[A la poursuite de nos rêves]
Berthe s'éveilla en sursaut sans savoir ce qui avait perturbé son sommeil. Allongée près de ses surs dans un grand lit familial qui leur était dédié, elle se tourna pour observer le visage de sa cadette, Mathilde, qui lui collait à gauche tandis qu'à droit se trouvait le bord du lit. La petite ne bougeait pas, ou plus.
L'adolescente resta ainsi quelques instants puis referma les yeux, se laissant à nouveau engourdir par le sommeil. Et s'il faisait chaud dans le lit grâce à cet amas de corps, ça l'était beaucoup moins dans la pièce, et pas du tout dehors.
La rouquine entre torpeur et rêve, laissa courir sa main sur sa sur, s'imaginant à caresser un torse, celui d'un prince, son prince.
Un jour mon prince viendra... disait là chanson qui raisonnait avec une infinie douceur dans son crâne. Et il est venu lui souffla une voix. Un visage nimbée d'une aura rose lui apparut alors et part un réflexe inconscient agita violemment sa main, pourtant calée sous sa tête, qu'elle croyait être à caresser le corps de l'homme.
Elle s'éveilla de nouveau brutalement, mais ce rappela très bien le pourquoi du réveil cette fois-là. Et bien malgré elle, des certitudes pointaient.
- C'est lui... mais il s'en va !
Lâcha t-elle comme un violent souffle d'air extirpé de sa poitrine par un coup qu'on lui aurait porté. Son prince était là, mais elle allait manquer le carrosse ! La petite était horrifiée, à un âge où les lubies sont paroles d'évangile, elle surchauffait son cerveau à trouver une idée miraculeuse.
L'idée miraculeuse ne vint pas, mais après s'être longuement attardée sur l'idée qu'il allait lui-même venir l'emmener pour toujours et ce de biens différentes façons -il viendra frapper à la porte de la maison demain à l'aube... ou à sa fenêtre cette nuit et l'emportera... à moins qu'il l'ai déjà remarquée et à déjà demandée sa main à son père qui, inconscient de l'ampleur, réfléchissait en prenant son temps... quoiqu'il pouvait avoir dit oui et lui réserver la surprise... mais non, non, il devait avoir dit non... oh mon dieu !- , qu'une autre idée lui vint.
Berthe quitta la couche et s'habilla d'une robe de toile aux couleurs gaies, puis enfila bas et bottines. Pour lutter contre la morsure du froid elle enroula le tout dans un épais châle en laine, son visage et tout le haut de son corps. Après un très douloureux ultime regard à ses surs elle confirma sa décision. Décidée, elle quitta la chambre sur la pointe des pieds, redoubla de précautions dans le couloir, car la chambre voisine coïncidait avec la chambre parentale, et une fois arrivée au bout, descendit les marches.
[Quand la réalité vous poursuit]
Dehors le vent froid soufflait, celui-ci, sans prendre distinction aucune, s'évertuait à se glisser dans chaque interstice de tissus qui pouvait le permettre, mordant brulant gelant ainsi la douce peau fine de la fillette. Malgré ce terrible froid, autre chose lui glaçait le cur et l'esprit. Partagée entre l'épouvantable idée d'abandonner sa famille qu'elle chérissait profondément, ou l'atroce pensée de ne pas le trouver lui, le merveilleux Gandrel, son prince qu'elle avait vue et dévoré des yeux au spectacle. Des idées courtes, mais qui n'ont pas manquées de traverser nombres d'esprit d'une jeunesse adolescente. La fine rouquine resta ainsi prostrée à un angle du mur de la mairie pour échapper à un souffle encore plus froid et mordant du vent qui pouvait courir tout à son aise sur la place royale presque désertée des forains.
Peu avant Berthe, prenant son courage à deux mains, s'en était allée demander ou le trouver aux employé du cirque, mais les hommes, en plein ouvrage et pressés ne lui avaient rien répondu d'autre qu'un :
-Sais pas.
Aussitôt elle interrogea d'autres personnes, malheureusement parmi les rares qui comprenaient le français, toutes ignoraient ou le trouver.
Dons elle avait prit parti de l'attendre. Et son esprit devançait déjà la réalité.
Il allait arriver, il l'a verrait de loin, il viendrait. Ou bien, peut-être dans son dos ? Oui c'était cela... il viendrait tout en douceur et il l'a prendrait dans ses bras... bras qu'elle ne sentait plus d'ailleurs. Le froid. Et ses yeux se fermaient par moment de plus en plus réguliers. La fatigue.
Le temps fila.
Un violent frisson lui parcouru la colonne vertébrale lors de son réveil, lui rendant le dos douloureux. Sur la place, pas un chat, seulement les toutes dernières roulottes. La petite, dans une ultime tentative en fit le tour. Elle l'appela même. Mais elle ne le vit pas venir. Une pénible réalité la frappa alors. Gandrel s'en était allé. Non, non il ne pouvait pas, il n'avait pu... il ne le ferait pas se dit-elle. Jamais son prince s'en irait sans elle ! Mais déjà le désespoir l'avait gagné, rongé et envahit. Ce n'était plus qu'un dénie. Elle le savait, mais elle préférait le nier, au moins encore un peu.
Après une courte errance sur la place royale, elle décida de lui transmettre un message. Un message oui, mais comment ? Comment lui dire qu'elle était là, qu'elle l'attendait, qu'elle l'aimait !
C'est alors que ses yeux se posèrent sur une carriole des forains. Un sourire lui envahit le visage. Là, sous son nez, elle avait trouvée.
[Un message à faire passer]
Toute à sa tâche, la rouquine se salissait les mains avec le chiffon imbibé, mais cela n'avait aucune importance, le message devait être immense, se voir de loin, qu'il ne lui échappe pas. Butineuse, elle s'évertua à la tâche, tapotant, frottant avec force, regimbée part l'énergie de l'excitation.
Toute à ses travaux elle n'entendit pas le groupe d'ouvrier du cirque revenir chercher les dernières charrettes. Se fut un cri qui l'a tira de sa transe.
- ¿ Pero a qué hazte?
Quand elle se retourna, malgré les ténèbres nocturnes, elle vit des yeux blancs si rond et si grand qu'elle prit peur sans trop savoir pourquoi. Elle partit en courant, lâchant le chiffon, dans la direction de sa maison.
Alors qu'elle s'essoufflait à sprinter afin d'échapper à ses poursuivants -imaginaires- qui voudraient sans doute la corriger de leur avoir volé un pot de peinture à l'huile...
Déjà elle pleurait de n'avoir pu finir on message, tant elle s'était appliquée à inscrire avec soin son nom, afin qu'il soit écrit en gros et grand d'une couleur bien voyante.
Au même instant, toujours sur la place, les ouvriers se regardaient médusés. Un regard à droite, un à gauche, pas de maréchaux, pas de miliciens. Personne, rien, pas de témoins... Ouf. Ils remballèrent le pot de peinture et le chiffon et filèrent vitre retourner à la tâche, laissant l'ornement sur la façade de la mairie. Un gigantesque : GANDREL
La fillette, toujours poursuivie -au moins dans son imagination- par des féroces ibères qui allaient pour la punir l'enlever et la vendre au marché au esclave de leur pays- courrait à en perdre haleine malgré un point de côté qui lui arrachait douleur à chaque pas. Mais rien, non, rien comparé à la douleur de 'avoir pu finir son message. Elle qui voulait écrire : GANDREL je t'aime, signé Berthe.
Le pavé claquait, s'était elle e elle seule mais l'esprit hanté, elle se persuadait que ce n'était qu'autre que la meute de ses poursuivants. Pas un instant elle ne croisa un milicien, un maréchal, un garde quelconque, ni même un chinonais qui pu faire cesser cette poursuite qui lui arrachait cur et corps à chaque pas, chaque souffle.
Là, juste là, encore un peu... elle s'engouffra dans sa rue.
Là, juste là, encore un peu... elle arriva devant sa maison.
Là, juste là, encore un peu... elle atteignit son porche,
Là, juste là, encore un peu... elle ouvrit tant bien que mal la porte.
Là, juste là, encore un peu... elle claqua la porte avec violence et enclencha le verrou. Puis s'effondra à terre.
Ses jambes ne l'a portaient plus, ses genoux avaient cédés. Transie de froid, mais brulante à l'intérieur. Elle lâcha sa peine et pleura sa peine.
Ses parents, réveillés par le vacarme descendirent, armée d'un chandelier et d'un bâton et trouvèrent leur fille prostrée devant leur porte, couverte de peinture. Empli d'amour et de compassion ils prirent soin d'elle, la réchauffant près de la cheminée, lui préparant du thé chaud, la rassurant de mots doux et aimant mais toujours interrogateurs. Quand la jeune adolescente finit par éclater dans un nouveau sanglot :
- Je voulais lui dire que je l'aime !
Les deux parents s'en retrouvèrent, allez savoir pourquoi, sévèrement rassurés. Après s'être échangés un sourire dans le dos de leur fille, le père décida de remonter au lit. Sa mère saurait bien mieux que lui la rassurer sur les chagrins d'amour et les choses de l'amour en général.
Le vent hurlait dans la cheminée et malmenait comme en se jouant d'elles, les flammes. Tandis que la mère, Berthe enlacée dans ses bras, partageait se moment d'intimité mère-fille. Après avoir ouïe son histoire, elle rassurait la fillette avec l'assurance de celles qui savent que ce n'était rien qui ne fut déjà vu, ordinaire, et l'on ne pouvait y trouver matière à nourrir quelque inquiétude.
Avec une bonne humeur évidente la mère rajouta.
- Et puis maintenant tu peux envisager une carrière de peintre !
L'incongruité de la déclaration arracha enfin un sourire à la petite, puis un rire franc similaire à celui de sa mère qu'en elle surenchérit.
- Artiste peintre spécialisée en uvre qui parle d'amour vu que tu as déjà de l'expérience maintenant... quoique... si tu semble aussi douée que le dit la peinture étalée partout sur toi, peintre en bâtiment me semble une bonne orientation. C'est un bon métier.
A l'étage l'on pouvait entendre les éclats de rire qu s'échappait de la cuisine ou se trouvait les deux femmes.
Ah l'amour...