Aléanore, incarné par Eusaias
[Vingt-cinquième jour de janvier de 1458, quand sonne Prime.]
Cest un nouveau jour qui sétait levé sur lAnjou, un nouveau jour où les rayons de soleil glissent sur la chambre dune adolescente assoupie.. Non, Aléanore ne dort pas ce matin-là, trop occupée quelle est à veiller sur le sommeil de deux fillettes dormant sur les couches installées dans sa chambre. Pour quelles obscures raisons, la jeune fille avait-elle réclamé la présence des enfants dans sa chambre alors que Château-Gontier en était rempli, nul naurait su le dire, et Aléanore encore moins que les autres, comme rien ne peut expliquer la raison de son éveil toute la nuit durant où le moindre frémissement des petits corps lui avait arrachée des sursauts de peur. Aussi le soleil hivernal de ce matin de janvier avait-il trouvé lEtincelle emmitouflée dans une fourrure sur le rebord de sa fenêtre, dans lattente du réveil du château, pour se préparer, assister au lever de la Duchesse, préparer les deux enfants et rejoindre Saumur où tout se passait pour elles. Voilà, une journée qui débute comme toutes les autres depuis quAlycianne et Natsuki sont arrivées à Saumur pour rejoindre une Etincelle pas du tout au courant. Mais ce nest que le début de la journée justement.
[Après la rencontre avec un Borgne, pour None.]
Dans la cour de Château-Gontier, Aléanore, surexcitée, descend du coche, laissant à Clarisse le soin de récupérer une Fiora que lexcitation de sa petite maitresse a mis sur les nerfs, et la jeune fille tenant dans la main, un couteau à la lame recourbée de se diriger à toute allure vers les écuries, vision effrayante pour qui connaît lEtincelle, et les lads de sécarter à vive lallure de la jeune fille aux tendances sadiques qui est armée cette fois. Mais point de torture ce jour, la poupée sanglante veut juste montrer son nouveau cadeau à son ami, son seul vrai ami, celui qui sait tout mais qui ne répètera jamais rien, celui qui sait la réconforter sans paroles vaines. Et aussi, est-ce dans une envolée de jupons que la jeune fille sengouffre au fond des écuries pour gagner la stalle réservée à lorgueilleux étalon, couteau à la main, la porte du box est ouverte à vive allure et la jeune fille est déjà contre lanimal, arme en main. Contraste étonnant que le petit bout de femme qui se tient près de lanimal à la carrure imposante mais des pattes puissantes ou de la lame incurvée, qui pourrait le premier tuer ? Ni lun, ni lautre, puisque déjà, lEtincelle se glisse entre les pattes avant de létalon, appuyée contre le poitrail fort, doigts qui glissent sur la lame, tandis quelle raconte à lanimal à mi-voix, murmures entre eux deux, haineux de la vie, éternels assoiffés de violence. Le couteau ? Cest un borgne qui lui a offerte. Maleus, qui connaît sa mère. Le borgne lui a expliquée quavoir une arme ce nest pas tout, il faut aussi savoir sen servir, mais elle apprendra, tout sapprend, Aléanore le sait. Alors elle raconte encore à létalon qui était encore un poulain, il y a peu, la lame nest pas faite pour planter, mais pour trancher, les noisettes étincellent quand elle explique à lanimal que cest pour faire un deuxième sourire, et que le borgne avait surnommé larme : Légorgeuse de maréchaux. Et cest avec le sourire que la jeune fille raconte tout cela, parce que cela signifie quelle pourra un jour se venger, lui faire payer. Mais en attendant, elle doit faire vite, elle appris que la Féline de la Zoko voulait la mort du Balbuzard, et dans lesprit de la jeune fille, il nest pas question que quelquun dautre quelle puisse le tuer.
-« Nous laurons, Bélial. Tu maideras nest-ce pas ? »
Les bras malingres de la jeune fille senroulent autour de lencolure puissance de lanimal, sa robe serait gâchée, mais tant pis, il y en aura dautres. Laffection dun ami, la chaleur voilà ce qui manquait à la jeune fille qui essayait dentourer ceux quelle aimait dune tendresse souvent étouffante, et létalon, instinct animal aidant, constitué à lui seul, la dose de chaleur et de réconfort nécessaire à une jeune fille trop orgueilleuse pour admettre quelle avait besoin des autres. Alors quelle se laisse bercer par la respiration profonde de lanimal, un murmure, un souffle la tire de ses rêveries, visage qui se tourne pour tomber sur une Clarisse qui tente de lui souffler des informations sans se faire remarquer de lanimal qui linquiète, entre deux claquements de dents, lEtincelle apprend quil est question de ceux quelle avait fait demander. Geste de la main pour linciter à les faire venir, elle na pas envie de se déplacer, de quitter le cocon réconfortant et chaleureux de lanimal. Une flatterie à la bête avant dépousseter quelque peu sa tenue, et puis quimporte même si elle avait chevauché lanimal dans le cas où elle serait capable de monter à cheval elle était sure quelle était bien mieux habillée que ceux qui ne tarderaient plus à arriver.
Appuyée contre lanimal, épaule contre épaule, chevelure dénouée, tombant en vagues sombres sur le corps frêle, yeux cernés, et un couteau fait pour les mutilations dans la main gauche, la jeune fille attend sagement, sourire cruel aux lèvres. Enfin son heure approche, lentement, inexorablement. Car si elle ne peut le tuer elle-même, elle veut quil meurt en sachant que cest elle qui a commandité sa mort, et si les hommes de main échouent, cela lui laissera le temps dapprendre, ainsi se déroulait le plan dans lesprit de lEtincelle. La mort, toujours, seul et unique alternative quelle lui laisse. Et ce sont des noisettes étincelantes dune lueur meurtrière qui se posent sur les trois hommes quelle a fait venir, lentement, elle les détaille, des faciès peu amènes, mais au demeurant assez communs.
-« Lhomme est en Bourgogne. Je le veux mort. Je veux quil souffre. Je veux quil sache que cest moi, avant de mourir. »
Les mots sont lâchés, froids, durs, cruels et sans appel, et alors quelle les a déjà oubliés et quelle pose sa joue contre lencolure de la bête, celui-ci renâcle et piaffe, noisettes relevées sur lun des trois hommes qui sest avancé. Sourcil arqué, la main se resserre sur la garde du couteau. Pas de peur sur le visage du coupe-jarrets, de létonnement peut être en voyant une jeune fille avec une arme si peu conventionnelle protégée par un étalon, et la voix sifflante sélève.
-« Des preuves de sa mort ? En voulez-vous ? Un doigt ?Une oreille ? »
Doigt à longle crasseux qui se glisse dans léchancrure de son col pour pouvoir respirer pour allégrement, dévoilant une cicatrice le long de la gorge. Un instant la surprise sinsinue sur le visage de porcelaine de la poupée avant quil ne laisse place à un masque haineux, et finalement, cest un rire qui séchappe des lèvres de la jeune fille, décontenançant tout à fait les trois malfrats.
-« Il est dommage quil soit mort, au final, il a su faire son travail jusquau bout. Et parfaitement. » Il ? Rappelez vous le valet téméraire ayant posé la main sur lEtincelle. « Non, je ne veux pas de bout de lui, mais oui, je veux des preuves, trois. Son épée, le ruban qui tient ses cheveux et un chapelet quil a autour du cou aussi. »
Preuves dérisoires aux yeux des trois hommes qui ne laissent rien paraître et sen retournent chercher les derniers ordres auprès dune Clarisse bien trop débordée par tout cela mais qui se contente de faire. LEtincelle quant à elle, sourit dans la stalle de lEtalon. Et se laisse même aller à rire aux éclats dune joie éperdue, simaginant avec Victoria, Son épée dans les mains, ce ruban lui venant de sa défunte épouse, Enyz et le chapelet quelle-même lui avait offert. Alors oui, si ces trois objets lui revenaient, le Balbuzard ne serait plus. Et le rire de lEtincelle de sélever de plus belle dans les écuries de Château-Gontier, mélodie dun cur en folie.
--Araignee
Un sifflement sordide dans les rues de Sémur, trois hommes qui se profilent dans le brouillard opaque de la Bourgogne hivernale et après, quelques paroles échangées à mi-mot, les trois hommes se séparent. Le siffleur nest autre que lAraignée, visage fin, corps musclé mais sec, et pour qui survit à lapproche de lhomme, une vision dhorreur en regardant le corps du malfrat couvert de la tête aux pieds de coutures, certaines fois pour recoudre une plaie, refermer une blessure, dautre fois, parce que lAraignée a appris à tisser lorsquil était enfant et que sur la paume de sa main, est brodée une araignée, aptitude à tout coudre, tout broder, les fils, son lien avec linsecte, mais aussi le poison, affectionné par lhomme. Et le sifflotement sélève, se tend, redescend, dormez bonnes gens, nous ne faisons que passer, ce sera vite fait, dormez bonnes gens, nous ne faisons que tuer, vous nen entendrez presque pas parler.
Toute à la joie de la mission confiée, lhomme fin sadonne une danse, le menant jusquà la demeure de lhomme, on en fait le tour une fois, deux fois. Pas dentrée possibles par le bas, quà cela ne tienne, un fin cordage est déployé puis jeté sur le toit, accrocher le tout à une corniche, et la façade de la maison est escaladée pour gagner une fenêtre ouverte, où lAraignée sinfiltre, prenant garde de détacher le fil. Demi-tour pour sapprocher silencieusement du lit, et constater que ce nest pas un homme qui dort là, mais un enfant et un chiot qui se réveille, viande farcie aux grains de pavot jetée, et avalée tout rond, et pendant que lanimal se rendort, le tueur sapproche du lit. Quavait-elle dit la servante de leur commanditaire ? Il y aurait un petit blond, ne pas y toucher. En temps normal, lAraignée aurait fait fi de la recommandation, ça faisait toujours une vie volée à broder sur le bras où salignaient un point de croix pour chaque mort, mais la haine discernée dans les yeux de leur expéditeur le dérangeait plus que tout. Et sans un bruit, lAraignée quitte la pièce, direction la deuxième chambre, lamelles de viandes fourrées en main, lassassin se glisse dans la chambre où sommeillent le maitre des lieux et ses trois dogues. Décidément, les informations étaient précises, puisqueffectivement au pied du lit, trois énormes chiens se redressent. La viande finit entre leurs pattes, lAraignée se plaque contre le mur, ne pas bouger, attendre leffet du somnifère, et enfin, il sécarte, parcourant du regard la pièce, de la besace sont sortis un vélin et une fiole. La carafe de vin sur la table de chevet est avisée, la cigüe est déversée dans le verre, tandis que la note vient se poser à côté du verre. LAraignée na pas compris, mais est payée donc obéit. Etrange petit bout de femme. Les prunelles au gris délavé fixe lécriture nerveuse tracée à lencre rouge sombre, du sang.
Citation: Aujourdhui, tu meurs. Avec toute ma haine, mon Amour. A.
Méfaits accompli, lAraignée revient sur ses pas, la couverture remontée sur lépaule du garçonnet, se prenant à prier pour que la jeune fille ne laime jamais comme elle aime lhomme qui va mourir aujourdhui. Fenêtre passée et refermée, Araignée plantée sur la corniche qui cherche des yeux, avant de se glisser vers la fenêtre du Balbuzard et de surveiller discrètement le réveil du futur mort. Dieu que les femmes sont cruelles.
Eusaias
Un il souvre, puis un second, le bec remue, le Balbuzard se réveille. Il sétire et râle. Une chose froide et lourde gène ses doigts. Analyse rapide
cest la *gling* cest trop tard, cétait la cruche deau. Il y a des matins comme ceux là, ou tout semble difficile. Il vire les draps, dévoilant aux quatre murs son corps nu, noueux et au combien cicatrisé. Il sassoit au bord du lit et prend sa tête lourde dans ses mains. Le martel lui rappelle gentiment le vin et la liqueur de la veille.
La veille, une taverne de lalcool, des femmes et ses hommes. Ses hommes, connu aussi sous le sobriquet décorcheurs ou Corbeaux de saint Robert, étaient quasiment tous danciens soldats. Rires sonores, langages grossiers, corbeaux étaient de grands buveurs et quand on veut simposer comme chef, il faut surpasser tout le monde. Mais, comme à chaque fois il y a un mais
Quand dans ses hommes il y a nombreux membres de la confrérie des assoiffés et que lun de ses compagnons de misère à la descente dun ogre, les choses se compliquent.
Rochefort, Lukenaton, Tip et les autres avaient passé la soirée à sabreuver, se vantant de leurs faits darme et réclamant duel et pugilat à ceux qui osaient leur demander de baisser dun ton.
Cest titubant et appuyé sur sa protégée Jusoor et son amie Lady que le balbuzard avait retrouvé le chemin de sa couche. Sans doute était ce luvre des demoiselles sil était nu ce matin.
Voulant soigner le mâle par le mal, comme il aimait le dire, il sextirpe donc du lit et descend les escaliers usés de la bicoque.
Un courant dair des plus froids enveloppe son corps et le fait frissonner. Il ferme un carreau visiblement resté ouvert de la veille et rejoint la table. Il ouvre la bouteille de pinard et en verse dans un verre. Il faut bien ça pour faire cesser le marteau.
Regard qui se porte sur les carreaux. Le balbuzard foudroie du regard le bougre qui le lorgne en tenue dAdam. Serait-ce sa virilité qui intrigue le gueux. Il crispe le point et fait bander ses biceps.
« Tes jaloux ? »
Sourire niais sur le visage du provocateur sémurois. Les onyx se portent sur un papier.
Citation:Aujourdhui, tu meurs. Avec toute ma haine, mon Amour. A.
Un éclair de lucidité le traverse, le gueux
. Le balbuzard lâche lécuelle et saisit le couteau à pain sur la table avant de fondre à lextérieur. Première grimace qui se forme lorsque le pied prend place sur les pavés de la ruelle. Il est nu, il fait froid et lidiot qui veut lui faire rendre gorge séchappe.
« Fils de rien ! Butor ! Foie jaune ! »
Il sprinte dans les rues, virage à gauche, traverse la place du marché qui commence à sactiver
et perd de vu le larron.
« PLEUUUUUUTRE ! »
Une chose le ramène à tout de suite, le regard de la vieille rombière qui sert de poissonnière. Elle le dévisage, même si le visage ne se situe point là.
« Quoi ten a jamais vu ? »
Une chose dont le balbuzard peut se vanter cest quil nest pas du genre à rougir de honte facilement.
« Le truc est de rester naturel, toujours rester naturel. » Voilà ce quil se dit.
« Gaston ! Donnez moi une pomme, je passe vous la payer plus tard, jai oublié mes écus dans mes poches. »
Quoi de plus vrai ceci dit.
« Merci lami ! Je vais rentrer avant de prendre froid
Je repasse plus tard»
Et cest rassasié dune pomme quil retrouve la chaleur de sa maisonnette. Bien que la chaleur lui cuit les joues, il se place près de la cheminée, balayant machinalement la pièce du regard.
Tout près de lécuelle renversée, tête dans le vin au sol, babines pleines décume blanchâtre, « Triple buse » le plus petit de ses dogues de bordeaux git. Grimace sur le faciès doiseau de proie.
« La gârce, une cuvée de Maussac-Thezan quelle ma foutue en lair »
Oh oui, lécriture et le style prétentieux ne pouvait appartenir quà une personne : Aléanore, sa promise._________________
Eusaias
Sémur la rieuse est le berceau de la confrérie des assoiffés. Confrérie, qui comme son nom lindique regroupe les plus grands buveurs du Royaume de France. Pour ce fait historique, chaque sémurois possède une cave des plus fournies.
Cest en cette cave que le Balbuzard cest glissé, dhumeur mauvaise après le réveil catastrophique auquel Aléanore Alterac, sa promise, la convié. Le Mauvais hume lair, rien ne va
Une chose lincommode, mais il ne trouve pas quoi. La trahison de la petite Alterac sans doute, la belle enfant la quitté en plein Mâcon la rusé, après leur nuit damour. Nuit damour
Il le croit toujours. Sa main est guidée par la rambarde afin déviter la chute si le pied vient rater la marche.
Foutus escaliers, il faudra les changer avant que Cassian commence à vouloir jouer en bas et se rompe le coup en glissant. Il tâte le bois de la dernière marche du bout de sa botte, le bois est trop humide, trop vermoulu.
Lhomme au faciès doiseau de proie est tout sourire quand il voit « ses bébés », qui sont sept gros fûts de vin. Trois sont pour lui en cas de soif, les quatre autres seront portés à la foire en Hollande. Les pays bas regorgent de choses intéressantes, que ce soit ses drôlesses, ses bars à marins ou sa foire. Rotterdam accueille chaque année une foire des plus célèbres, foire dans laquelle tout se trouve, du clou à lanimal de compagnie en passant par luvre dart, la catin bon marché et la fausse monnaie. Eusaias y fait pèlerinage tous les 3 ans.
Les mains du balbuzard nettoient le couvercle dun tonneau sur lequel on peut lire :
Citation:Haute Côte du Beaune
Domaine de Protas
Cuvée : mil quatre cents vingt-neuf
« Voilà qui fera laffaire »
Il saisit son marteau à tonneaux, le pose sur le couvercle. Il essuie ses mains
Grimace
et fait jaillir monsieur stylet de sa manche, avant de lenvoyer pointe en avant sur ses arrières. Le couteau a saisi sa proie, il en est certain. Le Balbuzard ne se retourne pas, mais il prend le marteau dans sa main.
« Qui es tu ? Donnes moi ton nom que je sache qui je vais tuer.»_________________