Zoyah
Les illusions amères
Un matin dhiver comme tant dautres où le givre recouvre la vitre dune chambre, posant une dentelle de glace sur le verre fumé de la fenêtre. De ces milliers de cristaux, se formaient lignes et courbes comme si lHiver se plaisait à peindre sa froide émotion sur les yeux des maisons Castelroussines.
La pièce, dont les occupants étaient encore chaudement dissimulés sous dépaisses couvertures de Dalmatie, est chaleureuse et confinée. De lourdes tentures colorées recouvrent les murs de pierre épais, tâchant de tenir hors de la demeure le froid tranchant de la saison blanche. Le feu de la cheminée se serait presquéteint si une personne bien attentionnée ne lavait pas nourri de fort bonne heure ce jour là. La chambre avait alors conservé toute sa chaleur.
Le visage enfoncé dans son oreiller de plume, Zoyah dormait paisiblement dun sommeil profond et réparateur. Ce nest que les aboiements du Saint-Hubert résonnant dans la cour intérieure qui lextirpèrent de sa léthargie nocturne. Le chien avait pris en chasse un petit mulot et le traquait dans tout le jardin. Il avertissait ses maistres de la voix afin quils sachent quun petit voleur de noisettes tentait une échappée. Les yeux encore clos, dans un geste presque machinal, sa main liliale tâte le lit à la recherche du corps doux et chaud de lêtre aimé afin de sy blottir tendrement et dobtenir les caresses ardemment désirées qui faisaient leur quotidien. Elle ne rencontre que létoffe froide et dure des draps à la place du torse imberbe de son amant. La jeune femme, la chevelure ébouriffée et les yeux encore gonflés de sommeil, se redresse brusquement.... Ashlaan ?... appelle-t-elle dune voix douce et encore endormie.
Pour toute réponse, un lit vide de la présence du Magyar...et un silence presque pesant. Zoyah se frotte le visage afin den faire fuir toute trace de fatigue. Ashlaan ?... insiste-t-elle plus fort avec une pointe de contrariété.
Puis sa main fine et blanche frôle une feuille de parchemin déposée sur le lit. Un mot de lui, linformant quil doit se rendre au sud de Châteauroux afin de semer et dorienter sur une mauvaise piste ses soi-disant poursuivants. Un soupire désabusé et incrédule franchit la barrière velouté des lèvres de Zoyah. Cette histoire...elle avait du mal à y croire...mais lhabile menteur savait se montrer persuasif. A ces quelques mots qui ont noirci avec application le vélin, il a joint un poème en hongrois ...promesse mensongère et cruelle dun avenir radieux....et une touche dironie comme il savait si bien la manier « Je vous le traduirais à mon retour, mais il faudra vous montrer patiente »...
Zoyah két szemem,
olthatatlan szenem,
véghetetlen szerelmem,
Zoyah víg kedvem
s néha nagy keservem,
örömem és gyötrelmem,
Zoyah életem,
egyetlenegy lelkem,
ki egyedül bír vélem.
Zoyah hasonlítja a Szerelemhez,
La jeune femme rangea soigneusement ce billet doux parmi les autres, dans un petit coffret débène où elle les conservait amoureusement. Elle avait hâte de le voir revenir, surtout quil fallait quelle lui parle de lenfant à venir avant quil ne sen aperçoive tout seul. Afin de ne pas trop y penser, Zoyah vaqua à ses occupations en attendant le retour espéré de son aimé.
Elle attendra longtemps, l'esprit torturé par des illusions amères...celles de le revoir un jour...
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