Info:
RP à Lesparre, où Eloin apprend la mort de son mari.

Quand l'on devient veuve...

Hermès le Zélé

Oui, tout allait trop bien pour que cela continue, se disait le vieux messager en clopinant à travers le castel.

En ces premiers jours d'une nouvelle année, tout le monde espérait qu'elle serait meilleure que la précédente, comme à chaque fois. Pourtant, il est une personne qui verrait ses espoirs réduits à néant dans quelques temps, à cause d'une simple lettre, quelques mots annonçant une cruelle nouvelle...

Et, puisque la bien triste nouvelle était à destination de la dame de Chérancé, Hermès avait poursuivit sa marche jusque devant les appartements de la dicte dauna, espérant la trouver en sa chambrée.

Il toqua deux coups légers, sachant l'ancienne mainoise dotée d'une très fine ouïe.

Un message pour vous, dauna !

Louise

En plein ménage dans la chambre de l'oblate cistercienne, Louise ne pensait point être dérangée, aussi fut-elle secoué par un violent sursaut lorsqu'elle entendit frapper à la porte.

Se doutant bien que c'était pour Eloin, et non pour elle, la meschine se hâta d'aller ouvrir, prenant à sa charge la délivrance du courrier à la bordelaise.

Elle salua le fidèle messager de la mesnie d'un hochement de tête et d'un sourire.

Bonjour, maître Hermès. Eloin n'est pas là, elle s'est rendue en Bordeaux pour quelques jours, il me semble qu'elle souhaite reprendre la politique et qu'elle a été approchée récemment par une dame représentant un parti de Guyenne...

Hermès le Zélé

S'il fut un peu surpris à la vue de la Louise, il n'en montra rien, habitué qu'il était à dissimuler ses sentiments. Cela lui avait même sauvé la vie, parfois !

Cependant, son visage émacié se rida lorsqu'elle lui annonça l'absence de la mainoise. Il n'aurait voulu avoir à faire qu'à elle seule, pour une telle annonce, et voilà qu'il fallait déjà y mêler une simple servante ! Surtout qu'icelle avait la facheuse tendance à colporter ragots et ouï-dires en tous genres !

Retenant un soupir de contrariété, Hermès s'apprêtait à faire demi-tour et aller remettre la missive à la duquesseta, qui elle, saurait quoi faire, lorsqu'il entendit un bruit de sabots dans la cour. Se permettant d'entrer dans le cabinet, il traversa la pièce sans un regard pour la jeune meschine et se posta à la fenestre.

La voilà justement ! S'exclama-t-il un instant plus tard, le visage plus sombre encore qu'à son arrivée dans le castel, une heure auparavant.

Louise

L'antipathie qu'il s'attacha à dissimuler sous un masque de bienséance n'échappa nullement à Louise, et elle fut tentée d'en sourire. Mais elle se retint, craignant d'envenimer plus encore leur relation, si faible soit-elle.

Elle le regarda donc traverser la pièce comme s'il était chez lui, et attendit en silence l'arrivée de la dame en ses appartements, guettant les bruits de pas dans l'escalier d'honneur, tout en reprenant comme si de rien n'était le nettoyage de la chambre...

Eloin

Un mince sourire sur les lèvres, signe d'un certain contentement, Eloin pénestra en le castel de Lesparre, laissant sa jument aux écuries et saluant les serviteurs d'un hochement de teste.
Elle traversa prestement le tinel, désert en ceste heure, puys emprunta le grand escalier d'honneur pour rejoindre ses appartements.

Elle s'arresta néammoins net sur le seuil lorsqu'elle vict le célèbre messager de la famille de Vergy patienter dans le cabinet public, l'air ennuyé, et Louise tentant de faire son office sans paraistre trop impatiente de savoir ce qu'il avoit à dire.

Pressentant quelque chose d'important, Eloin prit le temps de retirer sa lourde cape de laine et de refermer la porte avant de saluer le vieil homme.

Bonjorn, maistre Hermès. Vous me semblez bien pasle, que vous arrive-t-il ?

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Hermès le Zélé

Tendu comme un arc, la cervelle tourbillonnant à toute allure pour trouver les mots justes, le messager vit arriver la jeune mère comme dans un cauchemar.

Les mots qu'elle prononça le sortirent de son hébètement, et il courba sa carcasse usée par le temps et les voyages en un respectueux salut, constatant avec soulagement que la dame semblait en bonne santé et de bonne humeur.

Humeur qu'il allait briser durement en lui donnant sa missive à lire, pourtant il ne pouvait se permettre de laisser tue une telle nouvelle. Ah ! Que ne donnerait-il, parfois, pour laisser son ingrate tâche à d'autres, et ne se consacrer qu'aux missives de bon augure !

Devant son silence, la bordelaise haussa un sourcil, et il se hâta de répondre, en s'approchant d'elle à pas mesuré, comme s'il craignait sa réaction.

Ma dame... J'ai là une bien triste missive à vous remettre... Je pense que vous devriez vous asseoir pour en prendre connaissance...

Eloin

Son instinct ne l'avoit point trompée, et une sourde inquiétude s'empara d'elle aux paroles du messager.

Pourtant, refusant de se soumettre au conseil de ce dernier sans en avoir une bonne raison, elle tendit la main d'une main impérieuse, exigeant la remise en main de la lettre pour juger elle-mesme de son contenu.

Le vieil homme la luy remit de fort mauvaise grasce, comme s'il savoit jà à quoi s'attendre. Et, de fait, la missive ne comportoit point de scel, donc le messager avoit pu la lire sans que nul ne puysse s'en rendre compte.
L'écriture cependant estoit reconnaissable entre mille, et le teint de l'oblate, coloré par la montée des escaliers, blesmit vivement à la lecture du vélin.

Citation:

Ma chère amie,

J'espère que tout va pour le mieux pour toi en Guyenne... Montmirail a bien changé depuis ton départ.

Je ne sais trop comment annoncer la nouvelle. La vie t'a déjà bien éprouvée, elle aurait pu t'épargner un peu...
Depuis quelques temps, Lorenzo ne se sentait pas très bien. T'en avait-il seulement informé ?
Hélas, malgré tous les efforts des médicastres, il n'a pas combattu le mal et s'en est allé en douce, la nuit dernière. C'est comme si il n'avait pas lutté le moindrement. Je ne crois pas qu'il ait souffert beaucoup.

Je suis de tout coeur avec toi et si je peux faire quelque chose, n'hésite pas à me le demander. Si tu n'étais pas si loin...

Je t'embrasse très fort.

Amicalement,
Lys

Les yeux exorbités, les larmes perlant à ses paupières, Eloin étouffa un gémissement étranglé en posant une main sur sa bouche, s'empeschant par là mesme de hurler sa douleur à la face du monde.

Lorenzo...

Doby... Son aimé... Sa moitié... Le père de son fils, celuy qu'elle avoit espousé en l'église de Montmirail un soir d'octobre, celuy sans qui elle n'avoit pu imaginer de vivre, celuy qui luy avoit apporté tant de joies et de rires...

Mort...

Mort, le père, le mari, l'amant, l'amy, le confident, le soleil de ses jours, le séducteur qui avoit vaincu les barrières de sa virginité, le sensible qu'elle aurait voulu protéger quoi qu'il arrive, le mary qu'elle avoit laissé loin d'elle pour aller s'installer près de sa filleule.

Mort...

Loin d'elle, loin de son fils, loin des deux estres qui estoient les plus chers à ses yeux, sans forces pour luy écrire son mal-estre... Il s'estoit éteint seul, dans le froid de l'hiver, alors qu'elle estoit en train de festoyer pour la Sainct Noel !

Oh ! Comme elle se pouvoit détester, en cet instant, elle qui avoit faict passer ceste noble mesnie avant sa propre famille ! Elle qui avoit faict le sacrifice de tant de jours aux costés de luy pour suivre la défunte duchesse dans ses voyages et escapades, sans qu'il ne luy en reproche rien. Elle qui estoit partie si loin de lui, brisant pour de bon un mariage trop vite fané, sans que l'amour ne s'en aille pour autant, les enchaisnant tous deux sans solution. Elle qui avoit éloigné un fils de son père, pour satisfaire ses envies personnelles, et qui se retrouvoit désormais avec ses regrets, et, plus tard, les reproches que ne manquerait point de luy adresser Enzo lorsqu'il serait en asge de comprendre...

Elle se rendit soudain compte que le messager et la meschine estoient toujours dans la pièce, la regardant souffrir, et c'en fut trop pour elle.

Laissez-moy seule, et que nul ne vienne me déranger sous aucun prétexte !

Et, voyant que ni l'un ni l'autre ne sembloient vouloir quitter ses appartements maugré sa demande, elle perdit tout controsle d'elle-mesme et les mit sans façon à la porte, refermant derrière violemment la porte derrière eux !

La missive de Lysesl toujours en main, elle reposa ses yeux sur le vélin noirci d'encre sans vraiment le voir, les yeux brouillés par les larmes, et s'effondra en exhalant un long gémissement de souffrance. Elle chut à genoux dans un bruit mat, laissant couler le long de ses joues les larmes bienfaitrices, et les hoquets secouer son corps...

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enzo

Bordeaux, Guyane, encore une fois. Les paysages qui défilaient devant ses yeux furent les mêmes, encore les mêmes. Pourtant, sa mère n’était point pareil, son silence le glaçait. Le petit homme suivait sa mère sans broncher le moindre mot. Le regard de sa mère, inquiet, empressé, tenaillait le petit estomac d’Enzo. Il ne l’avait jamais vu comme ça.

Inquiète.

Mise à part la suivre, Enzo n’avait point le courage de couper sa mère dans le monde dans laquelle elle venait de s’engouffrer. Ce monde qu’il ne comprenait pas encore et qu’il n’avait pas envie de comprendre. Qui pouvait donc travailler sa mère ainsi ? Ou plutôt quoi ?

Ses pensées l’amenèrent à trainer de plus en plus ses pas sans non moins perdre de vue les traces de sa mère. Qu’est ce qu’il pouvait y avoir à faire dans cette baronnie… Les écuries étaient pleines de chevaux attendant de partir l’aventure ! Aller dans le Grand Nord, tel un chevalier faire la guerre. Ceci dit, l’aventure n’était pas à l’ordre du jour. La silhouette d’Eloin s’éloignait, il laissa donc ses rêveries à l’écurie pour monter quatre à quatre le grand escalier d’honneur.

Une fois arrivé au dessus de l’escalier, tel un pro chevalier, Enzo, reprenait son souffle le buste fier. Mais où était donc passé sa mère ? Il n’y avait personne comme ci môman, avait passé le mot du silence aujourd’hui. Définitivement pas d’aventures aux écuries aujourd’hui. Lui qui voulait jouer aux brigands pour une fois…

Mère ?

Ce silence sourd devenait inquiétant, Enzo sentait son cœur danser dans ses entrailles. Mère,… Que se passe –t –il ? Un sentiment nouveau continua de le traverser, une angoisse de ne pas comprendre ce qui traversait sa mère. Son monde pouvait être bien compliqué parfois… Tout en avançant vers l’appartement, il vit un messager sortir du cabinet public. Il ne lui restait plus qu’à attendre, les aventures n’étaient vraiment pas pour aujourd’hui.

Non loin du Cabinet, il s’installa le long du mur jouant avec ses crottes de nez… Quitte à oublier ses aventures, autant jouer avec ses petits monstres qui abrite son nez.

Elianor

A mille lieues d'imaginer le coup qui frappait sa marraine, la poupée elle se réjouissait. Héraut de Guyenne, elle avait accepté d'officier lors des joutes organisées sur les terres de la vicomtesse de Fronsac. Des joutes pour obtenir la main de la jeune Alix! Voilà qui enflammait l'imagination de la gamine trop férue de romans, bien plus que le sordide mariage d'intérêt qu'elle allait elle-même contracter sous peu...

Et puis, cela annonçait des festivités, l'occasion de se mêler au monde, un petit voyage jusqu'à Fronsac.... Toutes perspectives alléchantes pour la poupée avide de divertissement.

Se disant qu'une telle distraction lui ferait en outre l'occasion de passer du temps avec sa marraine, trop peu vue ces dernières semaines, elle claudiqua jusqu'aux appartements d'Eloin afin de l'inviter à se joindre à elle. Trop bien élevée pour entrer sans s'annoncer, elle toqua doucement à l'huis pour prévenir.

Marinia? C'est Elianor, puis-je entrer?

Eloin

Hermès et Louise avoient déguerpis sans demander le reste, chacun retournant à ses tasches respectives, remarquant à peine l'enfant qui patienta alors dans le couloir.

Perdue dans sa douleur, Eloin ne l'entendit point immédiatement, croyant à une hallucination de son esprit chamboulé par ceste nouvelle. Pourtant elle l'avoit bien ramenée avec elle de son dernier voyage, pour sur, mais, trop abasourdie par le courrier de Lys et toutes les conséquences que cela pouvoit impliquer, l'oblate cistercienne avoit totalement oublié la présence de celuy qui estoit, en temps normal, son trésor.

Marinia? C'est Elianor, puis-je entrer?

La requeste de Boucles d'Or la fict revenir à l'instant présent en sursault, la faisant par là mesme se souvenir de l'appel d'Enzo. Se relevant péniblement, elle essuya les larmes ayant ravagé son visage avec sa manche, osta sa coiffe qui luy enserroit le crasne, laissant redescendre sa brune chevelure en cascade le long de ses épaules.

Entrez, Elianor ! Lança-t-elle d'une voix assourdie par les trop nombreuses larmes versées. Et faictes entrez Enzo, s'il vous plaist !

Tirant une chaire à hault dossier devant la cheminée pour sa filleule, elle s'installa pour sa part dans une seconde, installant tout près d'elle un tabouret pour son fils.
Et tenta vainement de sourire pour les accueillir, se préparement mentalement à leur annoncer la nouvelle sans fondre à nouveau en larmes et se donner ainsi en spectacle devant la duquesseta, et son fils par la mesme occasion. Ce garçonnet à qui elle avoit enseigné de ne point montrer ses faiblesses pour éviter de se les voir reprocher, elle ne vouloit point luy donner le mauvais exemple, mesme en ceste dure circonstance...

Asseyez-vous...

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