Une visite Héraldique

Gorborenne traverse les couloirs du château d'un pas rapide. La large carrure du Géant suffit amplement à ouvrir le passage aux visiteurs qui le talonnent parmi les allées et venues des laquais et serviteurs du château.....

Arrivée devant les portes du Grand Salon, le Chauve en écarte les battants puis s'avance de quelques pas dans la pièce, avant de refermer sa cape sur lui d'un bras, ... , de se retourner vers "Bourgogne", puisque c'est ainsi que s'était annoncé le Héraut, et de lui indiquer les sièges couverts de fourrure jouxtant l'âtre de la grande cheminée où un feu ronronnait en permanence et cette froide période de l'année....

- Prenez place je vous prie, le Baron ne saurait tarder.....

Deux pas pour retourner dans le couloir, il hèle un valet passant par là avec quelques consignes bien claires, mais exprimée d'un ton doux teintée néanmoins d'une certaine autorité......

- Toi, là... lâche ce que tu fais cinq minutes et viens ici s'il te plait..... débarrasse Messeigneurs et sers leur à boire sans trainer....

Le servant s'exécute, d'un pas souple vers une desserte où en trois gestes, il assemble plateau, carafon de vin de Baumont d'un cru choisi et quelques timbales finement manufacturées. Toujours de velours, il vient déposer le tout sur une petite table entre deux larges sièges, sers deux verres, dépose la carafe et vient dans une courbette tendre ses bras au visiteurs, dans l'attente d'un quelconque habit ou bagage qui serait lui être confié.....

Gorborenne en ce temps en profite pour rajouter un bûche dans l'âtre, que le feu dispense avec plus de largesses sa chaleur accueillante. Puis il s'adosse au manteau de cheminée, laissant ses reins crispés par le froid du matin se détendre et se réchauffer. Affichant mine courtoise, un peu mal à l'aise, mais rivé sur place par la bienséance en attendant que le Baron se montre......

Theudbald s'assit à proximité de l'âtre et commença à siroter un verre de vin. Il avait quelques affaires à traiter en privé avec le baron et le futur vassal au préalable...

Théo aime les forêts, le bois, et les haches pour le débiter en bûches épaisses. Tout s'exhale, les odeurs d'humus, les fragrances particulières qui sentent le printemps en ce mois de Janvier. Il manie la cognée comme personne: le Baron est bûcheron et il aime cela. Privée des ressources de la guerre, la noblesse bourguignonne montre de la peine et le Dragon d'Arquian n'a pas oublié les vertes années.
Un message du château lui parvient. Theudbald, l'héraut du duché de Bourgogne, vient d'arriver. Théo s'étonne. Il arrive bien tôt, le bougre! Délaissant ses tâches forestières, il se dirige à pied vers le château, gravissant la colline croustillante de givre.
Là, le serviteur à tout faire, bâtard d'une famille de domestiques qui servirent des lignées entières de Ducs et de Duchesses et leurs soixante-quatorze quartiers, le débarrasse de son gilet en laine pour le mantel vénitien offert par sa chère brigande.
Il entre, salue Gorborenne d'une tape amicale, puis se tourne vers le Héraut en levant un coin de sourcil.

Je ne vous attendais pas si tôt....Le futur vassal est prévenu?

Il se leva et sourit en voyant le baron entrer. Il fit une révérence respectueuse.

Messire, c'est un honneur pour moi que d'être reçu en votre demeure. Je fais route jusqu'à Paris, où certaines affaires m'attendent. J'ai cru bon de m'arrêter une journée en ce lieu, afin de mettre un peu d'ordre pour la cérémonie que vous préparez. Notamment, je souhaiterais discuter avec le dit Ganju au sujet de ses armes et d'autres choses rébarbatives. Je ne l'ai point invité, cela aurait été malséant de le faire, n'étant pas l'habitant de la place. Mais je suppose qu'il doit se trouver dans la baronnie... Pourrais-je vous demander de le faire quérir ?
La cérémonie se fera dans la foulée, si vous êtes parés à ce faire, ou bien à mon retour de France, dans quelques jours, à votre gré.

Vous auriez du directement vous rendre à Beaumont, si vous aviez à parler avec le sieur Godefroy. Elle est située sur la Baronnie de Seignelay et nous sommes ici à Arquian....Il lui faudra un bon jour de cheval pour venir jusqu'à nous.
Mais ne vous inquiétez pas, je vous prête une chambre pour passer la nuit dans mon domaine. Ne dites rien, j'insiste, vous serez mon invité d'honneur. Il faut que tout soit prêt pour la cérémonie. Votre voyage en France attendra bien un peu....

Un sourire étira ses lèvres à cette plaisante évocation.

En attendant, excusez-moi, mais je suis couvert de sciure et de résine. Je ne suis guère présentable! Je vais prendre un bon bain!

Lui montrant le Géant.

Heu....Voilà c'est Gorborenne, l'ainé des Dragons. Non, je ne vais pas lui demander de vous faire visiter ces terres, il n'est pas là pour ça. A moins qu'une balade à cheval vous tente....Bref, on se revoit au repas, ce soir!

Et, sans laisser le temps à Theudbald d'en placer une, il sortit de la pièce pour se rendre aux étuves.

En effet, le voyage en France pouvait attendre. Theudbald n'allait pas refuser l'hospitalité, si ça pouvait lui éviter d'avoir à dormir dans une auberge mitée, au milieu de tous les vagabonds et les sent-la-pisse.

Il toisa le géant, se demandant si celui-ci savait parler. Il tenta de démarrer la conversation.

Du vin ?

Silence pesant, un brin de malaise dans l'attente du Baron qui finalement arrive....... Mais ne reste pas..... Demeurant muet le temps d'un entretient pour le moins bref, le Géant toujours adossé à la cheminée en aurait presque pu paraître une statue pétrifié ornant la pièce.... Le reflet des flammes luisant sur son crâne glabre aidant.....

Le Baron repart, plantant là le Héraut et le Chauve...... Regards qui se croisent...... silence qui se rompt......

Du vin?

Des yeux qui se tournent vers les deux timbales servies par le valet qui a filé depuis, et que l'entretient - trop court que pour solliciter leur soutien au levé de coude - a laissé désœuvrées sur la table basse. Gorborenne s'arrache à son appui pour aller prendre les verres et revenir en tendre un à leur visiteur, destinant le second à un usage plus personnel.

- Celui-ci justement nous vient de Baumont, et se trouve être fortement impliqué dans les négociations que vous venez acter..... N'étant pas familiers des vins de Bourgogne, je ne pourrais juger de la valeur de son cru, mais il a à mon sens les armes pour se défendre face au plus exigeant des palais.....

Le lendemain, le Baron attendait dans le salon que son futur vassal se présente aux portes d'Arquian. Il était propre, les cheveux peignés ou presque, et un bon feu ronflait dans la cheminée. Ses yeux parcouraient les lignes d'un ouvrage ancien, prêté par un riche bourgeois de ses connaissances.
Au bout d'un moment, il fut forcé d'admettre que les enluminures l'intéressaient davantage que le texte en lui-même, complétement abscons. Un bâillement étira ses lèvres. Mais que faisait Godefroy? Dehors, une pluie fine et glaciale couvrait la forêt et les murailles grises.

[A Beaumont]

Voilà le Godefroy plongé dans son activité favorite, lire des ouvrages sur la navigation. Il lui tardait d'avoir droits aux cours de l'université pour suivre avec assiduité les cours relatifs à ce domaine. Mais il en était loin, très loin. Donc le voilà entrain de lire alors que Joseph, son secrétaire, lui amène un mot.

A la lecture de celui ci le Godefroy blêmit, le Héraut à Arquian, déjà ? Il lâcha son livre sans se soucier de savoir où il en était, on rameute toute la maisonnées, il faut faire apprêter le carrosse, s'habiller joliment, pas qu'il soit mal habillé, mais il savait Aelis, la servante, douée dans les gouts vestimentaires. Le voilà donc entrain de soumettre ses choix à l'approbation de la jeune femme, la congédier, enfiler tout ça rapidement, et hop on file.

Ah non, ne pas oublier la case "Della", voilà donc le Godefroy a la poursuite de sa petite blonde de soeur, maintenant, attendre qu'elle soit prête - extrait des pensées du futur vassal à ce moment là: " Mon dieu pourquoi les femmes sont si lentes!"- et les voilà enfin partis pour Arquian dans le carrosse.

[Arrivé à Arquian, après beaucoup de temps passé dans ce fichu carrosse pas confortable]

Nous retrouvons donc nos Renarts à Arquian, alors qu'une fine pluie bat le carrosse. Godefroy laisse sortir sa sœur la première, sens de la galanterie oblige, puis descend de ce qu'il considère être une bière ( non pas la boisson, le cercueil) roulante. Ne voulant point trop se mouiller le voilà qui rentre directement et se fait mener au Grand Salon, jetant un petit coups d'œil pour voir si sa sœur le suivait.

Voilà donc les Volvents dans le Salon, où ils découvrirent le Baron plongé dans une lecture qui ne semblait pas des plus intéressante.

Le bonjour à vous Baron!

C'est un plaisir pour moi de revenir en ces lieux! J'espère ne pas vous avoir trop fait attendre.

Retour à Arquian.

Déjà...ou seulement, selon mon humeur.
J'avais bien tenter de me dérober mais Godefroy avait insister : "Si si, tu viens avec". Après tout, c'était normal que la soeur du futur seigneur l'accompagne dans cette aventure.
Godefroy ne pouvait pas savoir combien revenir ici était pour moi, autant une épreuve qu'une certaine joie.

Vêtue de bleu, en l'honneur de ma Duchesse, mais pas n'importe quel bleu, celui des cocagnes du Lauragais, celui de Béatrice, celui qui relève la couleur de mes yeux ; cheveux retenus en un chignon tombant sur mon cou, impeccable et quelques bijoux discrets...C'est que je ne veux pas paraître quelconque, à Arquian. Les raisons sont diverses...Une d'elles me tient à coeur, je vous laisse deviner.

Nous voici entrant dans ce même grand salon...
Theudbald est déjà arrivé, je m'en réjouis tandis que je salue d'une révérence polie le Baron du lieu.

Messire Baron, le bonjour.

Les yeux piquetés d'étoiles, il se lève. Ces foutus domestiques, enfin le sien, car n'allons pas imaginer que le domaine d'Arquian entretient une palanquée de serviteurs, est donc incapable de faire son boulot correctement. Annoncer le monde qui vient, ce n'est pas la fin du ....Bref, le Baron tout surpris se redresse, et tente de se donner une allure à peu près réveillée. Avec le sourire affable du dormeur pris en faute.
Malgré le protocole, c'est vers Della qu'il s'avance, pour la saluer d'un baise-main. Ses pensées vagabondent un instant dans le bleu de ses yeux....Puis c'est vers le frère qu'il se tourne. Ils ont des mines de voyageurs exténués.

Bonjour Della, bonjour Godefroy. Vous avez été prompts à venir, malgré l'hiver qui rend nos routes à peine praticables. J'ai une amie qui s'est cassée la jambe sur ce maudit verglas, dame Breiz, vous devez la connaître. Heureusement, elle n'est pas du genre à pleurer.
Asseyez-vous donc et réchauffez-vous près du feu, Mathilde s'occupera de vos vêtements mouillés, tandis que je fais appeler le Héraut. Il a des questions à vous poser sur....votre blason, je crois.

S'ensuivit une brève discussion avec ladite Mathilde sur la manière d'annoncer les invités à Arquian, laquelle répondit avec sa franchise nouvelle que Monsieur n'avait qu'à engager une pieuvre pour aller plus vite.
Quand elle disparut pour se mettre en quête du Héraut, Théo se tourna, un brin fataliste, vers Della et Ganju:

Je crois qu'elle a pris le chignon....

Bourgogne entra donc dans la pièce, suivi du chevaucheur d'armes. La cotte de velours aux armoiries de Bourgogne avait été brossée soigneusement, bien mieux que ses cheveux, éternellement en formation tactique dite du bordel couvré. Il tenait en sa main droite la caducée fleur-de-lyssée, symbole de l'autorité royale qu'il représentait.
Il prit le temps de saluer tout le monde comme il se devait, puis commença :

Bien. J'ai quelques formalités à m'occuper pour le moment.

Se tournant vers le baron :

Votre géant Gorborenne vous aura sans doute averti. Je n'ai guère eu le temps d'aborder le sujet hier soir au repas. Je voudrais m'enquérir des armoiries des Dragons d'Arquian, car ce me semble qu'il y a là couille dans le pâté. dit-il d'un air faussement sérieux.

Assis dans un fauteuil plus beau que confortable, les mains jointes sous le menton, les yeux levés vers le Héraut, Théo s'étonna de cette entrée en matière.

Le blason des Dragons? Oui, ma compagnie a pour symbole cet animal, en quoi cela vous intéresse?

En cette saison, l'on me trouvait toujours collée à une cheminée lorsqu'il y en avait une avec de belles flammes crépitantes. Rien que le bruit du bois craquant sous la morsure du feu me réchauffait.
Aussi, la proposition de Theognis trouva en moi un écho favorable. Et je me retrouvai bien vite le dos au feu. Si j'avais été chatte, j'aurais bien pu ronronner.
Distraitement, j'écoutai le tirage de bretelle de la brave Mathilde qui ne se gêna pas pour envoyer une réponse osée à son maître. Ce qui m'arracha un sourire que je tentai de cacher en regardant bien vite le bout de mes bottes et en me pinçant les lèvres.

Le Héraut, mon héros à ses heures, ouvrit la bouche et alors que je m'attendais à ce qu'il s'adresse à mon frère, pour en savoir un peu plus sur ses armoiries, voilà que Bourgogne entame la conversation à propos des emblèmes des Dragons du Baron !!!
Vous commencez à me connaître et donc, n'êtes pas surpris lorsque mon sourcil se lève en sa version surprise !
Mais que diable allait donc faire le Héraut, mon héros, dans cette galère de Dragons ? Ignorait-il que leur chef crachait des flammes ?

Le blason des Dragons? Oui, ma compagnie a pour symbole cet animal, en quoi cela vous intéresse?
Ah oui, tiens, c'est vrai ça, en quoi ça l'intéresse, le Héraut de tous les temps ?

Toujours devant ma cheminée - le "ma" étant passager évidemment, je la laisserai là en partant - je lançai un regard interrogateur à mon frère puis le reposai sur mon Bar...euh sur le Baron.

Quid de la réponse ?

En quoi cela m'intéresse ? C'est une très bonne question. Je vous remercie de l'avoir posée.
C'est une hérésie héraldique, messire ! Un dragon de sable sur champ de sable. Comment voulez vous être reconnu à la bataille ?
Et quel est ce liseré orange ? Même en Angleterre, pays réputé pour son mauvais goût et son incohérence, l'on n'y utilise guère cette couleur. Le orange est confondu avec le jaune et le rouge lorsqu'il apparaît de loin, frappé sur une cotte ou sur un étendart, à contre-jour ou à la lumière du soleil levant ou couchant. L'on peint blasons pour se reconnaître sous l'armure. A quoi ça servirait, sinon ?
De plus, la forme de l'écu indique que tous vos hommes d'armes sont des chevaliers d'ordre reconnu par le Roi. Il y a usurpation de titre.
Qu'on s'arrange pour refaire un blason pour les Dragons d'Arquian avant la cérémonie. Celle-ci ne peut se faire dans cet environnement bafouant les règles de noblesse. Vous vous accorderez à cette vision des choses. N'est-ce pas ?