisse sur le deuxième et finalement, la main gauche aux marbrures écarlates se saisit de l’arme, tandis que le corps frêle glisse vers le simplet, près, trop près, collé contre le mur, et collé contre elle. Folle. La lame qui s’enfonce dans l’aine, tandis que les noisettes écarquillées déversent leur flot de larmes. Bouche entrouverte qui halète au même rythme que celle du pauvre hère qui n’a rien demandée. Murmure douloureux tandis que la lame sort pour mieux replonger.


-« Heureux les simples d’esprits, le royaume des cieux leur est acquis. »


Flot de sang qui s’écoule lentement, tachant le tissu déjà souillé de la cotte corail, la lame s’échappe des doigts, et la jeune fille s’échappe de l’étreinte mortelle. Deux pas en arrière, un pas sur le côté, danse avec la Mort, danse macabre d’une âme en perdition, sans un mot, elle titube jusqu’à la porte, sans apercevoir les hommes et les femmes qui s’écartent sur son passage. Enfin, la sortie, la porte s’ouvre sur la ruelle. Halètement qui se retrouve coupé par la fraicheur de l’air, air glacé qui fait sécher, cristallisé les larmes qui dévalent les vallons de sa beauté. Le goût du sang toujours présent dans la bouche lui tord l’estomac, les mains agrippent la mante, ultime rempart, fragile rempart contre quoi ? La folie ? Lui ? La vie ? Vouloir se réveiller de ne pas vivre, c'est ce qui donne le goût du sang, du sang des autres où peut être se cacherait le secret qui a été voilé. Le goût de son sang qu’elle a encore en bouche. Les noisettes folles se lèvent vers le ciel, ultime requête, ultime complainte de la vierge Alterac. Vois la lune, j’aime un homme, Dieu me pardonne.. Vois la lune, comme la nymphe si pure, a cédé à la luxure. Vois la lune, comme on devient femme. Vois la lune, comme on perd son âme. De nouveau, la tête oscille, avant de se poser sur la rue devant elle. Courir, et fuir ce lieu, où une vierge a été sacrifié sur l’autel de la folie humaine. Ombre esseulée dans les ruelles de Mâcon-la-Rusée qui titube et manque de s’effondrer.



Merci ‘Saias pour ce grand moment. Merci.

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Sous les jupons de l'Etincelle, une merveille.
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