pnj
La capitale ! Depuis que nous avions passé la vieille enceinte du feu roi Philippe Auguste, j'écarquillai des mirettes larges comme des soucoupes tant j'étais désireuse de tout voir. Le voyage déjà avait été toute une aventure pour moi, qui n'étais jamais allée plus loin que Bordeaux. Traverser ainsi le royaume m'avait semblé si enivrant, et tellement amusante les étapes dans les albergues disséminées le long des chemins, où se mêlaient marchands, pèlerins, soldats, bourgeois, nobles, marauds... Tant de gens dissemblables que seules leurs pérégrinations mettaient _ temporairement _ en présence...
Et mon impatience et ma curiosité grandissaient encore maintenant que nous nous trouvions à Paris. Tous les noms de lieux que je ne connaissais pas encore et qui avaient émaillé mes lectures ou les conversations de notre escorte chantaient à mes oreilles: Sorbonne, Louvre, Halles, Cité, marché aux fleurs, rues de la Harpe, de la Huchette, de la Tixanderie... Des mots qui masquaient tout un monde que je trépignais de découvrir!
La tête pleine de songes, j'en avais oublié l'état de mère, et ma récente boiterie. Et si le premier me laissa l'esprit en paix, la seconde en revanche se rappela vite à mon souvenir. A peine descendue de litière, ma jambe dextre demeurée trop longtemps immobile me refusa un service correct. Je me mordis les lèvres pour ne pas éclater en sanglots tandis que je gagnais en boitillant l'intérieur de l'hostel.
Aristote merci, la vision d'Aélis imitant à la perfection Eudeline-le-Dragon vint à point pour me distraire, et je souris avec reconnaissance à ma grande soeur, la bénissant de m'avoir emmenée pour ce séjour. Me pliant de bonne grâce aux directives de mon aînée, je pris le chemin de la chambre qu'on m'avait attribuée, les yeux brillants d'enthousiasme: orfèvres! Elle avait bien dit que nous irions voir les orfèvres! Et c'est la tête farcie de représentations de bijoux merveilleux que je m'endormis, un sourire aux lèvres.
Phillau
Paris, ville des Rois.
Après un bref interlude commercial dans la grande foire de Saint-Germain, haut lieu des commerces en tout genre, Phillau pénétrait enfin dans la grande ville.
Les bagages allégés de tout le fer et de toutes les armes vendues il y a peu, remplacés par du Tissu Flamand et de la laine tissée italienne, Phillau et sa petite escorte de seigneur provincial passaient la lourde porte Saint-Germain. Laissant un de ses hommes payer la taxe au questeur, Phillau toisa les gardes du Rois qui, surveillant les portes, paraissaient suspicieux à l'égard de cette petite troupe en arme.
Traversant la Rive Gauche parisienne, la petite troupe passa la Seine en enjambant l'île de la Cité, longeant ainsi l'Hôtel Dieu et son attroupement de malade et de mendiant. Le pont au Change traversé, Phillau se détourna de la place de Grève et pénétra dans une petite rue, il déboucha ainsi devant un grand portail frappé dans toute sa grandeur par les armes d'Harlegnan.
Nous y sommes , lança-t'il à ses hommes.
Le plus âgé de ses compagnons, celui qui devait sans doute être son valet, la valeureux Nestor, s'approcha de la grille et héla l'un des gardes. S'en suivit un petit dialogue de serviteur qui déboucha sur le grincement sourd des deux grandes grilles de fer. La petite troupe rentra, la charrette de tissu ainsi que les chevaux furent conduit vers les écuries et les annexes, Phillau et Nestor, une fois décrottés, rentrèrent dans la demeure.
Nestor, fait monter mes bagages dans nos appartements. J'aimerais trouver mon cousin et mes nièces.
Phillau tenta de se retrouver dans ce grand hôtel.
pnj
Bien, monseigneur.
Nestor, cambré par l'âge, saisi les malles et suivis par deux autres hommes, monta les malles à l'étage. Les appartements de Phillau, situé peu loin de ceux de sa cousine et de ses nièces donnait directement dans la cour.
Nestor s'autorisa un petit repos sur l'un des sièges de la chambre de son maître, il savait que celui-ci ne lui tiendrait pas rigueur.
Phillau
Après avoir reprit possession des lieux et d'avoir rafraichit sa mémoire sur la disposition des lieux, Phillau monta à l'étage pour revoir sa nièce. Il s'approcha de ses appartements et croisa une des servantes d'Aélis, elle lui indiqua que la "petite" était dans son bain.
Phillau s'arrêta devant la porte, hésitant entre l'envie de frapper, et de croiser le jeune corps de sa nièce nue sous sa serviette, et sa raison qui le poussait à revenir peu avant le souper. Le corps de sa cousine, même enceinte flétrie par les années développait en lui des sentiments insoupçonnés et l'idée qu'il puisse trouver en sa nièce sa cousine sous le jour de ses belles années fit chavirer Phillau.
Il toqua
Ma nièce ?
Devant la porte, seul, un peu benêt, il attendit patiemment.
Phillau
Je suis là mon oncle, entrez !
A ces mots, Phillau ouvrit lentement la porte, laissant rentrer par la même occasion un léger courant d'air froid. Il vit sa nièce drapée à la romaine dans son fauteuil près du feu, ses cheveux encore mouillés dégoulinaient sur le large tapis.
Il s'approcha et en faisant le tour du fauteuil, découvrit avec un mélange de sensation la nudité de sa nièce. Son drapage laissait entrevoir la base de son cou et le début de sa jeune poitrine, Phillau espérait intérieurement que son teint ne rougisse pas trop, sans trop de succès visiblement. Tentant de calmer ses ardeurs passagères, Phillau s'assit dans le fauteuil situé en face d'elle.
Cela faisait longtemps que nous ne nous sommes pas rencontrés.
Un léger rictus se dessina lorsque le regard de Phillau se laissa transporter jusqu'à sa cousine, et la réaction fut sans appel. Que ce feu est magnifique...
Phillau
Le souvenir de sa nièce encore enfant permit à Phillau de regagner un calme intérieur qui inexorablement se reflétait sur ses trait. Il se souvenait d'elle, trainant la nuit dans les couloirs empoussiérés d'une bibliothèque délabrée.
Le souvenir des quelques mots qu'il lui avait tenu et qui avait semblé apporter un réconfort immense à l'enfant qu'elle était alors, ravivait en lui la tristesse de ne pouvoir se dire père. Bien qu'il fût au courant de la naissance au couvent d'un enfant qui était peut-être le sien, rien ne détruisait plus en lui, en ce moment, que le rappel de sa non-paternité et de sa solitude dans les douces nuits guyennaises.
Ah, qu'il aurait aimé à ces instants parler de père à fille des doux moments de l'enfance de cette femme en devenir. Bien qu'un père digne de ce nom ne se permettrait pas de voir sa fille en pareille tenue à des âges où le corps se dessine et où les sentiments naissent.
Oui, ma nièce, je m'en souviens. Je me souviens aussi du petit secret autour de ces évènements, secret qui n'aura jamais été ébruité dans la famille, ni ..., ni à votre mère.
Izarra, douce femme dont la beauté comme l'esprit commençaient à se flétrir sous le poids des années et des tourments. Une part d'elle vit dans ces filles, pensa Phillau. Cette même malice et cette beauté qui laisserait fou n'importe quel garçon d'écurie ou noble duc.
Phillau
Ce petit rire....
Doux moment qui s'arrêta lorsqu'on passa sur les raisons de sa présence.
Je suis venu d'abord pour voir ma famille. Les longues soirées d'hiver commencent à me lasser, seul dans ma demeure.
Seul, là était bien le mot. Malgré la présence de Nestor à ses côtés et les chasses entre ami dans les forêts landaises, Phillau était définitivement seul. Sans femme à chérir, sans enfants avec qui jouer. La présence des enfants d'Izarra se faisait manquer à l'Hostel d'Harlegnan bazadais et cela déprimait Phillau.
Seul devant le feu à lire traité sur traité, Seul dans la bibliothèque à négocier avec de lointain marchand les prochains contrats.
Seul et définitivement seul alors que ses amis croulaient sous les bambins que Phillau chérissait tant.
A cette petite, il allait cacher son passage à la foire Saint-Germain, les affaires économiques et ses trafics d'armes en tout genre ne nécessitent pas d'être ébruité. Particulièrement vu les acheteurs du moment, de sombres brigands dont Phillau ne connaissait pas plus qu'un surnom et qu'ils payaient grassement.
Je vais me rendre en Flandres aussi, même si je suis heureux de vous voir, Paris n'est qu'une étape.
Une étape oui, étape vers la résurrection sentimentale. Phillau voulait revoir sa famille, ses nièces, sa cousine. Mais ce qu'il voulait plus que tout, c'était revoir ses Flandres et peut-être elle.
Il y a quelqu'un que je souhaite revoir, une femme que j'ai servit quand elle fut duchesse et que je regrette d'avoir quitté.
Les regrets étaient nombreux, mais particulièrement celui-ci. Un soupir résonna dans la pièce avant de faire vaciller la flamme dans le feu, chatoyant les briques en pierre de la cheminée.
Sa nièce était joyeuse et voilà qu'il venait l'ennuyer avec des problèmes que femme en devenir ne devait pas encore connaître, elle qui était encore pure dans l'attente d'un mari.
Phillau
Les couleurs montaient au teint de sa nièce comme cela fut le cas peu avant lorsque Phillau avait pénétré dans cette pièce. Les rôles s'échangeaient peut-être entre personne mal à l'aise.
Epris est un bien grand mot et je ne saurais répondre maintenant.
Il semblerait quand même que le malaise restait gravé sur les traits de Phillau, la petiote allait vite savoir qu'elle touchait un point faible
Il existe une femme, fort jolie et fort intelligente, vivant en Flandres. Je ne sais encore si ce sont réellement des sentiments ou bien si mon esprit me joue des tours, mais...
Arrêt au cur de la phrase pour laisser échapper un soupir mélancolique. Il parlait de supposition, mais au fond même de lui, dans sa chair la plus interdite, il savait. Oui, Phillau savait la réalité de ce qu'il pensait, mais personne ne devait le savoir pour le moment. Epris il l'était, mais ce qu'il ne voulait pas, c'est être éconduit.
Mais, je me rends là-bas pour être certains
Réponse facile et sans aucune surprise, mais elle suffisait à ne pas laisser pareille phrase en suspens.