--Don_arnigo
Chinon, place royale
Eeeet la pluie dé cesséééé
L'oiseau avéééé ga...
Prostestation véhémentes de l'instrument, bientôt suivies par celles de son maitre, qui d'un faux geste d'énervement, repoussa la main de celle qui osait l'arrêter durant sa mélodie.
Un clown ménestrel comme moi se doit de jouer toute la journée. Et j'en étais au passage où le soleil allait revenir! Tu es décidemment insuportable Zaphira!
Ce qui la fit rire. Rire qu'elle communiqua aisément à Arnigo, qui se joint à elle, et tenant toujours son luth par le manche, lui rendit un sourire complice quand elle lui proposa de marcher. Il avait très bien compris ce que signifiait le "dire bonjour à Tasmania".
Cela ne lui fera pas de mal d'être tirée du lit à celle ci. Oui bon, à ses pensées, c'est la même chose ou presque...
Se laissant conduire par la danseuse, prenant garde de ne pas cogner son instrument contre les roulottes ou encore les autres artistes qu'ils croisaient, ils arrivèrent bientôt devant la roulotte de la voyante. Arnigo caressa légèrement le bois de son luth. Il y tenait sans doute plus que la prunelle de ses yeux.
***
Barcelona, deux ans plus tôt
C'était en principauté de Catalogne, il y avait environ deux années. Alors que Don Arnigo marchait dans les rues de Barcelona, profitant des quelques jours de repos que leurs avait accordé El Director, il fut attiré par un attroupement. Entendant quelques sons de musique, le troubadour s'approcha. Il pensait découvrir un spectacle, comme lui en faisait par exemple. Il fut légèrement surpris de ne voir qu'une seule personne sur une estrade. Autour de celle ci, beaucoup de villageois, et chose encore plus intriguante, une dizaine d'autres hommes et femmes, munis d'un luth. Intriguée, Arnigo se rapprocha, et alors que l'artiste s'arrêtait de jouer, il comprit qu'il n'avait pas vraiment affaire à un spectacle, mais plutôt à un concours. Une femme gravit d'ailleurs l'estrade à la suite de l'homme, après avoir donné une petite bourse à un homme richement habillé. Apparemment, chacun y allait à son tour, afin de montrer son talent (ou son non talent). La petite foule commençait d'ailleurs à conspuer la jeune femme qui passait. Et cette dernière n'attendit pas que les habitants de Barcelona sortent les fruits pourris et les cailloux pour dévaler l'estrade et s'enfuir, sous les rires et les insultes lancées allégrement par l'ensemble de la populace.
Don Arnigo sourit fugitivement. De l'homme et la femme qu'il venait de voir, aucun des deux ne se mettait le public dans sa poche. Ils se contentaient de jouer. Bien ou mal, si les spectateurs n'étaient pas avec vous, cela ne faisait pas grande différence. Le troubadour détacha sa bourse, et compta les écus qu'il amassait régulièrement durant le spectacle. Une petite tape sur l'épaule du villageois devant lui. Il dut s'y reprendre à deux fois, l'homme riant toujours à gorge déployée de la prestation nullissime du précédent artiste.
Eh oh! Cé combien la pouré participé?
Ma qué!!! T'as vou sa têté quand élé dégringolé l'èstradé??? Tordant!! Magnifica!!
Ma qué... Jé démandé combien c'été l'ami!
Tou pensé pouvoir rivalisé? Foncé mon péti!! Et montré nous qué tou pé fèr beaucoup mieux que céllé d'avant! Ou piré, qu'on rit encore un bon coup!!! Ah oui, c'est 20 écous péti!
Grimaçant comiquement pour remercier l'homme, et en même temps lui montrait qu'il n'appréciait guère le surnon de petit alors qu'il avait passé la trentaine d'année, Don Arnigo se dirigea vers la file d'artistes attendant. Apparemment, la plupart était passé, et le troubadour n'eut donc qu'à attendre deux nouveaux passages. Ils savaient joué, mais en aucun cas le public était transcendé. Un petit sourire sur ses lèvres, Don Arnigo monta l'estrade, et d'une révérence, s'inclina face à la foule.
Oyé oyé! Jé vé vous compté l'histoiré d'ouné simplé saltimbanqué commé jé suis! Mé jé suis sour qué pas mal d'entré vous ont quelqéchose contré lé saltimbanqué! Qu'ils sé dénoncé et viénné me réjoindré sur l'èstradé qué jé puissé leurs cassé lé oreillé!
Petites phrases que certains auraient peut être trouvé anodines, ou encore inintéressantes. Oui mais, grâce à ce petit aparté, Don Arnigo avait captivé toute l'audition, et des sourires étaient apparus sur la plupart des visages. Il partit alors dans une vieille chanson débile sur la vie d'un troubadour imaginaire. Le rythme était entrainant et prenant et les rires fusèrent bientôt de toutes parts, suivis par des applaudissements et des hourras. En quelques instants, Arnigo s'était mis la foule dans la poche, et quand il termina son refrain pour l'énième fois, faisant semblant de tomber pour mieux se rattrapper tel un acrobate, avec un grand sourire. Et la foule de redoubler d'hilarité, enthousiaste.
Inutile de dire qu'ensuite, les organisateurs du concours se gardèrent bien de désigner un autre vainqueur que lui. Grand sourire, il découvrit alors son prix, un magnifique luth. Le sien n'était pas spécialement très vieux, mais de qualité plutôt médiocre. C'est avec enthousiasme que Don Arnigo prit le nouvel instrument, se frayant un chemin parmi les badaux qui voulaient absolument connaitre son nom et sa troupe. Le troubadour finit par disparaitre au détour d'une ruelle, d'un pas élastique.
***
Arnigo leva les yeux sur Zaphyra, sourire malicieux aux lèvres. Il leva lentement son instrument, et entreprit d'en sortir un son criard, perçant, et pas très agréable à l'oreille. Il jouait cependant, luth levé, main sur le dessus, pinçant les cordes avec rapidité. Impossible que la voyante ne l'entende pas. Arnigo se mit soudainement à brailler.
Tasmania, lèves toi!
Tasmania, on n'attend qu'toi!
Mais où le diable peut il bien s'cacher?
Pas chez toi, mais alors sors de la!
Paroles totalement débiles et incohérentes. Heureusement que la plupart des bruits autour du camp empêchait la plupart des personnes d'entendre cela, car cela aurait pu en faire frêmir plus d'un.
Arnigo pouffait de rire, rire qui redoubla quand il entendit du bruit dans la roulotte de la voyante. Regard complice avec Zaphyra. A elle de jouer maintenant.