Toujours sous l'emprise d'une sourde colère, Kalten pénétra dans l'obscurité de la chapelle... Il s'arrêta un instant, semblant englober l'allée de son regard. Pourquoi fallait-il qu'il fasse toujours froid et sombre se disait-il, se sentant comme oppressé par les lourdes pierres des arches et des murs en ces circonstances malheureuses.
Son regard retomba sur le cercueil, en position centrale, mit en évidence... Comme un bijou précieux sur l'étal d'un marchand se surpris-t'il à penser... Cette pensée le fit sourire imperceptiblement, et il oublia un instant sa colère. Aly, comme il l'appellait, avait toujours su rester simple.
Mais les visages sombres et les yeux larmoyants le ramenèrent à la réalité...
Trempant les doigts dans le bénitier, il esquissa un signe de croix. Remontant l'allée, il ne s'attarda pas à saluer ostensiblement les personnes qu'il reconnaissait ici ou là, ne leur accordant guère plus qu'un hochement discret de la tête lorsqu'il croisait leur regard. Leur accorder plus aurait été plus que déplacé... Et Kalten se sentait suffisement mal à l'aise ainsi.
Il se pencha sur le cercueil... S'attardant sur le visage de son ami... Il se perdit un moment dans des considérations stupides, avait-il les cheveux si courts dans mon souvenir ?, c'est normal cette ride là ?, comme pour éviter de penser que c'était son cadavre qu'il regardait. Se rendant compte de sa propre stupidité, Kalten eu à nouveau un imperceptible sourire, et se dit à lui même avec une étrange teinte d'humourIl est mort, il s'en fou pas mal de ses cheveux...
Kalten plia alors un genoux...Et fit mime de prierTu me mets dans une position fort indélicate Aly... Tu sais très bien que je ne sais pas prier. Tout juste baragouiner quelque termes latins qui y ressemble. Pas toi qui serait dupe en tout cas.
En plus à mon âge, tu sais, mes genoux me font souffrir.
Il Souria légèrementEn tout cas, tu n'auras pas ce problème toi.
Puis repris son sérieuxUne mort glorieuse... Moi qui t'avais toujours associé à la diplomatie, voila que c'est toi qui meurt au combat. Je ne dirai pas que tu m'as volé ma mort, mais presque...
Mais ne crois pas t'en sortir comme ça... Enfer ou pas, j'irai te botter le cul au paradi, car tu dois sûrement y être. Je vais t'apprendre à faire le malin moi...
Je suis sûr que tu me dois des sous en plus.
En tout cas... Savoure ton éternité, tu l'as amplement mérité je pense.
Esquissant un nouveau signe de croix, et marmonant un "amen" pour les apparences, Kalten se redressa soufflant au passage quelque mots au corps de AlyA plus tard, qui sait... Si je me confesse...
Kalten souria une dernière fois à ce qui fut son ami... Il pensait tout de même pas qu'il allait pleurer ?
Se retournant, il se dirigea doucement vers Freyelda, la veuve... Il pouvait discerner Alienor. Pousse vite ces p'tit trucs pensa-t'il en la voyant du coin de l'oeil.
De ses grosses mains, Kalten prit celle de Frey. Des paroles lui revinrent en mémoire... Il les disait à son amie d'un air presque honteux.Ma mère me disait souvent que mon père n'était pas vraiment mort... Puisqu'elle m'avait.
C'est une forme d'immortalité...
Maintenant en regardant ta fille, je le comprend. Elle me fait penser à son père...
Kalten souria imperceptiblement, voulant briser un instant la tristesse qui régnait.Je crois qu'elle a ton nez...
Lui faisant un imperceptible courbette, Kalten la laissa sur ce sourire et regagna les bancs, s'asseyant où il pouvait.