--Eloi_gne_les_insectes
Un jardinier, mais quelle lubie...comme sil y avait réellement besoin d'un jardinier en cette saison. Encore un caprice de bourgeois, futile, pour ce que ça coûtait. Tout ce quy aurait à faire, ce serait de tailler les arbustes et les rosiers, si y en avait, cest quen hiver on se repose habituellement, le mois de mars serait suffisamment chargé. En plus il lui faudrait traîner dehors tout le bon sang de jour, ce qui ne le changerait pas tellement du quotidien, lui qui rêvait de la vie de châtelain. Sauf quen Février, on se gèle sous le manteau. Rien de bien emballant à première vue donc, mais un paysan sans terres dans le coin, ça gagnait pas des masses, et se voir offrir la possibilité de mettre un peu de viande dans le brouet, ca ne se refusait pas dun bloc. Notre candidat navait pas la stupidité dêtre gonflé de fierté, aussi lorsque la proposition dacteur lui fut soumise, il accepta sans trop broncher, osant même sourire à lévocation de la rémunération qui suivrait. On lui avait dit de passer directement par le jardin sans se présenter, il y trouverait du matériel, et devrait simplement faire comme si.
Cest ainsi quEloi, jardinier improvisé, se pointa à la demeure en tenue de cerf le jour dit, emmitouflé dans quelque peau légère et sale, le cheveu en épi et la barbe grave, pas mécontent de ce rôle de composition qui lui seyait comme un gant. Il était dhumeur si gaie, dentrevoir sa fortune, que devant la cabane aux outils, celle au fond du jardin, prenant une cisaille, il se mit à chantonner.
Cest un joyeux canard, qui caquetait dans la mare
Ou est-ce quil jacassait, comme une poule efflanquée
Je crois quil cancanait, comme un chat enragé
Pressé dêtre plumé, servi le soir au diner
Mais à la ferme Jeannot, haïssait les corbeaux
Pris en pitié loiseau, le trouvant bien plus beau
Il lui tourna le dos, et sen alla au trot
Fila à son troupeau, pour y abattre un veau
Il chantait juste, dune voix rude, dun homme bien bâti, fait pour la terre. Lair quil interprétait navait rien de bien romantique, mais cela suffisait à lui rendre la besogne plus facile, pour ceux qui le connaissaient il passait pour un optimiste, pragmatique, mais sachant compter sur sa ressource.
Il avait pris soin de passer en revue le terrain, repérant les différentes espèces darbustes après avoir éliminé les plus gros arbres, vu quil nescomptait pas se tuer en imitant le jardinier quil nétait pas, et entama ses premiers gestes, indifférent au théâtre qui se jouait dans la cour de lautre côté de la maison.