Anne_blanche
A la lecture de la missive, la belle humeur de Terwagne sembla s'envoler. Anne remarqua la tristesse qui envahissait le regard de sa tante, et en éprouva deux sentiments contradictoires. D'une part, elle se sentait touchée par la peine de la Dame de Thauvenay, sans vraiment la comprendre, puisqu'elle était certaine de l'amour que lui portait le vicomte. D'autre part, elle était plutôt contente de voir sa tante se mettre au diapason, en quelque sorte.
Anne l'aurait volontiers interrogée, le plus discrètement possible, mais c'était tout de même gênant. Pas aussi gênant que cette histoire de cochons qui se roulaient allégrement dans leur fange, mais un peu quand même.
Elle n'eut pas à chercher comment présenter ses questions. Terwagne renouait déjà les lacs, et s'intéressait à elle.
Furieuse?
Et sur quoi?
Ou plutôt sur qui?
Pas moi, j'espère...
Un alibi, sans aucun doute, mais Anne n'hésita pas à répondre, malgré l'apparente distraction de sa tante, qui triait et lisait les documents épars sur sa table de travail.
Non, ma tante, pas vous ! Enfin ... si. Hum ... non, je ne ...
Avec un soupir d'exaspération, Anne s'assit sans y avoir été invitée, et prit deux ou trois inspirations.
Pardonnez-moi, ma tante, mes propos sont aussi clairs que le Rhône par temps de crue. C'est que j'ai tant à dire que tout cela m'étouffe, et se bouscule.
Vous le savez, ma tante, ce duché me tient à coeur, autant qu'à vous. Dès que je peux, je viens à Lyon, je vais consulter les rapports publics dans votre bureau, et dans celui de Messire Raithuge. Ce que je vois dans ce dernier bureau me met hors de moi !
Elle dut s'arrêter de nouveau, refouler la colère avant qu'elle ne la prenne tout entière.
Quoi ! une mine qu'on n'entretient pas parce qu'on manque de pierre, alors que nous avons deux carrières ! Je suis allée en salle de doléances, j'ai demandé à Messire Raithuge ses raisons, quand il a voulu fermer une mine. Et croyez-le ou non, ma Tante : j'ai eu mal.
Le mot était sorti sans qu'elle le pèse. Elle s'y arrêta elle-même, repassa sa phrase dans sa tête, et se dit qu'après tout, elle ne pouvait en choisir de meilleur. Elle baissa un peu la voix. Ses pensées, mises en mots, prenaient à ses propres yeux un poids encore plus lourd que quand elle les gardait pour elle.
Où mènent-ils le Duché, ma Tante ? Personne n'a-t-il donc lu les notes que j'ai laissées à la bibliothèque ? A quoi bon travailler pour le duché, si ce travail ne sert à personne par la suite ? Ou alors, l'ont-ils jugé si mauvais ? Je suis découragée, ma Tante.
Encore plus bas, elle ajouta :
Tellement découragée que je songe à partir.
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Anne l'aurait volontiers interrogée, le plus discrètement possible, mais c'était tout de même gênant. Pas aussi gênant que cette histoire de cochons qui se roulaient allégrement dans leur fange, mais un peu quand même.
Elle n'eut pas à chercher comment présenter ses questions. Terwagne renouait déjà les lacs, et s'intéressait à elle.
Furieuse?
Et sur quoi?
Ou plutôt sur qui?
Pas moi, j'espère...
Un alibi, sans aucun doute, mais Anne n'hésita pas à répondre, malgré l'apparente distraction de sa tante, qui triait et lisait les documents épars sur sa table de travail.
Non, ma tante, pas vous ! Enfin ... si. Hum ... non, je ne ...
Avec un soupir d'exaspération, Anne s'assit sans y avoir été invitée, et prit deux ou trois inspirations.
Pardonnez-moi, ma tante, mes propos sont aussi clairs que le Rhône par temps de crue. C'est que j'ai tant à dire que tout cela m'étouffe, et se bouscule.
Vous le savez, ma tante, ce duché me tient à coeur, autant qu'à vous. Dès que je peux, je viens à Lyon, je vais consulter les rapports publics dans votre bureau, et dans celui de Messire Raithuge. Ce que je vois dans ce dernier bureau me met hors de moi !
Elle dut s'arrêter de nouveau, refouler la colère avant qu'elle ne la prenne tout entière.
Quoi ! une mine qu'on n'entretient pas parce qu'on manque de pierre, alors que nous avons deux carrières ! Je suis allée en salle de doléances, j'ai demandé à Messire Raithuge ses raisons, quand il a voulu fermer une mine. Et croyez-le ou non, ma Tante : j'ai eu mal.
Le mot était sorti sans qu'elle le pèse. Elle s'y arrêta elle-même, repassa sa phrase dans sa tête, et se dit qu'après tout, elle ne pouvait en choisir de meilleur. Elle baissa un peu la voix. Ses pensées, mises en mots, prenaient à ses propres yeux un poids encore plus lourd que quand elle les gardait pour elle.
Où mènent-ils le Duché, ma Tante ? Personne n'a-t-il donc lu les notes que j'ai laissées à la bibliothèque ? A quoi bon travailler pour le duché, si ce travail ne sert à personne par la suite ? Ou alors, l'ont-ils jugé si mauvais ? Je suis découragée, ma Tante.
Encore plus bas, elle ajouta :
Tellement découragée que je songe à partir.
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