[Alentours, et Aix.]
Et le lendemain, la guerre. La Guerre. Ça létait déjà depuis un moment, mais ça, ça
il ne sy attendait pas, le chiard. Les troupes nétaient pour lui que chiffres énormes évoqués au Conseil, des mots alignés sur des feuillets. De la préparation. Il ne sattendait pas à ce quil a vu. Réveillé avant laube, il avait dormi chez Doch. Un beau logis, des draps blancs, ça lui changeait de léglise Brignolaise ! Cest donc un môme la tête dans le
qui arriva à larrière des troupes. Dordinaire on mettait le tambour vers lavant. Aujourdhui, non. Parce quil paraissait que quelques combattants sen seraient plus inquiétés que de lennemi. Donc
Trois armées. Écarquillant les yeux, la brise matinale contribuant à léveiller, le fils de lincendiaire observait. Il était fier dêtre Provençal, fier de ces gens qui, bien loin dêtre tous soldats, avaient répondu à lappel de la Liberté. De la lutte. Il était là, le torse gonflé, sans vraiment comprendre pourquoi. Le fifre du berger marseillais résonna non loin, il prit le rythme, machinalement. Et bientôt, étendards au vent, les troupes avancèrent.
Les tambours se faisaient écho, les mélodies donnaient le pas. Quelques chants sélevèrent. Militaires, martiaux. Il était porté par les sons. Ils étaient portés. Transportés. En avant. En face, soudain, apparurent les premiers étendards. Puis, on discerna ceux qui les portaient. Les armées se firent face. Ce fut le silence. Un court, très court instant. Soudain, un cri. « Digo li que vengon! No pasaroun! » La musique reprit, immédiatement. Le rythme saccéléra, prenant. Les curs battirent plus fort, à lunisson et puis
et puis
ce fut le choc, laffrontement eu lieu. Mortel.
Les mains de lenfant jouaient la musique sans quil ne les maitrise. Ses yeux quant à eux cherchaient. Ils cherchaient ceux qui faisaient sa vie. Là son presque papa, là sa numéro trois. Nulle trace de sa numéro deux. Une petite silhouette au milieu des autres attira son attention. Son poto Pedro. Son copain qui était aux prises avec un ennemi ! Il le perdit de vue, au détour dun bosquet. La musique, toujours. La dame du Soleil Joli était non loin, tambour en bandoulière elle aussi. Elle était belle, fière, farouche. Il sourit. « Vive Valeque ! » elle disait toujours. Et il était confiant. Les gens resteraient en vie, sous le sourire du beau Soleil.
Premier contact, premiers morts, escarmouche mortelle. Den face il en vit tomber un, de deux fois son âge, un quavait voulu laccompagner à Aix. Pourquoi navait il pas accepté ? Pourquoi surtout était il parti sans lui ? Oui, il était un ennemi, oui. Mais
Mais
Un être humain, pas encore un homme
Il jouait toujours, Galaad, il jouait en pleurant, comme la nuit de son départ. Mais il ne chantait plus. Cest moche la guerre.
Et les troupes françaises reculaient, ils avaient perdu sensiblement la même chose, mais les provençaux avaient maintenu leur position. Gagnants, première victoire. Mais à quel prix ? Agonies plus ou moins bruyantes, estropiés, sils survivaient aux amputations
Le môme ne jouait plus. Là
Las. Il cherchait. Il cherchait avec linnocence du désespoir, Benquoi
et Doch. Et Pedro, aussi, il était où Pedro ? Un attroupement sétait formé autour de la Comtesse tombée, ils allaient lemmener. Mais où étaient-ils, ceux pour qui il avait fait ce trajet ?
Deux corps, non loin. Première charge. Çavait été pour eux. Ses baguettes lui échappèrent des mains alors quessoufflé, rouge davoir couru il arrivait à eux. Des hommes parcouraient le champ de bataille. Signalant les récupérables, achevant ceux qui étaient trop atteints pour survivre. Il nosait regarder vraiment, le môme. Ils étaient en vie. Mal en point, mais en vie. Il voulut éclater en sanglots, mais se retint. Le regard de Ben voulait tout dire. Oui, il avait mal, oui, il avait failli crever, mais, mon ptit, cest parce que je veux que tu vives dans le monde que tu souhaites. Ce regard
Le chiard sourit. Ils étaient vivants !
Il garda ses larmes pour le soir venu. Lorsquil dormit chez Doch. Sans le bisou du soir. Et cest là quil comprit que moche ou pas, la Guerre, il la fallait. Parce quils le voulaient. Parce que, la Guerre, cétait pas sans elle quils allaient conserver ce quils avaient construit. Les grands, surtout. Et puis, Gisla, son amoureuse numéro Cinq quétait petite comme le petit doigt, (et quil avait piquée à Pedro sans trop avoir fait exprès) elle voulait être la Marquise. Plus tard. Alors fallait se battre pour la Liberté. Alors les gens se battraient. Les larmes encore en cours déclosion à ses paupières, il sendormit. Éreinté.
Alors ? Tu las eue ta bataille ? Tes content ? Hein ? Dis-moi ? Tas regardé comme il faut, je le sais, jai vu ton regard. Ne nie pas. Tu regardais. Et
Dis moi
tas aimé ça ? Petit Chiard, morpion, mini chose qui veut te croire intéressante
Cest limite sil ne taurait pas fallu des langes. Hé, pssst, jai un truc à te dire
Demain, tu remets ça !
Et le petit porteur de tambour de se réveiller en sursaut, fiévreux, nauséeux, rendant tout ce quil navait pas mangé. Lorsquon vint le chercher pour partir, à peine quelques heures plus tard, la domestique présente prit sur elle de ne pas lenvoyer quérir. Lenfant délirait depuis son réveil maladif, il navait pour ainsi dire, pas dormi. Il tentait de se lever, disant quil voulait bouter les français hors de Provence, il hurlait même. On finit par le forcer à avaler quelque tisane apaisante qui, surtout, avait un effet rapide.
Dans la journée, il fut mieux. On lui donna du travail quil accomplit. Il avait pris du retard, la guerre, son voyage en solitaire, tout cela lui avait fait perdre du temps. Le tambour était posé, près de lui. Quelques jours encore quil partageait entre linfirmerie et le château. La grand place aussi, souvent. Les deux blessés se refaisaient petit à petit. Lenfant retrouvait le sourire. Les troupes se remettaient. La musique quon entendait appelait à la réjouissance. Personne nétait dupe, tous, savaient que ça nétait que passager, cette trêve. Pourtant, le rire était de mise.
Et puis
Et puis, un matin, arrivant au Château, il trouva porte close. Le garde le regarda, désolé, lappela son « petit » et le môme ne réagit même pas. Le Château avait été pris. Certains disaient, par des français. Il écouta ce qui se racontait. Une voix retentit. Flore, sa Flore, sa numéro deux prenait la parole. Avec le sourire il savança, elle allait bien, elle était en vie. Au fur et à mesure de lécoute, il perdit son sourire. Quelques cris plus tard, il partait en courant. Il était colère, Galaad.
Calmé, un peu plus tard, il rédigea un courrier. Il ne prit pas le temps de manger et rejoignit linfirmerie. Doch, dabord. Il avait quelque chose à lui demander. Son feuillet à la main, il avança, doucement, faut pas faire de bruit dedans linfirmerie.
- Doch ? Dis ? Tes zournaliste hein ?
Et il fit son sourire le plus charmeur et lui tendit le billet.
Citation: Je nai pas compris.
Quand jétais petit
déjà que je ne suis pas vraiment grand grand, mais quand jétais encore un peu plus petit, on a voté pour la madame Marquise Tata Hersende. Cest pas ma Tata à moi, mais jaime bien dire comme ça. Cest là que la Marquise, ben, elle est devenue Marquise. Avec beaucoup beaucoup des votes. Même que le msieur Dahut, ben il était tout pas du content.
Après
après ils ont tués maman parce quelle voulait faire la politique, je suis reviendu et comme je veux être le comte, ben jai déposé ma liste. On est arrivés dedans le conseil. Cest grand ! Oui ! Et bien, cétait bien. Bon, on avait quelques gens que jaime pas trop trop parce quils me disent que je suis petit mais je men fiche.
On a élu Zarco. Mais il y a eu laccident. Alors, on a voté pour Ledzeppelin. Et puis, elle travaille du bien Led. Je dis « on » mais en fait cest « ils », parce que moi, je voulais que ce soit moi, le comte. Finalement, quand jai vu quon allait se faire attaquer, jétais bien content. Alors, comme il y avait lattaque et quelle allait se battre pour défendre la Provence, elle a demandé si on était daccord pour que lArchi-Evèque CaC il soit le Vice-Comte. On navait pas le temps de voter. Alors on a dit oui, comme ça. Et personne il a dit non, enfin, je crois.
Tout plein beaucoup des provençaux sont partis se battre. Mes amoureuses deux et trois. Enfin, je croyais pour la deux
Mais je sais plus vu quelle est copine et cousine de ceux quont pris le château. Et moi jai vu Toulon qui se vidait. Et puis je suis allé à Brignoles et jai vu que cétait vide de brignolais, mais il y avait tout plein des français ! En fait ils sont arrivés juste juste après moi. Jai eu peur.
Là, ils avaient encore tué personne dedans les batailles, juste les passants. Alors je leur ai demandé de me laisser passer. Et comme je suis pas si grand que je voudrais, ben ils ont bien voulu me laisser aller jusquà Aix. Quand je suis arrivé, tout le monde il disait « Digo li que vengon! No pasaroun! *». Dautres ils disaient « Vive Valeque !* » mais cétait quand ils boivaient. Parce quils voulaient se battre pour la Provence, ils voulaient bien mourir mais ils se souhaitaient quand même de vivre et de rester en vie.
Et puis
Et puis
il y a eu la bataille, la première. Jai joué du tambour parce quil fallait. Il y avait un fifre, dautres plus loin. On était portés dedans. Cétait beau tous ces gens qui voulaient que la Provence elle reste Libre ! Comme on laime ! Moi, javais envie de pleurer parce que javais peur. Mais jai avancé. Jai pensé aux rêves de Gisla, mon amoureuse numéro cinq. Elle voudrait être la Marquise, plus tard. Alors, il faut quil y a le Marquisat pour quelle est la Marquise.
Après que les troupes sont reparties
Jai trouvé mon presque papa presque mouru. Jai pas pleuré parce quil souriait. Cétait ça la guerre. Et cétait pour la Provence et la Liberté. Il y a eu une autre bataille. Ça faisait tout aussi peur. Mais les gens, ils avaient mal, ça se voyait, mais ils se plaignaient pas. Et dautres encore ils venaient. Pour dautres affrontements, parce que ce quils voulaient, cétait la Provence quils avaient construite, la Provence dans le MAO, la Provence avec Gênes.
Parce que
Parce que pour ça aussi ils ont voté. Et ils sont plus à avoir dit oui quà avoir dit non. Je men rappelle. Tout le monde il en parlait. Alors pourquoi quils parlent de la dictaturation ? Si les gens ils votent ? Cest de la dictaturation du peuple ? Alors comment quon peut dire quon libère le peuple qui dictature déjà ?
Le peuple, il est venu se battre. On dit que lOst est pas bien organisé. Des gens ils travaillent à le refaire tout bien. Mais
On sen fout nous. Parce que nous, en Provence, on aime notre terre, et on se bat pour elle. Soldat, ou pas. Ce quils ont pas compris les français et autres qui viennent soit du disant pour nous libérer. Cest quon veut pas être libérés ! On est LIBRE ! Déjà ! Moi, je vis depuis toujours dedans la Provence. Et je dis que les Provençaux ils sont heureux.
Il y en a qui grondent. Il y en a un peu quont profité du moment où les Provençaux, ceux quaiment la Provence comme on la connait, et bien, tous ceux là, ils étaient soit tombés, soit prêt à se battre jusquau dernier pour la défendre
Et bien, ils ont profité de ce moment là pour lui taper dedans le dos. Pas parce quelle sétouffait, non
Avec le couteau dedans la main, ils ont tapé.
Ce matin, en arrivant au château, les gardes ils mont dit « Désolé mon ptit, tes plus de la maison. » Jétais tellement étonné que jai même pas pensé à lui dire que je suis pas petit. Moi, je suis Galaad von Frayner, et, jusquà cette nuit, jétais le Porteur de la Parole de la Provence quest Libre. Moi, je trouve que la Marquise, cest la porteuse de lEspoir. La porteuse de les valeurs quon a, quon aime. Et quen plus, on la élue. Et que même, elle a été bénie de par lEglise. Alors pourquoi quon dit quelle est pas légitime ?
Jai pas compris.
Mais surtout moi, ce que je ne comprends pas, cest comment ils peuvent dire quils représentent tout le peuple alors quils ont pas été élus ? Si ils avaient été élus, ils pouvaient aller voir lEmpereur et faire ce quils voulaient.
Comment on peut dire « je suis ce quil faut » quand les gens ils préféraient mourir pour le Marquisat ?
Galaad von Frayner, dict Galaad__vf.
*« Digo li que vengon! No pasaroun! » : Dites leur de venir, ils ne passeront pas
* « Vive Valeque » : Vis et porte toi bien.
Il resta avec elle un moment, lui expliquant à sa façon ce quil avait compris de lau dehors. Puis il se dirigea vers le lit de Benquoi. Il arriva assez tôt pour voir la chausse effectuer sa trajectoire, revenant riche dun cadavre arachnéen. Il sourit à entendre son presque père. Et, oubliant toute loi du silence, il cria :
- Ze suis là !
Et sauta sur le lit.
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Z'ai pas compris... pourquoi le trou ?
Les zens voulaient pas que ze me marie d'avec Spada...
Porte la Parole de la Provence !