Arthur Dayne
Longue fut la route. Question d'habitude, parait-il. Longtemps qu'il n'avait pas avalé les bornes à cette vitesse, ni en telle quantité. Belle chevauchée que celle ci, d'autant plus soutenu qu'il était seul sur le dos d'Althaïr, Arthur. Iliana avait été laissée au bon soin de sa mère, à Moulins. Il fallait bien dire que l'invitation l'avait surpris. En premier lieu parce qu'il n'avait pas eu de nouvelles de Maeve depuis bien longtemps, et qu'il n'avait reconnu son écriture qu'avec grand peine. C'est qu'elle devait avoir grandi. Changé. Il ne l'avait plus vue depuis...
Pensées qui s'égarent, Arthur. Viens en au fait. Oui, surpris. En second lieu, parce que l'anoblissement des deux soeurs Alterac, auquel il était convié, était fixé à une date proche. Très proche, même, qui lui laissait à peine le temps de sauter sur le dos d'Althaïr, de déposer Ili chez sa mère, et de cavaler à bride abattue de Moulins à Eymoutiers. Ce n'est qu'en franchissant une première frontière ducale qu'il réalisa qu'il n'avait prévu ni vêtement de rechange, ni de quoi manger sur le chemin. Qu'il n'avait pas assisté à un anoblissement depuis plusieurs vies. Qu'il n'avait pas revu la clique Alterac depuis leur dernier passage à Moulins, et n'avait eu que peu de nouvelles depuis, toutes apportant leur lot de blessures et de tristesses. Agressions, cicatrices, mort attendue qui frappe et déchire pourtant.
Pensées qui s'égarent, Arthur. Concentre toi sur le chemin. Pas la peine, en plus, de se perdre. Déjà que tu n'auras pas fière allure pour une cérémonie d'anoblissement... Aleanore et Maeve. La seconde avait, aux derniers écrits de Marie Alice, mûri plus vite et plus durement qu'elle n'aurait du. Arthur peinait à se l'imaginer grandie. Rapide calcul... Plus que grandie, même... Presque femme. Et Aleanore... Il connaissait moins l'aînée que la cadette, mais lui avait tout de même servi d'escorte de l'Artois au Limousin. Des jours et des nuits de chevauchée sur les chemins. Mais là encore, elle était une fillette à l'époque. Et aujourd'hui... rapide calcul... Presque une femme? Sans nul doute... Elle devait compter désormais... quinze? Seize printemps?
Et Marie? Comment allait-il la découvrir, si longtemps après leur longue discussion sur les berges de l'Allier, non loin de sa chaumière, égarée près de Moulins? Le temps et ses nouvelles épreuves l'auront-ils marquée davantage? Et cette armure dont ils avaient tant parlé, en serait-elle sortie renforcée ou affaiblie? Et Gaspard? Serait-il présent? Comment, le cas échéant, les pauvres mains meurtries d'Arthur réagiraient-elles en croisant l'azur si douloureux?
Tu songes trop, Songeur. Et il n'est jamais bon de songer à dos de cheval... Cette phrase de mise en garde n'arriva jamais aux oreilles d'Arthur. Ou du moins, même si elle arriva, le vacarme de la chute en couvrit le murmure. Parce qu'Althaïr, cette fichue tête de mule d'équidé, avait soudain décidé qu'il avait soif et que galoper à ce rythme depuis des heures, ça suffisait. Sauf que l'arrêt brutal du cheval déchargea d'un coup toute l'énergie cinétique emmagasiné par le pauvre vieux corps d'Arthur, qui continua la course sans le cheval, et la termina dans la poussière d'un chemin délaissé depuis peu par la neige. Il évita de peu, et par la grâce d'un entraînement intensif de glissade en taverne, le fossé boueux, mais roula sur plusieurs mètres, se protégeant tant bien que mal des pierres qui s'amusaient à lui rouer les côtes. Lorsque la course s'arrêta et que le tourneboulis de ses esprits le lui permit, Arthur se releva et constata l'étendue des dégâts.
Poussière, sueur et cailloux acérés n'avaient laissé aucune chance à ses vêtements, qui décidément n'avaient plus rien de correct pour un anoblissement. Les traînées poussiéreuses alternaient avec quelques accrocs dans le tissu. Sa tempe saignait un peu, du même côté que la cicatrice qui ornait toujours sa pommette. Un genou douloureux. Le bras gauche bien éraflé. Diable de diable...
Pas le temps d'être furieux... Arthur refit le chemin en sens inverse, jeta un regard furibond à Althaïr qui, entre temps, s'était désaltéré dans le fossé susdécrit, et grimpa à nouveau en selle. Il avala les lieues restant en se concentrant du mieux qu'il pouvait sur le chemin, grimaçant parfois lorsque son genou le lançait. Et arriva enfin en vue d'Eymoutiers. Arrivé devant les portes de l'édifice, il se présenta aux gardes, expliqua en quelques mots la raison de son état et confia son cheval à un garçon d'écurie, en lui précisant qu'il devait être privé d'eau pour la journée.
Puis il se fit indiquer la pièce à rejoindre, profita de l'eau d'un abreuvoir pour se rincer brièvement le visage, et s'aperçut que, pour couronner le tout, une barbe de trois jours lui hérissait les joues. Si sa fille pouvait le voir, elle lui ferait sans nul doute les gros yeux. Mais baste, il était suffisamment en retard.
Grimpant quatre à quatre plusieurs volées de marches, bifurquant de couloirs en couloirs, demandant par trois fois son chemin, et après quelques demis tours pour terminer son périple, Arthur rejoignit enfin la pièce où se trouvaient réunies plusieurs personnes. Quelques visages inconnus, d'autres un peu plus. Marie trônait en maîtresse des lieux, son port altier n'avait pas changé. A ses côtés, le père de Maeve, croisé une fois... deux peut être... Deux jeunes filles près du buffet. L'une d'entre elles qui ressemblait furieusement à... Aleanore. Qu'elle a changé, la fillette... Qui n'en est plus une, les traits de l'enfance se sont indubitablement tous envolés. Un homme qu'il connaissait aussi... mais qu'il ne s'attendait pas à voir ici. Vu à Moulins il y a peu. Frère... frère de quelqu'un, non? Oui... un frère et une soeur venus à Moulins après la guerre. En compagnie du fils Varthak... Baste, il remettrait le nom plus tard. S'il y parvient...
Mais pas de Maeve en l'instant. Juste des regards posés sur lui. Plus qu'interrogateurs... Diable, c'est qu'il devaitt avoir l'air d'un pouilleux, au mieux. Cheveux poussiéreux, gouttelettes ocres perdues dans une barbe naissante, vêtements qui semblaient sortir tout droit d'un lynchage en règle...
Il passa une main dans ses cheveux en bataille, Arthur. Signe de malaise, chez lui... Déjà qu'il ne se sentait pas vraiment à sa place dans ce genre de lieux, ni pour ce genre d'évènements... Qu'il n'avait fait le déplacement que pour les deux fillettes Alterac... jeunes femmes... les deux jeunes femmes.
Eum... Bonjour tout le monde... J'ai un... cheval qui tient parfois plus de l'âne buté que du fier destrier... Et un tempérament de songeur auquel il faut bien que je fasse honneur.
Rapide révérence, pour mieux marquer le ridicule de la situation.
Arthur Dayne, Moulinois de passage, convié par Sa future Grâce Maeve...
Pensées qui s'égarent, Arthur. Viens en au fait. Oui, surpris. En second lieu, parce que l'anoblissement des deux soeurs Alterac, auquel il était convié, était fixé à une date proche. Très proche, même, qui lui laissait à peine le temps de sauter sur le dos d'Althaïr, de déposer Ili chez sa mère, et de cavaler à bride abattue de Moulins à Eymoutiers. Ce n'est qu'en franchissant une première frontière ducale qu'il réalisa qu'il n'avait prévu ni vêtement de rechange, ni de quoi manger sur le chemin. Qu'il n'avait pas assisté à un anoblissement depuis plusieurs vies. Qu'il n'avait pas revu la clique Alterac depuis leur dernier passage à Moulins, et n'avait eu que peu de nouvelles depuis, toutes apportant leur lot de blessures et de tristesses. Agressions, cicatrices, mort attendue qui frappe et déchire pourtant.
Pensées qui s'égarent, Arthur. Concentre toi sur le chemin. Pas la peine, en plus, de se perdre. Déjà que tu n'auras pas fière allure pour une cérémonie d'anoblissement... Aleanore et Maeve. La seconde avait, aux derniers écrits de Marie Alice, mûri plus vite et plus durement qu'elle n'aurait du. Arthur peinait à se l'imaginer grandie. Rapide calcul... Plus que grandie, même... Presque femme. Et Aleanore... Il connaissait moins l'aînée que la cadette, mais lui avait tout de même servi d'escorte de l'Artois au Limousin. Des jours et des nuits de chevauchée sur les chemins. Mais là encore, elle était une fillette à l'époque. Et aujourd'hui... rapide calcul... Presque une femme? Sans nul doute... Elle devait compter désormais... quinze? Seize printemps?
Et Marie? Comment allait-il la découvrir, si longtemps après leur longue discussion sur les berges de l'Allier, non loin de sa chaumière, égarée près de Moulins? Le temps et ses nouvelles épreuves l'auront-ils marquée davantage? Et cette armure dont ils avaient tant parlé, en serait-elle sortie renforcée ou affaiblie? Et Gaspard? Serait-il présent? Comment, le cas échéant, les pauvres mains meurtries d'Arthur réagiraient-elles en croisant l'azur si douloureux?
Tu songes trop, Songeur. Et il n'est jamais bon de songer à dos de cheval... Cette phrase de mise en garde n'arriva jamais aux oreilles d'Arthur. Ou du moins, même si elle arriva, le vacarme de la chute en couvrit le murmure. Parce qu'Althaïr, cette fichue tête de mule d'équidé, avait soudain décidé qu'il avait soif et que galoper à ce rythme depuis des heures, ça suffisait. Sauf que l'arrêt brutal du cheval déchargea d'un coup toute l'énergie cinétique emmagasiné par le pauvre vieux corps d'Arthur, qui continua la course sans le cheval, et la termina dans la poussière d'un chemin délaissé depuis peu par la neige. Il évita de peu, et par la grâce d'un entraînement intensif de glissade en taverne, le fossé boueux, mais roula sur plusieurs mètres, se protégeant tant bien que mal des pierres qui s'amusaient à lui rouer les côtes. Lorsque la course s'arrêta et que le tourneboulis de ses esprits le lui permit, Arthur se releva et constata l'étendue des dégâts.
Poussière, sueur et cailloux acérés n'avaient laissé aucune chance à ses vêtements, qui décidément n'avaient plus rien de correct pour un anoblissement. Les traînées poussiéreuses alternaient avec quelques accrocs dans le tissu. Sa tempe saignait un peu, du même côté que la cicatrice qui ornait toujours sa pommette. Un genou douloureux. Le bras gauche bien éraflé. Diable de diable...
Pas le temps d'être furieux... Arthur refit le chemin en sens inverse, jeta un regard furibond à Althaïr qui, entre temps, s'était désaltéré dans le fossé susdécrit, et grimpa à nouveau en selle. Il avala les lieues restant en se concentrant du mieux qu'il pouvait sur le chemin, grimaçant parfois lorsque son genou le lançait. Et arriva enfin en vue d'Eymoutiers. Arrivé devant les portes de l'édifice, il se présenta aux gardes, expliqua en quelques mots la raison de son état et confia son cheval à un garçon d'écurie, en lui précisant qu'il devait être privé d'eau pour la journée.
Puis il se fit indiquer la pièce à rejoindre, profita de l'eau d'un abreuvoir pour se rincer brièvement le visage, et s'aperçut que, pour couronner le tout, une barbe de trois jours lui hérissait les joues. Si sa fille pouvait le voir, elle lui ferait sans nul doute les gros yeux. Mais baste, il était suffisamment en retard.
Grimpant quatre à quatre plusieurs volées de marches, bifurquant de couloirs en couloirs, demandant par trois fois son chemin, et après quelques demis tours pour terminer son périple, Arthur rejoignit enfin la pièce où se trouvaient réunies plusieurs personnes. Quelques visages inconnus, d'autres un peu plus. Marie trônait en maîtresse des lieux, son port altier n'avait pas changé. A ses côtés, le père de Maeve, croisé une fois... deux peut être... Deux jeunes filles près du buffet. L'une d'entre elles qui ressemblait furieusement à... Aleanore. Qu'elle a changé, la fillette... Qui n'en est plus une, les traits de l'enfance se sont indubitablement tous envolés. Un homme qu'il connaissait aussi... mais qu'il ne s'attendait pas à voir ici. Vu à Moulins il y a peu. Frère... frère de quelqu'un, non? Oui... un frère et une soeur venus à Moulins après la guerre. En compagnie du fils Varthak... Baste, il remettrait le nom plus tard. S'il y parvient...
Mais pas de Maeve en l'instant. Juste des regards posés sur lui. Plus qu'interrogateurs... Diable, c'est qu'il devaitt avoir l'air d'un pouilleux, au mieux. Cheveux poussiéreux, gouttelettes ocres perdues dans une barbe naissante, vêtements qui semblaient sortir tout droit d'un lynchage en règle...
Il passa une main dans ses cheveux en bataille, Arthur. Signe de malaise, chez lui... Déjà qu'il ne se sentait pas vraiment à sa place dans ce genre de lieux, ni pour ce genre d'évènements... Qu'il n'avait fait le déplacement que pour les deux fillettes Alterac... jeunes femmes... les deux jeunes femmes.
Eum... Bonjour tout le monde... J'ai un... cheval qui tient parfois plus de l'âne buté que du fier destrier... Et un tempérament de songeur auquel il faut bien que je fasse honneur.
Rapide révérence, pour mieux marquer le ridicule de la situation.
Arthur Dayne, Moulinois de passage, convié par Sa future Grâce Maeve...