[Brignoles, le trentième jour du mois de Janvier 1457 - In Phooka Memoriam] Pépin l'avait aidé à endosser son armure... et magistralement ajusté les aiguillettes... Le corps de la moelleuse Hildegarde semblait protégé de toute attaque ennemie... La toile d'araignée qui constellait le miroir, brisé lors de la colère qui l'avait prise en apprenant la blessure de son aimé, renvoya une image bien sensuelle de la Donà... Malgré ses traits tirés, le diaphane de sa chair, et cest éclat qui semblait avoir disparu de son regard.
Il ne s'éveillait pas, Insanius restait prisonnier des limbes... Malgré sa présence, malgré ces paroles parfois sensuelles qu'elle lui susurrait à l'oreille, malgré tout cest amour qu'elle lui portait... Le médicastre semblait de plus en plus pessimiste, et la veille il lui avait délicatement suggéré que peut-estre l'esprit de son aimé avait déjà quitté son enveloppe charnelle pour s'élever auprès du Très-Haut... L'imbécile... S'il est bien un endroit ou il ne serait allé pour rien au monde, c'est bien dans ce Paradis fade et insipide ou rien n'exacerbait les passions... Ses yeux avaient lancé mille éclairs sur le visage du pauvre homme s'estait tu.. et avait pris la poudre d'escampette pour se consacrer à un austre malade...
Au sortir de la tente, L'Impériale Hildegarde balaya du regard les hommes valides qui s'estaient préparés au combat... Aussi épuisés qu'elle l'estait, mais fiers en tant que maigres représentants de l'Empire de prendre part aux batailles qui émoussaient leurs effectifs à mesure que le temps passait. Beaucoup exprimaient leur mécontentement, le soir, à la veillée, de ne voir que peu d'Impériaux... Qu'aurait-elle pu dire? Sans doute en représailles lorsque les armées s'estaient désolidarisés de Rome...
- Ma Dame, votre monture est apprêtée... Un sourire au vaillant jeune homme dont la carrure lui rappelait étrangement celle de son doux compagnon tressé...
- En selle cavaliers, nous avons maille à partir avec nos "amis" Gesnois! Les deux étendards prirent place dans les rangs de l'armée In Phooka Memoriam... Puis la Donà laissa glisser au dessus de son armure son tabard impérial... Françoise et Impériale de par sa noblesse.... Les cors sonnèrent l'assaut, chacun avança selon l'ordre establi, puis la cavalerie chargea... La Donà respira longuement, lentement, tentant d'apaiser l'angoisse qui lui broyait le ventre. Chaque jour à se battre la rapprochait de la mort, chaque jour à se battre amincissait l'espoir un jour de pouvoir à nouveau se fondre dans le regard du Tressé, de sentir sur son corps les délicates arabesques qu'il dessinait du bout des doigts... Un choc, puis une chute fit sortir la Donà de la resverie dans laquelle elle s'estait perdue.... Eos, tel un des chevaux de l'apocalypse, avait franchi bien des obstacles, mais n'avait pu esviter le pieu qu'un manant avait monté à son passage... La beste ne succomba pas de suite, et c'est au son des hennissements de douleur de la beste qu'Hildegarde, sans sourciller, trancha la teste du maudit gueux. Sans aucun remords.. Une vie pour une vie... La guerre estait ainsi. La Donà s'en revint à la Palomino qui agonisait dans son sang... La belle s'agenouilla auprès de l'animal et après l'avoir rassurée en prononçant d'apaisantes paroles au creux de son oreilles, caressé sa robe blonde devenue écarlate, lui porta un coup létal afin d'abréger ses souffrances.
Ses yeux emplis de larmes se frayèrent un chemin parmi les volutes de fumées qui rendait l'avancée périlleuse... La douleur d'avoir perdu sa compagne de toujours, le mutisme de son aimé, et ceste lassitude... Et ceste maudite barbute qu'elle avait encore perdue, offrant une fois encore à la vue des assaillants le cuivré de ses boucles... Sa vie n'estait pas de faire couler le sang... Mais de boire liqueur sur liqueur et de dépenser sa fortune en futilités... De faire enrager le Tressé... De courir dans les champs en sa compagnie, de n'avoir cure de ce que son statut impliquait... Allait-il donc enfin s'éveiller?
Pensez à votre vie et oubliez-moi si je tombais sur le champ de bataille. Tu vas mourir ma jolie si tu continues ainsi... Hildegarde eut un sursaut de conscience et comprit pleinement en un instant les paroles d'Insanius... Ne pas se laisser terrasser par la douleur... Non pas l'oublier mais s'abreuver de la force de leurs sentiments... La Donà accueillait en son sein l'ultime illumination lorsqu'une silhouette se destacha de la pénombre dans laquelle ils évoluaient...
Un homme, en tenue d'apparat... Un gesnois... L'oeil aguerri de la sensuelle Hildegarde eut tost fait d'évaluer la qualité de la marchandise... Massif, un visage que la Donà aurait en d'autres circonstances laissé s'approcher du sien. Moment de trouble, de silence... Le malicieux d'un sourire resplendit sur ses lesvres alors qu'il rajustait sa coiffure... L'homme n'oubliait pas ses belles manières mesme devant un soldat. Amusée, elle répondit à son défi en imitant son geste, et prend position pour le combat... Ils se jaugèrent en une ronde funèbre...
Bien loin d'estre une brute épaisse, l'homme semblait agile, et esquivait les tentatives de coup d'estoc de la Donà en dansant à la manière des dames. Fûté que celui là.... Les coups d'épée s'abattirent telles les gouttes de pluie, la belle para, attaqua, mais ne réussit point à toucher le guerrier gesnois. Chaque nouveau coup lui demandait plus de force, chaque attaque du gesnois la faisait reculer de quelques pas... Et pourtant la belle voltait, tentait par tout moyen d'utiliser sa force physique pour en faire sienne... La dernière estocade fut fatale.... Le sol se déroba sous ses pieds et la belle finit à genoux, le tabard souillé, à mirer l'aigle Impérial de son écu... Hildegarde leva la teste et soutint le regard de son assaillant alors que la lame plongeait en direction de son cou...
C'est alors que le destin sembla changer la ligne de vie de la Donà... Un moment d'hésitation, une seconde peut-estre, la rouquine ne réfléchit point un instant et bascula vers la droite de manière instinctive... "Protéger le bras qui frappe..." La lame s'enfonça certes, mais point pour faire couler le sang de sa jugulaire... Mais celui de son épaule gauche... Le temps sembla se figer... La Donà perdit le souffle lorsque l'armure qui la protégeait la trahit... Offrant à son assaillant la vue de l'écarlate liqueur couler le long de son tabard, se meslant à celui de ceux à qui elle avait osté la vie. Le teint livide, tout son corps se révolta contre la présence estrangère elle porta la main à l'espée pour l'enlever... Effort bien inutile... Ce fut lorsqu'il osta la lame que la souffrance se rappela à elle... Elle poussa un hurlement de douleur et posa la main sur son épaule tuméfiée... Toute force semblait l'avoir abandonnée...
La succube gisait là, genoux dans la boue, maculée de sang... attendant que la faucheuse ne fasse son oeuvre... Mais l'hosme n'estait point là pour tuer... Tournant les talons, il l'abandonna... Hildegarde se laissa glisser sur le sol... Le temps de reprendre son souffle... Salvateur évanouissement... Pour ne point estre chair à pasté pour les anges de la mort qui pourraient passer.
Combien de temps resta-elle allongée là? Des minutes, des heures? Elle n'en avait aucune idée... D'austres estaient tombés, et gisaient à ses costés... Hommes, animaux... La mort s'abreuvait du divin souffle de vie, qu'importe l'origine. La belle s'appuya sur son bras droit pour se relever... Et prendre son espée... Les combats n'avaient cessé, il estait donc encore l'après-midi... L'épaule gauche affaissée, la belle n'avait plus rien à perdre désormais. Certitude lui estait qu'elle ne reverrait plus le Tressé, alors autant que son trépas ne vienne vite, pour ne point se trouver dans une paillasse de fortune sans pouvoir un jour s'éveiller à nouveau.
Son flanc gauche n'estait que douleur, mais elle ne faiblirait pas. Hildegarde put tuer quelques manants bien moins armés qu'elle, mais complication vint lorsque son espée rencontra celle d'une Donà qui semblait avoir grand art au combat. Un visage doux, serein... Une femme de noblesse... Preuve en estait la qualité de l'étoffe dont estait fait ses habits... Et Gaia sait que la Donà estait experte en ce genre de colifichet.
Elle se sentait si vide, si lasse, si fatiguée... Et pourtant il fallait lutter... Dans un sursaut de courage la Donà tenta de faire bonne figure, et tint la Dame à une certaine distance de sa personne. Puis leurs épées tintèrent, la femme soldat meslait ruse et force, au grand dam d'Hildegarde qui parait plus qu'elle n'attaquait...
Consciente de la blessure, son assaillante lui assena un coup à l'épaule lors d'une volte, le corps d'Hildegarde se voyant alors transpercé d'une d'une onde de douleur qui la fit persifler de rage. Impuissante, la Donà se fit bousculer une fois encore, jusqu'à se retrouver à terre, hors d'haleine.
Moment fatal ou la Génoise enfonça le tranchant de sa lame dans le flanc droit de la Donà, puis remonta à lui en casser une cote... ou deux... Plaie béante au sortir de laquelle une myriade de rubis étincelèrent... Les yeux d'Hildegarde roulèrent et elle perdit l'esprit, perdue elle aussi dans les limbes... Les bruits de la bataille devinrent sont étouffés, elle avait froid, si froid... Le voile de la mort se posait-il sur sa dépouille? Parait-il que l'on voit sa vie défiler lorsque le trépas vient...
Hildegarde, quant à elle, ne vit que les rivages du Styx... Au loin une gondole, menée par un Tressé au cheveux bruns... Et au bout de l'embarcation son hoste, un borgne fou... enroulé dans une toge noire... son unique oeil gris se fondant dans le regard céruléen de la rouquine aux hanches si charmantes et généreuses.