Djahen
Plongé dans ses pensées, le Maure navait pas prêté attention aux quelques craquements de branches quon pouvait entendre se rapprochant. En même temps, le feu lui-même crépitait doucement et avec la sale blessure quil se trimbalait au bras, les bruissements alentour nétaient pas sa principale préoccupation
Bien sûr, les brigands pourraient tenter de revenir, mais cétait peu probable, vu létat dans lequel il avait abandonné son agresseur. En effet, le Baron avait clairement senti sa lame pénétrer profondément. En fait, aussi loin que le pouvaient ses forces déclinantes, langle dapproche peu propice et la maladresse de sa main gauche, ce qui ne voulait pas dire très profond comparé à un assaut normal, mais ça valait mieux que rien. De plus, la mousse sanglante qui sétait échappée des lèvres du brigand ne laissait aucun doute sur son avenir proche
Avec une perforation au poumon, il ne devait plus lui rester long à vivre. Une lente agonie, noyé dans son propre sang. Menfin, ce funeste destin, il le partageait peut-être avec les Shaggash
Sa lame était désormais bien chaude, rougeoyante pour être précis, et cétait hélas la seule chose à faire en létat. Faute de bandages dignes de ce nom, la plaie risquait de sinfecter et la teinte de certaines chairs bourgeonnantes nétait pas vraiment ce quon peut appeler ragoûtante. Il fallait agir pour tuer le mal avant quil ne se propage et espérer que des voyageurs passent rapidement, pour que cette solution temporaire naille pas finalement empirer la situation
Ce serait stupide si la brûlure venait à se nécroser à son tour, mais sil voulait pouvoir tenir suffisamment longtemps pour aider son épouse, Djahen navait plus vraiment le choix
Laissant quelques instants de plus la pointe de son Katzbalger dans le feu, appuyant la garde sur une pierre le temps de libérer son bras gauche, tout en retenant un gémissement, le Maure coinça sa ceinture repliée entre ses mâchoires avant de se retourner vers sa tendre moitié. La douleur serait intense, il le savait très bien et lévanouissement était à craindre pourvu quil ne lui arrive rien si une telle chose venait à se produire, car en dehors de la toute-puissance du Créateur, Djahen nétait sûr que dune autre chose. Il ne saurait vivre sans elle, sans sa douce
Saisissant la poignée de son épée courte, le Baron prit une large inspiration puis bloqua sa respiration, crispant ses mâchoires, marquant le cuir de lempreinte de ses dents tandis que lacier brûlant touchait la plaie. Aussitôt, la douleur irradia de son bras, une odeur de chair calcinée envahissant lair, et son cur battant à tout rompre, le Maure saffaissa sur le flanc en sanglotant. La ceinture quitta sa bouche, laissant un Djahen gémissant et tremblant, qui décolla le métal de sa peau, arrachant au passage des morceaux de viande grillés qui restèrent collés à lépée alors quil la repoussait loin de lui
Affalé, secoué par des spasmes de douleur, le médecin hoqueta avant de libérer le flot de bile qui lui était remonté à la gorge, et fermant les yeux, il sabandonna aux ténèbres de linconscience
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