Saens
Il avait l'il noirci comme du papier brûlé. C'était moche. Sous la peau mourante palpitaient les vaisseaux de madame Sang, qui faisaient leur uvre, braves vaisseaux refusant de lâcher l'affaire, à irriguer cette paupière de fin du monde. Au bord de l'Indre qu'il était. Il se dégourdissait les jambes par le froid de jeudi. Sous un ciel gris-blanc d'une neige pas encore décidée à tomber, qui se tâte, questionne le désert sans nuages. Saens leva le nez vers cette voûte toute pleine d'hésitation. Ils s'entendaient bien, lui aussi ne savait jamais trop rien. Il avait en tête les déclarations d'une mairesse du Poitou, Saens, vous me brûlez. Navré. Mais navré seulement car au fond, navré c'est bien moins que désolé, c'est un navet mou, vert fade, sur une terre verglacée et brumale, et ces navets-là ne s'excusent pas. Il s'arrêta, consulta les rouages de son esprit ; ses pensées sur le navet le menèrent à une nouvelle maxime : dans ta pipe, plus jamais ne mélange jusquiame et belladone. Tu divagues.
Il baissa le nez vers l'Indre glougloutante. Il aurait bien aimé être l'Indre pour un jour. Vocation mouillée, râtée. Et de marcher encore le long de la berge sans trop penser à rien, échevelé incertain et guère réveillé. Il se laissait conduire tout droit. Une branche lui érafla la joue, ou sa joue érafla la branche c'est selon, il éternua deux fois, rongea l'ongle de son index lardé d'albugos qu'il projeta sec dans la rivière - la rognure, pas l'index entier. Marcher c'était plein de toutes petites choses, un enchaînement de banalités corporelles sans grand intérêt, jusqu'à ce que le corps ait obtenu satiété. Alors plus aucune mèche ne dérange, le cou ne gratte plus, le caroncule est propre et l'on peut, délivré de l'ilotisme nerveux, penser, ou faire comme. Saens se contenta de regarder l'alentour, l'horizon proche d'un tournant feuillu, l'herbe aussi gêlée que lui - le froid l'avait pris aux coudes - et les rares bêtes volantes qui auraient senti le pain dans son bissac. Il ne s'arrêta pas encore.
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Il baissa le nez vers l'Indre glougloutante. Il aurait bien aimé être l'Indre pour un jour. Vocation mouillée, râtée. Et de marcher encore le long de la berge sans trop penser à rien, échevelé incertain et guère réveillé. Il se laissait conduire tout droit. Une branche lui érafla la joue, ou sa joue érafla la branche c'est selon, il éternua deux fois, rongea l'ongle de son index lardé d'albugos qu'il projeta sec dans la rivière - la rognure, pas l'index entier. Marcher c'était plein de toutes petites choses, un enchaînement de banalités corporelles sans grand intérêt, jusqu'à ce que le corps ait obtenu satiété. Alors plus aucune mèche ne dérange, le cou ne gratte plus, le caroncule est propre et l'on peut, délivré de l'ilotisme nerveux, penser, ou faire comme. Saens se contenta de regarder l'alentour, l'horizon proche d'un tournant feuillu, l'herbe aussi gêlée que lui - le froid l'avait pris aux coudes - et les rares bêtes volantes qui auraient senti le pain dans son bissac. Il ne s'arrêta pas encore.
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