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[RP]Chroniques et Histoires de Val Carança

Isa.
Le temps passe, rythmé par les poussées et la douleur qui assaille la jeune femme. Le cuir que le géant a roulé entre ses dents portera à jamais la marque d'un moment unique et intense. Toutes ses forces, toute sa volonté et sa ténacité son orientés vers un seul et unique but, aider ce petit être en elle à voir le jour.…
S'agrippant aux accoudoirs du fauteuil improvisé, Cédalia plonge dans le regard d'Orion puisant dans ses émeraudes à chaque seconde de répit la force de continuer la plus belle bataille qu’une femme puisse mener.
Chaque fois que son corps le lui commande, elle pousse de toutes ses forces et tressaille en sentant enfin le petit corps glisser hors d'elle. Epuisée, elle retombe sur les coussins et les larmes de douleur font place à des larmes de joie quand une petite voix jusqu'ici inconnue fait entendre son premier cri. Emotion intense, Isa se soulève un peu, haletante, pantelante, abandonnant la ceinture pour mieux apercevoir les mains de Gorbo qui bientôt lui présente le petit bout d'homme ...


-Lileia....... Une fille, c'est une fille...... Notre fille ma Douce, c'est NOTRE FILLE!!!!!

Sourire ému, la nouvelle maman dévore sa fille des yeux, répétant le prénom qu'ils avaient choisi un soir, au coin du feu.

Lileia .... Lileia !

Gorbo s'affaire, emmaillote, caresse et sépare la mère et l'enfant pour les rassembler à nouveau quelques secondes plus tard, en posant la petite princesse sur le ventre de sa mère. Isa l'approche de ses lèvres et dépose une pluie de baisers sur le petit visage et les cheveux d'ébène de sa fille, puis se blottit dans les bras qui les enveloppent. Très bas, les mots du coeur prennent vie eux aussi ...

Sois la Bienvenue dans le royaume d'un géant et d'une fée qui t'aiment, princesse Lileia .... je suis si heureuse que tu sois là ... Voici l'homme qui a choisi de t'aimer et de devenir ton papa ... Gorborenne il s'appelle.... Tu verras, c'est le meilleur des papas du monde ... et ...

Une nouvelle contraction interrompt brusquement Isa. Retenant un instant sa fille sur elle, elle souffle ...

Seconde manche mon amour ....

Sans quitter des yeux la petite princesse que Gorborenne dépose en lieu sûr, Isa reprend une grande inspiration et attend patiemment le moment. Quand le géant reprend sa place face à elle, elle pose ses pieds sur ses cuisses et s'agrippant à ses genoux et aux mains que le chauve-qui-sourit-un-peu-moins lui tend, elle pousse à nouveau de tout ce qui lui reste de forces. Le rythme soutenu reprend mais Isa fatigue et ses forces s'ammenuisent. La peur s'empare de la jeune femme. Peur de ne pas arriver au bout, peur de perdre connaissance, peur aussi de faire souffrir le bébé. En face d'elle, les émeraudes semblent vaciller et dans un souffle elle arrache le chauve à la panique qui commence à le gagner ...

Coeur ... il faut ... pousser .... avec moi ...
_________________
Gorborenne
[..... un éclat de lumière dans la nuit.....]

Orion sent son cœur léger comme il ne l'avait jamais senti auparavant, enfin, ces douze dernières années en tout cas.... Fatigué nerveusement, il voudrait rester là, la joue posée contre les cheveux d'Isa collés par la sueur de l'effort..... Juste une seconde encore...... Mais le répit est de courte durée......

Avant même que sa Douce Cédalia ne lui annonce, il a senti son esprit flottant alentours effleurer la petite lumière demandant encore à naître. Depuis longtemps, il avait perçu les deux présences jumelles au creux de la Bulle, et là, la première verse ses premiers pleurs de nourrisson, appelant de sa petite voix la deuxième, qui pousse déjà vers la sortie, pressé de rejoindre sa sœur.

Gorborenne se relève, sa fille dans les bras, cherchant un moment où l'installer. D'un mouvement du pied, il bascule la moitié de tonneau contenant les buches pour le feu pour le vider de son contenu. De son bras libre, il attrape une fourrure trainant encore là parmi les affaires dispersées par terre et la plie à l'intérieur du landau improvisé. Amenant celui-ci juste à côté de lui, ne pas la quitter des yeux, il se remet en position face à Isa, cherchant maladroitement à s'adapter à la nouvelle position.....

Mais les pensées perméables d'Orion commencent à ressentir la fatigue et la crainte qui gagnent celles de Cédalia, et se laisse lentement aller à la peur à son tour. C'est comme s'il ressentaient la même chose tous les deux, que leur frayeurs respectives les emportaient lentement.....

Pourtant, une petite voix, un murmure....... Doucement, le courant s'inverse, l'esprit du Géant lentement s'apaise..... Mais flotte toujours, son corps agit sous une autre présence, celle de sa Lumière, entre autres, mais alors que ses deux mains viennent se poser sur le ventre dur, et qu'il les ramène vers lui en compriment le ventre..... Un flamme d'espoir qui luit brièvement derrière ses paupières closes..... Cette vie à naître, une présence qu'il ne ressent pas pour la première fois, mais jamais avec une telle intensité.....

La vague l'emporte un instant, mais le reflux le ramène aussi-sec, il sent son esprit être ramené de force à l'intérieur de son corps, et rouvre des yeux un peu éberlués sur ses mains qui compriment le ventre de sa chère et tendre à gestes calmes et posés. Au bout de ses doigts, ils sent la chair, il perçoit les tensions qui oscillent en son sein. Autant il perdait l'esprit quelques instants plus tôt, autant là, c'est comme s'il ne pouvait se focaliser sur autre chose que la Bulle entre ses mains. Sensations exacerbées à l'extrême, peu à peu, ses geste anticipent les contraction. Et lentement, les mains démesurées du Géant se referment un peu plus. C'est comme si ses bras manœuvrant délicatement de haut en bas cherchaient à envelopper le petit éclat de lumière, toujours plus pressé de luire au grand jour.

Le regard d'Orion s'illumine, de ce petit visage qui luit sous ses yeux, si bien que le Chauve à l'impression de voir sourire ce petit visage encadré de mèches d'un blond frisant vers l'argent, comme les neiges éternelles renvoyant les rayons d'un soleil de printemps.

Répétant des gestes déjà presque familiers, ses mains redescendent du ventre pour venir accueillir...... son fils....


- Un fils, mon amour, on a aussi un fils! Notre petit Goran.....

Il aurait voulu le crier au monde, mais exténué, sa voix ne porte sans doute guère loin..... Mais peu importe le monde, peu importe ce qui les entoure...... La Bulle est née et maintenant les enveloppe tout les quatre d'un chaleur sereine......

Chaleur.... Pourtant alors qu'il emmaillote Goran, ressort Lileia du couffin pour venir reprendre sa place près d'Isa, il sent un courant d'air un peu froid qui lui chatouille le sommet du crâne..... Alerte que le feu a déjà bien faibli depuis le temps..... Il dépose tendrement les deux nourrissons sur le ventre de leur mère pour aller remettre quelques bûches et revient s'installer, couverture sur le bras, bras qui vient enlacer son amour et ses enfants.......

Un océan qui se noie dans une goutte de tendresse......

Cédalia respire plus doucement... son ventre se tend encore, mais moins fort et de façon un peu plus espacées..... entre le ventre de leur mère et le bras de leur père, les deux étincelles semblent déjà bercées d'un sommeil que rien ne pourrait troubler, dans lequel Orion sent que sa Douce à bout de force sombre peu à peu aussi..... Se laissant aller à la sérénité qui l'étreint, Orion ferme peu à peu les yeux........



[À la Croisée des Chemins, plus loin sur la route - Interlude]

Cette fois, il n'y a plus de chemin ensoleillé et d'Arbre aux frais ombrages pour inviter à la devise paisible et amicale..... Il n'y a que le froids pénétrant de l'hiver.... L'obscurité de la nuit à peine troublée par une lune blafarde, jetant des ombres menaçantes entre les arbres bordant la route.

Sur la route en question, la Feuille avance d'un pas rapide, pris de certains doutes. Des questions le taraude et il se méfie des réponses qu'il pourrait trouver. Sa large cape d'un vert émeraude lentement soulevée par la bise nocturne fait virevolter quelques congères autour de lui alors qu'il approche du prochain carrefour.

Assis sur une tas de neige, une large pelle à la main, une silhouette familière semble l'attendre. Enveloppé de sa cape noire brodée de fils couleurs de sang, la Flamme patiente..... Chose étrange, pour une fois, c'est la Feuille qui est hors de lui alors que l'autre demeure aussi calme que la neige sur laquelle il est assis.


- C'était toi, hein! avoue!

- Et alors? Qu'est-ce que ça changerait?

- Ne te mêle pas de ça!

Définitivement, Orion s'est enflammé alors que Surt semble n'avoir rien de son ardeur habituelle. On dirait même qu'une certaine lassitude a pris sa voix.

- Vu comment tu perdais les pédales, si je m'en étais pas mêlé, les chose aurait pu très mal se passer.... Je te connais, je sais très bien que t'y aurais pas survécu, et moi non plus du reste.......

- Ouais, et moi je te connais aussi, je sais très bien que tu ne fais jamais rien qui ne t'arranges.... Qu'est-ce que tu leur veux?

- Tu as peut être raison.... Mais regarde cette route que tu suis, ces deux étoiles qui te guident à l'horizon. Et regarde ce tas sur lequel je suis assis..... Comme tu l'as suggéré, je l'ai enterré. Ce qu'il en reste gît ici avec notre passé. Et maintenant, vois le chemin qui est le mien..... Non, tu n'en as pas besoin, tu sais très bien que ma route est de celle que rien éclaire, c'est pour ça que je suis la Flamme......

- Qu'est-ce que tu veux dire?

- Ce que je veux dire....... Je crois que je vais te suivre pour un moment....... Je sais, ça ne me ressemble pas, et va pas croire non plus que je capitule, mais ces deux étoiles, j'ai envie de voir où elles vont te mener.......

Surt se tait, et se relève en s'appuyant lourdement sur sa pelle. La renvoyant sur son épaule, de son autre bras, il invite Orion à poursuivre la route, avec un petit sourire malicieux......


[Une première aube......]

Gorborenne ouvre les yeux sur la nuit qui termine d'étreindre peu à peu le Val..... Déjà l'horizon doucement se pare du rose de l'aurore...... Debout sur la terrasse, le Chauve sourit au Val qui s'offre à sa vue.... Vieille habitude qu'il a de se lever à l'aube à chaque nuit qu'il passe au Castel...... Puis ses sourcils se froncent.... quelque chose cloche...... Que fait il dehors?...... Impression d'un rêve qui s'enfuit comme une plume insaisissable dans le vent.... Il se retourne, se précipite à l'intérieur.....

Dans l'âtre, les dernières braises couvent encore. La lanterne c'est presque tarie mais une faible lueur baigne encore la pièce..... Ses yeux cherchent le fauteuil dans la pénombre...... Et Isa qui n'y est pas..... Que c'est-il passé?.....

Une peur panique le prend, d'un geste vif, il écarte le tenture donnant sur la seconde et seule autre pièce du "castel". La chambre..... Les derniers rayons de lune jettent par les trous d'un volet leurs dernières gouttes de lumières avant le petit jour..... Son regard fouille autour de lui, glisse sur la grosse armoire en chêne pour aller directement se rassurer dans les replis des couvertures qui jonchent le lit adossé à la paroi de terre sur laquelle sa main vient se poser.... Chaleur sous ses doigts, long soupir de soulagement....

Orion ne sait comment Cédalia, Goran et Lileia se sont retrouvés au chaud dans le lit, même s'il a bien quelques soupçons..... Il s'assied là et les contemple tout les trois qui dorment.... Large sourire reflétant la lumière qui éclaire sa route.......

Puis dehors, un oiseau chante, saluant les premier rayons d'une nouvelle journée qui commence...... Sourire pour lui-même cette fois..... D'autre habitudes qui lui reviennent..... Saluer l'aube......

En faisant silence qu'il peut, il ouvre la commode pour en sortir un grand drap qu'il déplie en partie avant de le jeter sur son épaule. Puis d'infimes précautions, il enveloppe ses deux enfants dedans l'un après l'autre, nouant ensuite le drap en écharpe autour de ses épaules. Si petites vies contre sa poitrine de Géant...... Il s'enveloppe ensuite d'une large cape avant de plonger ses deux grands bras sous les couvertures, de les emporter avec sa Cédalia toujours endormie entre ses mains.

Aucun vent ne souffle sur les montagnes, mais le froid de l'hiver pénètre dans la pièce quand le Chauve écarte du pied une porte fichée dans un des murs de la chambre. Dehors, une passerelle qu'il parcourt alors que sa Douce marmonne quelques mots incompréhensibles, comme souvent lorsque le sommeil nous quitte et qu'on cherche à le rattraper.....

Au bout de la passerelle, une terrasse juste un peu moins large que la chambre, couverte par une tonnelle que la neige accumulée fait grincer de concert avec le plancher lorsque le Géant pose un pieds dessus. Une banquette en guise de garde corps ceinture le lieu au centre duquel quelque chose de grande taille dors sous un drap clair.

Gorborenne dépose délicatement Isa dont les yeux frémissent légèrement sur un banc faisant face à l'objet drapé. Une main qui caresse doucement la nuque au travers des couverture qui l'enveloppe, un sourire encore endormi..... Orion s'assied, laisse lentement aller sa Cédalia contre lui, calant sa tête sur son épaule. sous ses yeux, quelque chose semble pointer sous le drap, enfin, d'abord, il y a Goran et Lileia au chaud entre sa cape et sa poitrine, mais le drap dont il est question, c'est celui qui recouvre l'objet..... Une main qui se tends, agrippe l'étoffe et tire un coup sec......

Sous la cascade de tissus, brillant dans les premières lueur du jour, un bois sombre comme la nuit qui s'en va a comme des reflets enflammés qui s'agitent encore sous le vernis. Le regard d'Orion parcourt un instant de haute en bas les fines cordes d'acier brillants comme de l'argent, serrées les unes contre les autres....... tendues dans l'attente......

L'instrument n'a pas bougé depuis l'été..... rien n'a changé depuis que le tissus la recouvert pour un long sommeil. Gorborenne sourit, d'un regard il sait que le bois dur comme de la pierre composant l'instrument n'aura pas souffert de l'humidité où de la température, et que contrairement à l'une de ses consœurs en matériaux plus classiques, la Harpe en Bois de Feu ne perds pas les accords de son harmonie quand elle est soumise aux humeurs des éléments.... Démesurée, et imperturbable.......

La main dégage ce qui reste d'étoffe qui couvre encore un large clavier inspiré de celui des clavicordes.... La tête qui se penche en avant, sourit en retour à la dentition parfaite de petits marteaux blancs en Pierre de Sel qui n'attendent que d'aller épouser les cordes qui leur font face....
Des doigts qui viennent glisser dans une caresse autour des visages des nourrissons toujours endormis, déposant un murmure à ces enfants et à sa Douce encore somnolente sur son épaule....


- Y'a pas de pays pour les vauriens, les Poètes et les balandins......
Y'a pas de pays,.... si tu le veux, prends le miens....
[1]
Bienvenus chez vous mes enfants......

........ Un grand inspiration....... puis les mains qui s'agitent un peu dans l'air avant de se poser sur les touches..... Dans les arbres, quelque part en dessous d'eux, un oiseau semble attendre quelque chose......

Peut être les quelques notes cristallines qui viennent se perdre sur la montagne laissant leur écho flotter le long des crêtes et dans les vallons, se perdre entre les arbres et rebondir sur le lac gelé au fond du Val, remontant le petit ruisseau figé de la Carança jusqu'à la source avant de se distiller parmi les quelques nuages accrochés au ciel......



[1] extrait de l'Identité, de Noir Désir et les Têtes Raides

_________________
Isa.
- Un fils, mon amour, on a aussi un fils! Notre petit Goran.....

Ces quelques mots, le sourire d'Orion et le cri de ce fils qui s'annonce évincent d'un seul coup la souffrance et la fatigue. Exténuée, Isa retombe mollement contre le dossier couvert de peaux du fauteuil. Reprenant petit à petit son souffle, elle suit chacun des gestes de l'homme et réalise peu à peu la transformation qui s'opère en lui en ce moment. Devant ses yeux, Gorbo, le géant, le costaud sans peur et sans reproche devient papa... La jeune femme ne veut manquer aucun geste et graver à jamais ces images et ces instants dans son coeur.

Quelques instants plus tard, la famille est enfin réunie pour la première fois. Goran s'apaise doucement auprès de Lileia, tous deux repus après une première tétée sous l'oeil attentif d'un géant épuisé d'émotion. Après une longue pause douceur, comme mu par un dernier sursaut d'énergie, le géant soulève sa nouvelle famille et, tenant Isa dans ses bras, elle même entourant des siens les deux étincelles, il se dirige vers un rideau et se faufile dans une autre pièce. Un vaste lit en chêne y trône. Orion y dépose Cédalia avec douceur, puis saisit tour à tour les deux bébés pour les coucher contre leur mère, avant de couvrir tout le monde d'épaisses couvertures. Déjà Isa sombre dans un sommeil réparateur et son dernier regard s'attarde un instant sur la sculpture qui orne la tête de lit ....


Gorbo ....

Un mouvement et elle s'éveille, ouvre un instant les yeux, l'interrogeant du regard. Un sourire et il s’éloigne … Elle sait et se rendort, rassurée. Il sera là au réveil.
Isa.
[ première nuit… ]

Il fait nuit noire quand de petits cris plaintifs réveillent lentement la jeune femme. Brève hésitation puis tout refait surface. Lileia … Goran … Comme en réponse aux pleurs qui se font déjà plus insistants, un léger tiraillement naît sous la main qu’Isa pose sur son sein. A la légère lueur de la lanterne qu’Orion a posé dans un coin de la chambre, Cédalia se redresse dans le vaste lit, roule en boule une couverture qu’elle glisse dans son dos puis caresse la joue de l’affamé. Une petite bouche habile attrape un de ses doigts et immédiatement le tète avidement. Sourire avant d’attraper délicatement Goran-le-glouton et de l’amener tout contre un sein un peu dur. La petite bouche trouve instinctivement le mamelon nourricier et Isa serre les dents, surprise par la vigueur de la succion. Il mord ? Mais non, il n’a pas de dents ! Confortablement installée dans le vaste lit, la jeune maman serre contre elle ce fils nouveau-né, laissant son instinct exprimer les émotions qui naissent en elle… Nouvelle plénitude, tendresse infinie et une main qui se tend vers l’homme qui a partagé avec elle les émotions intenses des dernières heures. La couche est vide, mais pas froide…
La main revient, caressant doucement la petite Lileia qui se réveille à son tour alors que son frère semble s’endormir, repu pour quelques heures. Isa éloigne délicatement Goran du sein et le redresse un instant contre elle … Gestes naturels, instinctifs … Goran endormi reprend sa place dans la douce chaleur de la couche parentale, après un moment bisoudoux dont sa mère ne pourra bientôt plus se passer … Puis c’est au tour de Lileia de profiter d’un autre sein tendu et légèrement douloureux. Nouveau pincement de lèvres aux premières succions … mots doux … caresses sur la joue … la tétée se prolonge et de temps à autre, Isa jette un œil en direction de la tenture, espérant voir revenir le géant. Tout au fond d’elle cependant, elle sait. Vibrations particulières … frissons mais paix intérieure aussi alors que la tétée se termine et fait place au moment câlin.
Isa se glisse à nouveau sous les draps, fatiguée. Sa fille toujours sur elle, elle se rendort, un bras protecteur autour de son fils.



[… premier jour]


Impression d’un souffle froid sur sa joue…balancement régulier qui berce et réveille tout à la fois … c’est déjà l’heure ? Quelle heure d’abord ? Un œil s’ouvre et se referme sous la caresse d’un géant … sourire … et retour à la case coton. Petit à petit l’esprit s’éveille, réalise et découvre l’environnement … on est où ? Doux murmures du géant et sourire léger … il est là.
Une mélodie légère s’élève soudain et Isa s’éveille, étonnée par ce son inconnu. Les mains du géant, celles-là même qui ont accueilli les étincelles et caressé la bulle semblent exécuter sur le clavier une danse connue d’elles seules. Dans les arbres alentours, des oiseaux accompagnent de leur chant discret l’air qui s’élève de l’instrument inconnu. Jamais encore, Isa n’en avait vu de tel. Comme une alliance entre le clavecin qu’elle a eu l’occasion de jouer un peu jadis et une harpe mais bien plus résistant apparemment aux caprices du temps. De quel bois est-il donc fait ? La main d’Isa se tend et caresse le bois tellement dur qu’il semble fait de pierre, et s’étonne de la douceur de celui-ci. Sourire… L’instrument ressemble à l’artiste et dans la mélodie - tantôt d’une tonalité mineure … puis revenant vers un ton plus majeur – c’est toute la vie passée et les espoirs futurs d’Orion qui s’expriment.
Lentement Isa s’approprie la musique et pose à son tour sa main droite sur le clavier… accompagnant l’espace de quelques mesures les doigts du géant, répétant le thème avant de s’égarer brièvement pour revenir et laisser lentement s’égrener les dernières notes … Notes d’espoir par lesquelles elle veut lui dire que sur la route de ses espoirs, elle cheminera à ses côtés pour donner vie à ce rêve qu’il porte en lui.

Regard tendre et amoureux vers Orion. Les échos de la douce mélodie les enveloppent encore et c’est sans un mot qu’ils se comprennent. Un jour viendra … là-bas… Tout sera neuf et sauvage à nouveau …


Quel curieux instrument amour … Le son qui s’en échappe est si léger et pur… si inattendu au vu de la facture et des matériaux.

Un léger frisson parcourt le dos d’Isa qui resserre la couverture autour d’elle avant de jeter un coup d’œil attendri aux deux trésors endormis contre le torse paternel.

Hmm …. J’ai faim … qu’est ce qu’on mange ?

Sourire taquin puis un baiser qui effleure le front chauve avant de reprendre le chemin du château … et de s’arrêter net, au bord de la passerelle autour de laquelle tout bascule soudain...

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--Le_petit_sentier

[Une nuit au Val.... presque comme les autres....]

L'Écossais peste, traversant un pierrier couvert de neiges..... Il a beau marcher en silence et contre le vent, au moment où il se prépare à bander son arc, il voit sa proie dresser les oreilles et détaler. Il devine plus qu'il entend le cri de nouveau né au loin sur les crêtes...... Trois fois déjà...... Marre! Il range son arme et s'assied dans la neige.... maudissant pour la forme.....

Et puis tant pis, la chasse sera pour une autre fois..... et trop tard pour rentrer jusqu'à l'abri qu'il sait monté pour rien.... Mais d'ici, la cache du contrebandier n'est pas loin, moins d'une demi heure de marche, et c'est dans cette direction qu'il se met en route, laissant derrière lui des empreintes régulières dans la neige immaculée.....

Passant sous le couvert des arbres, le Voyageur de l'Été sourit, reconnaissant à un petit amas de boules noirâtres un passage fréquent de lapin..... Surement une réserve de nourriture quelconque.... N'as pas l'air d'être venu depuis plusieurs jours.... Un collet posé à tout hasard, et le contrebandier repart, remontant légèrement le versant jusqu'à l'entrée d'une galerie s'enfonçant dans la montagne. Sans doute une ancienne mine désertée depuis des générations. L'Histoire n'est pas le fort de l'Écossais, pas plus que la Blonde avec qui il partage ces couloirs pour entasser son magot. La cache d'Adélaïde est quelque part plus profond dans les entrailles de la terre, Duncan, lui a préféré une galerie secondaire dont l'entrée toute proche de la surface disparaissait sous un grimpant dont il a oublié le nom.

Écartant le voile végétal, il pénètre dans le couloir à l'aveugle, n'ayant besoin d'aucune lumière pour désamorcer le piège, sortir la clé pendant à son cou, la passer à travers une porte invisible dans l'obscurité, par une ouverture juste assez large pour y introduire un bras. À tâtons, il trouve le cadenas et le déverrouille, fait grincer le pan de bois sur ses gonds, trouve machinalement une lampe à huile qui ne tarde pas à jeter une clarté faible, mais pourtant presque éblouissante.

S'il avait connu Ali-Baba, il auraient pu comparer leurs cavernes..... Faut dire que des quatre, l'Écossais n'était pas le meilleur en affaires, mais les siennes, au plus loin d'une honorable légalité ont tendance à être les plus juteuses. C'est que le trafic d'armes, ça rapporte, surtout là où l'on ne peut s'en procurer sans autorisation. Il aurait bien là de quoi armer une petite troupe de mercenaires ou s'acheter un modeste manoir..... Mais l'Écossais n'a jamais vraiment songer à réinvestir sa fortune..... D'ailleurs, des coffres, il ne tire que ce dont il a besoin pour la suite immédiate de son voyage: quelques denrées à vendre, quelques habits de rechange et "of course", une petite bourse d'or bien remplie.....

Une petite salaison de chamois trouvée parmi ses sœurs au fond d'un tonneau, histoire de ne pas se coucher le ventre vide, et Duncan s'installe pour la nuit. L'avantage aux cavernes, c'est que été comme hiver il y fait une température plus ou moins supportable alors que dehors c'est la fournaise ou le gel. Le désavantage, c'est qu'il y fait humide toute l'année durant, et la paillasse laissée là la dernière fois n'a pas tenu le coup visiblement. Les couvertures sorties d'une malle semble en meilleur état, et le contrebandier à tôt fait de se préparer une couche de fortune et de s'y enrouler dans plusieurs couches d'étoffe pour sombrer rapidement dans un sommeil profond.....

Mais de courte durée. L'aube est encore loin quand il s'extirpe grelottant des couvertures et tourne un peu en rond dans la pièce en se frictionnant vigoureusement. Il a un peu surestimer le côté constant de la température, et le fait que l'humidité ambiante lui volerait sa chaleur avec ou sans épaisseur de tissus. Au moins quelques heures de repos... Déjà ça de pris, et avec la vie qu'il mène, l'habitude s'est fait de considérer le sommeil comme les repas, et de pouvoir s'en priver quand nécessaire....

Enfin, pour le repas, ça devrait aller, car quand il ressort des mines, paquetage sur le dos, il trouve rapidement le lapinou couleur de neige qui l'attend, agitant sa petite tête coincée dans le collet. Encore un peu, et un loup serait surement venu le lui boulotter. Geste rapides, animal suspendu par les oreilles au bout d'un main, l'autre qui se rabat rapidement, petit craquement caractéristique.... adieu petit lapin.... et hop, ficelé à la ceinture en vue du déjeuner.

Il lui faut quand même un moment pour remonter jusqu'au "castel" du Géant, en haut sur la crête, et quand il se trouve à nouveau au pied du grand hêtre, l'aube tinte déjà l'horizon de sa bande colorée. Escaladant le tronc par le lierre qui le circonvint plutôt que de se laisser hisser par la corde, qui du reste ne semble pas être redescendue, l'Écossais est à mi-hauteur quand il entends le son cristallin de la harpe qu'il sait dormir là-haut. Sourire alors qu'il continue à grimper, trouvant dans les notes une nouvelle couleur qu'il ne connaissait pas à l'âme de Gorborenne. Enfin, il devait être père à présent, alors cela ne l'étonnait guère....

La mélodie suis toujours sa cascade sur les montagnes quand il arrive en haut et va s'installer sur la banquette adossée à la maison le long de la petite terrasse donnant sur le Val. Profitant de la musique venant de l'autre côté du cabanon, il dépèce le lapin à l'aide d'un petit couteau, mettant de côté sa fourrure de neige avant de le vider quand un bruissement d'ailes lui fait relever les yeux.

Dame Héméra, Régente de Val Carança et Reine des cieux qui le surplombe vient d'atterrir souplement sur la balustrade à deux pas de l'Écossais. Salut presque révérenciel de l'homme au petit faucon crécerelle qui claque légèrement du bec et réclame.... Duncan sourit en tendant un bout de chair fraiche encore sanguinolente à l'oiseau qui l'attrape d'un mouvement vif et l'avale tout rond.


- Alors? Ton bras droit de délaisse? Vrai qu'il a l'air fort occupé hein?

- Kiiii..... kriiiiiiii


- Quoi, tu as eu des petits fauconneaux? Toi aussi? rhoo, mais toutes mes félicitations. Tu me les montreras quand il voleront? Ouais, je sais, on verra.... N'empêche que je suis curieux de voir la tête du moutard du Grand Gorbo.... pas toi?


Dialogue à sens demi-unique entre le contrebandier le prédateur, dont les réclamations restent pauvre en vocabulaire, mais montrant quand même une certaine intonation satisfaite à chaque nouveau morceau de viande.... En attendant que la dernière note s'envole sous la voute se teintant lentement d'azur...


Gorborenne
Quand l'écho lentement s'est tue, les mains du Géant un moment restent suspendues...... Contre lui, dormant à demi, Lileia et Goran ont comme une ébauche de sourire sur les lèvres, apportant déjà un brin de sérénité en ce monde tourmenté..... Orion ramasse le drap d'une main, qu'il renvoie sur l'instrument en se relevant, puis deux pas derrière Cédalia, il réfléchit déjà à ce qu'il reste de bon, et de surtout mangeable, dont il pourrait garnir la table. Peut être l'une ou l'autre salaison? Garde-manger promis à vérification......

- Attention!

Le cris raisonne alors que sous le crâne déjà tonne l'effroi comme le pire orage, son sang en fait qu'un tour, le cœur pris en otage..... Pas en avant, main qui se tend, retient Isa..... Juste à temps...... Bras qui retiennent le corps affaissé, trop de fatigues accumulées, la Lumière un instant estompée...... Orion serrant son amour contre lui, un bras par dessous ses épaules, la porte à demi vers le cabanon, et va l'allonger sur la baquette dans la pièce de vie, il s'agenouille et embrasse ses lèvres endormies, doigts qui se perdent dans les boucles chéries. D'un geste plein de tendresses, il ramène une couverture sur Isa, puis se relève, papouille du doigts ses enfants dormants toujours accrochés entre ses bras....... Délicatement, il les délace et les installe dans le couffin aménagé, reste un moment émerveillé......

Mais bientôt sonneront trois réveils affamés, pas de repos pour le Géant, déjà il ravive le feu, et met de l'eau à chauffer, fouille les armoires à la recherche de légumes séchés, se rabat sur quelques navets, il reste une carotte, tranquilou, on découpe tout et on sifflote..... Au plafond, encore deux saucissons? qui semblent encore bons!...... déjà les légumes entament leur bouillon.....

Laissant là la cuisson, Orion sort un moment sur la terrasse avant en quête d'un cri qu'il ne lui avait pas échappé. Dame Héméra venue saluer son Géant de "vassal" réclame d'un air satisfait quand celui-ci enfin apparaît......

Sourire au faucon et au contrebandier, et sur la banquette il s'assied.


- Bonjour vous deux. Duncan, excuse-moi pour hier soir, mais bon, hein, les choses pressaient un peu...... se retournant vers le rapace...... et toi ma jolie, ça me fait rudement plaisir de te revoir...... ça va, tu t'ennuies pas trop toute seule ici au Val?

_________________
Isa.
D'appétissantes effluves emplissent lentement le refuge des cimes et lentement Isa émerge du sommeil dans lequel elle a sombré. Ses yeux s'ouvrent et juste là, non loin de la banquette où elle est allongée, deux anges dorment paisiblement. Elle reste allongée encore et les contemple un long moment, admirant ces petits visages encore chiffonnés par le voyage. De temps à autre, une mimique anime l'un d'eux et la toute jeune maman s'émerveille en voyant un sourcil se lever, un sourire s'esquisser puis un lent mouvement de succion s'amorcer du bout des lèvres. Attentive, elle écoute les deux respirations paisibles, laisse glisser son regard sur les petits torses qui se soulèvent en rythme.... Même s'ils sont petits, elle se prend à se demander comment ils ont pu grandir à deux au creux d'elle.
Deux nouvelles vies sur lesquelles elle et Gorbo vont devoir veiller désormais.

Reprenant peu à peu ses esprits, Isa se redresse, grimaçant un peu aux légers tiraillements qui lui rappellent qu'il n'y a pas si longtemps encore, elle donnait la vie. Sensation de vide et sentiment de plénitude l'inondent et deux larmes coulent sur ses joues ... aube d'une nouvelle vie. Tout est différent et pourtant semblable.


Enfin réveillée, Isa se lève, et s'avance vers la marmite d'où s'échappent d'agréables effluves. Son estomac crie famine et avec précaution, elle soulève le couvercle, laissant une volute parfumée emplir la pièce. Un bouillon ! Et bouillant ! Il faudra prendre son mal en patience pour le déguster encore. Fermant les yeux, elle sourit déjà à l'image qui se forme sous ses paupières : bol empli d'un délicieux potage dans lequel elle trempe un gros quignon de pain. Yeux qui s'ouvrent immédiatement et mains fouillent, soupèsent, tirent et finissent par attraper une miche de pain un peu sèche au fond du sac de toile. Une fois de plus, Orion avait été prévoyant et Cédalia ne peut résister à cette faim qui la tenaille, tout en se retournant vers la terrasse.

Des voix. Deux voix différentes. Celle d'Orion et une autre, inconnue ou presque. Le ton de la discussion semble amical alors, mue par la curiosité, Isa sort sur la terrasse.


Bonjour ...
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--Le_petit_sentier
L'Écossais décroche son regard des pics enneigés blanchissant à mesure que le jour progresse, et ne peut s'empêcher de rendre un sourire à la mine radieuse du Géant. Sacré Gorbo...... S'il l'avait imaginé un jour papa gâteau......

- Ne t'en fais pas pour ça mon vieil ami.


Sourire que se fait un peu amère alors que le silence retombe. Malgré l'espoir que présente une aube comme celle-ci, il ne peut éviter quelques souvenirs douloureux de se rappeler à lui, de ce qu'il aura à faire bientôt...... Un autre bout de viande tendu à l'oiseau qui regarde le Chauve avec un brin de reproche en réponse à sa question.....

- Kriii Kriiiii kikriii!


Petit fou-rire étouffé du contrebandier

- Fais attention, elle pourrait bien te renier.......

Le faucon semble l'approuver en claquant des ailes, mais d'un coup le volatile s'écarte pour venir se reposer un peu plus loin, comme méfiant du petit bout de femme qui vient de surgir du cabanon. Tête qui s'incline en réponse au salut, sourire qui revient chaleureux.


- Bonjour à vous Dame Isa....... et...... Toute mes félicitations......

Pas trop son truc les paroles d'usage....... Lui c'est plutôt les armes et le marchandage...... Ah! oui! La grande question qui lui revient comme un coup de burin.....

- Alors? c'est une fille où un garçon?


Gorborenne
[Interlude]

Peut être conviendrait-il d'ici tourner une page. Maintenant qu'elle à pu s'écrire, viendra le temps de la relire. De ce qui se passa ensuite il y a finalement peu à dire. Duncan Somerled Mc Gregor, Contrebandier des Piste du Nord repartit plus tard dans la journée, un maigre paquetage sur les épaules. À la nuit, il avait déjà quitté le rempart des crêtes ceignant le Val. Traçant sa route vers le nord, encore au hasard. Il pensait à rentrer chez lui, mais hésitait tout autant à faire un petit détour par le Sud Est, revoir le Janissaire des Chemins d'Orient.....

Gorborenne et Isa restèrent encore à couler quelques jours tranquille à s'émerveiller de leurs jumeaux à peine nés. Découvrir une nouvelle route qui s'offre à eux, déjà s'émerveiller de ses détours alors qu'elle n'en est qu'à ces premiers tournants...... La joie inaltérable des jeunes parents.... Le monde pourrait s'écrouler autour d'eux...... que rien, il peut bien s'écrouler.......

Puis vint le temps de finalement reprendre la route. Éteindre le feu dans l'âtre du cabanon au sommet du grand hêtre, refermer les volets, qui grincèrent comme tristes que déjà le Castel reprenne son manteau d'ombres ensommeillées, en attendant le prochain retour du Maître.

Direction la Bourgogne, un autre château, un vrai cette fois, avec un vrai noble, le Baron d'Arquian, chef de la Compagnie des Dragons. D'ailleurs la bannière d'or au dragon de sable claque fièrement alors qu'Orion et Cédalia galopent à tire d'ailes vers leur autre foyer. Et puis, ils sont attendu là-bas. Une missive était arrivée quelques jours plus tôt, la Tetya Sad s'était mis en tête de convier tout le monde à un banquet pour la Saint Noël..... Il ne fallait pas trainer....... Le banquet d'ailleurs, fût riche en émotions et divertissements, mais il aurait fallu être là pour le voir......

Pendant ce temps, Val Carança se laissait peu à peu envelopper sous le manteau de l'hiver profond. La neige se mit à couvrir l'horizon de sommets au vallons, inondant les lacs à les geler et les masquer, déposant de couches de poudreuses où il est risqué de s'aventurer tellement on s'y enfonce. Les jours raccourcis semblaient pourtant s'écouler au ralenti, dans un silence de montagne à peine troublé ça et là par le cri d'un rapace en quête d'un diner imprudent......

Puis peu à peu, alors que le Soleil se montrait chaque jour un peu plus présent, les oiseaux revenant du sud se mirent à repousser la neige du fond des vallées vers les sommets, laissant dans son sillage myriade de broussailles, forêts et pâturages se parant des couleurs du renouveau. Avec le temps reviens le printemps........



[Chapitre second: La Chasse au Cœur.....]

[Frontière Orientale de la Roseraie - Un dizaine de lieues à l'Ouest de Clermont - fin de printemps 1458]

Le temps a passé depuis les dernières nuits passées à Castel Carança. Après les Caligulesques turpitudes Bourguignonnes étaient venus les jours sombre des batailles. La Provence et sa guerre..... Une autre page, un autre chapitre, écrit de sang pur ou coupable, jamais ne sera vraiment lavé. Il y eut des joies, des rencontres, il y eut des blessures, des défaites. Et comme toujours les cicatrices qui seront longue à se refermer ne sont pas du genre qui nous barrent la peau où les chairs..... Qu'importe encore aujourd'hui cette rancœur enterrée dans le sable de la garrigue? Qu'importe ses souffrances baignant dans la Camargue? Orion le Géant y a porté souffle de Dragon et feu de Démon.... Sans questions pour la contribution..... Mais comme le vent change l'horizon...... Et vint le temps de tirer sa révérence.... Peut être un remords d'une rage déjà émoussée par le temps? Qu'importe......

Un sentier de bûcherons qui s'enfonce dans la forêt, presque une piste au vue de sa fréquentation. Entre les coupeurs de bois, et ceux qui importent du poissons - ou autre chose - depuis Ventadour vers l'Auvergne en évitant soigneusement les postes-frontières. Une autre de ses routes aimées de la contrebande..... mais aussi des douaniers..... C'est que à force, et bien, il ne faut pas les prendre pour des ignorants non plus. Ce n'est que le jeu du plus malin, et la longueur d'avance n'est pas toujours à ceux qu'on croit..... Mais passons....

Ce qui en ce lieu et en cet instant importe n'est pas non plus cette course qui entraine une massive silhouette à travers les sous-bois, mais ce qu'il y a au bout....... Pour la première fois depuis des années, le Géant ne suis pas une route, mais se dirige vers l'horizon....... Son horizon......

Il s'arrête un moment, se repère....... cherche ses repères....... Plus loin il faudra quitter le sentier et s'enfoncer au cœur des futaies sauvages grimpant vers les sommets. Bientôt, le Vert Chemin, l'autre route montant vers Val Carança. Impraticable l'hiver, introuvable les autres saisons, il faut savoir se perdre au cœur de la forêt pour la trouver........



[édit pour petite modif de la partie chapitre 2, pour cohérence de changement de direction du RP]

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Isa.
Routes, sentiers, raidillons... Depuis des semaines, presque des mois si l'on excepte l'interlude de Noël à Arquian, leur quotidien se déroulait sur les chemins. Les chevaux et les hommes marchaient, les jumeaux perchés tantôt sur le dos de leur père puis plus tard dans un vaste berceau fixé à l'arrière du cheval de leur mère et confectionné astucieusement par un géant devenu doux dingue. Les enfants, quand ils ne dormaient pas, animaient de leurs cris ou parfois aussi de leurs pleurs le parcours sinueux de leurs parents. Haltes impromptues pour profiter d'un paysage ou permettre aux corps fatigués de s'allonger un peu, nourriture glânée dans les bois frémissants, pause tendresse et jeux sous un arbre ou discussion parfois plus animée autour d'un feu, et moments câlins aussi. Toujours ! Tout ces instants assuraient équilibre et rammenaient le géant à la sérénité souvent troublée par l'organisation d'un pique nique.

L'autre quotidien, c'était celui des pigeons, des discussions parfois animées, des missives, des demandes de compte, des jérémiades et réclamations de certains, de l'impatience non contenues des autres. Pression ? Enervement ? Lassitude ? Le géant ne ménageait pas ses efforts mais l'entreprise était fastidieuse et pour lui, c'était une première organisation. Pas toujours évident de contenter tout le monde, pas toujours envie non plus de rendre des comptes à certains ou de s'entendre critiquer sans cesse par d'autres qui pensaient en savoir plus ou savoir mieux. Isa assistait de loin, souvent impuissante à l'acharnement des uns et des autres envers son homme. Et elle avait voulu prendre de la distance par rapport à tout cela, pour être plus à même de le soutenir et de le réconforter quand le besoin s'en faisait sentir.

L'usure et la fatigue commençaient cependant à se manifester. Isa, si elle suivait son homme parce qu'elle ne concevait pas la vie ailleurs qu'auprès de lui et des étoiles, n'aspirait cependant qu'à une chose : reprendre un peu de recul par rapport à cette vie mouvementée. Retourner là-haut, y découvrir la forêt à l'heure du grand réveil de printemps, Faire découvrir le renouveau de la nature aux jumeaux et retrouver son géant.

Un interlude des plus funestes les avaient un peu éloignés l'un de l'autre. Car même si Isa savait être l'unique, la seule de qui il acceptait tout, celle qu'il avait choisie et qu'il aimait au delà de toutes, de récents événements avaient mis à mal cet amour. Elle s'était sentie flouée, abandonnée pour une autre, qu'elle savait toujours là, tapie dans l'ombre à le suivre, à l'interpeler. Elle avait laissé un mot à l'aubergiste ... Elle savait qu'il devrait chercher un peu pour retrouver sa trace mais après tout, il n'avait eu aucune peine à la planter là et elle ne savait que trop les raisons de cette fuite.

Elle avait pris la route seule, avec les jumeaux et Madeleine... La route du Val. lle n'y arriverait pas seule c'est sûr. Elle s'était enfuie. Lâchement ? Non douloureusement. Les questions emplissaient sa tête alors qu'elle trottinait : viendrait-il ou profiterait-il justement de cette fuite pour se détourner d'elle ... Mais s'il l'aimait autant qu'il le prétendait et autant surtout qu'elle le croyait, il comprendrait la douleur qui est la sienne, saurait la retrouver à temps et prendre le recul nécessaire pour la reconquérir. Elle n'avait pas de grotte où se réfugier. Elle avait juste envie de hurler, de marteler ce torse et de lui faire ressentir l'immense peine qui était sienne.

Le temps pressait ... s'en rendait-il compte ?
Gorborenne
When the night has come, and the land is dark
And the moon is the only light we'll see
No I won't be afraid, no I won't be afraid
Just as long as you stand, stand by me

If the sky that we look upon should tumble and fall
And the mountains should crumble to the sea
I won't cry, I won't cry, no I won't shed a tear
Just as long as you stand, stand by me

Stand by me.....

Cette chanson que fredonnait souvent l'écossais trotte inlassablement dans sa tête....... Elle est partie...... Toujours à l'arrêt, les pieds campés dans les feuilles qui jonchent le sol, il secoue tristement la tête comme pour se rendre à l'évidence...... Difficile de remettre ses pensées dans l'ordre, de déjà trouver un sens à tout cela..... Tout ce qui s'impose à lui aujourd'hui, c'est une direction..... Il sait où il aller..... où il veut aller.... Mais il peine encore à comprendre comment il en est arrivé là......

Ou peut être pas..... Des choix, toujours une question de choix..... les "carrefours de l'existence"...... Comme sur une immense tapisserie, chacun en fil se joint à la trame pour s'emmêler et s'entrecroiser dans un motif plus large....... Peut on changer le dessin, ou est-ce le dessein du destin?...... Sourire amer...... cette façon de voir, de vivre, façon d'être tout simplement qui est sienne depuis si longtemps..... La liberté comme cause....... Cause qui s'effondre et c'est là l'évidence........ Géant qui secoue la tête plus énergiquement cette fois.

"Non! cela ne sera pas!"

La route change mais ne s'arrête pas...... il redresse la tête, reprends sa marche, mettant dans son premier pas un début de certitude...... Être libre n'est rien d'autre que le choix que l'on fait.... d'être libre ou non...... quoi qu'on en pense le reste n'est que nuance et conséquence, les sentes sur lesquelles on avance.......

Un moment déjà qu'il a quitté la piste des bûcherons pour s'enfoncer au plus profond de la forêt, se frayant un chemin entre les taillis touffus des sous-bois.

Isa........

Murmure qui s'échappe alors que son visage se glisse devant ses yeux comme l'envie de la retrouver le presse...... Depuis des jours qu'il suit sa piste, depuis loin dans le sud....... Le Sud...... qu'on dit si accueillant mais qu'il a l'impression de vouloir maudire chaque jour un peu plus....... Pays ou s'entremêlent le sang à la terre, où se marient l'espoir à la colère...... Long soupir fatigué d'y repenser, mais le Géant redresse sa carcasse, roule une fois des épaules et laisse sa nuque craquer en inclinant rapidement la tête de gauche à droite et reprend sa progression avec un léger sourire comme une autre certitude se fait jour peu à peu....... qu'importe où vont les sentiers qui les traversent, les Sylves demeurent impassibles......

La forêt.... celle où il progresse, il la connaît sans doute mieux que sa poche, de crêtes boisées et de vallons ombragés, sur des dizaines de lieues..... comme le fut autre-fois le Bois Cendré...... Quoi qu'il y ait sous la cendre, son temps viendra..... Le temps viendra pour eux de retourner là bas...... Mais d'abord il lui faudra la retrouver ici......

Pourtant, il ne suis plus sa piste depuis un moment déjà, préférant un raccourci, droit vers l'entrée du seul chemin menant au Val..... un chemin qu'il sent devoir lui ouvrir aujourd'hui..... Un autre sourire avec un début de réponse...... L'énigme étincelante..... Laisser la lumière montrer la route et lui ouvrir la voie...... peut être.....

Le Géant s'arrête net, comme toujours alentours regard se jette, sonde la forêt de tous ses sens, ressent des arbres, d'un écureuil ou d'un lapin la présence...... À sa narine, parfum familier signifiant qu'il est arrivé, devant lui, un immense taillis de rosiers, haut comme plusieurs hommes, se propage de façon arbitraire à travers les sous-bois si loin et si profond qu'il est impossible d'en estimer la taille et l'étendue...... Quelques pas, contourner un massif abondamment fleuri de roses, jetant de la lumière pénétrant entre les arbres quelques reflets colorés...... Juste là......

Les Portes de Carança......

Une muraille de verdure, où au rosier s'entremêle un lierre venant s'ajouter à l'impénétrable...... Le Géant s'avance, face au rempart de verdure, s'arrête, adresse un salut muet, puis s'approche d'un arbre trônant comme un donjon solitaire face à la citadelle végétale..... Regard qui remonte du tronc et glisse d'une branche à l'autre, pupilles qui se resserrent alors qu'il trouve ce qu'il cherche..... Une corde, un bout niché au creux d'une large branche à trois toises au dessus du sol, le bout du filin se perdant dans les frondaisons..... Mouvements vifs de l'homme des bois qui reviennent, il bondit, agrippe une branche des mains, prends appui des pieds sur le tronc, glisse - quand même un peu rouillé du manque de pratique - se reprend et finalement se hisse jusqu'au câble. Le Chauve se cale en équilibre, saisit le câble et commence à l'enrouler progressivement, mais la première résistance arrête son bras et il repose la corde sur la branche. Il reste un moment ainsi, comme suspendu, sans hésitation, non, juste le temps d'arrêt que l'on marque avant de poser geste.....

Toujours l'on s'annonce en Borée, que l'on soit en visite ou devant sa propre entrée, main qui va au ceinturon un cor décrocher.....


[Interlude: Le Chant de Lesa Golos]

Peut être faudrait-il en dire un peu plus sur ce cor ornant la ceinture du Géant depuis ses quinze printemps...... Un héritage aussi lourd de souvenirs que les griffes au fourreau dans son dos...... D'ivoire et de bois ciselé, son timbre se reconnait entre mille par sa tendance à crisper ceux qui entendent son cri strident raisonner à travers les campagnes ou aux portes des villes, jusqu'à en maudire cette double note dissonante typique du cor de Borée......

Et pourtant, il n'y a de de plus mélodieuses harmonies que celles de Lesa Golos glissant et rebondissant de feuillage en feuillage...... Lesa Golos, la Voix des Sylves, qui hurle au monde mais chante aux arbres, se faisant cri, se faisant murmure, se faisant écho, mais porte toujours où il faut.......

De loin en loin, d'arbres en clairière, de cor en cor, le peuple de Borée ainsi étendait sa voix dans la foret, chantait la voix de la forêt, imprimant dans les notes les humeurs autant que les messages...... Mais c'est là quelque chose que l'on ne peut comprendre sans l'avoir vécu et entendu.....

Nombreux sont les esprits carrés appréhendant de façon dubitative qu'un tel instrument puisse donner naissance à quelque mélodie, surtout après avoir été tiré à l'aube de leur paisible sommeil bourgeois par son cri strident raisonnant dans la plaine face à leur cité..... Improbable et impossible qu'ils disent. Ceux là ne connaissent rien à la musique et ne comprendront jamais qu'elle exprime souvent bien plus que ce que des mots en seront jamais capables....... Et quant au fait étrange que le cor de Borée ne laisse entendre la douceur dont il capable que sous le couvert des arbres au plus profond des forêts, c'est qu'il ne peut chanter leur voix qu'à leur oreille..... Essayez de parler sous l'eau, et vous comprendrez qu'il est des lieux ou l'on s'exprime, et d'autre où l'on bafouille.........



[Le Vert Chemin]

Yeux qui se ferment comme s'ouvre le cœur et chante le cor...... La notre un peu triste cherche pourtant à porter un brun d'espoirs entre les futaies..... qu'importe la distance, l'appel saura la trouver.......

Les frondaisons raisonnent encore d'un écho mêlé des bruissement du vent, puis retombe le silence, presque pesant. Le Géant laisse la corde se dérouler jusqu'au sol et redescend de son perchoir sans attendre. Regard sur la muraille de verdure alors qu'il entreprend de l'ouvrir..... À l'autre bout de la corde, deux poteaux dissimulés entre les taillis s'écartent peu à peu. Feuilles qui froissent, branches qui craquent et s'écartent, laissant passage comme un tunnel s'enfonçant dans la végétation, noyé de reflets d'émeraudes et de rayons vermeils......

Il reste ainsi un moment, un bras au dessus de la tête maintenant le filin, le regard plongeant au creux du Vert Chemin...... Le temps d'un regret..... de ne l'avoir près de lui à cet instant...... Un chemin comme un secret, mais de ceux qu'on voudrait partager......

Une brume qui lui passe dans les yeux quand il accroche son cor à la corde pendant là. Une fois qu'il l'aura franchie la porte se refermera derrière lui.... En laisser un clé, qu'elle puisse trouver l'entrée..... Viendra-t-elle? Il se prend à l'espérer...... Il n'y a que là haut qu'ils pourront se retrouver......

Silhouette qui se tasse légèrement comme le Géant franchit le seuil oriental des terres de la Roseraie de Carança. S'avance avec une certaine retenue, marchant à pas feutré entre les rosiers, jusqu'à sortir des taillis au bord d'un torrent, répercutant de ses clapotis vivace la fraicheur du vent des hautes montagnes où il prends sa source.......

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Isa.
Errances, indécisions, allées et venues.... Une nuit passée en pleine nature, à l'abri d'une cahute de bois, même pas confortable. Des jumeaux un peu grognons, fatigués par une nuit presque sans sommeil, entre dents pour Lileia et nez encombré pour Goran. Non loin de l'aube tous s'étaient endormis, les bébés dans les bras de leur mère , Madeleine refermant le nid de fortune. Lasse ...

Et pas de nouvelle de lui ... Malgré le mot laissé à l'aubergiste. Quelle idée aussi finalement. Pourquoi l'avoir laissé à cet homme qu'elle ne connaissait pas et qui peut-être n'avait même pas gardé ce petit bout de rien. Peut-être aussi que le chauve n'était jamais arrivé à cette auberge. Peut-être l'avait-il cherchée ailleurs, la croyant revenue sur ses pas .... Peut-être ... NON !!! Ca elle était sûre que non ! Il n'avait pas pu les abandonner tous les 4 pour elle.

Perdue dans ses pensées, Isa chevauchait Aragon, les jumeaux endormis derrière elle. Peu à peu, la journée touchait à sa fin et après plusieurs hésitations, plusieurs détours elle du se rendre à l'évidence : elle n'arriverait pas seule au Val. Elle n'avait jamais fait la route seule et la seule fois où elle y était allée, c'était lui qui menait le traîneau.
Rebrousser chemin, telle était la seule solution pour l'instant.

L'attente se poursuivait ...

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