A: Sa Grâce, la Duchesse Melisende de Bielle Chambéry, le 19 janvier de l'an de Grâce 1458
Votre Grâce,
Moi, Auryn O'Connor, voisine helvète ayant été accueillie il y a peu sur vos terres en compagnie de mes confrères croisés dans la traditionnelle et louable amitié aristotélicienne, me dois aujourd'hui, face à l'indignation grandissante et en mon âme et conscience, de vous faire parvenir la présente missive. Avant toute chose, je tiens à préciser ceci: Je ne possède en effet aucune résidence en Savoie en n'en ai -heureusement vu les événements- point fait la demande. Certains seraient de ce fait tentés de vouloir me contraindre au silence. Cependant, à ceux-ci et à tout autre, je rappelle que le droit à la parole est fondamentalement commun à tous. Je tâcherai d'en faire donc bon usage, tout comme je m'appliquerai ce soir encore à défendre Chambéry du haut de ses remparts.
Votre Grâce, je n'ai nullement la prétention d'être en mesure de vous dicter vos actes.
Le respect , dû à votre rang, que je vous porte vous soit vivement affirmé par ces mots.
Toutefois, en la Capitale, je ne puis que constater complexité de l'actuelle situation et me permets de vous confier mes craintes à ce sujet. Car, que vous les entendiez ou non, Chambériens et savoyards crient cette colère inspirée par l'absurde maladresse de leur Conseil. Telle est la raison première de ce courrier. En tant qu'ancien juge, je viens vous faire part de mon humble avis. A vous d'en prendre compte ou non: Il existe des lois. Lorsque celles-ci lois sont enfreintes, est alors appliquée et ce en toute légitimité la justice des hommes, soumise à une procédure établie.
Après les lois, sont les règles. Règles de savoir vivre, de savoir être et autres, destinées à faire en sorte que communauté soit, s'accorde et prospère dans la paix. Or bien des règles ne serait-ce qu'ayant trait au bon sens, en l'exécution bâclée des "courriers" envoyés par votre Bailli, n'ont clairement été appliquées. A leur vue je constate, Votre Grâce, ô combien celui ou ceux dont ils émanent devrai(en)t songer à parcourir, quelque part en leur emploi du temps chargé, ouvrages concernant la rédaction de missives dites officielles. Car, dans ces lignes griffonnées avec empressement, dans ce court texte reflétant bien un manque certain de considération, je n'ai remarqué:
- Aucun sceau attestant de leur réelle validité;
- Aucun texte de loi, justifiant telle sommation;
- Aucun extrait d'archive prouvant faute du concerné
- Aucune précision quand aux suites d'une opposition
Nemo censetur ignorare legem. Certes. Cependant, je vous le demande: comment en toute franchise peut-on par exemple reprocher à quelqu'un de ne posséder un laisser passer valable, si formulaire ne lui a point même été envoyé pour l'établir?
Nemo dat quod non habet.Pire, comment les élus d'un peuple peuvent-ils, sans préavis, ordonner à des membres de ce même peuple, leurs concitoyens établis et engagés, de partir? En les menaçant dans le cas contraire, je cite: de devenir
ennemi des Armées? Terrible méprise que voilà. Un manque d'autorisation de séjour mérite-t-il la mort? Selon qui, au nom de quoi? Il semblerait là que quelqu'un se soit fait juge et ait rendu verdict avant même procès entamé. Mais, que cette personne le sache, on ne peut être juge et parti. Et Conseil n'est guère Tribunal.
Ne vous y trompez point. J'estime, Votre Grâce, que combattre le crime et ceux qui le servent est acte responsable, honorable, un devoir...voire une obligation. Reste que vos conseillers, quel que soit leur prétexte, ont ici bien mal agis. Circulent, se propagent et s'échangent aujourd'hui par leur faute rumeurs, peur de l'autre, insultes et regards accusateurs. Un Duché au bord de la rupture, est-ce cela que vous désiriez pour eux autres et vous-même?
Cette fragilité soudaine, l'instabilité produite par vent de révolte et perte de confiance, ne fait qu'attirer plus encore brigands et assaillants, qui en profiteront très certainement pour achever une Savoie bientôt à l'agonie. Le Très-Haut vous en garde, mais surtout vous fasse entendre raison et qu'excuses soient au moins présentées à qui de droit, avant que ceux-ci par leurs droits et peut-être dignité bafoués, ne deviennent véritablement ces ennemis dont tant vous semblez vouloir vous débarrasser.
Croyez bien qu'aux yeux de votre peuple, vous n'en serez que plus noble.
Cette demande, je vous prie de le comprendre, n'est que la démarche d'un humble Chevalier qui prêta serment devant l'Éternel de toujours redoubler d'efforts pour servir causes lui semblant juste. Celle-ci ma foi en est une, bien que simple missive dans la balance ne pèsera je m'en doute guère lourd poids. Quoi qu'il en soit, si Justice est aveugle, je souhaite que vous ne l'ayez été en vous trompant de coupable. de cible ou de tactique, et ne le soyez à l'avenir. Je souhaite aussi que l'erreur indigne de sa fonction, faite par ce triste Sieur, Pierre Von Kolspinne, soit réparée au plus vite. Et enfin, que le calme règne à nouveau sur vos plaines, cela sans voir toute la population fuir vers d'autres contrées car vous n'auriez su les retenir avec des arguments bien fondés et réponses sensées.
Que soit prise en compte ma demande d'audience auprès de Votre Grâce, dont ma plume et mon arme se feront s'il le faut les dévoués serviteurs. Le Très-Haut m'en soit témoin et que sur vous Il veille, aujourd'hui comme demain.
Cordialement,