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Rheanne veut voyager et prendre de l'air depuis un bout de temps... Marylune veut aller chercher Beraude, un membre de sa famille à Polignac et visiter en même temps... D'une pierre deux coups, les demoiselles partent ensemble dans ce qu'elles appellent premièrement un voyage, mais qui ressemblera plutôt à une aventure à laquelle elles ne s'attendaient pas!

Les aventures de la brune et de la rousse

l0velune
Un matin chargé pour la rousse. Les bagages étaient prêts, certes, mais il lui fallait s'habiller chaudement pour aller chercher la brune à l'auberge. Voilà des semaines qu'elles avaient préparé leur escapade et quelques jours qu'une raison à leur voyage avait surgie. Elles iraient à Polignac chercher un membre de la famille Mirandole qui souhaitait s'établir dans le Maine. Même si elles n'avaient pas trouvé une raison à leur voyage, les deux jeunes femmes seraient tout de même partie, sans itinéraire. C'était presque rassurant pour la famille de la rousse qu'elle ait désormais une raison de partir, ainsi qu'une carte à suivre.

Le cocher? Pas de cocher! Marylune allait conduire elle-même, vêtue très chaudement, une couverture sur les jambes, remontant sur son gros ventre. Est-ce que c'était de la folie de partir à environ un mois de l'accouchement? Peut-être... Mais la rouquine n'en avait cure! Elle en avait marre d'attendre et avait attendu la fin de son mandat avec impatience pour partir à l'aventure entre filles.

Aux commandes du carrosse dans lequel elles pourraient dormir à défaut d'auberge, Marylune quitta la demeure familiale en route vers l'auberge de Mayenne où devait l'attendre sa brune. Pendant la route, elle ne se lassa pas de se ré-imaginer l'inquiétude de ses parents à propos de son voyage. Mais que pouvaient-ils bien faire contre? Leur fille serait en sécurité en compagnie d'un soldat de l'Ost et d'une amie... la chose est que la rousse n'avait pas spécifié que Rheanne et le soldat ne faisaient qu'un.

Comme pour calmer les tensions, la jeune femme avait conservé son bouclier de l'Ordre de la Cosse e Genêt dans son dos et son épée à sa taille. Enceinte, elle avait plutôt l'air d'un âne, mais n'était ainsi pas dépourvue de défense. Rheanne en ferait sûrement autant avec ses propres armes et ensemble, comme deux guerrières (enfin... selon les apparences), elles braveraient les routes jusqu'à Polignac.

Arrêtant son fidèle Vagabond (le cheval...) devant l'auberge en question, Marylune se demanda s'il valait mieux descendre chercher son amie ou patienter et surveiller les bagages. Elle opta pour la deuxième option en ajoutant un appel, les mains en porte-voix.


Rheaaaaaaaaaanne!

L'ardennais (le cheval...) souffla de ses narines et baissa la tête au sol, cherchant la moindre nourriture sans rien y trouver. C'est que le sol était simplement recouvert de neige. Pas la peine non plus de vérifier l'eau pour les chevaux. Elle était sans aucun doute gelée.

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Rheanne
Rheanne n'avait quasiment pas quitté sa chambre depuis des jours. En fait, précisément depuis le jour où Marylune l'y avait fait ramené après la messe de Noël.
A la pensée de cette soirée, sa tête la relança et elle geignit. Bon sang, elle avait tenu une cuite de tous les diables, à se demander si Lysesl n'avait pas voulu sa mort à lui faire avaler du calva comme du petit lait. Certes la Rheanne avait eu besoin de liquide à ce moment là pour faire passer la pillule aristotélicienne mais point de se bruler la gorge avec un tel breuvage.
De la suite des événements, elle ne s'était rappeler que de s'être effrondrée sur un banc pour reprendre contenance et calmer les brulures de sa gorge. Les yeux coulant sans contrôle, elle avait senti des bras la soulever et de suite, elle s'était laissée aller dans un océan de brume. Qu'il était bon de se laisser ainsi portée, ne se préoccupant aucunement des événements, des choix faits, de l'avenir qu'Aristote lui prodiguerait.

Pour sûr, qu'Il ne serait pas clément avec elle au vu de la scène de débauche qu'elle avait pu donner aux autres fidèles en la cathédrale du Mans.

Elle se servit un peu d'eau à l'aide du broc posé à côté de la table de chevet. Il fallait qu'elle refasse surface. Elle ne devait pas laisser le calva et autre breuvage régir ses choix. Et puis n'avait-elle pas promis à Marylune de l'accompagner vers le Sud pour aller chercher... Chercher qui au fait ?
Bon sang, il était évident que l'alcool qu'elle avait ingurgité ces derniers jours devait être frelaté pour lui causer ainsi de si grands trous de mémoire.
Un nouveau verre d'eau. Ca n'avait pas aussi bon goût, mais sa future mission ne pourrait tolérer la moindre faille. Sa première vraie mission depuis que la brune s'était décidée à s'engager dans l'Ost. Il y avait bien eu une première mission de protection de l'évêque mais aucune péripétie n'avait pu enrichir la jeune femme. Elle n'avait passé son temps qu'à faire la discussion à l'homme d'église. Curieux soldat...

Quelques minutes pour remettre toutes ses idées en place, elle s'étira. Combien de temps avait-elle passé ainsi allongée ? il lui semblait que cela durait depuis des lunes. Bon, elle devait se secouer un peu, elle savait qu'elle devait se préparer pour le voyage mais elle était incapable de se rappeler la date qui avait été fixée pour le grand départ.
Elle fit le tour de la chambre de l'auberge des yeux, cette chambre si vide et qui lui rappelait tellement sa propre indécision. L'aubergiste avait été très surpris lorsqu'elle avait détalé dans la salle des repas en hurlant qu'on lui attribue une nouvelle chambre. Pourquoi avait-il fallu qu'il n'y ait que cette auberge potable dans cette ville ?? Pourquoi n'avait-elle jamais pris le temps de rechercher une demeure bien à elle ? Et pourquoi ajoutait-il à sa peine en restant lui aussi en ce lieu ?
Elle ne l'avait pas revu depuis la fameuse discussion la veille de Noël. Juste avant la messe, se dit-elle. Une simple missive déposée sous sa porte qu'elle avait lu à son retour du domaine de la Mirandole et qui avait fini par l'achever et la faire pencher à noyer ses doutes et sa peine en des effluves peu recommandables pour la jeune femme qu'elle paraissait.

Se secouer, il le fallait, pour son salut. Si elle repensait encore à cela, elle sombrerait à nouveau et elle ne savait si elle se réveillerait à temps pour son amie.

La rousse, le voyage, sa promesse. Elle se leva finalement et ouvrit la porte de l'armoire. Etonnement, un paquet tronait au fond de l'armoire. Un paquet inconnu pour elle. Méfiante, elle n'osait pas l'ouvrir. Etait-ce un énième coup de poignard de son compagnon. Elle secoua la tête et rectifia : ancien compagnon. Pourquoi ce choix qu'elle avait fait d'elle même la faisait autant souffrir ??

Dévorée par la curiosité et l'idée d'en avoir le coeur net, elle mit à genou devant l'armoire et ouvrit le paquet. Elle soupira d'aise. Des robes, de simples robes. Enfin pas si simples que ça. Elle passa la main sur les tissus colorés et apparemment de très bonnes factures. Comment est-ce que cela avait pu arriver ici ? Etait-il possible qu'elle ait pu faire les boutiques sans même s'en rappeler ?
Encore un autre point à éclaircir.

Mais Rheanne n'eut pas le temps de réfléchir longtemps, une voix la réveilla de sa torpeur.


Rheaaaaaaaaaanne!

Elle reconnut la voix de suite, telle une sirène lui intimant de revenir à la réalité. Elle se releva pour se diriger vers la fenêtre de sa chambre. Elle ouvrit les volets, restés clos depuis plus d'une semaine et s'enquit de ce qui se passait à l'extérieur.

Elle se pencha pour pouvoir voir une Marylune assise aux commandes d'un carosse. Le temps du départ devait avoir sonné et voilà que Rheanne était loin d'être prête, ni dépeignée ni même habillée, la voilà qui devait être dans un bel état. Elle n'eut même pas honte de se montrer ainsi à son amie.

Elle lui sourit, l'air encore un peu renfrogné et embrumé.


Ah Mary !!
Comment va ? Tu viens discuter de notre voyage ?
Tu as décidé de la date de départ ?


Rheanne était loin de penser qu'en effet la date avait été fixée et que c'était pour maintenant. Et elle restait là à sa fenêtre à tailler le bout de gras à la jeune femme rousse alors que le froid commençait à la saisir. Mais elle n'en avait cure, elle ne le ressentait même pas.
l0velune
Ah Mary !!
Comment va ? Tu viens discuter de notre voyage ?
Tu as décidé de la date de départ ?


Hein?

De l'incompréhension dans l'air... Rheanne était à sa fenêtre et Marylune remarqua qu'elle était loin d'être habillée pour sortir. La rouquine se rappela que la dernière fois qu'elle avait vu la brune, c'était chez elle, alors qu'elle était complètement ivre à cause de la flasque de calva de Lysesl. Pour une fois que c'était pas la faute de Gaelant...

Je te rejoins Rheanne!

Après un coup d'oeil vers le carrosse, Marylune décida de le confier au premier vagabond qu'elle croisa. Un jeune garçon passait justement par là. La dame descendit doucement et alla le voir.

Excuse-moi mon garçon. Pourrais-tu me rendre un service? Je te donnerais 5 écus pour surveiller mon carrosse. Deux maintenant et trois à mon retour.

Constatant qu'il faisait froid et devant l'acceptation enjouée du garçon, Marylune eut un léger pincement au coeur et retira la couverture qui traînait encore sur le carrosse pour la lui tendre. Un sourire chaleureux forcé et elle entra dans l'auberge.

Heu non... elle se ravisa, ouvrit une porte du carrosse et s'empara d'une malle. Enfin, elle revint vers l'auberge et entra, en proie à des pensées troublantes. Aux yeux du garçon, 5 écus c'était très généreux, mais pas suffisamment pour venir en aide à tous les plus démunis de Mayenne.

Elle soupira et se retrouva machinalement devant l'escalier menant aux chambres. L'aubergiste était déjà fort occupé à réchauffer à l'aide du foyer et d'alcool les habitants du coin en ce dur hiver. Marylune monta à la recherche de la jeune femme, essayant de visualiser l'emplacement de la fenêtre de Rheanne. Elle n'osa pas cogner... Elle ne voulait pas se tromper et avoir la honte de sa vie. Digne d'une statuette indécise, elle patienta, les yeux rivés sur chacune des portes. L'idée lui vint de piétiner le plancher de ses bottes de cuir pour prévenir la brune que son amie était dans le couloir, mais ne connaissant pas l'âge de l'édifice, elle n'osa pas de risquer...

Quelle porte ce serait donc...? Du côté de la rue, évidemment, mais encore? Marylune souffla et s'approcha d'une porte et cogna trois petits coups. Une voix masculine répondit.


Vous êtes tôt aujourd'hui, Rebecca...!


La porte s'ouvrit sur un homme déjà en train de se dénuder. Figée de frayeur, Marylune recula...

Je... je... me suis trompée!!!

Le feu lui monta aux joues tandis que l'homme semblait plus amusé qu'autre chose... Il n'avait pas honte celui-là d'ouvrir torse nu??? Correction... presque nu!!!! Après avoir recouvré ses esprits, Marylune cacha pudiquement cette image derrière sa main gauche et détourna la tête. son calme légendaire revint et elle réussit à articuler quelques mots.

Pardonnez-moi de vous avoir dérangé. Je me suis trompée de porte.

Une voix amusée et un peu trop à l'aise compte tenu des événements répliqua.

Ne me vouvoie pas, on est copains maintenant!

C'était plus qu'elle ne pouvait le supporter...

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Rheanne
De sa fenêtre, Rheanne avait pleine vue sur Mary et son attelage de luxe. La jeune femme rousse parut aussi perdue que la brune mais pour d'autres raisons.

Hein?
Je te rejoins Rheanne!


Marylune parut assez désespérée de voir Rheanne ainsi accoudée à sa fenêtre. Et la brune de maugréer.

Pour sûr que si tu veux causer du voyage, on sera mieux au chaud.

Elle vit Mary descendre apparemment à contrecoeur de sa place de conductrice de carriole. Faisait-il si froid au dehors ? Rheanne ne s'en rendait pas compte. Elle jeta un oeil vers le foyer, celui-ci était éteint. Et à cela, rien d'étonnant, à garder le lit plusieurs jours, elle ne s'était pas préoccupée d'entretenir le feu.
Un coup d'oeil à la réserve de bois : rien. Enfin, il y avait bien une énorme bûche mais pas de quoi démarrer un feu. Pas de petite brindille et la braise avait depuis longtemps disparu. Nouvelle raison de maugréer. Ce n'était vraiment pas son jour. S'il n'y avait eu qu'elle, elle serait retournée bien vite sous l'édredon mais Mary venait de dire qu'elle arrivait. Alors à défaut d'être elle même présentable, elle se devait de rendre l'endroit un peu plus confortable pour son amie.

Elle décida donc de descendre à la salle des repas pour mander de quoi rallumer son feu à l'aubergiste. Elle jeta un oeil dans le seul miroir de la pièce et y découvrit sa mine et sa tenue. Réellement, il était préférable que personne ne puisse la voir dans cet état. Aux grands maux, les grands remèdes. Elle passerait juste la tête hors de sa chambre pour héler l'aubergiste et lui passer commande.

Elle ouvrit donc la porte de sa chambre et prit une profonde inspiration pour donner de la voix. Mais tournant la tête sur sa droite, vers l'escalier qui donnait dans la pièce à vivre, elle découvrit Marylune tendant la paume de sa main vers une porte grande ouverte. Elle avait la tête tournée sur le côté, vers Rheanne et maintenait les yeux fermés. Elle semblait avoir devant elle une vision d'horreur.
Déjà, son amie semblait avoir besoin du secours du Dragon Mainois de l'auberge. Elle sortit de sa chambre et se dirigea vers le lieu de mauvaise séance qui se situait à deux portes d'elle.


Eh bien Mary, tu as décidé de rendre visite à toutes les chambrées ?

Elle regretta bien vite d'avoir parlé aussi fort dans le couloir. Pourquoi était-il parfois si idiote. Si Ada se trouvait dans leur chambre, enfin sa chambre, il était plus qu'évident qu'il avait dû l'entendre. Et Rheanne ne se sentait pas d'humeur de l'affronter, lui, ses attentions et ses supplications. Elle s'avançait pourtant vers Marylune en jetant un rapide coup d'oeil à LA porte, priant Aristote que celle-ci reste fermée et que son occupant ne se trouve pas derrière celle-ci.

Et Aristote parut l'entendre, Rheanne arriva sans encombre aux côtés de Marylune et devant le spectacle. Et quel spectacle !!
Un homme quasi nu leur faisait face et il arborait un de ces sourires qui ne présageait rien de bon pour toute jouvencelle qui avait le malheur de se trouver sur son passage.

Rheanne ne se départit pas, ce n'était pas un homme ainsi peu vêtu qui allait la mettre mal à l'aise. Elle se plaça entre les deux protagonistes surtout pour protéger la pauvre Marylune de la vision qui avait l'air de la horrifier et éviter un quelconque mouvement de l'homme vers la jeune femme. Pourtant au vu de son état, la chose ne devait pas être si surprenante pour la future mère. A moins que le diacre ait toujours pris soin de souffler les bougies dans leur moment d'intimité.

Elle revint à la situation, il lui fallait envoyer paitre le malotru. Elle croisa les bras sur sa poitrine et prit un air peu avenant. Avec un peu de chance, elle réussirait à lui faire peur.
Quelle innocente cette Rheanne, elle semblait oublier qu'elle même n'était pas dans une tenue très correcte, simplement vêtue d'une longue chemise blanche et de son châle sur les épaules.


Messire, arrêtez d'importuner cette jeune femme. Ne voyez vous point qu'elle n'est pas en état de vous satisfaire ?
Et puis, je sais pertinemment que vous n'êtes pas son genre d'homme.


Le regardant de pied en cap.

Non, franchement, vous n'avez vraiment rien qui puisse lui convenir.

Elle commença à rire espérant ainsi le déstabiliser et le faire retourner dans sa tannière.
Mais l'homme sourit lui de plus belle. Bon sang quelle aubaine !! Il se retrouvait avec deux demoiselles sur le pas de sa porte. Il toisa la brune légèrement vêtu et se mit à ricaner.


Mais pas de problèmes, mes toutes belles. Il y en aura pour toutes les deux.

Alors là, Rheanne sentit la situation lui échapper. Pour sûr, elles étaient deux et lui seul. Mais l'une était grosse et la course lui serait un vrai calvaire. La seconde pourtant plus alerte avait beau être soldat, elle ne savait que très peu de rudiments du combat et sans arme, elle n'osait même pas imaginer le calvaire. Au pire, l'une d'entre elles pourraient s'enfuir. Et il était évident qu'elle devrait se coller à l'affrontement avec l'inconnu dévêtu. Elle commençait à entamer la retraite en se dirigeant vers sa chambre en prenant soin de guider Marylune qui était dans son dos. La jeune femme rousse comprendrait-elle l'ordre de repli ??

Nous n'allons pas vous déranger plus longtemps Messire. Enchanté de vous avoir rencontré mais nous avons un programme plutôt chargé aujourd'hui

En cet instant, elle priait Aristote à l'inverse, espérant que quelqu'un puisse leur venir en aide, même si ce devait être Ada. A moins que l'aubergiste arrive à entendre le raffut à l'étage. Et pourquoi Marylune restait figée ainsi ?
Il est certain que le voyage commençait à urger. Il n'était pas évident que Rheanne puisse rester une nuit de plus dans cette auberge après avoir découvert l'un de ses voisins.
l0velune
Eh bien Mary, tu as décidé de rendre visite à toutes les chambrées ?

Marylune était restée sans voix. Elle se demanda s'il ne valait pas mieux qu'elle ignore le messire pour se diriger vers son amie qui venait enfin à sa rescousse. Mais elle avait l'impression d'être devant un ennemi et que le moindre geste brusque entraînerait une attaque. C'est comme avec un chien. Quand on court, il nous court après... tandis que tant qu'on reste immobile, il nous observe nonchalamment. Et elle préférait se faire observer que d'être prise en chasse.

Rheanne vint la rejoindre. Dieu merci, elle avait une amie courageuse. Avec un peu de chance, elle connaissait son voisin de chambre et saurait s'en débarrasser gentiment.


Messire, arrêtez d'importuner cette jeune femme. Ne voyez vous point qu'elle n'est pas en état de vous satisfaire ?
Et puis, je sais pertinemment que vous n'êtes pas son genre d'homme.


Comme pour soutenir ses propos, Marylune hochait négativement la tête, pointant son ventre un peu trop rond pour une voyageuse qui pourtant s'apprêtait à partir. Justement, elle portait une valise! Ah tiens, la valise... de quoi frapper le messire s'il approchait.

Non, franchement, vous n'avez vraiment rien qui puisse lui convenir.

Rien!

Mais pas de problèmes, mes toutes belles. Il y en aura pour toutes les deux.

!!! Mais quel effronté! La rousse ouvrit la bouche et grand les yeux, cherchant une réponse qui tarda un peu à venir. Rheanne se repliait déjà.

Nous n'allons pas vous déranger plus longtemps Messire. Enchanté de vous avoir rencontré mais nous avons un programme plutôt chargé aujourd'hui.

Pendant qu'elle se dirigeait à pas de souris vers la chambre de Rheanne, la rouquine ne put retenir le flot de paroles qui lui chatouillaient la gorge.

Et sachez, monsieur, que mon... Gaelant va vous casser la gueule si vous osez à nouveau m'adresser la parole de cette manière! Je suis de famille noble, moi, messire, et je mérite le respect et pas qu'on me prenne pour une... pour une...

L'air dégoûté et les lèvres sévèrement pincées, elle cherchait un moyen de contourner ce mot qui grincerait dans ses oreilles, mais qu'elle entendait déjà tellement souvent.

Une catin! Voilà!

Elle avait balancé son bras droit et sa valise sur ses mots, comme si elle pouvait assommer le messire avec à distance. Puis, en sécurité dans la chambre, elle regarda la porte se fermer comme si l'homme en question allait oser y faire irruption. Enfin, Marylune éclata de rire dans un mélange de malaise et de... enfin de truc sans nom. C'était tout de même cocasse.

La rouquine ne porta ni attention à la propreté, ni à la décoration de la chambre. En rien cela représenterait son amie. C'était une simple chambre d'auberge, mais quelques bric-à-bracs semblaient appartenir à la brune. Aucune importance pour le moment. Marylune sourit à Rheanne.


Heureusement que tu es venue à mon secours! Cet homme m'a mise hors de moi. Quel... quel manque de savoir-vivre! Vraiment! Si je croise cette Rebecca, je ne sais pas si je serai capable de ne pas la dévisager. Ça me... lève le coeur de savoir que ce genre de femmes existent, à Mayenne en plus!


Elle soupira.

J'ai entendu dire au marché qu'il y avait une maison close. Je ne serais pas surprise de savoir que Demo s'y rend régulièrement...

C'était une très mauvaise blague. Premièrement parce qu'il était horrible d'imaginer son suzerain utiliser ainsi les pauvres femmes et deuxièmement, parce que c'était sûrement vrai. Ne sachant plus quoi dire, elle décida finalement d'observer la chambre en quête d'un sujet de conversation, mais rien ne lui vint, mis à part le fait que les bagages de la brune n'étaient pas prêts et qu'elle avait du oublier la date de leur départ...

Tu t'es bien remise de la messe? J'espère que Maggie ne t'a pas trop donné mal à la tête pendant ton séjour. Elle voit bien peu de gens et mes amis l'intéressent donc beaucoup. Il lui est interdit de sortir seule maintenant, depuis ma mésaventure avec Dimaro. Elle n'a plus le droit de rentrer en contact avec les... gueux.

Elle fit attention en utilisant ce mot. Ce n'était pas une insulte, loin de là... mais comment ce terme serait-il pris par Rheanne?

Maggie est donc en quelque sorte séquestrée. Ma mère a peur qu'elle revienne enceinte, si tu vois ce que je veux dire...


Du regret, bien sûr, mais Marylune était difficile à percer. Elle haussa machinalement les épaules comme si ça ne lui était d'aucune importance - complètement faux - et enchaîna.

Le lendemain de la messe, nous avons établie la date de départ de notre voyage. T'en... rappelles-tu?

Ce n'était pas un reproche, loin de là. Marylune était très compréhensive, un peu amusée, même si ses laisser-passer étaient datés et qu'il leur fallait à tout prix traverser les comtés et duchés dans des délais stricts à respecter.

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Rheanne
Tout au long de la négociation, Marylune semblait ne pas vouloir contredire la manoeuvre de Rheanne face au pervers à moitié nu. Malheureusement la tactique pour dégouter le Messire de vouloir s'enticher d'une baleine fut un véritable échec. Mais la négociation et le retrait étaient les seules alternatives auxquelles la brune pouvait penser.

Mais le repli ne semblait pas être au gout de la rousse. Alors qu'elles arrivaient devant la porte et que leur seule issue se profilait, Marylune ne trouva rien de plus intelligent que de narguer l'homme, le menaçant de représailles. Rheanne vit rouge, imaginant déjà le saligot leur courant après dans le couloir, prétextant vouloir leur apprendre le respect de la gent masculine.
Rheanne n'était pas du genre péronelle à rougir aux langages roturiers de certains mâles en manque de faveur féminines mais elle craignait surtout que la situation ne lui échappe. Qu'il arrive malheur ou mésaventure à la rousse, que le promis de la rousse se mêle de l'histoire et finisse par apprendre que Rheanne était de la partie. Alors là pour sûr, elle aurait grand intérêt à quitter le Comté fissa et à ne pas y remettre les pieds.
Son dos fut parcouru de frissons incontrolable à l'idée d'être pourchassé par le courroux de Gaelant. Il valait mieux de pas tenter le diable, du moins pas celui-là.

Mais pourquoi fallait-il que Mary veuille avoir le dernier mot. Sans prendre trop de manière envers la jeune femme bien ronde, elle la poussa vivement à l'intérieur de sa chambre et referma vivement la porte. Elle s'y appuya, espérant sans doute constituer un verrou infranchissable. Levant les yeux vers le plafond, elle se concentrait sur les bruits venant du couloir s'attendant à une cavalcade jusqu'à sa porte. Mais rien ne vint à ses oreilles à part un sourire bien gras. Certainement le pervers qui semblait amusé de la situation.

Toujours appuyée sur la porte, elle souffla d'apaisement et posa les yeux sur Marylune qui riait. Jeune insouciante, se dit Rheanne. Pensait-elle vraiment que tous les hommes étaient des exemples de raffinement ? Mais en y réfléchissant, Gaelant était-il vraiment capable de délicatesse ? Elle le connaissait guère mais le peu qu'il laissait paraitre ne donnait point trop envie de partir à l'aventure avec celui-ci. Enfin, si son amie avait choisi ce rustre toujours criant, c'était qu'elle avait dû déceler quelque chose en lui. Restait à savoir quoi !


Franchement Mary, tu as le don de te retrouver dans des situations... Il va falloir que je ne te quittes pas d'une semelle pendant notre voyage. C'est que je pense que beaucoup vont me demander des comptes si jamais...

Elle n'alla pas plus loin dans sa réflexion. Se disant que s'il devait arriver quoi que ce soit à la jeune femme rousse, même une simple égratignure, il serait moins douloureux pour Rheanne de trépasser et rejoindre le Très Haut. Gaelant, le cousin et tous ses amis. Pour sûr qu'elle ne ferait pas le poids.

Ma pauvre amie, ces femmes, comme tu dis, ont toujours existé. Simplement, il n'est pas très décent d'en parler. Penses-tu que nombre de nos amis ou voisins iraient se vanter de devoir faire sonner des écus pour avoir un peu de bon temps ?
Surtout quand certains se targuent d'être irrésistibles ?


Elle ricana doucement, pensant exactement au maire de Mayenne. Pour sûr qu'il avait une présence assez incomparable et Rheanne était persuadée qu'il ne devait pas avoir de problème pour chauffer sa couche. Sauf qu'il semblait avoir des besoins fréquents et que pour le coup, des femmes de joie devaient lui être d'un grand secours par moment.

Nouveau élancement de sa tête, lorsque Marylune évoqua la messe de Noël. Rheanne fit une moue en fermant les yeux. Elle aurait pourtant juré que son malaise avait disparu avec le danger d'attentat à la pudeur de l'instant d'avant. Mais rien que le souvenir de cette soirée ravivait tout. La sacrée cuite expresse que lui avait prodigué le calva de Lysesl, l'annonce difficile à son compagnon, les discussions interminables, les pleurs et les supplications vaines. Tout remontait en elle et elle sentit à nouveau ce sentiment d'être perdu qu'elle avait réussi à dissoudre dans les vapeurs éthérées des derniers jours. Mais elle ne devait pas se laisser noyer, pas devant son amie. Rien ne devait paraitre. Alors rien ne paraitrait.

Rheanne serra les poings comme pour menacer ses idées et les chasser. Elle respira profondément et rouvrit les yeux. Son amie la regardait fixement. La brune sourit faiblement et trouva une excuse à son absence.


Ah Mary, ne me parle plus de cette soirée. Rien qu'à en parler, j'en ai encore le tournis. Je ne sais si Maggie y est pour quelque chose mais j'avoue que je ne me rappelle même plus le trajet qui m'a ramené dans ma chambre.
Je ne sais pas qui est le fournisseur de Lysesl, mais on devrait le condamner pour mise en danger de la vie d'autrui. J'espère pour toi que Gaelant n'est pas lui aussi client du même débiteur de boisson.


Et Mary de lui parler de sa soeur et de ses fréquentations. "Gueux."

Rheanne regarda la jeune femme un peu étonnée. Elle n'avait jamais entendu ce terme dans sa bouche et elle avait bien compris que le terme lui était plus ou moins désigné.


Dois-je te rappeler que j'en suis une ??

Le ton était loin d'être agressif. Rheanne ne se choquait pas d'appartenir ainsi à la caste inférieure. Et elle devrait s'y habituer. Sans le vouloir, elle cotoyait de plus en plus de noble et de famille de renom. Non pas qu'elle cherchait leur compagnie, loin de là mais apparemment le Très Haut prenait un malin plaisir à jalonner la vie de la brune de ce genre de personnes en ce moment. Et il était vrai que Rheanne avait été assez étonnée de pouvoir être entendu d'eux et apprécié. Dans son enfance, elle avait toujours entendu dire de ne pas s'approcher plus de raison de ces nobles, qu'ils ne trouvaient leur plaisir qu'en avilissant les pauvres gens. Mais elle avait pu contredire ces a priori par elle même.
La rousse n'était-elle pas de noble famille ? Et pourtant, le fossé les séparant n'était pas si évident, du moins, si on enlevait l'aspect vestimentaire. Et le coeur lui même s'embarrassait-il de tels mythes ? Rheanne savait que non. Illumination : elle savait que non.

Troublée l'espace de quelques secondes par cette révélation, elle revint confuse à la conversation avec Marylune. Quoi ? Sa soeur Maggie ? Séquestrée ? Enceinte ? Se concentrée pour ne pas dire d'idiotie. Elle avait loupé le coche sur ce coup là. Un peu paniqué de ne savoir de quoi il retournait, Rheanne sourit comme une blondinette l'air de rien et prit l'air de celle qui comprenait et compatissait.
En son for intérieur, elle se dit qu'il serait temps qu'elle se réveille et qu'elle fasse un peu plus attention à ce qui se passe autour d'elle. Pour sûr que le voyage qui s'annonçait nécessiterait une brune à toute épreuve et avec toute sa tête.


Le lendemain de la messe, nous avons établie la date de départ de notre voyage. T'en... rappelles-tu?

Et voilà, nouvelle allusion à sa terrible soirée. Quelques minutes de réflexion infructueuse. Ah non, décidément, cette nuit et le lendemain la fuyait désespérément. Rheanne espéra juste n'avoir pas commis d'actes irréparables et honteux pendant cette période brumeuse.
Elle pinça les lèvres en plissant les yeux pour montrer à Marylune sa désolation d'avoir de tels trous de mémoire.


M'en rappeler ?

Et Rheanne décolla son dos de la porte et vint s'asseoir lourdement sur le lit encore défait.

J'avoue que j'ai peu de souvenirs de cette nuit et de mon retour dans ma chambre. Je ne me rappelais même plus avoir fait les boutiques. Et avec quel argent j'ai bien pu faire de telles folies.

Rheanne montra du doigt le paquet juste devant l'armoire, paquet éventré et laissant apercevoir diverses et riches étoffes. Le regard catastrophé, elle chercha du secours dans les yeux de son amie.

Dis moi, ai-je fait quelque chose d'honteux pendant ces deux jours ?

Elle craignait d'apprendre qu'elle avait pu être telle une Rebecca et se serait vendu à n'importe qui. Même au pervers de son étage, ce qui lui donna presque la nausée.
l0velune
Marylune fronça les sourcils d'un air honteux à cause de la réaction de Rheanne quand elle avait utilisé le terme ''gueux''. Elle fondit tout de suite en excuse.

C'est pas méchant, loin de là. C'est que... Je... je ne vois pas d'autres termes pour différencier, tu vois? Je n'ai pas l'intention de créer un mur entre nous deux, au contraire. Tu es mon amie et c'est tout ce qui compte. Je suis simplement née dans cette famille et... j'ai pas choisi.

Arf malaise... Elle ne souhaitait pas offusquer encore plus la brune, ni dévoiler tout ce qu'elle haïssait de la noblesse. Elle se tut, passant à un autre sujet, écoutant son amie attentivement. Après l'avoir ''offusquée'', elle lui avait rappelé son séjour chez elle qui lui semblait si terrible. Aucun souvenir? Elle ne se rappelait pas des séances d'essayage sous les yeux admiratifs de Maggie et d'Anette, sa nounou? Évidemment, la date de départ lui échappait complètement. La rouquine observa son amie qui allait s'asseoir sur son lit, mais resta debout, tenant sa valise avec ses deux mains.

Ne t'inquiète pas pour ta bourse. Ce paquet est un cadeau. Et j'en ai d'autres dans ma valise plus appropriée pour le voyage. Ma mère te donne aussi sa ''vieille'' cape en fourrure qui est presque neuve, en fait.

Elle s'approcha du lit, y déposa la valise et l'ouvrit, toute souriante, espérant que ça ferait plaisir à son amie. Elle était déjà prête à répliquer à un éventuel refus. ''De toute façon, nous ne les porterons plus! Ce serait du gaspillage, n'est-ce pas?''

Dis moi, ai-je fait quelque chose d'honteux pendant ces deux jours ?

Marylune sourit et d'une voix rassurante, lui répondit.

Absolument pas. Maggie souhaite même que tu reviennes. Tu l'as beaucoup fait rire.

Qu'allait s'imaginer la pauvre Rheanne après avoir mentionner le fait que Maggie avait beaucoup rit? Marylune n'y porta pas attention, parce qu'en réalité, tout s'était très bien passé. La brune avait du mal à croire qu'elle pouvait bien se comporter. Et bien... elle l'avait fait.

La cape de fourrure dans les mains, montrant le vêtement à Rheanne, elle souriait de toutes ses dents, comme la gamine qu'elle était.


Je crois que c'est du renard. En tout cas, mère m'a dit que c'était la cape la plus chaude qu'elle ait jamais porté. Ce sera parfait.

Elle se rappela que Rheanne n'était pas prête à partir, même qu'elle ne s'imaginait pas qu'elle devait partir le plus rapidement possible. Elle se demanda comment aborder le sujet en limitant les reproches que Rheanne se ferait elle-même. C'est qu'elle commençait à la connaître.

Tu pourras donc la porter dès aujourd'hui.

Évidemment, elle souriait encore chaleureusement. La situation la faisait bien rire de toute façon.

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Rheanne
Rheanne remarqua sans peine l’air gêné de son amie à propos des non nobles.

Mary, tu me connais, tu sais très bien que je ne suis nullement gêné de faire partie de cette catégorie. Et puis quand je vois l’attitude de certains nobles ou issus de bonne famille, ça me rassure de constater que je ne suis pas si différente de vous. Et comme tu dis, on ne choisit pas. Mais ses amis, on le peut.

En cet instant, Rheanne pensait à Mary qui l’avait toujours acceptée comme elle était mais aussi à un certain noble qui était apparu dans sa vie il y a peu et qui avait tendance à chambouler sa petite vie tranquille. Cela lui fit penser qu’elle devra rédiger une missive pour l’informer de son départ. Enfin quand elle retrouverait cette foutue date. Rheanne avait déjà pris soin d’évoquer avec Guilhem ce projet de protection rapprochée qu’elle et Mary avait fomentée. Même si la relation entre la jeune femme et le noble n’était que purement amical, elle ne pouvait se résoudre à lui dissimuler. Pour sûr que la distance qu’elle mettrait ainsi entre eux ne pourrait que leur donner l’occasion de voir plus clair. Car au jeu du chat et de la souris, ces deux là étaient devenus des experts.

Et Mary comme pour se rappeler à elle, s’approcha d’elle et déposa sa valise sur le lit. Rheanne n’avait pas remarqué celle-ci jusqu’à ce moment précis. Pourquoi se baladait donc-t-elle avec une valise ? Elle avait dû faire des emplettes et souhaitait les faire partager à son amie.

Elle suivit les mains de la rousse qui ouvrait la valise et y découvrit encore des vêtements. Mais de voyage ceux-ci comme le précisait Mary. Elle passait une main distraite sur les étoffes regardant la généreuse donatrice d’un regard incrédule.


Plus appropriés pour le voyage ? Vous avez quand même une drôle de notion du voyage.

Rheanne était à la fois ravie et gênée de se faire ainsi rhabiller par une noble. Elle ne demandait jamais la charité mais elle savait que venant de Mary ce n’était qu’un geste d’amitié. Et peut-être que la gueuse se sentirait un peu moins en retrait de part ses accoutrements.
Elle admira la « vieille » cape en fourrure. Rheanne n’en avait jamais porté, du moins pas d’aussi belle. Elle semblait sortir tout droit de chez le tanneur. Les poils étaient soyeux et brillants, elle ne pouvait décrocher les yeux du présent. Elle s’imaginait déjà la porter et ressentir la chaleur de l’animal qui avait jadis porté cette peau.
Elle se fit violence pour arrêter de regarder la cape avec envie et reporta ses yeux légèrement humides sur son amie pour la remercier.


Merci beaucoup Mary. Et tu pourras dire merci aussi à ta mère. Je ne saurai comment vous remercier.

Elle pourrait enfin jeter cette relique verte qu’elle portait depuis des années. Et puis pendant le voyage, elle ne pourrait se plaindre du froid. Ainsi couverte, elle ne sera que dans de bonnes dispositions pour porter secours à son amie si elle le nécessitait. Car c’était bien là le but de leur voyage. Du moins officiellement. Pour la famille de Mary, il était convenu qu’elle prenne une escorte pour son périple et ils avaient accepté. Chose qui n’aurait certainement pas eu lieu s’ils avaient su que la brune venait tout juste de commencer à prendre des cours sur le maniement des armes. Et quels cours…

Puis Mary lui parlait de son séjour enfin plutôt de son amnésie. Du temps passé chez les Mirandole. Pour sûr, le calva de la messe de Noël lui avait sérieusement affectée l’esprit pour qu’elle ne puisse même plus se rappeler le lendemain de l’office. Quelques brides semblaient lui revenir à mesure que son amie lui apportait quelques bribes. Mais cela restait encore un peu flou. Au moins, elle n’avait pas fait d’esclandres pendant son séjour. Et Maggie espérait même qu’elle revienne ? Là ce n’était pas forcément bon signe.


Oh que oui, j’ai dû bien la faire rire. Et tu parles d’un exemple ! Une gueuse à moitié ivre qui devait arpenter les couloirs du château en chantant à tue tête. C’est sûr que j’ai du bien l’amuser.

Faisant une légère moue et prenant le ton de la confidence, imaginant la tête des parents de la jeune femme s’ils avaient assisté au triste tableau.

J’espère simplement qu’elle a été la seule à pouvoir profiter de mes pitreries. Il ne faudrait pas que tes parents puissent douter de notre entreprise.

Elle se mit à rire se disant que si telle était le cas, Marylune ne se trouverait pas ce jour devant elle à parler du voyage. Et elle n’aurait pas le privilège de pouvoir porter cette fourrure. Ce pensant, elle prit ladite peau des mains de Mary qui la lui tendait et la passa sur ses épaules.

Du renard ? J’avoue que je te crois. Mais bon sang, c’est vrai qu’elle est chaude.

Elle fit deux trois tours sur elle-même comme pour montrer à quel point la cape était faite pour elle. Et croisant les bras sur sa poitrine, elle se frotta les bras comme pour se réchauffer.

Qu’en penses-tu ? Une ponette en peau de renard, c’est pas un peu bizarre ?
En tout cas, je la garderai bien toute la journée.


Tu pourras donc la porter dès aujourd'hui.

Rheanne laissa tomber ses bras le long de son corps et regarda son amie d’un air inquiet et interrogateur.

Aujourd’hui ? Comment … ?

Et la lumière sembla se faire dans l’esprit de la brune. Tout rentrait dans l’ordre et tout lui semblait tellement évident. L’arrivée de Marylune en carosse, sa valise, les affaires de voyage et cette phrase.
Elle devint blême se rendant compte de son erreur.
Elle qui s’interrogeait sur la date du départ, elle venait enfin d’avoir sa réponse. C’était pour ce jour. Le départ aujourd’hui.

Mouvement de panique, coup d’œil circulaire à sa chambre et son relatif désordre. Rheanne commença à s’agiter.


Mais comment ai-je pu oublier ?! Fallait me le dire plus vite ! Nous perdons du temps et on ne peut pas se le permettre. Bon sang de calva !! La prochaine fois que Lys me tend une fiole promets-moi de me coller une raclée si je devais l’accepter.

Elle n’en revenait pas. Elle continuait de maugréer et de pester contre elle-même en commençant à fureter dans tous les coins de la chambre pour s’attaquer à ses bagages. Elle ne possédait certes pas grand-chose mais elle devait donc quitter les lieux et emporter toutes ses affaires. Elle n’avait pas envie de payer cette chambre juste pour y entreposer quelques bricoles.
Elle prit sa besace qui trainait à côté de la table d’écriture et y plaça tout ce qu’elle souhaitait emmener pour le périple. Ce qui en somme se résumait à pas grand-chose : une maigre bourse, quelques rubans, son châle. Elle était si perturbée et pressée qu’elle ne savait même plus trop quoi emmener. Pour tout le reste, elle décida donc de prendre un des draps de l’armoire pour y entreposer ce qu’elle n’emmènerait pas. Puis se parlant à elle-même.


C’est bon, je pense que j’ai tout ce dont j’ai besoin.

Un coup d’œil vers le lit et vers la valise et son contenu. Elle tapa une main sonore contre son front.

Des vêtements, j’allais oublier des vêtements. Mais où ai-je la tête ?!

Elle prit les vêtements et regarda sa besace évaluant la capacité d’absorption de son baluchon.

Bon je crois que ça, ça va devoir rester dans ta valise. Ça ne te dérange pas Mary ?

La voilà enfin prête. Elle prit le baluchon fabriqué à l’aide du drap, sa besace et cape toujours sur les épaules, elle se dirigea vers la porte pour sortir dans le couloir.

Chose qu’elle fit sans détour alors que Marylune restait en arrière. Au contraire de la brune, la jeune noble avait dû remarquer que son amie était toujours vêtue de sa chemise et ses braies de nuit.
Mais la brune était pressée et n’avait pas prêté attention à son accoutrement. Ce qui lui fut rappelé durement dans le couloir par le voisin de palier.


Alors on a changé d’avis ?

Toujours à moitié nu, il la toisait de bas en haut d’un air lubrique. Ni une ni deux, Rheanne fit demi-tour et se réfugia dans sa chambre. Elle claqua la porte et laissa tomber ses paquetages.

Mais bon sang, je perds la tête ou quoi ?!
Le charmant voisin est toujours en faction devant sa porte.


Elle se dit qu'elle devrait peut-être penser à une alternative au couloir. Pour éviter à Mary d'être à nouveau confronté à cet individu qui semblait lui donner la nausée. Seule option : la fenêtre.
Mais il n'était pas prudent de conseiller de tels exercices à une femme prête à accoucher. Problème épineux à régler. Mais pour l'heure, elle avait un autre souci.
L’annonce du départ imminent et oublié par la brune l’avait mis dans tous ses états au point d’en oublier sa tenue.
Elle se dirigea vers le lit et la valise arborant un sourire plein d’excuses à Marylune.


Ne t’inquiètes pas, je vais faire vite.

Elle prit sans trop réfléchir dans le tas de vêtements donnés et les enfila sans faire trop de cérémonie, la pièce n’étant pas équipée de paravent. Elle jeta un œil rapide à Mary espérant que celle-ci ne s’offusquait pas devant toute tenue négligée.

Et la voilà prête enfin réellement pour quitter cette auberge et quitter Mayenne. Mais ce départ précipité contre carra ses plans. Elle allait devoir demander une faveur à son amie, faveur qui retardait un peu plus leur départ.

D’un coup presque de façon incompréhensible, ses gestes devenaient plus lent comme si elle redoutait de demander ce service à son amie. Sans précipitation, elle remit la cape sur ses épaules, reprit en main le paquetage et sa besace qui gisaient devant la porte. Elle se retourna vers son amie et lui sourit d’un air suppliant.
l0velune
Marylune eut l'air rassurée de voir que Rheanne n'était pas offusquée. C'est que cela aurait été un gros malentendu sur ses intentions et ce qu'elle pensait vraiment. La noblesse, c'est un tas de problème après tout. C'est de faire avertir de ne pas courir dans les couloirs avec ses cousins toute son enfance, se faire dire d'une dame doit toujours être bien vêtue, coiffée et maquillée. C'est se remplir le cerveau de trucs inutiles avec des professeurs ennuyeux. Y'a que le latin à qui elle a échappé. Drôlement ennuyeux et heureusement pour elle, Vaxilart l'avait comprise et avait fait congédier le professeur. Elle parlais français et anglais, n'est-ce pas suffisant? C'était aussi se faire répéter toute sa vie qu'elle devait être digne d'un mari et faire une épouse parfaite pour un homme qu'elle ne verrait que trop peu avant un mariage arrangé.

Ses pensées se tournèrent vers Gaelant et son visage changea d'expression, mélange de joie et de regrets. Pour sûr que la nouvelle avait été surprenante pour tout le monde. Gaelant, le chien méchant, et Marylune...


Plus appropriés pour le voyage ? Vous avez quand même une drôle de notion du voyage.

Elle venait de la tirer de ses pensées. Rapidement, elle ne trouva pas de réplique et de toute façon, elle avait raison. Les Mirandole s'habillait chaudement, mais... avec classe pour les voyages. Utile? Pas vraiment, à moins qu'on ne souhaite passer les douanes après avoir perdu son laisser-passer. Ça lui rappela un moment de sa jeunesse avec sa mère. C'était arrivé une fois qu'elle perde le laisser-passer en entrant elle ne savait plus où. Les douaniers avaient fait sortir les voyageurs du carrosse et constaté qu'il s'agissait d'une femme, d'une gamine et d'un bébé richement vêtues. Elles avaient pu poursuivre le voyage sans encombre...

Rheanne la regardait, les yeux humides. Ciel! Il ne fallait pas qu'elle pleure! C'était pas triste, c'était censé être un cadeau joyeux. Faut pas pleurer quand on est heureux... Mine de rien, elle répondit.


Ça fait plaisir à ma mère, voyons. Elle est heureuse d'avoir enfin rencontrer une de mes amies. Mais je lui dirai, promis.

Rheanne parla encore de ce qu'elle avait du faire au domaine Mirandole de Mayenne. Elle s'imaginait vraiment le pire, la pauvre. Mais elle ne répliqua pas, ça ne servait sûrement à rien. En fait, sa famille était un peu inquiète en voyant arriver Rheanne dans son état d'ivresse. En écoutant le récit de Marylune, il n'avait pu s'empêcher de trouver l'anecdote cocasse. Ils avaient aussi constater l'attachement de la jeune femme pour Rheanne, ce qu'ils considérèrent comme un élément important, peut-être parce qu'ils croyaient que la brune allait surveiller la rousse. Enfin bref, aucune idée, mais l'important c'était que sa famille l'avait bien accueilli.

Rheanne mit la cape sur ses épaules. Elle lui allait bien et Marylune sourit en voyant l'effet qu'un tel vêtement avait sur le visage de son amie. Elle pourrait désormais passer pour une nobliote n'importe quand avec tout ça. Peut-être que ça lui serait utile avec Guilhem... Ah tiens donc! Elle avait un sujet à aborder pendant le voyage. Elle sourit et racla la gorge pour passer à autre chose, tout de même curieuse.


Ce que j'en pense? Elle te va très bien! Tu ferais tomber le coeur d'un noble juste en le croisant.

Référence claire? Marylune sourit de son air coquin. Si Rheanne ne comprenait pas de quel noble elle parlait... héhé. Mais elle n'eut pas trop le temps de constater la réaction de la brune, car celle-ci venait de comprendre que le départ se faisait pour aujourd'hui. Et la voilà dans un tel état!

Pas de panique Rheanne. La carrosse attend sagement dehors et un petit garçon s'occupe de le surveiller. Prends ton temps.

Ne sachant que faire, elle observa l'ouragan de la chambre faire ses valises. Et la tornade qui lui demanda si ça pouvait rester dans la valise. Elle haussa les épaules et regarda la brune en dehors de la chambre et... déjà de retour alors que Marylune s'apprêtait à la suivre. Un peu plus, elles se rentraient dedans! Elle remarqua par la même occasion qu'elle n'était pas habillée pour sortir. C'était peut-être la raison de son retour.


Mais bon sang, je perds la tête ou quoi ?!
Le charmant voisin est toujours en faction devant sa porte.


Il est encore là??

Bon sang! Y avait-il une sortie? Elle vit Rheanne s'habiller sans offense, se détournant quand même pour lui laisser un peu d'intimité. Entre femmes, elle n'avait aucun problème, même que ça lui arrivait très souvent. Rapidement - ce qu'elle s'habillait vite celle-là!! - Rheanne se retrouva devant la porte avec un regard suppliant. Mais qu'avait-elle donc? La rouquine haussa un sourcil, cherchant une réponse qui lui resta sans atteinte. Elle n'avait aucune idée de la suite, définitivement. Rheanne avait peut-être un regard suppliant, mais le visage de la rousse, lui, était couvert par le questionnement.

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Rheanne
Rheanne avait bien failli entrée en collision avec Marylune en revenant sans prévenir dans la chambre.

Il est encore là??

Oui il est encore là le malotru. Je pense qu'il a dû entendre le barouf que j'ai fait à préparer mes bagages. Et il a dû supposer que nous n'allions pas tarder à ressortir.

Réfléchir, il fallait réfléchir. Comment allaient-elles pouvoir sortir de l'auberge sans passer devant le pervers ?
La fenêtre était toujours là, elle n'avait pas bougé. Coup d'œil au ventre de la jeune femme rousse. Non mauvaise idée. Jamais elle n'arriverait à escalader la fenêtre et arriver sans encombre au rez de chaussée. La chambre avait beau se situer au premier étage, Rheanne n'était pas certaine que ce soit sans danger pour la future mère et son bébé.

La seule solution serait de trouver une occupation audit pervers. Et de celle qu'il préfère. Mais comment trouver une fille de joie à cette heure et surtout sans bouger de la pièce. Elle jeta un œil par la fenêtre espérant certainement que le Très Haut lui envoie dans la seconde une fille de peu de vertu pour leur sauver la mise. Mais rien à part le carrosse qui les attendait et quelques badauds qui n'avaient rien de très féminin.


Mary, je crois qu'il faut qu'on trouve un nouveau joujou à notre voisin délicat. Avec un peu de chance, le Seigneur saura nous entendre.

Elle souffla bruyamment pour montrer son impatience. Puis lui revint la remarque de Marylune sur un hypothétique noble eut tôt fait de la gêner encore plus.

Etait-ce une simple boutade d'amie ou bien Mary avait réussi à faire le lien ? Son amie arborait un sourire des plus clairs. Rheanne avait donc été percée à jour.

Avait-elle trop parlé sous le coup de l'alcool ?
Rheanne se rappelait bien s'être confiée à elle au sujet de sa rupture avec son compagnon, ce qui était plus ou moins la raison de sa maudite soirée de Noël. Rupture qu'elle avait elle même décidée ne supportant plus la situation. Le sujet était encore assez douloureux pour la brune. Même si elle savait qu'elle en parlerait forcément pendant le voyage, elle ne voulait pas aborder cela maintenant. Attendre d'être éloignée pour calmer son esprit. Voilà ce qui lui importait et ce qu'il lui fallait.

Mais elle ne pouvait se résoudre à partir ainsi.

Elle remarqua que son air suppliant n'eut pas l'effet escompté sur Marylune. Rheanne pensait qu'elle l'aurait questionné mais rien ne venait. Mary semblait l'inviter à lui en dire plus sans prononcer un seul mot.
Voilà qui ne facilitait pas la confidence de Rheanne. Car pour sûr qu'avec ce qu'elle allait dire, si Marylune avait des doutes quant à son intérêt pour le jeune Comte, là elle serait fixée.

Elle regarda son amie, respirant profondément. Elle ne savait vraiment pas comment la Mirandole pourrait prendre la chose. Car même si les deux sont amies, Rheanne n'était qu'une paysanne qui ne pouvait décemment pas s'amouracher d'un noble.
Elle chercha ses mots quelques secondes qui lui parurent une éternité et se lança en balbutiant légèrement.


Disons que... Je sais que nous ne sommes déjà pas très en avance avec ma mémoire sélective mais je voudrais savoir si cela ne te dérangerait pas de faire un petit détour avant de nous lancer vers le Sud.

C'est que j'aimerai... prévenir un ami de notre départ. Et il n'est pas à Mayenne ces jours-ci mais en ses terres... A Beaumont sur Sarthe pour être plus précise.


Marylune s'y était-elle déjà rendue ? Savait-elle que ce n'était autre que les terres de la famille De Vergy ?

Rien ne l'obligeait à faire le déplacement. Elle aurait bien pu se satisfaire d'une simple missive mais Rheanne ne pouvait s'y résoudre. Autant pour Adanedel, une simple lettre suffirait comme elle le lui avait promis, autant pour Guilhem, elle mourait d'envie de le voir avant de partir. Juste le voir. Une dernière fois si jamais le voyage ne devait pas se passer comme prévu.
l0velune
Ce que Marylune comprit ne la rassurait pas du tout. L'homme les attendait réellement à l'extérieur de la chambre comme un chasseur qui attend sagement sa proie, ou dans ce cas-ci, les deux petites proies innocentes et sans défense. À l'image du loup, l'homme qui attendait Rebecca était drôlement patient et la rouquine l'imaginait se léchant les babines. À l'image de deux petites lapines, Marylune et Rheanne s'étaient terrées dans la chambre...

Elles allaient devoir passer, c'était une évidence. Pourraient-elle simplement passer sans embuches? Rheanne semblait en douter et c'était suffisant pour la convaincre de réfléchir. Un joujou? Elle pensa au joujou de Gaelant, son épée qu'il sortait de son fourreau quand il se mettait en rogne, c'est-à-dire souvent. Illumination.


Ton épée Rheanne!

C'était simple! Suffisait de le menacer pendant le passage et de déguerpir! Pendant qu'elle cherchait l'épée des yeux dans le désordre, Rheanne parlait d'une petite visite avant de partir. Beaumont sur Sarthe? Il lui semblait déjà avoir entendu ce nom de la bouche de Lys. En ajoutant l'intérêt de Rheanne, elle avait évidemment des doutes sur la personne concernée, mais n'en fit pas un plat.

Bien sûr, Rheanne.

Sourire chaleureux. La demoiselle avait bien envie de rendre visite au nobliot par la même occasion, si c'était bien chez lui, histoire de lui faire un peu la morale. Pas question qu'il fasse du mal à sa brune! Bon... c'est sûr que rien n'était clair, mais ce qu'elle avait remarqué ou entendu dans les réunions de MEM lui suffisait pour avoir des soupçons. Il lui semblait surtout que le messire était un coureur de jupons...

Mais où était cette fichue épée??? Avec le bouclier sans doute... Mais où était le bouclier???


Dis-moi que tu ne laisses pas ton épée à la caserne...

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