La meute partie, la petite au visage angélique se décida à aller au temple. Remercier les dieux pour ce qu'elle avait réussit à sauvegarder après le passage ébouriffant des coyotes hurlants. Elle monta les marches en sautillant, puis alla s'agenouiller sous le silence pesant du temple.
Elle resta là un instant, puis ne put s'empêcher de gigoter. Le silence, ça la gênait, et habituellement, il ne durait jamais longtemps avec elle.
Elle ouvrit la bouche, se prépara à en faire jaillir le flot de paroles incessantes et entêtantes, puis se stoppa. Il fallait faire attention à ce que l'on disait aux dieux.
Ô Ehecatl,
Toi dont le souffle puissant fait tourner le Soleil,
Entends ma prière.
J'aimerais, comme tes soupirs qui vont et viennent par notre Monde, comme tes zéphyrs aussi doux qu'un rire parcourent les landes sans jamais s'arrêter, comme ta colère agite les arbres et détruite nos fragiles huttes, comme ta mélancolie alizée s'étend sur le pays, et comme chacun de tes souffles se fraie un chemin sur notre bonne Terre, que toi, Dieu du Vent, protège ma liberté.
Je veux agir à ma propre guise, tout en sachant respecter les coutumes que Toi et Tes frères Dieux nous ont apprises. Je voudrais juste n'être la propriété de personne jusqu'à ce que de mon propre chef je le décide, car j'estime ne pas appartenir à la race des esclaves, et n'étant encore qu'une enfant, je ne peux être qu'à mes parents. Or, ils ne sont pas là.
C'est là qu'elle s'emballa.
Parce que y'en a qui décident de m'attraper, heureusement que leur odeur me révulse tant que je cours plus vite que n'importe quel coyote en furie, et qu'après on décide de me sacrifier. Enfin, lorsque ces personnes décident de quelque chose qui ne les regarde absolument pas, eh bah j'imagine que les dieux les punissent en meurtrissant leur cur. Et sur qui ca retombe ? Sur moi, mon Ehecatl, sur moi !
Raah, qu'est-ce que j'aimerais être aussi libre qu'un de tes vents, et pouvoir aller où je veux, quand je veux, sans avoir à assister au choix par d'autres de ma destinée.
Elle fronça les sourcils, se rendant compte de la familiarité avec laquelle elle avait parlé, et attrapa sa natte d'une main nerveuse.
Enfin, essaie d'y penser, ô Ehecatl, car Tu sais que je Te serai à jamais dévouée, et que je T'aime. Et Tu es mon favori. Même si j'aime Tes Frères, hein. Enfin, leur dis pas que Tu es mon favori. De toute façon ne suis-je pas qu'une de Tes simples servantes, et mon avis ne compte pas.
Elle se leva, se mordit la lèvre, puis se retourna et marcha vers la porte.
Sur le seuil, elle s'arrêta.
Je ne suis à personne. Je ne suis qu'à Toi.
Et, de ses agiles petites jambes, elle descendit d'un trait la montagnes de marches, un petit sourire aux lèvres. Vole, vole, aussi loin et aussi vite que les vents te porteront.