Erwelyn
Une nuit comme tant dautres ces derniers temps, mais le paysage avait changé. Chinon. Ils y étaient arrivés la veille, sous la neige qui ne les avait pas quittés depuis le Poitou. Les chevaux, poneys roses et autres bestioles à plumes laissaient de petits nuages blancs à chaque respiration. Pour les périgourdins et la mainoise, cétait la même à chose, à rajouter cependant une haleine hautement chargée en alcool. Forcément, il fallait bien se protéger du froid ambiant. Des voyages en plein hiver elle en avait fait une tripotée, mais navait jamais autant picolé depuis quelle était avec la joyeuse troupe bergeracoise. Cétait pas plus mal, dailleurs, dêtre dans un état dalcoolisation quasi-permanente, ça lui permettait un peu doublier ce qui lui trottait dans la tête depuis plusieurs mois déjà.
Routine habituelle à larrivée, chacun sétait dispersé, soit seul, soit par petits groupes, lun pour se rendre au marché, lautre pour se rendre chez le tisserand, dautres encore étaient partis directement en direction dune taverne. Taverne vite rejoint par tout le monde, ou plutôt devrait-on dire, prise dassaut par les poneys roses. A grands coups de câlins pour se redire bonjour et de présentations diverses, ils avaient fait la rencontre de la propriétaire, drôlement abîmée par une armée qui lui était passée dessus peu de temps auparavant. Sadnezz était son nom. Sans savoir trop comment, Lynette était arrivée à lui demander de laider à se servir dune épée, celle quelle portait nayant été sortie quune seule fois, pour intimider un brigand qui leur avait sauté dessus en Limousin. Mais elle ne sen était pas vraiment servi, cétait plutôt Dim et Robb qui avait fait fuir les deux lascars, dont un qui lavait traitée de bûcheron, soit dit en passant. Au lieu de cela, la tenancière, qui lappelait sans cesse mon petit, lui avait proposé un cours de maniement du balai, encore trop faible pour se lancer dans celui des armes. Marché conclu, bien évidemment, et en moins de temps quil nen faut pour dire tarte à la myrtille, Erwelyn sétait retrouvée derrière le comptoir, à écouter sagement les leçons données par son nouveau maître.
En bref, une journée plutôt commune, à cela près quelle navait quitté des yeux Sad, observant sa démarche claudicante, son sourire, ses grimaces à la vue des poneys se sautant dessus pour des câlins, ses « mon petit » lancés à chaque phrase. A la regarder évoluer, tout simplement. Un mélange de respect envers cette femme qui avait réchappé seule dune armée ducale et un elle ne savait quoi de curiosité qui la poussait à vouloir creuser un peu plus pour connaître la dame. Elle était restée jusquà tard à côté de lâtre qui crépitait, dans lequel elle remettait des bûches régulièrement, pour entretenir le feu, et enfin sétait décidée à prendre une chambre dans La garce aux nières. Et une nuit comme une autre, encore. Seule dans un grand lit, elle préférait sasseoir devant la fenêtre, emmitouflée dans sa cape, à senfiler de la liqueur de poire jusquà ce que lalcool lemporte dans un sommeil sans rêve. Mieux valait ne pas rêver si cétait pour regretter de se réveiller le lendemain.
Laube la réveilla, comme à chaque fois. La bouche pâteuse, des tambours jouant leur mélodie après cuite, frissonnante de sêtre endormie à peine couverte, le feu éteint. Soupirant, elle sappuya contre le chambranle de la fenêtre, yeux rivés au soleil qui perçait difficilement. Finalement, on se retrouvait toujours seul avec soi même Oui, depuis plusieurs mois elle ne quittait plus le Périgord et Orka et Mahaut, oui, elle rencontrait régulièrement de nombreux diplomates pour son travail, oui elle avait des amis, disséminés un peu partout à travers le Royaume, mais un cur tout froid, ou comme avait dit Mahaut, tout sec. Une Erwelyn seule et qui commençait à se faire vieille. Plus le temps passait, plus il creusait de petites rides sur son visage et filait plus vite que lombre. Tout ceci avait été confirmé la veille par ses compagnons de route, alors quelle se faisait traiter gaiement de vieille enluminure, bâclée, pour parfaire le tout.
Son regard tomba sur le bâton confié par Sadnezz la veille, posé à côté du lit. Apprendre le maniement du bâton, tu parles dune histoire. Même ça, elle nen était pas capable, cétait encore pire quune épée. Même pas foutue dimaginer faire souffrir quelquun de ses propres mains. Elle prônait la paix, elle, ouais msieurs, dames.
Menfin, prôner la paix quand on est même pas fichue de trouver la paix intérieure, ça faisait pas très sérieux tout ça
Descendant du rebord de la fenêtre, ses grosses chaussettes de laine touchèrent le sol, la menant jusquau bout de bois, saisi à deux mains et levé au-dessus de sa tête. A peine vêtue de sa chemise de nuit toute rapiécée, un courant dair lui chatouillant le cou, elle sessaya à quelques coups dans le vide, se demandant bien ce que la sensation dassommer un assaillant de plein gré pouvait donner. De plein gré, parce que la dernière fois quelle avait pris seule la route du Limousin, elle navait rien trouvé de mieux que de se faire attaquer par un homme sur le chemin. Et par un pur hasard, avait réussi à lassommer avec une branche qui avait cédée, alors quelle grimpait à un arbre pour lui échapper. Tsss, elle aurait fait une piètre guerrière la chambellan
Elle sessaya à nouveau, donnant un coup un peu plus sec. Coup qui atterrit directement dans le bougeoir, lenvoyant valser au sol en mille morceau.
Bordel !
Un coup dil dehors, le bourg était à peine réveillé, les poneys devaient être en train de cuver chacun de leur côté. Rapidement, elle enfila ses braies, sa chemise, ses bottes et sa cape, et attrapant le balai au passage, se glissa hors de sa chambrée, pour se diriger vers létable placée derrière létablissement. Un bref regard à la façade de lauberge, où derrière seulement une fenêtre brillait faiblement la lueur dune bougie. Elle nétait donc pas seule à être réveillée tôt. Bifurquant sur sa droite, elle se retrouva rapidement au milieu des canassons encore endormis pour la plupart, certains la tête déjà plongée dans le foin, ce qui était le cas pour Tralala, qui souffla en la voyant arriver. Souriant, elle lui caressa lencolure. Sa jument aussi se faisait vieille depuis quYvon lui avait revendue. Le canasson se mit à souffler dans le froid matinal, entourant ses naseaux dune épaisse buée. Ses doigts coururent sur sa tête et allèrent sarrêter dans sa crinière, pensive.
Brave bête peut-être que toi aussi tu manques damour
La phrase était sortie de but en blanc, sans même la voir venir. Voilà ce que cétait de se cacher des choses à soi-même, lesprit finissait toujours par jouer des tours quand on sy attendait le moins, persuadée quelle était que lamour, ça ne servait pas à grand chose finalement.
Essayant de chasser cette idée en secouant la tête, elle glissa un peu plus sur le côté, fouillant dans la sacoche encore attaché à la selle et trouva ce quelle cherchait. La corde quelle avait saisie ferait parfaitement laffaire. Et à côté, un lourd sac rempli de blé quelle se trimballait avec elle depuis des lustres, sans vraiment savoir pourquoi. Un dernier baiser déposé sur le museau de Tralala et elle fila à travers les ruelles du bourg, repassant devant la taverne.
Ses bottes crissaient sur la neige immaculée qui était tombée pendant la nuit, bruit qui emplissait la ville encore ensommeillée, laissant de grandes marques au sol. Enfin, après être sortie des remparts, elle descendit sur les rives de la Vienne et trouva ce quelle cherchait : un vieux chêne noueux.
Lynette avait toujours aimé les chênes. Pour leur robustesse, pour la forme quils prenaient en fin de vie, se creusant peu à peu, vieux sages de la forêt. Dun côté de la corde, elle noua le sac de blé. Lautre côté fut attrapé et elle se mit à grimper à larbre, atteignant assez rapidement les premières branches. On ne passe pas plus de la moitié de sa vie à vivre en forêt sans savoir faire ce genre de choses. Enfin, elle tira de toutes ses forces pour faire monter le sac à hauteur dhomme, parfaisant son ouvrage avec un nud bien solide, avant de redescendre et de saisir à nouveau le bâton.
Un coup, tout dabord. Léger. Trop léger.
Bon sang, cest tout cque tas dans les bras Lynette ?
Encore un autre asséné, mais pas assez fort à son goût. Ses pensées allèrent vers un conseil quelle avait entendu un jour, alors quelle assistait à un cours darme dans une salle du château mainois, auquel elle navait pas participé bien entendu : imagine ton ennemi le plus féroce, fais remonter ta rage la plus profonde, ce qui te touche le plus, ce qui te met en colère !
Les yeux rivés à la rivière, elle se mit à sonder son cur, remontant plusieurs années en arrière, quand la gamine de dix-sept ans quelle était avait débarqué à Mayenne. Cette gamine qui en pinçait féroce pour LUI, le regardant avec des yeux scintillants, emplis détoiles. Elle le croyait trop vieux pour elle, et elle, si insignifiante. Mais ils en passaient des heures à discuter, et ils en avaient passé tous deux des parchemins durant toutes ces années, jouant souvent au chat et à la souris, alors quau fil du temps, la jeune fille quelle était alors était devenue une femme, plus sûre delle, mais qui se renfermait de plus en plus.
Et elle songea à leur dernière rencontre, à leur dernier baiser échangé, à son corps contre le sien, à ses mains qui avaient parcouru son dos, ses épaules. Et surtout, à ce quil lui avait chuchoté à loreille, la laissant muette, le front sur son épaule, avant de le repousser, le traitant de menteur et de fou : jvous aime, Erwe
Et elle était repartie, parce que cétait plus facile, parce quelle avait la trouille, parce quelle ne lui faisait pas confiance, parce que elle en avait trouvé une multitude dexcuses à ce moment. On en trouve toujours des bonnes, quand on a peur.
Alors avant de taper, elle songea à cet amour qui la rongeait depuis des années, quelle enfouissait au plus profond delle, jusquà se persuader quil avait complètement disparu.
Elle y mit toute sa force, toute sa colère, celle quelle avait contre elle-même, dêtre une pleutre qui a la trouille daimer, tout simplement. Sa colère d'être encore seule après toutes ces années, d'avoir repoussé toutes les chances qu'on lui avait donné.
Mieux vaut vivre avec des remords qu'avec des regrets.
Dans la vie il faut prendre des décisions que l'on peut regretter...
Et de crier, dans lair froid :
Jen crève !
_________________
Le risque, c'est la vie même. On ne peut risquer que sa vie.
Et si on ne la risque pas, on ne vit pas.
Routine habituelle à larrivée, chacun sétait dispersé, soit seul, soit par petits groupes, lun pour se rendre au marché, lautre pour se rendre chez le tisserand, dautres encore étaient partis directement en direction dune taverne. Taverne vite rejoint par tout le monde, ou plutôt devrait-on dire, prise dassaut par les poneys roses. A grands coups de câlins pour se redire bonjour et de présentations diverses, ils avaient fait la rencontre de la propriétaire, drôlement abîmée par une armée qui lui était passée dessus peu de temps auparavant. Sadnezz était son nom. Sans savoir trop comment, Lynette était arrivée à lui demander de laider à se servir dune épée, celle quelle portait nayant été sortie quune seule fois, pour intimider un brigand qui leur avait sauté dessus en Limousin. Mais elle ne sen était pas vraiment servi, cétait plutôt Dim et Robb qui avait fait fuir les deux lascars, dont un qui lavait traitée de bûcheron, soit dit en passant. Au lieu de cela, la tenancière, qui lappelait sans cesse mon petit, lui avait proposé un cours de maniement du balai, encore trop faible pour se lancer dans celui des armes. Marché conclu, bien évidemment, et en moins de temps quil nen faut pour dire tarte à la myrtille, Erwelyn sétait retrouvée derrière le comptoir, à écouter sagement les leçons données par son nouveau maître.
En bref, une journée plutôt commune, à cela près quelle navait quitté des yeux Sad, observant sa démarche claudicante, son sourire, ses grimaces à la vue des poneys se sautant dessus pour des câlins, ses « mon petit » lancés à chaque phrase. A la regarder évoluer, tout simplement. Un mélange de respect envers cette femme qui avait réchappé seule dune armée ducale et un elle ne savait quoi de curiosité qui la poussait à vouloir creuser un peu plus pour connaître la dame. Elle était restée jusquà tard à côté de lâtre qui crépitait, dans lequel elle remettait des bûches régulièrement, pour entretenir le feu, et enfin sétait décidée à prendre une chambre dans La garce aux nières. Et une nuit comme une autre, encore. Seule dans un grand lit, elle préférait sasseoir devant la fenêtre, emmitouflée dans sa cape, à senfiler de la liqueur de poire jusquà ce que lalcool lemporte dans un sommeil sans rêve. Mieux valait ne pas rêver si cétait pour regretter de se réveiller le lendemain.
Laube la réveilla, comme à chaque fois. La bouche pâteuse, des tambours jouant leur mélodie après cuite, frissonnante de sêtre endormie à peine couverte, le feu éteint. Soupirant, elle sappuya contre le chambranle de la fenêtre, yeux rivés au soleil qui perçait difficilement. Finalement, on se retrouvait toujours seul avec soi même Oui, depuis plusieurs mois elle ne quittait plus le Périgord et Orka et Mahaut, oui, elle rencontrait régulièrement de nombreux diplomates pour son travail, oui elle avait des amis, disséminés un peu partout à travers le Royaume, mais un cur tout froid, ou comme avait dit Mahaut, tout sec. Une Erwelyn seule et qui commençait à se faire vieille. Plus le temps passait, plus il creusait de petites rides sur son visage et filait plus vite que lombre. Tout ceci avait été confirmé la veille par ses compagnons de route, alors quelle se faisait traiter gaiement de vieille enluminure, bâclée, pour parfaire le tout.
Son regard tomba sur le bâton confié par Sadnezz la veille, posé à côté du lit. Apprendre le maniement du bâton, tu parles dune histoire. Même ça, elle nen était pas capable, cétait encore pire quune épée. Même pas foutue dimaginer faire souffrir quelquun de ses propres mains. Elle prônait la paix, elle, ouais msieurs, dames.
Menfin, prôner la paix quand on est même pas fichue de trouver la paix intérieure, ça faisait pas très sérieux tout ça
Descendant du rebord de la fenêtre, ses grosses chaussettes de laine touchèrent le sol, la menant jusquau bout de bois, saisi à deux mains et levé au-dessus de sa tête. A peine vêtue de sa chemise de nuit toute rapiécée, un courant dair lui chatouillant le cou, elle sessaya à quelques coups dans le vide, se demandant bien ce que la sensation dassommer un assaillant de plein gré pouvait donner. De plein gré, parce que la dernière fois quelle avait pris seule la route du Limousin, elle navait rien trouvé de mieux que de se faire attaquer par un homme sur le chemin. Et par un pur hasard, avait réussi à lassommer avec une branche qui avait cédée, alors quelle grimpait à un arbre pour lui échapper. Tsss, elle aurait fait une piètre guerrière la chambellan
Elle sessaya à nouveau, donnant un coup un peu plus sec. Coup qui atterrit directement dans le bougeoir, lenvoyant valser au sol en mille morceau.
Bordel !
Un coup dil dehors, le bourg était à peine réveillé, les poneys devaient être en train de cuver chacun de leur côté. Rapidement, elle enfila ses braies, sa chemise, ses bottes et sa cape, et attrapant le balai au passage, se glissa hors de sa chambrée, pour se diriger vers létable placée derrière létablissement. Un bref regard à la façade de lauberge, où derrière seulement une fenêtre brillait faiblement la lueur dune bougie. Elle nétait donc pas seule à être réveillée tôt. Bifurquant sur sa droite, elle se retrouva rapidement au milieu des canassons encore endormis pour la plupart, certains la tête déjà plongée dans le foin, ce qui était le cas pour Tralala, qui souffla en la voyant arriver. Souriant, elle lui caressa lencolure. Sa jument aussi se faisait vieille depuis quYvon lui avait revendue. Le canasson se mit à souffler dans le froid matinal, entourant ses naseaux dune épaisse buée. Ses doigts coururent sur sa tête et allèrent sarrêter dans sa crinière, pensive.
Brave bête peut-être que toi aussi tu manques damour
La phrase était sortie de but en blanc, sans même la voir venir. Voilà ce que cétait de se cacher des choses à soi-même, lesprit finissait toujours par jouer des tours quand on sy attendait le moins, persuadée quelle était que lamour, ça ne servait pas à grand chose finalement.
Essayant de chasser cette idée en secouant la tête, elle glissa un peu plus sur le côté, fouillant dans la sacoche encore attaché à la selle et trouva ce quelle cherchait. La corde quelle avait saisie ferait parfaitement laffaire. Et à côté, un lourd sac rempli de blé quelle se trimballait avec elle depuis des lustres, sans vraiment savoir pourquoi. Un dernier baiser déposé sur le museau de Tralala et elle fila à travers les ruelles du bourg, repassant devant la taverne.
Ses bottes crissaient sur la neige immaculée qui était tombée pendant la nuit, bruit qui emplissait la ville encore ensommeillée, laissant de grandes marques au sol. Enfin, après être sortie des remparts, elle descendit sur les rives de la Vienne et trouva ce quelle cherchait : un vieux chêne noueux.
Lynette avait toujours aimé les chênes. Pour leur robustesse, pour la forme quils prenaient en fin de vie, se creusant peu à peu, vieux sages de la forêt. Dun côté de la corde, elle noua le sac de blé. Lautre côté fut attrapé et elle se mit à grimper à larbre, atteignant assez rapidement les premières branches. On ne passe pas plus de la moitié de sa vie à vivre en forêt sans savoir faire ce genre de choses. Enfin, elle tira de toutes ses forces pour faire monter le sac à hauteur dhomme, parfaisant son ouvrage avec un nud bien solide, avant de redescendre et de saisir à nouveau le bâton.
Un coup, tout dabord. Léger. Trop léger.
Bon sang, cest tout cque tas dans les bras Lynette ?
Encore un autre asséné, mais pas assez fort à son goût. Ses pensées allèrent vers un conseil quelle avait entendu un jour, alors quelle assistait à un cours darme dans une salle du château mainois, auquel elle navait pas participé bien entendu : imagine ton ennemi le plus féroce, fais remonter ta rage la plus profonde, ce qui te touche le plus, ce qui te met en colère !
Les yeux rivés à la rivière, elle se mit à sonder son cur, remontant plusieurs années en arrière, quand la gamine de dix-sept ans quelle était avait débarqué à Mayenne. Cette gamine qui en pinçait féroce pour LUI, le regardant avec des yeux scintillants, emplis détoiles. Elle le croyait trop vieux pour elle, et elle, si insignifiante. Mais ils en passaient des heures à discuter, et ils en avaient passé tous deux des parchemins durant toutes ces années, jouant souvent au chat et à la souris, alors quau fil du temps, la jeune fille quelle était alors était devenue une femme, plus sûre delle, mais qui se renfermait de plus en plus.
Et elle songea à leur dernière rencontre, à leur dernier baiser échangé, à son corps contre le sien, à ses mains qui avaient parcouru son dos, ses épaules. Et surtout, à ce quil lui avait chuchoté à loreille, la laissant muette, le front sur son épaule, avant de le repousser, le traitant de menteur et de fou : jvous aime, Erwe
Et elle était repartie, parce que cétait plus facile, parce quelle avait la trouille, parce quelle ne lui faisait pas confiance, parce que elle en avait trouvé une multitude dexcuses à ce moment. On en trouve toujours des bonnes, quand on a peur.
Alors avant de taper, elle songea à cet amour qui la rongeait depuis des années, quelle enfouissait au plus profond delle, jusquà se persuader quil avait complètement disparu.
Elle y mit toute sa force, toute sa colère, celle quelle avait contre elle-même, dêtre une pleutre qui a la trouille daimer, tout simplement. Sa colère d'être encore seule après toutes ces années, d'avoir repoussé toutes les chances qu'on lui avait donné.
Mieux vaut vivre avec des remords qu'avec des regrets.
Dans la vie il faut prendre des décisions que l'on peut regretter...
Et de crier, dans lair froid :
Jen crève !
_________________
Le risque, c'est la vie même. On ne peut risquer que sa vie.
Et si on ne la risque pas, on ne vit pas.