Iskander
[Brignoles ... entre ciel et terre ... 2 février]
Elle parlait de sa blessure ... de flûte ...
Elle délirait ... autant que moi.
Puis elle tourna de l'oeil. Duchesse, sans doute ... un être humain aussi. Personne ne tient indéfiniment.
Que faire ?
Je me souvenais vaguement de ce qu'on disait à ce propos ... pas de bouches inutiles à nourrir ... pas de pitié pour les bandits ... fors ceux que l'on pouvait prendre contre rançon. Les pauvres égorgés ... les autres ...
Enfin, pas seulement égorgés ... Torchesac et les siens étaient tombés sur une blonde qu'ils besognaient à tour de rôle à quelques centaines de coudées d'ici. Elle criait encore. Une guerrière elle aussi ...
Les cadavres puaient tout autour. Des chevaux ... des hommes et des femmes inertes ... la plupart déjà dépouillés.
Cette dame n'avait échappé que par miracle à sa découverte.
On rencontrait quelqu'un au coeur de la bataille et la rencontre était sauvage...
Et après la bataille ? Ceux qui retrouvaient les leurs les emmenaient. Et les autres ... ceux dont les compagnons étaient eux-mêmes navrés, tués restaient seuls.
Comment faisait-on alors ? Bonjour ? Comment allez-vous ? Oh, j'ai le corps percé d'une lance, c'est plutôt malséant et douloureux.
Non.
S'égorger ? A quoi bon ? La tension retombée ... on redevenait des hommes, des femmes ... des humains. La conscience revenait. Tuer comme soldat semblait légitime. Et après le combat, tuer faisait de nous des assassins.
Enfin, certains n'étaient pas à cela près... beaucoup même. Sans compter ceux qui tueraient pour la vengeance.
Que faire ? Il n'y avait pas de coutume pour une rencontre sur un cheval mort...
...
Quelqu'un...
Gobe-Mouches ... un pauvrieux qui faisait partie des suiveurs, cette plaie des armées ... il bavait copieusement et regardait la Dame avec un air concupiscent. Il avait un grand sac plein de bottes, de trésors et de babioles glanés ...
Elle est vivante ? Je fis signe que oui. On partage ? Non ? Déçu... il semblait prêt à aller chercher les autres ... Attends. L'armure pour toi ... la fille pour moi. Il sembla réfléchir. Il avait toujours la dernière place avec les filles ... Ici, nous n'étions que deux. Je pris ma pelle. Il se soumit. Soit, l'armure pour lui. La fille pour moi. Il ricana ... il y avait quelques colifichets qu'il prendrait au passage. Puis l'armure, même en piètre état, devait valoir cher.
Gobe-Mouches se mit à l'ouvrage, faisant sauter les rivets, ôtant les fibules et les agrafes d'une main habile ... les nobles savaient-ils que leurs belles armures s'ôtaient si facilement ? Torchesac préférait les enlever aux corps frais ou encore en vie ... pour les morts, il lui fallait casser trop d'os. J'empêchai Gobe-Mouches de briser les jambes. Il pesta. Je l'aidai du mieux que je pus ...
Il entassa son butin dans son sac, triant ce qu'il emporterait et ce qu'il laisserait pour une prochaine fois ... cachant le butin qu'il ne pouvait emporter et me lançant un regard menaçant... avant de reluquer la fille à nouveau. File ! Ouste ! Elle est à moi.
La Dame se retrouva en gambison ... taché, brûlé, entaillé en plein d'endroits ... elle n'avait pas qu'une estafilade. Elle portait les marques de maints coups et morsures, aucune bien grave, mais formant un tout terrible.
Gobe-Mouches revint ... le pacte lui semblait inéquitable ... la fille était encore fraîche. S'il appelait les autres ... je n'aurais plus ma part. Alors ?
Si tu appelles les autres, tu n'auras plus ta part ... et avec ta part, que peux-tu te payer ?
Je raffermis ma prise sur ma pelle ... arme redoutable des terrassiers. Il réfléchit ... observa son butin à l'air libre. Il acquiesça, à contre coeur.
Je venais de gagner le temps pour lui de cacher ses prises. Après ...
Je soulevai le corps de la Duchesse de Luserne. La guerre l'avait rendu fort ... et lourd.
Qui était-elle ? Luserne ? Je ne savais point. Etrange comme il est facile de haïr "les écorcheurs". Avait-elle un mari, des enfants, une histoire ?
Je profitai d'un défilement pour la porter loin du regard des autres ... au delà de Brignoles.
Vite, vite ... un bosquet ... un endroit où se cacher un moment et aviser.
Je la posai à terre sur un coin de garrigue, près d'un buisson de thym sauvage.
Je trempai un chiffon de vin et entrepris de lui nettoyer le visage ... les blessures à la tête sont les plus pénibles.
Elle ouvrit les yeux. Je lui dis doucement.
N'ayez nulle crainte. Nous sommes à l'abri.
La Renarde observait au loin. Je lui souris.
Elle parlait de sa blessure ... de flûte ...
Elle délirait ... autant que moi.
Puis elle tourna de l'oeil. Duchesse, sans doute ... un être humain aussi. Personne ne tient indéfiniment.
Que faire ?
Je me souvenais vaguement de ce qu'on disait à ce propos ... pas de bouches inutiles à nourrir ... pas de pitié pour les bandits ... fors ceux que l'on pouvait prendre contre rançon. Les pauvres égorgés ... les autres ...
Enfin, pas seulement égorgés ... Torchesac et les siens étaient tombés sur une blonde qu'ils besognaient à tour de rôle à quelques centaines de coudées d'ici. Elle criait encore. Une guerrière elle aussi ...
Les cadavres puaient tout autour. Des chevaux ... des hommes et des femmes inertes ... la plupart déjà dépouillés.
Cette dame n'avait échappé que par miracle à sa découverte.
On rencontrait quelqu'un au coeur de la bataille et la rencontre était sauvage...
Et après la bataille ? Ceux qui retrouvaient les leurs les emmenaient. Et les autres ... ceux dont les compagnons étaient eux-mêmes navrés, tués restaient seuls.
Comment faisait-on alors ? Bonjour ? Comment allez-vous ? Oh, j'ai le corps percé d'une lance, c'est plutôt malséant et douloureux.
Non.
S'égorger ? A quoi bon ? La tension retombée ... on redevenait des hommes, des femmes ... des humains. La conscience revenait. Tuer comme soldat semblait légitime. Et après le combat, tuer faisait de nous des assassins.
Enfin, certains n'étaient pas à cela près... beaucoup même. Sans compter ceux qui tueraient pour la vengeance.
Que faire ? Il n'y avait pas de coutume pour une rencontre sur un cheval mort...
...
Quelqu'un...
Gobe-Mouches ... un pauvrieux qui faisait partie des suiveurs, cette plaie des armées ... il bavait copieusement et regardait la Dame avec un air concupiscent. Il avait un grand sac plein de bottes, de trésors et de babioles glanés ...
Elle est vivante ? Je fis signe que oui. On partage ? Non ? Déçu... il semblait prêt à aller chercher les autres ... Attends. L'armure pour toi ... la fille pour moi. Il sembla réfléchir. Il avait toujours la dernière place avec les filles ... Ici, nous n'étions que deux. Je pris ma pelle. Il se soumit. Soit, l'armure pour lui. La fille pour moi. Il ricana ... il y avait quelques colifichets qu'il prendrait au passage. Puis l'armure, même en piètre état, devait valoir cher.
Gobe-Mouches se mit à l'ouvrage, faisant sauter les rivets, ôtant les fibules et les agrafes d'une main habile ... les nobles savaient-ils que leurs belles armures s'ôtaient si facilement ? Torchesac préférait les enlever aux corps frais ou encore en vie ... pour les morts, il lui fallait casser trop d'os. J'empêchai Gobe-Mouches de briser les jambes. Il pesta. Je l'aidai du mieux que je pus ...
Il entassa son butin dans son sac, triant ce qu'il emporterait et ce qu'il laisserait pour une prochaine fois ... cachant le butin qu'il ne pouvait emporter et me lançant un regard menaçant... avant de reluquer la fille à nouveau. File ! Ouste ! Elle est à moi.
La Dame se retrouva en gambison ... taché, brûlé, entaillé en plein d'endroits ... elle n'avait pas qu'une estafilade. Elle portait les marques de maints coups et morsures, aucune bien grave, mais formant un tout terrible.
Gobe-Mouches revint ... le pacte lui semblait inéquitable ... la fille était encore fraîche. S'il appelait les autres ... je n'aurais plus ma part. Alors ?
Si tu appelles les autres, tu n'auras plus ta part ... et avec ta part, que peux-tu te payer ?
Je raffermis ma prise sur ma pelle ... arme redoutable des terrassiers. Il réfléchit ... observa son butin à l'air libre. Il acquiesça, à contre coeur.
Je venais de gagner le temps pour lui de cacher ses prises. Après ...
Je soulevai le corps de la Duchesse de Luserne. La guerre l'avait rendu fort ... et lourd.
Qui était-elle ? Luserne ? Je ne savais point. Etrange comme il est facile de haïr "les écorcheurs". Avait-elle un mari, des enfants, une histoire ?
Je profitai d'un défilement pour la porter loin du regard des autres ... au delà de Brignoles.
Vite, vite ... un bosquet ... un endroit où se cacher un moment et aviser.
Je la posai à terre sur un coin de garrigue, près d'un buisson de thym sauvage.
Je trempai un chiffon de vin et entrepris de lui nettoyer le visage ... les blessures à la tête sont les plus pénibles.
Elle ouvrit les yeux. Je lui dis doucement.
N'ayez nulle crainte. Nous sommes à l'abri.
La Renarde observait au loin. Je lui souris.