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[RP] Vita Becassina - Le livre Comtois

Saltarius
[ Où cela commence... Et l'on voit qu'il faut de tout pou r faire un livre...]

Saltarius errait dans Dôle, un brin malheureux, un brin désoeuvré.
Il avait trouvé une chambrette à l'hôtel.

Ouais, bon... on ne peut pas toujours s'attaquer aux sacristies, il avait un peu prospéré le Simplet depuis qu'il avait vidé la réserve du curé de Chinon avec sa joyeuse bande de vagabonds.

Il devenait un peu moins simple aussi.
Il n'entrait plus dans les tavernes en disant : bonjour, je suis Saltarius, je suis Simple.

Mais sans sa compagne de voyage, sans Ygerne, il se sentait très simplifié, l'homme : il buvait, mangeait, travaillait, dormait. Point barre. L’avait l’impression d’être réduit à une très simple expression.
Sa copine lui manquait.

Il alla chercher compagnie dans les tavernes.
S’attabla devant le parchemin qu’il avait acheté pour lui envoyer un pigeon.
Tomba sur un pochtron qui ronflait dans ses bras croisés.

Salt tordait sa plume dans tous les sens. N’aimait point trop écrire.
Mais ça faisait deux grandes semaines déjà qu’il avait ramassé la donzelle écrabouillée par la brutale fureur aveugle du duc de Touraine, Zebracolor, le Détesté. Le Sans Couille… Le suppôt de la Peste Vérolée des Bordels du Grand Mogol de mes deux ….
IL s’échauffait le Simple, il tendit le bras vers le cruchon de l’endormi, le chipa et le vida dans sa coupe.
Fallait écrire…. Fallait…


- Hé là ! mon cruchon !!! Au voleur, à l’assassin, mon pinard !!!
L’homme s’était réveillé et hurlait comme tous les grands Loups de la Comté.

- Et c’est quoi ce raffiot ? Eh l’homme… t’as perdu ton ombre ? Te faut pas hurler comme ça : on dirait ma truie quand elle se fait saigner . Par les Oreilles de sainte Bévue, tu bois trop l’ami, tu sais plus où c’est qu’est ton tempérament… l’est vide ton cruchon…
- De de .. . qu… quoi, rend le moi vil voleur !


Salt ouvrit la bouche et hoqueta comme s’il allait rendre son vin à l’émêché. L’homme se recula brusquement.
- Eh tu vas salir mes braies.
- T’inquiète, je vais te l’rendre ton vin!
- Nooooooooooooooonn !

Salt se leva :
- Saltarius le Simple, emprunteur de pinard
L’autre répondit fort civilement à son salut :
- Delalune, clerc
- T’es clerc ?
- Ca s’voit pas ?
- Euhhhhhhhh pas vraiment... Je cherche un clerc
- Pourquoi t’es dans l’noir ?
- Non c’est toi qu’es noir
- Moi je suis clerc, c’est clair ?
- J’te paie un verre et pis j’t’éclaire


- Paie ton verre
- Aubergiste ! Un cruchon pour le clerc qu’a perdu sa plume
- Prête moi ta plume et je t’écris un mot .
- L’en faudra plusieurs… C’est toute une histoire
- Aussi vrai que j’mappelle Pierre et que je suis clerc, je suis ton homme, si t’as du vin.
- Ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu
- Va chez la voisine, je crois qu’elle en a
- Bon, et du parchemin aussi
- T’en a pas… là ?
- Si, mais c’est pour un pigeon, c’est un air-mail
- Ah et tu veux quoi ?
- Que tu copies une vie de Saint
- Pff, pas original ... t’aurais pas autre chose, les saints c’est chiant !
- Non là c’est une marrante
- Ouais on dit ça, t’aurais plutôt un beau récit de guerre, une chasse à l’homme, des fantômes … tout ça
- Ben oui, tout ça… mais dans une vie de saint.
- Tout ça ?
- Tout ça…
- Tope là mon gars. Tu vas chercher la plume, des parchemins, du vin et j’suis ton homme, ça tombe bien, là je chôme


Salt remplit son verre, encore et encore… Et le bonhomme Pierre retomba entre ses bras et se mit à ronfler.
Salt sut quoi écrire à son amie.



Ygerne,
Ma petite mie de pain. Ton odeur et ton craquant me manquent terriblement.

Je viens d’arriver à Dole et suis tout emberlificoté dans mes remords de t’avoir laissé là .
Je sais que tu es bien assignée dans le chasteau d’Anjou.
Lucie m’a promis qu’elle et Gandrel ne te lâcheraient pas d’une semelle.
Ne laisse pas le Titi t’assoiffer, il en est capable. Je viendrai lui tordre ce qui lui reste d’entrailles si tu as à te plaindre de lui.

Mais c’est la première fois que je voyage sans toi. Et je suis tout perdu.
Honte à ce foutre dieu de duc de Touraine, Zebracolère, que la honte du Sans nom soit sur lui et sur tout ce qu’il entreprendra.

Bécassine va me prendre du temps, elle veut une « Vita Becassina » comme les grandes saintes… J’te jure. Elle se gonfle comme une bécasse qu’aurait du vent dans les voiles !

J’t’enverrai les parchemins dès que le petit clerichon dolois que j’ai déniché les aura recopiés. Ce devrait t’ébaudir : il a une écriture d’écritoire et il travaille pour un verre de pinard.
Bécassine me raconte plein de billevesées… J’en crois pas un mot. Mais tu sais comme elle est. Elle jure par les tétons de sa sainte mère que tout est vrai. Le Paradis solaire, c’est pas c’qu’on croit… J’te jure bien.

Dole semble mort, à première vue. Je n’ai qu’une seule chose à faire : écouter Bécassine radoter, cueillir des fruits, boire un coup, accompagner Aurélien dans ses visites, raconter des histoires aux enfants, donner à boire au clerc Delalune, c’est son nom et boire avec lui. Et penser à toi et me morfondre . Et vouloir que les couilles de ce tétard de Zebracolor lui pendent si bas qu’il se prend les pieds dedans et se castre comme le goret qu’il est.
Porte-toi et ne laisse pas les Angevins t’emporter avant que je ne revienne.
Saltarius



Pensez à baliser de façon claire vos RP, merci et bon jeu {Claire_Bennet}

_________________
--Le_clerc_delalune


-'Misericorde , c'est qui c'type ?

Le clerc Delalune avait mal au crâne. Il avait trop bu comme d'habitude.

Qu'est-ce qui s'était passé la veille ?
Il éclusait le dernier cruchon qu'il pouvait encore se payer avec les derniers deniers de sa maigre bourse.
Un homme s'était approché, avait révassé à côté de lui et puis ... se souvient plus le Pierre.

Et voilà qu'au petit matin, il avait devant lui un bol de légumes chaud, le même illuminé avec ses grands yeux, une pile de parchemins, une plume et des encres.

- Quid, quomodo ???
- Salut Pierre, l'est l'heure de te mettre à l'ouvrage.
- Gnê ?
- Bois. Par les papilles de Sainte Maritorne, tu m'en diras des nouvelles


De fait, le bouillon sentait bon. Pierre n'allait pas cracher dans la soupe.
Il la but lentement en inspectant son vis-à-vis d'un oeil méfiant.
Le bonhomme attendait patiemment,il l'avait l'air d'avoir le temps, l'avait pas l'air méchant.
C'était le premier visage avenant qu'il croisait depuis sa fuite de l'abbaye.
Pierre frissonna.

- T'es qui toi ?
- Saltarius dit le Simple, on s'est présentationné hier
- Me souviens plus... tu veux quoi ?
- Tu copies pour moi, j' te give la croûte et du vin la journée terminée. Ca te va ?
- Slurp
, fut la réponse de Pierre. il y avait longtemps qu'il n'avait plus mangé un repas chaud.
- Tu sais dessiner ?
- J'sais tout faire avec une plume et rien avec ce qui nourrit son homme, j'sais pas tenir une hache, grimper sur une échelle ou ramer sur un lac.
- Eh ben moi, j'ai des histoires à conter et j'suis costaud à faire pêter les côtes de Saint Loubard.

- T'en as beaucoup des saints comme ça que j'connais pas ?
- Des tonnes, j'les connais bien...
- Ah ouais ?
- Ouais , regarde.


Saltarius fit glisser sous ses yeux, un petit croquis dessiné, bah pas si mal ma foi .
- C'est qui ?
- Sainte Bécassine, ma sainte ... Je veux que tu copies les épisodes de sa vie.... Enfin ELLE veut.
- Comment ça, elle veut ?
- Elle me parle.. Je la vois parfois .
- Tu te fous de moi.
- Que nenni.


Pierrot le regarda, il était sérieux le bougre !
Il avait l'air ... voyant : pas très malin, bon enfant mais débrouillard.
Il avait l'air plus prospère que lui, Pierrot Delalune, incapable de vivre dans le monde comme il l'avait rêvé, là bas dans son dortoir d'abbaye.

- Mouef, tu sais, j'sors du couvent, j'en ai ma claque des saints et des salamalecs..
- J'te promets de pas d'enquiquimerder avec des prières, tout ça ... juste des histoires...
- Bah de toutes façons j'ai rien à perdre.


Saltarius sourit et tapa sur la table:
-Parfait, au travail : je veux que tu me fasses des belles lettrines pour commencer : Vita Becassina : tu vois... avec mon dessin.

Réchauffé et bien réveillé, Pierre se mit au travail.
Salt le regardait et puis se leva.

- Bon je vais bosser pour deux. File pas avec les parchemins, hein, sinon j'te promets, la colère de Bécassine, c'est quelque chose !
- T'inquiète, pour une fois que j'peux gagner ma croûte avec mon art, je vais pas me tirer.

A la fin de la journée, il regarda son oeuvre : il était fier de lui.
- J'espère qu'il reviendra et qu'il sera content, l'illuminé.




Rp ouvert, vous pouvez venir vous joindre à nos deux perso en taverne pour admirer les dessins ou écouter la vita de Bécassine, envoyez moi un MP, ljd saltarius
Saltarius
[Où l'on assiste à la naissance de Bécassine et l'on se dit qu'il y en a qui commencent fort...]

Saltarius était content de sa journée.
Content aussi de la journée de "son" clerc

- Mazette, j'ai un clerc à mon service, comme les grands seigneurs !
Bécassine était contente, elle aussi. Enfin on allait passer aux choses sérieuses. Elle l'assomma de recommandations et de remarques diverses :
- Surtout pas de grossièretés, hein, je veux une "vita" classe, évite les détails pénibles...
- Vous inquiétez pas...
- Ben si j'minquiète, ça va passer à la "prosternité" avec un clerc, j'veux pas qu'on raconte n'importe quoi sur mon compte
Et patati et patata...

Salt saoûlé par la voix criarde de sa Sainte exaltée et exaspérante , était content de rentrer en ville et de retrouver des personnes bien vivantes et une nourriture solide.

Le repas terminé, la table de l'auberge débarrassée pour Pierrot et ses plumes, Saltarius s'installa confortablement sur la banquette près du feu. Il roula des yeux d'inspiré , haussa la voix pour couvrir les conversations :

- Oyez, oyez braves gens, voici la très mirobolante et très édifiante histoire de Sainte Bécassine. patronne de la Bretagne, de la Bourgogne ,des gardiennes d'enfants et des conteurs d'histoires.

Le brouhaha baissa un peu. Saltarius avala un gorgée de sa bière, posa sa voix pour qu'elle résonne et commença :

Cela se passe, in illo tempore, dans le fin fonds de la Bretagne, le riant hameau de Clafouttis-les-Bécasses était dans l'attente d'un heureux évènement - de plusieurs à dire vrai.

- Allez pousse donc la Gontrande, ça fait des heures que ça dure ....
- Gnnnnnnn, gnnnnnnn, voudrais bien vous y voir, moi...
- c'est tout vu, ya la mère Paluche qui va commencer son travail. Et la Rosette dans la soue qu'a d'jà fini le sien.


Les commères et matrones du villages assistaient la mère depuis quelques temps, elles avaient eu le temps d'écluser quelques flacons de chouchen*. Affalées sur la banquette devant la table de la masure ou était allongée la future mère, elles accompagnaient les cris par des encouragements de plus en plus hagards et hasardeux
- Olé, vas-y, l'Firmin l'attend son goret, hips, son gamin...

Le Firmin en question veillait de son côté à la naissance du porcelet qui présentait bien.

- Tiens bois, la Gontrande, il te faut des forces.
- ouais, glouglouglou.....gne gnêeeeennnnnnnnnne
- 'Tention l'arrive, j'vois sa tête, pousse
- GnGnnnnnnnnnnnnnn- PLOP !
- Ouinnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn

Surprise par l'arrivée soudaine du lardon visqueux et sanguinolent, la matrone, un rien émêchée, la sentit s'échapper de ses doigts crasseux et boudinés.
Le bébé tomba sur le sol, humide des eaux, du sang et des flaques de chouchen renversé.

On dit qu'au même moment, la statue de Sainte Nitouche dans l'église paroissiale, vacilla sur son socle et tomba. La sainte se retrouva par terre avec le nez cassé.
Ceci marqua le début d'une intense rivalité entre les deux saintes.

Revenons à la masure :
Le bébé hurlait

- Ouinnnnnnnnnn
- jolie voix, sosooso-li-li de gai ll llard

Un des femmes se leva péniblement et le prit.
- Hé, c'est une fille !

La Gontrande attrapa le flacon à sa portée et en descendit la moitié.
- Aïe, le Firmin va être furieux.

L'était là d'ailleurs, à la porte,
- P'tain la Gontrande, laRosette a fait mieux, c'est un mâle. E j'lai appelé Igor.
- Félicitation et celle-ci tu vas l'appeler comment ?
- J'lappèle pas c'est rien qu'une fille ... Trouvez-lui un nom.
- La Gontrande ?
- J'sais pas, zavez des idées?


Les idées fusèrent
- Marie
- Blurb
- Sidonie
- Polype
- Descartes
- Stoooooooop, j'sais pas quoi choisir... Donnez-les lui tous.


Et c'est ainsi que vint au monde Marie Blurb Sidonie, Polybe, Descartes de chez le Firmin et la Gontrande, troisième masure à gauche au chemin du cimetière de Clafouttis-les-Bécasses.
Mieux connue sous le nom de Bécassine.


* le chouchen est un hydromel alcoolisé de Bretagne
_________________
--Le_clerc_delalune


Pierrot Delalune, fraîchement engagé par Saltarius avait écouté bouche bée le récit de la naissance de Bécassine.
- Comment vais-je retranscrire cela, une vie de saint, c'est pas du Zola ...

Il ne savait pas d'où lui venait cette expression mais il l'aimait bien cela sonnait bien : c'est du Zola ou ce n'est pas du Zola....
Bref, ici, c'était du Saltarius tout craché : le bonhomme était trop simplet pour imaginer que pareil tableau pourrait figurer sur une vie de saint.
Perplexe, le clerc s'était mis à dessiner




Puis il se mit à écrire :



Dans ces temps là, les temps étaient sombres, et la pauvreté rongeait les dents des pauvres paysans bretons. Mais ils attendaient un enfançon sur lequel toutes les grâces du Paradis serait rassemblées. Le Recteur l'avait dit en chaire de vérité, il l'avait vu en songe.

- Noël, Noël, un heureux évènements se prépare.

A Clafoutis-les-Bécasses, tout n'était que rires et chansons tant l'espoir était chevillé au corps des Simples.

Soudain, près du cimetière, dans la propre et coquette chaumière du Firmin et de Gontrande, une belle lumière apparut. On entendit des chants dans le ciel :
- Hosanna, une fille nous est née, une sauveuse nous est donnée, son nom est Marie, Harmonie, Irène et Aristote. Que la paix soit sur elle, hosanna au plus haut des cieux !
.

Dans l'église paroissiale, même la statue de Sainte Nitouche, la bonne patronne précurseuse de Bécassine semblait se réjouir de l'arrivée de cette nouvelle étoile dans le ciel breton.


Saltarius arriva en fronçant les sourcils.
- Mm, c'est pas tout à fait ce que j'ai raconté
- non, mais, c'est plus classieux comme ça, crois-moi j'm'y connais.
- Ouais bon, mais tu ne disais pas que t'en avais marre de tout ce rose bonbon que font avaler les curés ?
- Ouis...p'têtre bien? Tu veux que j'efface ?
- Non, on va pas gaspiller un beau velin.... Tu tâcheras d'être moins fondant la prochaine fois... Pas envie qu'on me condamne pour bisounoursisme, moi...
Saltarius
[ Pigeons volent ... ]

Saltarius le Simple sirotait tranquillettement sa bière en réfléchissant à la manière dont il allait poursuivre les aventures bécassiniennes..
La veille, la sainte lui avait remonté les bretelles.

- He bien heureusement que ton clerc a plus de cervelle que toi... Ca risque d'être n'importe quoi cette vita Becassina
- N'en peut rien, moi... C'est pas moi qui invente, là... Et pis, j'peux vous dire Bécassine ?
Pas de réponse
Tant qu'à rajouter une vie de saint aux moultes étagères des bibliothèques, autant qu'elle "déchire sa mère "
- Cococo ment tu dis ?
Ah j'sais pas d'où ça m'vient, Savez, hein, j'parle bizarre qu'on m'a dit.mais j'trouve ça expressif, ça voudrait dire qu'elle soit palpitante, envoûtante, épastrouillante,
- Mouai j't'ai pas raconté l'épisode du comte Dracullen ?
- Non
- Je te raconte demain, tu verras, ça déchire sa mère... grave !!! Et pis t'as raison, j'suis pas sainte Nitouche.... Quelle tarte celle-là !


Saltarius donc rêvait...à ce mystérieux comte Dracullen , qu'est-ce qu'elle va encore inventer la Bécasse ? Tiens et c'pigeon, on diraity pas qu'il me regarde dans les yeux.
Y avait un pigeon qui grelottait sur le bord de la fenêtre.
Salt ouvrit, le volatile s'engouffra dans la taverne chaude.

- C'est pour moi ?
Il déplia le petit rouleau, donna au pigeon un bout de pain trempé dans la graisse de son rôt.
- Chic une lettre d'Ygerne :



Saltarius mon ami,

Ta lettre m'a fait chaud au coeur, je suis rassurée de te savoir en vie et je te supplie de faire attention à toi !

Ta lettre a coïncidé avec la venue de Lucie à mon chevet, Gandrel j'ai cru l'avoir vu, mais j'ai peut être rêvé. Il n'est pas très sentimental tu sais.

Bref ces bonnes nouvelles m'ont rassuré et m'ont donné le courage de me battre et de pouvoir à nouveau voyager à tes côtés. Je l'espère bientôt.

Tu sais Letiti est pas bien méchant, il m'a aidé à m'en sortir et grâce à lui je suis soignée dans un Chasteau ! Et oui un chasteau, moi la petite Ygerne de Montenlair, je ne m'y sens pas à l'aise mais les médicastres semblent savoir.

La vie dans ma chambre de malade est bien animée. Letiti reçoit dans ce lieu. Tu devrais voir ses nobles dames qui arrivent avec leur fanfreluche ! Je n'avais jamais vu des houppelandes si richement brodée, avec des fils d'or et des tissus soyeux. Peut être qu'un jour je pourrai m'offrir aussi une houppelande, pour le mariage peut être. Regarde comme je deviens coquète. Sûrement la vie de château, avant je me serai contentée d'une simple chemise et de braies.

Je vois que Bécassine te donne du travail. Cela me rassure, j'ai prié pour qu'elle s'occupe de toi. Je ne peux plus le faire. Elle doit être ravie.

Tu me feras lire tes écrits ? Et le jeune clerc va-t-il te suivre, nous suivre ? J'espère qu'il sait bien se tenir et qu'il ne va pas t'arnaquer. S'il te demande trop, dis lui qu'Ygerne viendra lui chauffer les oreilles !

Je me réjouis de te retrouver Saltarius, tes récits me manquent. Fait attention à toi. Evite d'avoir tes visions dans des lieux publics, de nos jours les gens semblent rapidement inquiet, il ne faudrait pas que quelqu'un te fasse du mal.

Bien à toi

Ygerne


Il alla chercher dans la pile des parchemins qu'il réservait à sa Vita un petit fin et léger et se mit à répondre illico.
Le simple savait que s'il ne le faisait pas tout de suite, il risquait fort d'oublier.




Ma petite mie de pain toute chaude...
J'espère que tu n'as plus de fièvre.
Je suis très heureux de savoir tant de belles gens tout attentationnés auprès de toi. Nos amis ont du faire diligence pour te rejoindre si vite. Faut dire que je les avais menacés des foudres de Bécassine pour les faire se dépêcher.
Mais point n'ai eu à le faire trop fort, ils étaient trop inquiets pour toi.
Moi aussi je suis inquiet, laisse toi bien soigner.

Je sais que le Titi est un bon compagnon, s'il a assez à boire... et j'imagine que ses amies qui le connaissent lui fournissent de quoi guérir ...
J'espère qu'il partage avec toi.

Je pense que bientôt tu auras aussi les moyens de t'offrir de beaux atours, qui iront bien avec ta chevelure de feu... Foi de Saltarius, nous y veillerons.

Bécassine m'a promis de jeter un oeil sur toi depuis là haut, elle sait y faire je crois quand même. Moi il me semble que je suis bien protégé, même des jeunes filles qui succombent à mon charme de simplet. Si tu t'en tires sans top de casse, faudra que je rajoute un tome aux aventures de Bécassine.

Le jeune clerc est bien jeune. Je ne sais s'il se joindra à nos voyages. On verra bien, je suis sûr que cela te plairait beaucoup d'avoir un jeunet joli garçon pour nous accompagner et ma foi... Il est assez bon compagnon.

Je donne du pain graissé au pigeon, qu'il ne gèle pas en vol et je prie ma sainte favorite qu'il arrive à bon port.
Porte-toi bien et guéris vite.
Ton Simple

_________________
Saltarius
[ Où l'on découvre que si les bons comtes font les bons amis, les vicomtes par contre ...]

Bécassine avait profité de la nuit pour raconter à Saltarius ce qui lui arriva dans sa prime jeunesse. Celui-ci ne savait trop ce qu'il devait en croire... Comme d'hab, dirons-nous.
Néanmoins, il avait matière à animer une veillée. Largement. Aussi, le soir tombé, s'approcha-t-il de la grande cheminée de l'auberge. On commençait à le connaître à Dôle.


- t'as vu c'est le drôle de zigoto avec sa drôle de sainte ?
- Chut tais-toi, on dirait-y bien qu'il va remettre ça.
- Approche-toi du feu...
- mais est-ce bien la place des enfants ?
Cccccccchhhhhhhuuuuuuuuuuutttttttttttttttt !!!


Saltarius sourit, s'éclaircit la voix et annonça :
Oyez, Oyez bonnes gens, voici comment Bécassine, la Sainte, le Très Haut soit sur elle, guérit la maladie de langueur d'un redoutable comte.....

Le silence se fit dans la grande salle de l'auberge.

- Bécassine vécut les premières années de sa vie dans le joli bourg de Calfoutis-les-Bécasses, sans histoires.

Enfin, si l'on veut... sa vie était une lutte perpétuelle pour gagner de quoi subvenir aux besoins de sa croissance.
Son père ne lui pardonnait pas d'être une fille, il lui préférait son porc, Igor, beau mâle qu'il gâtait outrageusement. Au point que le curé de la paroisse lui faisait moultes remontrances. Inutiles.


- Voyons le Firmin, pourquoi ne prêtes-tu aucune attention à ta fille ? C'est une enfant du Très Haut elle aussi, comme les porcs, les poules et le chien de ton chenil.

Firmin ne branlait mie. Il ne parlait pas aux filles et ne les regardait pas.
On pouvait d'ailleurs se demander d'où venait Bécassine, car, il ne regardait pas plus sa femme, la Gontrande, que sa fille.
D'ailleurs, ils n'eurent pas d'autre enfant.

Bécassine, donc, dut lutter pied à pied avec Igor : elle lui piquait les purées de chataîgnes, les bouillies que lui donnait le père. Car il n'y avait rien pour elle. Sa mère avait depuis longtemps abandonné le combat. Elle se saoulait au chouchen

Bécassine, fit contre mauvaise fortune bon coeur. Elle allait, venait et grandissait sans frein, sans attention, mais aussi sans surveillance. Elle courut les champs, les garçons aussi... Elle mettait de temps en temps les pieds à l'église, contemplant Sainte Nitouche qui semblait la narguer depuis son piédestal...

- Pfft, cette mijaurée qui n'a eu que le mal de naître !!!

Au fur et à mesure qu'elle grandissait, elle se promenait de plus en plus loin.
Autour de Clafoutis-les-Bécasses, le paysage variait : des landes, des marais, un boquetau... du brouillard.
Des landes, des marais, un boqueteau ... du brouillard,
des landes, des marais ... Non tiens ! Dans le brouillard un jour apparut la silhouette sépulchrale d'un chateau.
Bécassine, curieuse, comme une pie s'approcha. De la demeure, à moitié en ruine, se dégageait une impression de peur et de tristesse.
Bécassine continua : pas grand chose ne l'effrayait, pour rivaliser avec le Firmin fallait déjà être fort.

Néanmoins, plus elle approchait, plus l'angoisse finissait par l'étreindre. Elle entra dans l'enceinte, franchissant une grille tirée hors de ses gonds. La cour était mal pavée, sur la droite se dressait une chapelle, mortuaire sans aucun doute. Bécassine se signa, l'atmosphère était lugubre et aucune croix ne couronnait la charpente de ce qu'elle avait pris pour une chapelle. Elle remarqua aussi que la porte était entr'ouverte, comme si l'on attendait de la visite. Elle entra le coeur battant. Il règnait une pénombre maléfique, une humidité poisseuse et une odeur indéfinissable qui lui semblait familière.
- Une odeur de cimetière, comme près de chez mes parents...

Tout d'un coup, elle se crut folle : elle entendit une voix, une vieille voix criarde et croassante comme si une corneille s'adressait à elle...


- Vous en avez mis du temps !!!!
_________________
Saltarius
Saltarius s'interrompit en rigolant :
- J'ai grand soif , braves gens !
Il ménageait ses effets comme une coquette de cirque. Il est vrai qu'il avait déjà tâté du cirque à Chinon. Il cligna de l'oeil à son clerc qui avait l'air de boire ses paroles, puis il s'assit près du feu se faisant se pousser les gens. Ceux-ci s'empressèrent de faire passer une chope

- N'oubliez pas mon clerc, Pierrot, il va devoir agiter la plume après pour coucher tout cela par écrit. Faudra revenir dans la journée pour voir ses merveilleux dessins et sa belle écriture.
Montre-leur, Pierrot
- Non, non, la suite, la suite, la suite ....

Saltarius leva sa chope : Au courage de Bécassine
- Au courage de Bécassine !


Bécassine, donc, sursauta, et ma foi, elle devait avoir le coeur bien accroché, elle ne s'enfuit pas.
Elle fronça les sourcils et vit devant elle une gigantesque silhouette qui se découpait sur le fond nuiteux de la froide chapelle. L'homme avança.
Bécassine s'aperçut qu'il devait être très âgé : il se tenait vouté, c'était sa grande cape noire, élégamment enroulée autour de ses épaules qui lui donnait son aspect imposant. Il avait surtout l'air ... très vieux et très faible.

Ses grands yeux sombres étaient cernés et son teint pâle.
Rien à voir avec le Firmin !
C'est donc d'une voix assez ferme qu'elle demanda :


- Qui êtes - vous ?
- Carlisle Dracullen, le légitime propriétaire de ces lieux. Et toi, jeune et appétissante jouvencelle ?


C'était la première fois qu'on disait à Bécassine qu'elle était appétissante : elle se croyait moche, tant elle était transparente pour son père.
- Euh Marie de chez le Firmin à Clafoutis-les- Bécasses, par là-bas, mais on m'appelle Bécassine.
- Eh bien Marie, ils ne sont pas bien curieux les gens de ton village, on n'a pas beaucoup de visites par ici... Tu es la première depuis bien longtemps.
- Ouais, faut pas m'en parler à part leurs bestiaux et le chouchen, il y a rien. Tous des brutes !!!
- Ya des bestiaux dans ton village ?
- Oh ouais, des poules, des dindons et pis quelques vaches et des cochons.


Les yeux éteints du vieillards semblèrent s'animer, il ouvrit la bouche et passa une langue sur les dents qui lui restaient.
- C'est ça qui me plaît chez toi, ça sent la chair fraîche.
Bécassine sourit, elle se sentait flattée, elle pensait qu'elle sentait plutôt le fumier.

- Qu'est-ce qui est arrivé à vos dents ? Montrez voir !
Le tableau était désastreux : le vieux avait quelques chicots noirâtres et puis, de part et d'autre, quatre superbes canines pointues et tranchantes.
- C'est impressionnant... Dommage que les autres soient tellement abîmées.
- C'est de la faute de mon fils.
- Vous avez un fils ?
- Ah celui-là ! C'est le désespoir de ma longue vie.


Brutalement, le petit vieux redevint très très vieux, il se voûta davantage et alla s'assoir sur la pierre qui trônait au milieu de la grande salle.

Bécassine se sentit avoir pitié, elle s'approcha et s'assit à côté de lui sur ce qui semblait une pierre tombale. Elle frissonna :

- Dites donc c'est pas bien rigolo chez vous ? Pourquoi vous allez pas dans le chateau là ? Ici on dirait une tombe
- C'est une tombe ! C'est la tombe de ma défunte femme... J'ai décidé de dormir à ses côtés
- Oh ... Quelle idée !
- Je n'ai plus goût à la vie et mon fils fait n'importe quoi....
- Comment ça ?
- Il est devenu un monstre !
- Ah ?
- Oui, il est végétarien !
- Végéta quoi ?
- Rien, c'est vraiment ça : nous étions de puissants féodaux, respectés, craints même. Nul n'approchait de notre château, non par oubli mais éloignés par la crainte... Crainte de nous et ... de Dieu... Regarde ... toi.. tu n'es qu'une fillette et tu causes avec moi comme avec un vieux copain... En d'autres temps tu te serais écrasée dans la poussière en tremblant


Bécassine rit :
- On voit que vous connaissez pas le Firmin !
- Qu'est- ce qu'un Firmin devant le Grand Vlad Dracullen ?
- J'croyais que c'était comment encore ? Carlisle votre petit nom...
- Vlad est mon ancêtre et c'est mon fils qui l'a tué, comme il a tué ma femme
- Oh quelle horreur, sa propre mère !
- N'est-ce pas... Il leur a planté un épieu dans le coeur !
- Rhooooooo... Et pourquoi donc ?
- Il est devenu fanatique du végétarisme... Il nous prends pour des monstres, nous qui aimons la viande et la chair fraîche et ... le sang chaud...


Encore une fois, la langue repassa sur les dents ... Les noires et les autres qui étaient restées brillantes malgré le temps...

- Quel monstre ! Je vais aller le trouver !!!
- Tu ferais ça pour moi ?
- Ben oui... Ca peut plus durer ... Vous allez attraper la mort à vivre ici dans ce tombeau !
- Il te faudra du courage petite, ce garçon est un fauve...
- Bah
- Attends ...


Le Comte, tout ragaillardi se dirigea vers l'autel au fond de la crypte. Il ouvrit le tabernacle et en sortit quelques objets précieux.
Il revint avec des coupes et un flacon mystérieux.

- Voici pour te donner du courage.


Il versa dans les deux coupes un liquide qui semblait précieux, rouge sombre.
- Oh c'est quoi .?
- Tu ne connais pas, hein petite paysanne. Regarde comme c'est beau, cette couleur rouge : on appelle cela la robe.

Bécassine mira le contenu de la coupe
- J'aimerais bien avoir une robe de cette couleur... ya pas de rouge dans mon village.. J'ai juste quelques rayures sur mes bas.... Regardez ...
Elle montra ses bas rayés rouges et blancs.

Là encore, le comte s'anima, il passa un doigt rêveur sur le galbe bien musclé des jambes de Bécassine.
.
- Ah les jeunes filles... J'en ai connu beaucoup,
mais depuis que mon fils m'affame et que lui-même ne boit que du jus de carottes on n'en voit plus beaucoup...Et c'est bien triste.


Il poussa un grand soupir, et continuant à caresser la jambe, contournant les mollets ronds et bien fermes de la jeune randonneuse, remontant plus haut, de manière plus pressante, il murmura
- Tu es gentille Bécassine...

Bécassine rabattit sa jupe un peu sèchement
- Ouais, bon , et c'est quoi que vous voulez me faire boire ?
- Du vin, ma belle... Du Bourgogne, goûte -moi cette merveille !!! Je n'ai plus que ça de bon dans cette triste existence.
..
Bécassine goûta, elle apprécia
- C'est vrai que c'est bon !!! bien meilleur que le chouchen qu'on dirait de la pisse d'âne qui a mangé trop de sucre.
- N'est-ce pas ? Tu en veux encore
- Oh Vouiiii


Bécassine , qui avait hérité de la descente de sa mère ne se fit pas prier.
Le vieux comte ne fut pas pingre... il se sentait revivre et puis ... il avait probablement quelqu'idée derrière la tête ....

_________________
--Le_clerc_delalune


Pierrot Delalune écoutait de toutes ses oreilles.
Qui devinrent toutes rouges ... il imaginait la scène du vieux comte caressant le mollet de Bécassine...

Il regardait furtivement autour de lui pour voir si d'aucun se rendaient compte de son émoi... Il croisa le regard d'une jolie jeune fille et .. cela le perturba encore plus.

Tout en écoutant, le malheureux clerc dessinait le chateau suivant son imagination.... mais des images plus suggestives paralysèrent sa main et

Vlan
Il renversa le verre d'eau qui lui servait à diluer les encres. Il sursauta et retira prestement le velin sur lequel il dessinait. Il le tamponna du chiffon et regarda le désastre...



Il entendit la voix de Salt
- Attention, l'Pierrot,par les mirettes de saint Mirobole, ça s'trouve pas sous les sabots d'une mule le vélin....

Pierre rougit de plus belle... Tous les regards étaient tournés vers lui.
Il n'aimait pas l'ironie et les sourires goguenards qu'il voyait sur la plupart des visages
Saltarius
[ Où l'on voit que si les carottes sont cuites, l'odeur peut être atroce...]

Bécassine était un peu pompette quand elle poussa la porte de la demeure comtale. En passant, trouvant que les arbres de la cour avaient un drôle d'air, elle les examina : ils portaient tous sur leur tronc des traces de morsure.
- Bizarre, vraiment bizarre.

Elle entra dans le château, il semblait ensommeillé, il y avait des toiles d'araignées, beaucoup de poussières, les portes étaient ouvertes et laissaient voir des pièces qui avaient été richement meublées mais semblaient à l'abandon.
Du bas du chateau venait une affreuse odeur...
Comme celle d'une vieille soupe sûrie.

- Pouah, quelle remugle nauséabond !
Elle monta l'escalier en colimaçon qui devait mener au logis comtal.
Elle était prête pour la rencontre du fauve décrit par le vieux comte.
Rien ni personne ne bougeait. Elle s'approcha du lit à baldaquin qui trônait au milieu de la pièce.

Bécassine se signa et n'en crut pas ses yeux.
Pâle, étendu, endormi gisait le plus bel homme qu'elle eût jamais rencontré : sa chevelure blonde dénouée éparpillée sur l'oreiller encadrait un visage aux traits réguliers, la bouche très pâle eût été belle si elle n'avait l'air à ce point appartenir à un cadavre tellement ses lèvres étaient bleuies de froid et de faim sans doute.
Des grandes mains soigneusement manucurées, aux attaches fines et aux doigts fins étaient ornées de chevalières décorées de motifs floraux, elles étaient posées à plat sur le drap, comme si elles attendaient qu'on les prenne pour les réchauffer.


- Boudiou, ce démon a la beauté du diable, se dit Bécassine, identifiant le frémissement qui agitait ses entrailles.

Il semblait profondément endormi. Bécassine ne put s'empêcher de s'approcher et de poser un léger baiser sur ces lèvres pâles et glacées.

Le jeune homme ouvrit les yeux, qu'il avait sublimes :bruns foncés avec des reflets dorés.

Bécassine ne put s'empêcher de murmurer :

- Que vous avez de beaux yeux !!!

Il parut à peine étonné de la voir là :
- Mais c'est pour mieux te voir, mon enfant
- Que vous avez de beaux cheveux...
- C'est pour que tu les peignes, mon enfant
- Que vous avez de belles mains
- C'est pour mieux te les donner mon enfant


Le Vicomte ne put s'empêcher de sourire, découvrant des dents éblouissantes dont certaines, un peu plus longues mais moins pointues que celle du vieux.
- Que vous avez de belles dents
- C'est pour mieux te sourire mon enfant
- C'est bizarre, celles de votre père sont plus pointues


Aussitôt, le sourire du jeune-homme fit place à un rictus haineux.
- Tu as vu mon père, ce monstre ?

Il tenait les poignets de Bécassine sans aucune douceur, cette fois.
- Hé, lâchez-moi... J'ai vu en effet un vieil homme triste et abandonné qui mourait de faim et de froid pendant que vous vous prélassez au lit !

Elle retira ses mains d'un coup sec, fâchée.
- Vous devriez avoir honte !
- Honte... mais sais-tu bien, petit idiote, qui il est ?
- Votre père et il m'a parlé aussi de votre mère, que vous avez tuée...
- Il t'a dit comment il se nourrissait, mon père affamé ?
- Oui, de viande et de sang frais ...
- Du sang humain, petite dinde... De gibier et parfois aussi de bébés et même au temps de sa splendeur d'adultes qu'il allait chasser dans vos villages ...
Nous sommes une race maudite, des ogres, des prédateurs... le fléau de Dieu.

Heureusement, j'ai mis un terme à ces atrocités.
- C'est vous qui avez abimé les arbres de la cour ?
- Oui, parfois, les rages maudites de mes ancêtres me poursuivent et je les passe sur ces quelques bouts de bois.
- Ils étaient magnifiques ces arbres !
- Mais ça vaut mieux que de décimer ton village, non ?


Bécassine se fit songeuse.... Puis, devant le silence consterné du jeunet qui s'attendait plutôt à être félicité par ses semblables ...
Elle dut réfléchir profondément pour pouvoir expliquer d'où lui venait son malaise


- Pas forcément,Messire Vicomte, pas forcément...
Sans prédateurs, la vie n'est plus la vie...
Les hommes de mon village sont des brutes épaisses qui ne craignent ni Dieu, ni Diable, ils ne mettent plus les pieds à l'église et le curé en est réduit à pourchasser les petites filles. J'en sais quelque chose...
Lui non plus ne craint plus rien...
Qui sait si votre race maudite ne fait pas partie du plan de Dieu ?
Vous étiez d'un sang puissant et craint et vous en êtes réduit à être le Beau au Bois Dormant...Votre père meurt de faim et de honte, votre chateau empeste la vieille soupe, vos serviteurs ont fui en vous volant.
Ca ne va pas du tout !!!


Elle lui tendit la main et referma une poigne durcie par les travaux sur le poignet mignon du Bellâtre :
- Allons, levez-vous et occupez-vous de votre père, on ne peut faire la volonté de Dieu et renier son père.
A propos, je m'appelle Marie mais on peut m'appeler Bécassine.


Il se leva, ajusta son joli costume :
- Je suis Edward, je t'appellerai Béca si tu le veux... Tu me plais beaucoup, même si je ne partage pas tes idées...
Et que je ne comprends rien à ce que tu me dis ...
- J'aime bien votre Papa, il a du bon vin en plus
- Il a tous les vices, petite idiote !
- Je l'aime bien c'est tout


Bécassine descendit et commença à faire un peu de ménage....
Elle alluma un feu dans la grande salle.

- Quelle belle cheminée, on devrait pouvoir y cuire une bête toute entière.
Bécassine qui, elle n'avait pas choisi ,de ne jamais manger de viande, se mit à rêver à de somptueux barbecues, son esprit vagabondait vers son village.

Elle alla chercher le vieux comte et l'installa confortablement devant l'âtre,elle lui mit une coupe de vin en main, en prit une pour elle


- Messire Comte, je vais rentrer chez moi...Je reviendrai bientôt et je vous cuisinerai quelque chose que vous désirez depuis longtemps.
Le comte eut l'air un peu effrayé
- Tu me laisses seul avec mon fils !
- Bah si j'ai bien compris, il ne vous mangera pas !

Le comte sourit de toutes ses dents :
- Non, c'est sûr... Va petite et reviens vite.
- Promis
!

Elle se remplit encore un verre et le but d'une traite
- Fameux !
- Oui mais un vin fabriqué avec savoir faire, se déguste avec sagesse, je t'expliquerai la science du vin quand tu reviendras.

Et Bécassine retourna vers son enfer personnel.
Elle avait des ailes aux pieds... Tel un messager des dieux, elle avait, tout d'un coup un but dans l'existence.

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Verania
Tapie tout au fond de la salle, Véra écoutait en silence, mais avec avidité, le récit de la vie de Sainte Bécassine.
Jamais de sa vie elle n'avait eu l'heur d'assister à un tel événement: un bonhomme, venu d'ailleurs qui dictait à un clerc, dans une taverne, la vie d'une sainte. Elle avait parfois assisté à des représentations de vies de saints jouées par des acteurs ambulants sur le parvis de l'église. C'était toujours la vie de saints bien connus des fidèles. Elle avait vu jouer la vie de Saintes Barbare et Monique et celle Sainte Nitouche, mais n'avait jamais entendu parler de Sainte Bécassine.
Mais qui était ce Simple, comme il disait s'appeler? Était-il vraiment un visionnaire et comptait-il envoyer la transcription de l'hagiographie de Bécassine à Rome?
Véra, malgré sa timidité maladive (la vicomtesse Lothilde la lui avait d'ailleurs reprochée) et profitant d'une pause dans le récit du Simple, décida de s'approcher de la table du clerc. Sans bruit et se faisant toute petite, elle se glissa jusqu'à lui et lui chuchota à l'oreille:


Clerc, je peux m'assoir ici?
--Le_clerc_delalune


Citation:
Clerc, je peux m'assoir ici?

Houps...
Pierrot se mit à rougir derechef...Des pieds aux oreilles et même plus haut, il avait viré à la couleur sanguine.

Déjà que le récit de Saltarius le plongeait dans des états bizares, mais en plus une jolie brune qui vient s'assoir à ses côté.
Il respira fort...
Le parfum de la demoiselle acheva de lui couper la langue. Il hocha la tête en bredouillant et lui fit une place.
Il s'absorba dans la contemplation de son dessin gâché et des quelques notes qu'il avait indiqué en marge à la mine de plomb.

Il fit un signe désespéré à Saltarius, que celui-ci reprenne son récit pour le tirer d'embarras.
Verania
Le clerc, sans mot dire, fit une place à Véra à ses côtés. Elle eut l'impression qu'elle le dérangeait, mais elle avait toujours l'impression de déranger... Elle regarda ce qu'il avait écrit et ce qu'elle vit l'éblouit. Le jeune homme d'Église avait dessiné un très joli château qu'elle s'imagina être celui du Comte Dracullen. Le dessin avait été quelque peu délavé mais cela n'avait apporté que plus de mystère au château, le représentait ainsi dans une brume tout à fait congruente à la description du récit.

Le clerc se mit à gesticuler en direction du Simple, lui faisant signe de continuer son récit. Véra regarda alors le conteur en souriant, puis mit sa main devant sa bouche pour tenter de dissimuler ce sourire peu discret et dit d'une petite voix:


Tu veux bien continuer Messire? Moi je commence à bien l'aimer ta sainte
Saltarius
[ Quand la salive vous monte aux dents, tant les odeurs sont délectables ...]

Saltarius fit son plus beau sourire à la demoiselle et une grimace moqueuse à son p'tit clerc de la lune.
Celui-ci se grattait le haut du crâne à l'emplacement de la tonsure.
Etait-ce pour ressembler à Saltarius, son nouveau "patron" ou parce ce que le fin duvet de la tonsure abandonnée depuis sa fuite du couvent le démangeait ?
Salt, lui aussi, se gratta le crâne, il lança
- Qui veut la suite arrose le conteur et son petit clerc !

Aussitôt dit, aussitôt deux chopes bien moussues firent leur apparition devant les deux hommes. Salt avala la sienne d'une traite et continua réjoui :

- Oyez, oyez Gentes dames et demoiselles, jeunes gens et barbons, comment Bécassine la sainte, que le Très Haut soit sur elle, fit revenir son village païen à de saintes pratiques.

La nuit était tombée que Bécassine était toujours en marche vers Clafoutis-les-Bécasses. Elle n'avait pas peur de grand chose, mais, là tout de même, jamais elle n'était partie aussi loin, ni aussi longtemps. Elle craignait plus le Firmin que les loups...

D'ailleurs, il n'y en avait pas dans cette lande déserte. Seul, un petit volatile inconnu semblait la suivre.

- Curieuse bestiole se dit-elle, qui vole silencieusement la nuit, plus petite qu'une chouette, avec de grandes ailes cependant... Bah, peut-être un esprit protecteur, je risque d'en avoir besoin.

Elle entra sur la pointe des pieds dans le village endormi, elle ne voulait pas affoler les chiens, ni le bétail et espérait se faufiler dans la maison paternelle sans se faire remarquer.
La porte de la maison près du cimetière était fermée. Bécassine essaya de l'ouvrir, mais n'y parvint pas : on avait dû tirer le verrou.
Elle entra dans l'enclos où se trouvait Igor qui renifla d'un air menaçant en la toisant de ses petits yeux cruels.
Bécassine avait faim,elle hésita et tenta de s'approcher de la mangeoire du cochon où se trouvait une espère de ragout de caroubes, et de légumes arrosés d'un jus noirâtre mais

- Groooooiiiiiiiiiiiiik
- Chut

Le porc chargea la jeune fille qui tomba à la renverse dans la soue dégoûtante.
- Igor !!! Qu'est-ce qui se passe ?
- GroooooooooIIiiiiiiiiiiiik
- Mon beau quelqu'un t'ennuie ?

On entendit du mouvement dans la maison, la porte s'ouvrit et le père apparut, tenant un lumignon.
Bécassine se fit toute petite derrière un ballot, n'osant plus respirer.
Le père s'approcha de l'auge

- T'en veux encore hein, gros gourmand, mais il t'en reste... t'as encore les yeux plus grands que le ventre !!!
La voix du père était emprunte d'une tendresse que Bécassine n'avait jamais entendue. Elle avait mal aux côtes du coup du cochon, mal au ventre de faim, mal aux pieds d'avoir marché. Mais cette tendresse l'acheva, elle se mit à pleurer.

Le Firmin contourna le ballot, la vit. Du moins, dut la voir.
Son petit regard porcin la traversa comme si elle était transparente.
Il lui donna un coup de pied de sabot, comme par hasard, puis se détourna, caressa les flancs du cochon et rentra dans la maison en fermant soigneusement le verrou.
Bécassine laissa éclater ses sanglots sans retenue.
Elle pleura toutes les larmes qu'elle n'avait jamais versées jusqu'à présent.
Longtemps et finit par s'endormir, épuisée, le ventre vide, recroquevillée derrière le ballot, la tête sur les genoux.
Elle eut cependant le temps d'apercevoir encore la petite bête volante se poser sur la charpente de l'enclos.

Le matin n'était pas encore levé. Elle sortit. Elle se sentait meurtrie, comme rouée de coups. Elle puait.
Elle regarda cette maison, qui malgré tout, avait été la sienne. Elle la regardait, détachée.

Elle alla vers le poulailler, elle savait y trouver le grand couteau qui servait à dépiauter les bêtes. Elle entra, vit les perchoirs où la volaille dormait toujours.

- Non pas les poules...
Elle entra dans l'enclos des oies. Choisit la plus dodue. Et lui trancha la gorge avant qu'elle n'ouvre les yeux, ni le bec.
Elle la saigna et l'éviscèra rapidement.
Elle déposa tous les restes encore fumants devant la porte du logis parental. Elle plongea sa main dans la gorge ensanglantée de l'oie et apposa des marques rouges de ses doigts écartés sur la porte de la maison et de l'enclos au cochon. Puis elle se mit en route.

En chemin, elle croisa le Berthold

- Alors Bécassine la traînée... pouah tu pues, t'as encore partagé la couche d'Igor ? Méfies-toi, ca va faire des petits monstres.
Bécassine, révoltée, lui fit les cornes du diables avec ses doigts pleins de sang.

Le Berthold éclata de rire

- Tout juste bonne à baiser les succubes, petite raclure ! Tu préfères pas un bon homme solide et bien membré ?
Il la prit par le bras, durement. Il lui chipa l'oie

- Et chez qui t'as pris c'te bestiau ? Viens par ici qu'on y voie plus clair.
Il voulut l'emmener dans un endroit moins exposé et l'envoya valdinguer derrière une grange abandonnée. Il jeta l'oie à côté d'elle et commençait déjà à se débraguetter.
Bécassine était épuisée, malheureuse, sa volonté faiblissait et elle se sentait submergée par l'envie de pleurer, encore.
Elle attrapa néanmoins la fourche rouillée qui gisait par là et la brandit.
Le fermier ne fit qu'en rire, il avança, sûr de lui, de son bon droit , il trébucha et bascula vers l'avant. Bécassine eût pu baisser le fourche... Elle ne le fit pas, au contraire, elle la tint fermement, droit devant elle.
Le voisin s'embrocha dessus. Un pointe s'enfonça en pleine poitrine.
Il s'effondra, ouvrit de grands yeux étonnés. Une mousse rougeâtre lui vint rapidement aux lèvres et il mourut là. Sous les yeux de Bécassine.

Ses yeux secs. Elle avait fini de pleurer.

Elle se mit en route vers le château du comte Dracullen.
Elle entra. Comme si elle était chez elle. Contente de ne rencontrer personne, elle alla droit vers les cuisines.
Elle trouva des pommes qu'elle croqua à belles dents.
Fit chauffer le foyer. Y mit un chaudron d'eau.
Elle se lava dès que l'eau fut chaude, ôta ses vêtements puants et s'habilla de ceux de la cuisinière qu'elle trouva dans le placard.

Elle pluma la volaille.
L'embrocha y mit toutes les aromates qu'elle put trouver. Elle la plaça sur la rôtissoire.
Elle vit encore quelques navets et quelques raves qui traînaient dans la réserve aux légumes, elle les éplucha et les fit mijoter avec de l'ail en abondance.
Elle se dit qu'elle avait soif...
Elle se rendit dans la grande pièce, celle-ci était déserte, elle alla donc dans la chapelle.
Le comte était assis, là, contemplant la tombe de sa femme.
Il se retourna. Son visage s'illumina et le sourire fit éclater les canines pointues


- Bécassine, tu es revenue...
- Oui, Messire Comte et vous ... vous avez encore quitté le château.
- Pouah, mon fils dort... Et je suis mieux ici.
- Je crois que vous feriez bien de venir, pourtant... Et d'apporter du vin.


Ils rentrèrent. Une odeur de ragout de navet arrivait à peine à supplanter la succulente odeur de l'oie en train de rôtir, parée de toutes ces bonnes herbes.

- Bécassine... Tu es ... tu es ...
- Fatiguée, messire comte et un peu triste.... J'aimerais beaucoup boire votre vin.
- Mais bien sûr, ma toute belle, bien sûr...

Ils descendirent dans les cuisines et s'attablèrent près du feu. Le vieillard déboucha un flacon et en versa deux verres. Il en tendit un à la jeune fille.
- Raconte-moi comment ça s'est passé ton retour au village.

Elle le fit sans se faire prier. pour une fois qu'on faisait attention à elle.
Elle avait quasiment terminé, qu'on entendit un pas dans l'escalier.
Le jeune homme le plus beau de la terre, passa une tête ensommeillée.

- Qu'est-ce qui sent si bon?

* * *

Saltarius, regarda sa chope vide.
Il en réclama une autre.
Et puis...

- Il se fait tard, braves gens, demain, nous aurons de l'ouvrage et mon clerc a plus qu'il ne faut de matière à écrire.
revenez demain soir.

Les gens maugréèrent un petit peu, mais se levèrent.Il était tard. Et sait-on bien quelle rencontre on peut faire à rentrer chez soi dans le tard de la nuit ?
_________________
--Le_clerc_delalune


Pierrot était très impressionné par les mésaventures de Bécassine. Il n'osait plus se moquer maintenant.
La malheureuse jeune fille l'émouvait. Comme l'émouvait le joli minois et le parfum de la demoiselle assise à côté de lui.
Il la regardait de biais... Quand il croisa son regard, il lui sourit timidement.
Il espéra de toutes ses forces qu'elle reviendrait le lendemain.

Ces histoires de rôtis lui avait aussi ouvert l'appétit. Il alla vers Saltarius, s'excusant de déranger la demoiselle.
- Eh patron, tes histoires me donnent faim. Tu m'invites ? J'ai dans l'idée un superbe dessin de Bécassine en train de terrasser la brute. Qu'est-ce t'en penses ?

Salt n'en pensait que du bien et le temps que le dîner cuise il griffona le crayonné du dessin qu'il reprendrait à la plume :

Verania
Verania avait eu droit à de timides sourires de la part du conteur et de son... son gentil scribe illustrateur. Mais les deux hommes passaient leur temps à se gratter la tête, ce qui ne lui plaisait guère. Avaient-ils des poux? pensa-t-elle.
Elle avait écouté le Simple avec avidité et regardait en même temps ce que le moinillon écrivait ou dessinait, tout en essayant de ne pas trop approcher sa tête de celle du clerc.
Pauvre Bécassine! Être née dans une famille pareille, quel malheur! Le Firmin qui adore son cochon et traite sa fille comme un chien, enfin un chien maltraité parce que les chiens que Véra connaissait pour en avoir vu à Salins-les-Bains, ils ne mangeaient que les meilleures partie de viande de bouvillon! Avoir un père si mauvais c'est vraiment pas de chance... Le bon Dieu ne lui avait pas fait de cadeaux! Et puis ce Berthold qui avait voulu la malmener... Hey, hey, au moins elle sait se servir d'une fourche la petite Bécasse! Le moine avait fait un trop joli dessin montrant Bécassine terrassant le dra... la brute d'abruti de Berthold.
Mais Véra se demandait bien ce qui allait arriver à son héroïne préférée, au château de ce Comte de Dracullen. Elle n'avait pas beaucoup confiance, sans trop savoir pourquoi d'ailleurs, en ces deux personnages du comte et de son fils. Enfin, attendons à demain se dit-elle, lorsqu'elle entendit Saltarius prendre congé. Elle salua les deux bonshommes de la main et leur souhaita une bonne nuitée avant de s'éclipser.
Elle avait déjà hâte au lendemain soir pour connaître la suite du conte... En chemin vers son moulin, elle réfléchissait qu'on devrait inventer un mot pour nommer ce genre de narration qui se développe au fur et à mesure des jours. C'est comme tout en feuillets séparés ce futur livre. On devrait appeler ça... hum... un feuilletin. Elle trouva le mot joli. Elle venait d'arriver chez elle que déjà elle avait hâte de retourner le lendemain soir à la taverne de Dole.
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