Le brave pigeon, loué chez un éleveur du coin ne revint pas. Inutile de dire qu'elle se précipita chez lui sans attendre, encore moins de préciser de quelle humeur fut le commerçant lorsqu'elle en demanda un autre, promettant sur son ascendance dont elle ignorait qu'elle exista, qu'elle n'y était pour rien.
Mais puisque je vous dis que ce n'est pas de ma faute. Je l'ai nourri correctement, et je vous dis pas ce que ça m'a coûté!
Je roule pas sur l'or moi messire.
Puis si ça se trouve vous ne l'avez bien entraîné. Et je vous préviens que si vous refusez de m'en louer un autre, j'irai raconter partout que vos bestioles ont la peste, et qu'elles crèvent toutes avant d'avoir décollé!
...Elle caressait nerveusement le plumage de la bête nouvellement achetée (ils avaient finalement trouvé un compromis), se mordant la lèvre qu'elle avait charnue, se demandant si elle devrait pour toujours faire une croix sur son histoire -elle se consolait intérieurement en songeant que cet ambuleur, si ça se trouvait, ne savait rien, mais le doute la tenaillait encore- et tandis qu'elle refaisait le chemin en sens inverse, pour retrouver sa bicoque, une apparition ailée survint.
D'étranges petits soubresauts agitèrent l'ingénue, au comble du soulagement, qui ne doutait pas que l'animal appartint à Raoul glabre, allez savoir pourquoi. Elle eut une pensée pour le pigeon, disparu entre de bonnes mains pour sûr. D'une main tremblante d'excitation elle prit ensuite la lettre, l'ouvrit en hâte et déchiffra l'essentiel.
Il acceptait de la rencontrer, l'invitant à le rejoindre à l'auberge de la Motte.
L'auberge de la Motte, c'est quoi ct'endroit...i]elle leva le visage et regarda machinalement autour d'elle. Montmirail restait décidément une énigme.[/i]
Mince alors...il a répondu.
Elle lut encore une fois, la mine aux anges. Ce soir peut-être, en saurai-elle plus.
[auberge de la motte, en bas de la motte]
Sous le donjon, que le boucher lui avait dit, pouvez pas le louper qu'il disait, on l'appelle auberge de la motte parce qu'y a une motte, vous descendez, puis vous tomberez dessus. ]Mais qu'est-ce qu'une mignonnette à à faire dans des endroits comme ça, y a rien pour une tiote par là-ti, d'vriez rentrez chez vous retrouver vos parent, vous trouveront un beau parti verrez... patati et patata, elle y eut droit jusqu'à ce qu'elle soit hors de portée de voix.
Elle emprunta divers chemins, pour débarquer le soir venu, modestement vêtue, devant le lieu-dit. Ca sentait un peu plus la pisse qu'ailleurs, faute à l'humidité sans doute, les donjons, on sait ce que c'est. Elle ouvrit la porte d'une poussée décidée, et chercha l'ambuleur du regard. En fouillant jusqu'au fond de la salle, il lui sembla reconnaître l'homme qu'elle n'avait fait qu'entrapercevoir. Elle rejoignit sa table, hésita un instant, et emprunta le siège face à lui, le coeur battant.
Qui ne tente rien n'a rien. Elle y croyait. Aussi elle le regarda directement et n'attendit pas qu'on l'invite à s'exprimer.
Bonsoir...Raoul, c'est bien cela?
Vous m'attendiez, à ma demande. Je vous suis reconnaissante de l'avoir acceptée, quel que soit l'intérêt que vous me portez. Vous devez être curieux j'imagine, mais dites-moi, croyez-vous que les ambuleurs possèdent une âme, sont-ils même croyants? Que reste-t-il après les derniers sacrements...vers, charogne, poussière...des réponses dans tout ça...?
Vous prenez un verre? J'ai de quoi payer, profitez-en.
Elle lui sourit, et elle l'observait aussi, curieuse, avide d'en savoir plus sur elle, mais aussi sur ce personnage qui suscitait les murmures de bonne femmes.