Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP ouvert] Confessions sous silence

Terwagne_mericourt
Parvis de la Cathédrale de Vienne :

Silhouette fragile, comme effacée par la brume noyant ses propres pensées, la femme qui s'avançait en cet instant vers les marches de l'édifice n'avait plus rien de l'attitude pleine d'assurance et de certitude qu'on lui connaissait depuis quelques temps au castel de Pierre-Scize et en place publique. Et à moins de parvenir à discerner ses traits malgré le fait qu'elle marchait le visage baissé vers le sol, il aurait été impossible de reconnaitre en elle la Dame de Thauvenay.

Ses lèvres murmuraient un chant connu d'elle seule sans doute, sans même qu'elle en aie vraiment conscience.



"Je suis entré dans l'église
Et je n'y ai vu personne
Que le regard éteint du plâtre des statues
Je connais un endroit où il n'y a rien au-dessus
Je pense encore à toi.
J'aurais dû me méfier des vents qui tourbillonnent
De ces pierres qui taillent cachées sous l'eau qui dort
De ces bouts de ruisseaux qui deviennent des ports
Je pense encore à toi"

(Cabrel, fonds musical)

Perdue une fois de plus dans ses interrogations, elle ne prit conscience d'être parvenue à hauteur de la première marche que lorsque son pied butta contre. Alors, relevant légèrement sa robe - juste suffisamment pour ne pas s'y trébucher - elle entreprit l'ascension de l'escalier la menant vers le silence et le face-à-face avec elle-même qu'elle était venue chercher là.

Il était encore bien tôt, et le froid de l'aube provoquait une légère buée au niveau de ses lèvres.

La hauteur plus qu'imposante de la façade de pierre n'étendait pas encore son ombre sur le parvis, mais cela ne l'empêcha pas de se sentir une fois de plus bien peu de choses en comparaison. Le bâtiment en avait sans doute déjà vu des dizaines, des centaines même, de femmes perdues comme elle-même en ce moment, et serait le témoin muet des larmes et sourires de centaines d'autres dans les siècles à venir. Mais pour l'heure, celle qui n'avait ce matin-là absolument plus rien d'une tempête dans la démarche, ni dans le port de tête, était à mille lieues de penser aux autres. Elle ne pensait qu'à elle et aux tourments de son âme.

S'arrêtant un instant sous le portique de gauche, elle releva longuement la tête, caressant de son regard voilé de tristesse les robes des statues le décorant. Comme elle aurait voulu être de pierre comme elles! Lisse au point que tout lui glisse dessus, froide au point de ne jamais rien ressentir!

Finalement, elle poussa la porte de bois et resta à nouveau immobile un instant, le regard perdu sur la longueur du bas-côté qui s'étendait devant elle.

Il n'y avait personne, et elle en fut soulagée.

Alors, elle se décida à entrer, refermant derrière elle, s'avança d'une démarche glissée jusqu'à la moitié du bâtiment, et choisit un banc sur lequel s'assoir afin de prier le Très-Haut de l'aider à calmer les tourments de son coeur, mais aussi et surtout qu'il l'aide à trouver comment comprendre sa nièce.

Alors qu'elle s'apprêtait à prendre place, se penchant légèrement vers l'avant, un rouleau de parchemin s'échappa de son corsage et tomba sur le sol. Ses yeux s'y posèrent et s'embuèrent plus encore.

Une poignée de secondes plus tard, une larme roulait sur sa joue.

_________________
Wilgeforte_
Che ghe vegna la giandussa !

Dans les moments de grand énervement — ou de grand plaisir —, c’est toujours notre langue maternelle qui ressort, paraît-il. Wilgeforte venait, bien malgré elle, de confirmer cet axiome. La Sicilienne était assise à une table du centre de recherche du séminaire Saint-Antoine, un monceau de livres et de rouleaux de parchemins étalés devant elle.

J’ai beau avoir appris à connaître Odoacre le Corinthien depuis quelques mois déjà, ces Hellènes n’ont décidément pas fini de m’étonner, dit-elle à vive voix, comme pour se donner du baume au cœur.

Car les livres et parchemins s’amoncelant devant elle étaient autant de grammaires et de lexiques de la langue grecque antique : Wilgeforte était occupée à tenter de comprendre un texte fort ancien et particulièrement retors.
Pour elle qui avait dès son plus jeune âge fait vœu de virginité éternelle, les livres faisaient office de grand amour : ils étaient tombés amoureux l’un de l’autre très tôt et, depuis, ne s’étaient plus quittés. Oh, bien sûr, parfois ils échangeaient quelques épithètes fort peu aristotéliciens, mais ils finissaient toujours par se réconcilier. Un vrai vieux couple !

Désabusée par son échec, elle décida d’aller s’oxygéner le cerveau. Les frimas s’estompaient peu à peu et elle prenait plaisir à sentir la douceur reprendre ses droits petit à petit. Wilgeforte détestait le froid — cela semblait naturel, pour une Sicilienne.
Après une dizaine de minutes passées à déambuler dans les rues de la capitale religieuse des duchés, Wilgeforte sentit que ses membres s’engourdissaient et décida de se diriger vers un endroit où la chaleur était plus intense. D’aucuns auraient choisi une quelconque taverne mais Wilgeforte, elle, choisit la cathédrale : la chaleur divine était celle qu’elle recherchait.

Poussant la porte de l’imposant édifice, elle s’avisa de la présence d’une fidèle sur un des bancs. S’avançant vers elle, elle reconnut rapidement la chevelure du bailli des duchés, qu’elle avait déjà croisée à plusieurs reprises à Lyon et à l’hôtel de l’Alliance.
Plus Wilgeforte s’approchait de Terwagne et plus elle se rendait à l’évidence : le bailli était en larmes.

Silencieusement, la main préalablement dégantée de la Sicilienne se posa sur l’épaule de Terwagne.

_________________
Terwagne_mericourt
Sur le sol, un parchemin roulé.
Sur le parchemin, un regard posé.
Au bord de ce regard, des cils mouillés.

Elle qui quelques instants plus tôt aurait pu admirer les personnages des chapiteaux historiés de la cathédrale ressemblait à présent à l'un d'eux. Figée, comme si le temps n'avait plus d'emprise sur elle, le geste de sa main se tendant pour ramasser la missive arrêté en plein vol, on aurait pu croire sans mal qu'un sort venait de la changer en pierre.

Pourtant, si son corps n'était plus que marbre, il cachait en son sein à la fois un volcan, une mer déchaînée, et surtout une boussole désaimantée.

Cette lettre, elle ne parvenait pas à la ramasser, certaine que le faire serait déjà un pas vers une éventuelle réponse, dans un sens ou dans l'autre. Une réponse qu'elle avait tenté en vain de faire durant toute la nuit, sans parvenir à tracer ne serait-ce que les lettres de l'entête.

Que répondre? Que décider?

Tandis que les minutes s'écoulaient dans le grand sablier de nos vies, dans sa tête à elle revenaient comme une litanie certains passages de ce qui la mettait dans cet état.

" Ce dilemme, je ne veux vous l'imposer... "
" Je ne veux donc vous faire choisir... "
" Mais si je puis vous fournir un conseil, choisissez ce que votre coeur vous dit..."
" Et non votre raison..."

Ce dilemme, il était bel et bien présent en elle, oui.
Choisir, elle s'en savait incapable.
Son coeur, il lui hurlait des choses contradictoires et incompréhensibles.
Sa raison, elle l'avait égarée lui semblait-il.

Ce choix, elle ne le ferrait pas, non!
Il lui était bien trop compliqué à faire!
Il lui briserait le coeur, dans un sens comme dans l'autre!

Et si ce n'eut été l'engagement qu'elle avait envers le Conseil Ducal, elle aurait sans doute déjà fuit, se serrait évaporée dans la nature sans laisser de trace pour ne pas avoir à faire ce choix.

Choisir... Le propre de l'homme parait-il.
Et soudain, elle se demanda si elle était humaine...
N'était-elle pas plutôt un monstre, une erreur de la nature?

Une main se posant sur son épaule la fit brusquement sortir de sa léthargie, avec un "oh" de surprise étouffé par ses sanglots.

Reconnaissant la propriétaire de cette main, elle essuya d'un revers de sa manche les larmes qui s'apprêtaient à s'échouer sur le sol dallé, et balbutia quelques mots tout en se relevant.


Votre Excellence.

J'ignorais qu'il y allait avoir une célébration, je ne voulais pas déranger, je suppose que vous êtes là pour préparer l'office.

Je repasserai un autre jour.


Déjà elle se mettait à contourner la demoiselle, ne voulant point s'attarder dans des lieux qui étaient sans doute plus destinés aux messes qu'aux jérémiades féminines.
_________________
Wilgeforte_
Wilgeforte avait tant espéré, plaçant sa main sur l’épaule de Terwagne, ne pas la faire sursauter, que le soubresaut du bailli lui fit ressentir un pincement au cœur. Terwagne se leva, contourna maladroitement Wilgeforte. Elle était sur la défensive.

Votre Excellence. J'ignorais qu'il y allait avoir une célébration, je ne voulais pas déranger, je suppose que vous êtes là pour préparer l'office. Je repasserai un autre jour.

Son ton tendu le confirmait.

Ce n’est pas le cas, ma sœur.
D’une part, jamais je ne laisserai un fidèle dire qu’il gène alors qu’il se recueille dans la maison de Dieu. D’autre part, il n’y a aucune cérémonie prévue en ce jour.
Je venais ici afin de me recueillir, tout simplement.

De la tension, oui, certainement. Mais pas seulement. Il y avait autre chose.
Quelque chose d’autre… mais quoi ? Wilgeforte voyait parfaitement bien que les yeux de Terwagne étaient rougis. Elle avait pleuré. Il y a mille raisons de pleurer.

L’italien et le français possèdent le mot « tristesse ». Le commun des mortels, voyant quelqu’un pleurer, conclut : « il est triste ». Mais il y a mille raisons d’être triste. Les langues devraient oublier ce mot afin de ne se concentrer que sur les termes plus précis : « mélancolie », « déception », etc.
Or, Wilgeforte buttait : elle n’arrivait pas à aller plus loin que le terme global. Terwagne, qui lui avait confié un jour aimer les arbres, avait une écorce bien dure à percer.


Peut-être, ma fille, l’humble servante de Dieu que je suis puit vous être d’une quelconque utilité ? Mais peut-être êtes-vous venue ici dans le seul but de Lui parler, auquel cas je vous laisserai à votre recueillement.
_________________
Terwagne_mericourt
Tentant de récupérer une expression neutre sur le visage, elle écoutait en détournant le regard - chose qui ne lui ressemblait pourtant pas - sa vis-à-vis.

Comment lui répondre de façon polie qu'elle était surtout venue ici pour réfléchir seule, pour se parler à elle-même sans rien qui puisse détourner son attention? Peut-être simplement avec franchise...


Je ne pense pas que vous puissiez m'aider, malheureusement.
A vrai dire, je n'ai besoin que de trouver une réponse en moi.


Un sanglot étouffé brisa la fin de sa phrase, la laissant un instant silencieuse et le visage livide, malgré tous les efforts qu'elle faisait pour enfouir au plus profond d'elle-même ses états d'âme.

Disons que j'espérais parvenir à choisir lequel des deux chemins s'offrant à moi je devais emprunter.
Mais y en a-t-il un bon et un mauvais?
Pourquoi serait-ce le cas d'ailleurs?


Se rendant soudain compte que bien plus qu'à Dame Wilgeforte c'était à elle-même qu'elle parlait, elle se tut aussi brusquement que ce que ses mots avaient jailli.

Une lèvre mordue et des doigts noués bien nerveusement plus tard, elle finit par reprendre la parole.


Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour votre gentillesse et ne voudrais pas vous empêcher plus longtemps de vous recueillir vous-même, puisque c'était votre but premier.
_________________
Wilgeforte_
Wilgeforte remarqua le mal-être de Terwagne. Cette hésitation ne lui ressemblait pas.

Je ne pense pas que vous puissiez m'aider, malheureusement. A vrai dire, je n'ai besoin que de trouver une réponse en moi.

Après avoir dit cela, Terwagne avait réprimé un sanglot tant bien que mal. Cela non plus ne lui ressemblait pas.
Wilgeforte déclara alors simplement :


Ma fille, vous éprouvez le besoin de chercher en vous car Dieu est en vous. Votre volonté d’introspection reflète un désir sous-jacent de parler avec Lui.

Suivirent diverses interrogations :

Disons que j'espérais parvenir à choisir lequel des deux chemins s'offrant à moi je devais emprunter. Mais y en a-t-il un bon et un mauvais ? Pourquoi serait-ce le cas d'ailleurs ?

Cela éveilla nombre de souvenirs en l’esprit de la théologienne.

Ma sœur, votre questionnement me fait penser à un passage du Livre des Vertus. Je ne le connais pas par cœur, mais il s’agit d’un verset du deuxième chapitre de la première partie du premier tome.
Il explique comment Dieu a fait don du libre-arbitre aux hommes. Certains théologues refusent de l’admettre, mais ce passage prouve bien que notre destinée n’est pas écrite : Dieu n’a pas voulu créer une prédestination. Il a simplement décidé d’un certain nombre de routes et d’un certain nombre d’embranchement, certains étant plus intéressants à choisir que d’autres. La vertu n’est ainsi que la capacité à choisir les bonnes directions.
Il existe donc bel et bien des bonnes et des mauvaises routes. Et si Dieu nous a laissé la possibilité de choisir, Il nous a donc laissé la possibilité de nous tromper. Nous sommes imparfaits en bien des points, ma sœur, et il n’y a pas de quoi se désoler pour cette immuable réalité.

Torsion de doigts, mordillage de lèvres… Où était passée la conseillère ducale volontaire et sûre de soi ? Et, surtout, qu’est-ce qui avait bien pu la ravir ? Certainement pas un souci d’ordre professionnel ou public : Terwagne était forte. Cela relevait donc de la sphère du privé. La curiosité de Wilgeforte était plus que titillée…

Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour votre gentillesse et ne voudrais pas vous empêcher plus longtemps de vous recueillir vous-même, puisque c'était votre but premier.

Le message était clair. Wilgeforte inclina la tête et répondit sobrement :

Je vous souhaite de trouver la paix.

Puis elle s’éloigna, se dirigeant vers un prie-Dieu à l’autre bout de la cathédrale. Terwagne semblait avoir besoin d’intimité.
_________________
Terwagne_mericourt
Le passage du Livre des Vertus auquel venait de faire allusion Soeur Wilgeforte, elle le connaissait elle-même fort bien, et pour cause elle se souvenait avoir fait une messe basée sur ce passage précisément.

D'ailleurs, c'était assez étrange, au fond, mais de ces moments où elle avait été Diaconesse en Berry, aucun ne semblait s'être effacé de sa mémoire. Pourquoi? Elle n'en avait aucune idée, et il n'y avait sans doute pas vraiment de raison...

Plusieurs routes, des bonnes et des mauvaises... Oui, mais comment faire pour ne pas se tromper, justement? Comment?!

Faire un faux pas, chuter, cela ne l'effrayait pas, au fond. Son soucis, c'était que dans ce cas précis, son choix influerait sur la vie d'une autre personne, une personne qu'elle aimait.

Regardant s'éloigner celle qui venait de tenter de l'aider, elle se demanda si finalement elle n'aurait pas du lui ouvrir son coeur, lui parler de ce qui la mettait dans cet état... Peut-être que la demoiselle l'aurait aidée à y voir plus clair, simplement en lui permettant de mettre des mots sur ses maux.

Mais non, une fois de plus il avait fallu qu'elle refuse la main tendue, trop fière, trop décidée à s'en sortir seule ou même à plonger seule plutôt que de demander de l'aide!

Oui, trop fière! Seulement, dans ce cas précis, sa fierté risquait de causer bien des dégâts dans le coeur d'autres qu'elle-même... Et cela elle ne pouvait l'accepter.

D'une voix timide, elle tenta de revenir sur son refus de quelques instants plus tôt, murmurant en direction de celle qui s'éloignait les mots suivants :


Je n'entends plus mon coeur...
Je n'entends plus non plus ma raison...

_________________
Wilgeforte_
Elle s’éloignait, sincèrement convaincue que sa présence indisposait Terwagne, et avait déjà résolu de ne se recueillir que brièvement afin de procureur un maximum d’intimité au bailli quand elle entendit cette dernière murmurer :

Je n'entends plus mon cœur... Je n'entends plus non plus ma raison...

Wilgeforte ne savait trop à qui cela était adressé. Étant donné qu’elle était seule présente dans la cathédrale, cela était destiné soit à elle soit à Terwagne elle-même. Il n’y avait aucune autre possibili…
Wilgeforte eut du mal à retenir sa main : celle-ci avait entamé un mouvement de percussion en direction du front. Mais bien sûr ! Comment était-elle passée à côté de ça !

Revenant sur ses pas à une allure seyant fort peu au lieu, elle pointa vers Terwagne un index signifiant « ça y est, vous venez de l’avouer vous-même ! ».


Votre cœur et votre raison sont deux choses soumises à un nombre incalculable de facteurs extérieurs. Il est naturel que vous ne les entendiez ni ne les compreniez plus : ils sont humains, et donc faibles.
Dans ces moments d’humain et compréhensible désarroi, il convient de se tourner vers le seul être immuable. Vous savez, Celui qui vous a poussé à venir jusqu’ici et Celui à qui, bien plus qu’à moi — qui ne suis que Son humble servante — vous avez murmuré ces phrases.

Et Wilgeforte attendit. Elle aurait pu continuer, mais n’en avait pas décidé ainsi. Elle avait fait le premier pas : à Terwagne d’emboîter, sinon Wilgeforte risquait de continuer seule.
_________________
Terwagne_mericourt
Son murmure avait été entendu, et même mieux que cela, compris... Au-delà des mots qu'elle avait eu si dur à pousser au-delà de la frontière de ses lèvres, Soeur Wilgeforte avait bel et bien compris tout ce que ces quelques syllabes cachaient de détresse et d'appel à l'aide.

Lorsque celle-ci se tut, la Bailli sembla chercher à nouveau ses mots, hésiter, mais aussi manquer d'air, ouvrant par instant la bouche comme si elle cherchait à simplement respirer, se libérer de tous ces poids qu'elle avait sur le coeur depuis plusieurs jours... Parce que oui, des poids et des dilemmes, elle en ressentait non pas un, mais plusieurs.

Par lequel commencer?

Finalement, il lui sembla que le seul dont elle pouvait sans doute s'ouvrir ouvertement à cette servante du Trés-Haut était celui qui concernait sa nièce...


C'est Anne_Blanche...

Un chuchotement, comme une aveu. La suite viendrait sans doute bien plus simplement maintenant que le nom était sorti...
Et ce fut le cas, en effet.


Je ne sais pas ce que je dois faire, ma soeur.

Elle m'a annoncé il y a peu son envie de partir, de tout quitter, de fuir ce qui lui pèse tant ici.

Et là, je ne sais pas quoi faire, voila...
Je ne sais pas, je suis partagée, tiraillée.

Tiraillée entre mon chagrin de la voir partir, elle qui est l'unique personne pour laquelle je suis restée dans ce Duché qui n'était pas le mien, où je ne connaissais personne, où je me sentais si peu à ma place lorsque je mourais moi-même du besoin de me chercher ailleurs,... et ma compréhension de ce besoin qui est le sien malgré tout.

Tiraillée entre mon amour pour elle, qui devrait me pousser à la comprendre, et ma déception - oserais-je dire ma colère? - de la voir m'abandonner seule ici où elle seule m'a longtemps retenue?

Tiraillée également entre ma peur de la voir se briser encore plus quand elle se rendra compte que fuir un duché n'est pas fuir son chagrin, que où qu'elle aille celui-ci ferra partie d'elle, et mon envie de lui dire "partons ensemble, vous et moi".


Norf! Pourquoi avait-elle été jusqu'à ce point de ses aveux, qui à présent aboutissaient sur le second de ses dilemmes? Une petite grimace de contrariété barra soudain son front, alors qu'elle mordait sa lèvre, comme pour se punir de n'avoir pas retenus les derniers mots.
_________________
Wilgeforte_
Wilgeforte écouta Terwagne vider son sac. De temps en temps, elle hochait la tête en signe de compréhension. Pourtant, il y avait des choses qu’elle ne comprenait pas. Optant pour la carte de l’honnêteté, elle dit ceci lorsque Terwagne eut terminé :

Ma chère fille, j’entends la majeure partie de vos interrogations, bien qu’une partie reste obscure. Je connais fort bien la dame de la Mure — c’est d’ailleurs, je pense, grâce à son truchement que j’ai la chance de vous connaître. Et je suis bien évidemment au fait de ses problèmes, bien qu’elle ne m’en ait pas parlé personnellement.

Vous êtes sa nièce, n’est-ce pas ? Connaissez-vous le septième logion de Christos ?
    Christos disait : « L’amour que l’on porte à nos parents ne ressemble ni à celui que l’on voue à notre conjoint, ni à l’amitié que l’on offre à nos amis. Cet amour se trouve sans doute entre les deux, fait de l’un et de l’autre. C’est ainsi qu’il faut aimer Dieu. »
Cela explique peut-être pourquoi c’est vous qui venez en ce lieu, alors que c’est peut-être à elle que ce serait le plus utile. Cela explique aussi pourquoi vous avez envie de rester avec elle quoiqu’elle fasse. Mais cela ne vous exempte pas de devoir la raisonner.

C’est à ce sujet que des zones obscures m’empêchent de vous conseiller efficacement. Vous dites qu’Anne fuit son chagrin et que ce chagrin est lié au duché. De quel chagrin précisément parlez-vous ?
_________________
Terwagne_mericourt
Sa nièce? Ah non, non! Je ne suis pas sa nièce, je suis sa...

Sa quoi au juste d'ailleurs?
Il y a les liens du coeur, et les liens du sang...
Ceux qui pour elle n'étaient rien en comparaison des autres, et qui pourtant aujourd'hui se rappelaient à elle dans toute la douleur qu'elle en ressentait.


Je suis sa tante étrangère, je crois.

C'est compliqué, et moi-même je ne sais plus trop bien, depuis un certain geste qui m'a fait perdre la mémoire, je vous avais déjà parlé il me semble...

Je pense que j'étais la fiancée d'un de ses oncles, et que ce sera lui qui m'aura quitté pour je ne sais quelle raison.
Anne et moi avons depuis lors continué à nous appeler tante et nièce, entre nous, mais il n'y a pas de lien de sang, juste un lien que je concevais comme bien plus fort, pour ma part...

Je croyais que elle aussi, j'en étais persuadée, et aujourd'hui pourtant, j'ai soudain l'impression qu'elle me jette à la face ce non-lien sanguin entre nous.


Sanglot retenu, douloureux, regard qui fuit, mains qui s'étreignent nerveusement, encore et encore.

Pour en revenir à son chagrin, il n'est pas vraiment lié à ce Duché, d'après ce que j'en pense.

Elle souffre de cette solitude dont elle parle sans cesse, de cette absence de famille suite aux abandons -voulus ou non voulus - de tous les membres de sa véritable famille...

Son père parti rejoindre le soleil, sa mère ensuite, son frère après, sa soeur dans un couvent où elle semble elle aussi prête à en faire de même fort souvent, et son parrain parti vers le Berry.

Pour seule famille, moi, une étrangère qui avait cru que... Je me suis trompée, voila!

Mais comme je vous le disais, fuir ce Duché ne lui rendra pas ce qu'elle a perdu, elle se trompe... Au mieux cela l'aidera à se trouver elle, et Aristote sait à quel point je le lui souhaite, vraiment. Mais comme j'ai peur aussi, peur de sa déception si elle se trompe.

Alors j'hésite, je me dis que je vais l'accompagner, partir avec elle, pour être là si elle a besoin d'une épaule, mais...

Elle n'a sans doute pas envie de la présence de cette étrangère que je suis.

Et puis, je ne sais pas si me mettre à fuir moi aussi ce Duché où j'ai tant à donner, tant à vivre, mais où je suis en ce moment tellement tiraillée serait vraiment fort malin et courageux de ma part.

_________________
Wilgeforte_
Wilgeforte mordilla presque imperceptiblement sa lèvre inférieure quand elle se rendit compte qu’elle s’était trompée. Pour l’irréprochabilité, on repassera. Elle redoubla d’attention pour ce que lui disait Terwagne.

J’ignorais tous ces détails concernant vos liens de parenté. Mais je comprends à présent mieux votre désarroi : devant une situation d’une telle complexité, moi-même je serai fortement ébranlée.

Il convient également de penser à ce que doit ressentir Anne : la perte de Gabriel fut un déchirement pour moi qui le connaissais à peine. Je savais pertinemment bien qu’il avait rejoint le paradis solaire et qu’il goûtait aux délices éternelles et, pourtant, j’ai énormément pleuré. Je n’ose à peine imaginer ce que cela fut pour Anne, qui était sa sœur.
Rajoutons à cela une hérauderie cherchant à souiller la mémoire de l’à peine décédé et tous les autres évènements familiaux tragiques que vous me listez là, et nous comprendrons que la dame de la Mure soit pour le moins ébranlée.

Cependant, sa réaction envers vous est d’une part injuste, d’autre part contradictoire et, en plus de tout cela, extrêmement blessante. Il est donc normale que vous soyez vous aussi peinée, d’autant plus que je sais avec certitude que vos intentions sont pures. Mais les siennes le sont probablement aussi.

Elle marqua une courte pause, à fois pour laisser du temps à Terwagne pour réfléchir ce qu’elle venait de dire et pour se laisser du temps à elle-même pour réfléchir à ce qu’elle allait dire.


Cette situation est d’une complexité à laquelle vous n’êtes pas habituée, mais je ne le suis pas plus que vous… Nous sommes peu de choses face à l’impénétrabilité de Ses voies.
Anne vous a-t-elle fait part de tout cela de vive voix ? Comment avez-vous réagi ?
_________________
Terwagne_mericourt
Que toutes ces absences devaient être bien difficiles à supporter et à affronter pour sa nièce, Terwagne le savait, le comprenait, cela ne faisait aucun doute, oui... Cette histoire de hérauderie aussi, elle savait très bien à quel point cela faisait soufrir Anne et l'indignait...

Mais justement, elle ne demandait pas mieux que de l'aider, de lui apporter son soutient, son épaule, son amour. Sauf que... Comment?


Certes non, elle ne m'a dit tout cela de façon aussi limpide, loin de là-même.

Elle a amené le sujet de son départ en partant de sa déception de ce qui se passe au niveau politique dans ce Duché.

Déception que je comprends, soyons francs, mais cela n'était qu'une entrée en matière, avant de me reprocher de ne pas la comprendre, moi qui avait une soeur, un fiancé, des gens qui m'aimaient, alors qu'elle n'avait personne...

Personne, voila! Ensuite elle s'est mise à citer des tombes et des absents... Je n'avais donc aucune place dans les "siens", c'était on ne peut plus clair.

Et la voila ensuite qui parle d'aller chercher réconfort où je ne sais quoi chez des amies nobles de sa défunte mère... Des inconnues et étrangères qui visiblement seraient donc plus à même de la comprendre que moi...

Quant à ma réaction, et bien... Je ne sais comment réagir, je suis perdue, me dis de plus en plus que peut-être qu'au fond elle a raison, je ne la comprends pas, je ne parviens pas à l'aider.

Je n'ai ni l'instinct maternel, ni l'instinct familial, je présume...

J'ai commencé par lui parler de mon chagrin si elle s'en allait, ce qui l'a mise en colère, la faisant m'accuser de lui mettre un poids sur les épaules. Ensuite je l'ai encouragée à partir, si elle était certaine d'être plus heureuse ailleurs et de ne pas le regretter.

Mais là non plus, ça ne lui convenait pas, elle a pris congé en me saluant comme une étrangère.

Un simple "Le Très-haut vous garde, Dame." accompagné d'une courbette, pour bien marquer cette distance entre nous. Je crois que c'est cela qui m'a le plus blessée, au fond.


Long silence, comme pour reprendre pied hors du chagrin qui l'envahissait à l'évocation de cette dernière entrevue avec la jeune fille...

Hum... Non, décidément, l'accompagner ne serait pas une bonne chose, elle ne me l'a pas demandé, que du contraire, et refuserait sans doute.

C'est de se retrouver seule face à elle-même, quitte à se faire mal et revenir, qu'elle a besoin, je m'en rends de plus en plus compte.

Je vais l'attendre et prier pour elle... Ici ou ailleurs, selon que...
Selon que j'arrive moi aussi à me trouver et me comprendre, faire un choix ou fuir pour ne pas le faire.

_________________
Wilgeforte_
Wilgeforte écoutait, écoutait toujours. Sa vie était partagée entre la lecture et l’écoute : elle s’imprégnait sans cesse de la sagesse de ceux qui sont considérés comme sages et de ceux qui ne le sont pas. Or, elle estimait que l’apport des seconds était tout aussi important que celui des premiers.

Ce que vous dites me surprend par certains aspects et ne m’étonne guère par d’autres. Une réaction aussi peu tempérée sied fort peu à l’Anne que je connais, mais cette froideur distante qu’elle aime à mettre pour mieux nous faire goûter de la chaleur qu’elle nous offre par après est caractéristique de la dame de la Mure.

Mais vous non plus, je ne vous reconnais guère, ma chère enfant. De tous temps, je vous ai connue volontaire, active et décidée. Ici, vos desseins se bornent à la prière. La prière est évidemment chose fort importante, mais vous ne serez jamais certaine d’être entendue par le Très-Haut. Plus que tout, ce sont nos actes qui importent.

Ils importent d’abord parce qu’eux seuls, fors une directe action de Dieu, peuvent changer le cours des choses. Ils importent ensuite parce que, lorsque vous serez jugée par Lui, eux seuls compteront : vous ne serez évaluée qu’en fonction de ce que vous avez fait. Et, en l’occurrence, pensez-vous que votre attitude soit la plus vertueuse ?

Vous dites ne pas avoir l’instinct familial et préférer dès lors vous concentrer sur la prière. Croyez-vous réellement que le sens des responsabilités familiales soit de l’ordre de l’inné ? Je suis une fervente partisane d’une doctrine selon laquelle l’inné ne définit que très peu les humains : selon moi, c’est l’acquis qui détermine réellement nos personnes. Cela implique de constamment éviter de sombrer dans l’acédie. Or, je vous le dis comme je vous le pense, votre baissage de bras me semble constituer une marque d’acédie.

Wilgeforte était pleinement consciente de la dureté de ses propos, mais elle était également persuadée que c’était ce don Terwagne avait besoin. Elle tenta d’enfoncer le clou en levant une nouvelle fois son marteau rhétorique :

Lors d’une visite dans une galerie au castel de Lyon, j’ai pu admirer les armoiries de tous les conseiller provinciaux, et donc les vôtres. J’ai ainsi pu constater que vous aviez choisi un cri d’armes des plus limpides : « Tout sauf subir ». Et maintenant, dans la situation qui nous préoccupe, pensez-vous réellement que vous faites honneur à ce cri ? Ce cri est celui que vous, dame de Thauvenay, hurlez sur un champ de bataille afin que vos soldats se rallient à vous. Si vos soldats vous voyaient en ce moment, plus jamais ils ne vous suivraient quand vous crierez « Tout sauf subir », tant vous êtes passive dans cette situation.

Mon enfant, il faut vous reprendre en main. Je vous l’ai dit : la prière est une preuve de piété, mais elle ne suffit pas. Il faut que vous agissiez personnellement. Un proverbe très répandu n’est-il pas « Aide-toi, et le Ciel t’aidera » ?

Wilgeforte, au teint habituellement si pâle, avait à présent les joues rougies par l’exultation et l’emportement qu’elle avait mis dans sa diatribe. Elle guettait maintenant la réaction de Terwagne.
_________________
Terwagne_mericourt
L'acédie... Le mot était lâché... Ce mot qui sans cesse depuis deux jours lui venait en tête pour définir la pente sur laquelle elle se sentait glisser, à une vitesse vertigineuse.

Blêmissant comme une femme devenue vieille croisant son reflet dans le miroir, mise en face de cette vérité qu'elle niait, elle baissa les yeux, dans une attitude encore une fois tellement en contradiction avec ce qu'elle avait été auparavant, une battante!

Mais si cette allusion à l'acédie l'avait touchée, la suivante le fit plus encore, bien plus... Et dans l'autre sens...

A l'évocation de son cry d'arme, elle releva le menton, fixa un instant son interlocutrice, puis prononça d'une voix étrangement sûre d'elle ces mots.


"Tout sauf subir"...
Je l'ai choisi en effet, ce cry, parce qu'il me définissait tellement bien, il y a peu encore.

Merci de me l'avoir remis en mémoire... Merci...

"Tout sauf subir" !


Un sourire malgré tout un peu timide ponctua sa phrase, juste avant qu'elle ne prenne congé.

Je crois que vous avez raison, j'ai mieux à faire dans l'immédiat que de prier ici.
Je vous souhaite une excellente journée, et vous remercie encore.


Quelques minutes plus tard, elle avait quitté la Cathédrale, non sans avoir ramassé au passage la lettre à laquelle elle allait répondre ce soir sans faute.
_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)