Joshin
(Nuit du 21 Janvier - Devant Draguignan - Camp Orléanais)
Joshin se dirigeait lentement vers leur tente, sa fille douillettement emmitouflée dans son couffin. Elle venait de passer un bien agréable moment, trop bref à son gré, en compagnie de Dame Neottie, son mari Messire Laclemanus, Nathy et Elmer. Ils avaient devisé agréablement,plaisanté un peu, et fait mine d' oublier que la ville semblait bien morte, et qu'ils étaient en campagne. Elle ne leur avait rien dit de sa fatigue, ni de son découragement. A quoi bon?
Elle entra dans la tente, et ne fut pas surprise en constatant que son mari n'était pas encore arrivé. Elle le voyait peu, en ce moment, car il se devait avant tout à ses soldats et il rentrait tard, après une dernière vérification et s'être assuré que tout était en ordre. Pour elle, ce lui était un souci supplémentaire de le savoir en danger et son coeur se serrait parfois en remarquant ses traits tirés. Mais il ne disait rien, et elle faisait mine de ne rien voir non plus.
Elle se prépara rapidement pour la nuit, et s'étendit, sa fille serrée contre elle.Elle ne s'endormirait pas avant que son mari ne rentre, elle le savait bien, comme tous les soirs. Et pendant ces longs moments d'insomnie, elle avait tout le temps de penser, et c'est alors qu'elle ressentait cette lassitude et ce découragement qui lui donnaient envie de pleurer. Où était la joyeuse Joshin qui était partie avec son mari il y avait de longs jours maintenant? Leur foi profonde, et leur devoir de soldats les avaient poussés à s'engager sans hésiter dans cette expédition. Pour aller pourfendre les hérétiques, ils avaient tout laissé, confiant leur fils à sa dévouée gouvernante et à la marraine de leur fille. Mais la croisade avait tourné court, piteusement, et ils étaient repartis pour une mission spéciale qui les avait conduits ici en Provence. Et là, étendue dans le noir, entendant les rumeurs du camp qui ne s'endormait jamais, elle se demandait, une fois de plus, si elle avait bien fait de partir. Son fils lui manquait cruellement: les missives qu'ils recevaient de Patay disaient toutes que tout allait bien, mais elle en venait à se demander si on ne leur cachait rien. "A l'ouest rien de nouveau", pensait-elle chaque fois, en repliant les parchemins les assurant que François se portait bien, était sage, ne les oubliait pas...Le doute s'était insinué en elle, et elle savait qu'elle ne serait rassurée que quand elle le verrait.
Elle ne regrettait pas son engagement, certes non. A dire la vérité, elle savait bien que si c'était à refaire, elle serait peut-être repartie. Peut-être... La campagne était longue, plus qu'elle ne l'avait imaginé, les combats étaient rudes et la fatigue se faisait sentir malgré tout. Au coeur de tout celà, une parenthèse de bonheur et de douceur absolus, la naissance de leur fille Anne à Genève. Cette fille qui riait dans son sommeil, en ce moment même: à quoi, à qui pouvait-elle bien rêver? Peut-être à des choses connues uniquement par les tout jeunes enfants, dans leur innocence, peut-être à son père, qui, malgré ses occupations et sa fatigue, lui consacrait toujours du temps pour la bercer et lui parler doucement...Justement, il ne tarderait sans doute pas à rentrer. Elle ne lui dirait rien de ses doutes et de ses craintes, pour ne pas l'inquiéter. Et demain serait un autre jour. Qui sait où ils seraient, demain?
Joshin se dirigeait lentement vers leur tente, sa fille douillettement emmitouflée dans son couffin. Elle venait de passer un bien agréable moment, trop bref à son gré, en compagnie de Dame Neottie, son mari Messire Laclemanus, Nathy et Elmer. Ils avaient devisé agréablement,plaisanté un peu, et fait mine d' oublier que la ville semblait bien morte, et qu'ils étaient en campagne. Elle ne leur avait rien dit de sa fatigue, ni de son découragement. A quoi bon?
Elle entra dans la tente, et ne fut pas surprise en constatant que son mari n'était pas encore arrivé. Elle le voyait peu, en ce moment, car il se devait avant tout à ses soldats et il rentrait tard, après une dernière vérification et s'être assuré que tout était en ordre. Pour elle, ce lui était un souci supplémentaire de le savoir en danger et son coeur se serrait parfois en remarquant ses traits tirés. Mais il ne disait rien, et elle faisait mine de ne rien voir non plus.
Elle se prépara rapidement pour la nuit, et s'étendit, sa fille serrée contre elle.Elle ne s'endormirait pas avant que son mari ne rentre, elle le savait bien, comme tous les soirs. Et pendant ces longs moments d'insomnie, elle avait tout le temps de penser, et c'est alors qu'elle ressentait cette lassitude et ce découragement qui lui donnaient envie de pleurer. Où était la joyeuse Joshin qui était partie avec son mari il y avait de longs jours maintenant? Leur foi profonde, et leur devoir de soldats les avaient poussés à s'engager sans hésiter dans cette expédition. Pour aller pourfendre les hérétiques, ils avaient tout laissé, confiant leur fils à sa dévouée gouvernante et à la marraine de leur fille. Mais la croisade avait tourné court, piteusement, et ils étaient repartis pour une mission spéciale qui les avait conduits ici en Provence. Et là, étendue dans le noir, entendant les rumeurs du camp qui ne s'endormait jamais, elle se demandait, une fois de plus, si elle avait bien fait de partir. Son fils lui manquait cruellement: les missives qu'ils recevaient de Patay disaient toutes que tout allait bien, mais elle en venait à se demander si on ne leur cachait rien. "A l'ouest rien de nouveau", pensait-elle chaque fois, en repliant les parchemins les assurant que François se portait bien, était sage, ne les oubliait pas...Le doute s'était insinué en elle, et elle savait qu'elle ne serait rassurée que quand elle le verrait.
Elle ne regrettait pas son engagement, certes non. A dire la vérité, elle savait bien que si c'était à refaire, elle serait peut-être repartie. Peut-être... La campagne était longue, plus qu'elle ne l'avait imaginé, les combats étaient rudes et la fatigue se faisait sentir malgré tout. Au coeur de tout celà, une parenthèse de bonheur et de douceur absolus, la naissance de leur fille Anne à Genève. Cette fille qui riait dans son sommeil, en ce moment même: à quoi, à qui pouvait-elle bien rêver? Peut-être à des choses connues uniquement par les tout jeunes enfants, dans leur innocence, peut-être à son père, qui, malgré ses occupations et sa fatigue, lui consacrait toujours du temps pour la bercer et lui parler doucement...Justement, il ne tarderait sans doute pas à rentrer. Elle ne lui dirait rien de ses doutes et de ses craintes, pour ne pas l'inquiéter. Et demain serait un autre jour. Qui sait où ils seraient, demain?